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20/04/2017 | FRANCE | N°15-26181;15-28415

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 avril 2017, 15-26181 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° T 15-26.181 et W 15-28.415, qui attaquent le même arrêt ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° T 15-26.181 et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 15-28.415, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte sous seing privé du 3 décembre 2008, rédigé par la société d'expertise-comptable Cabinet Rocard, M. [N] a cédé à M. [K] les parts sociales com

posant le capital de la société La Chemineraie ; que M. [N] a déclaré dans l'acte que la soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° T 15-26.181 et W 15-28.415, qui attaquent le même arrêt ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° T 15-26.181 et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 15-28.415, rédigés en termes similaires, réunis :

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte sous seing privé du 3 décembre 2008, rédigé par la société d'expertise-comptable Cabinet Rocard, M. [N] a cédé à M. [K] les parts sociales composant le capital de la société La Chemineraie ; que M. [N] a déclaré dans l'acte que la société La Chemineraie n'était pas en état de cessation des paiements ; que par jugement du 11 mai 2009, la société La Chemineraie a été mise en liquidation judiciaire, la date de la cessation des paiements étant fixée au 30 novembre 2008 ; que M. [K] a assigné M. [N] et la société Cabinet Rocard en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour dire que M. [N] est tenu de réparer les préjudices subis par M. [K] en conséquence des vices ayant affecté son consentement lors de la cession le 3 décembre 2008, dire que la société Cabinet Rocard, en tant que rédacteur de l'acte de cession, est responsable envers M. [K] pour manquement à son obligation d'information et de conseil, et condamner M. [N] et la société Cabinet Rocard à payer des dommages-intérêts, l'arrêt retient que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société La Chemineraie, désormais irrévocable, est passé en force de chose jugée de sorte que la date du 30 novembre 2008 pour déterminer l'état de cessation des paiements de cette société s'impose à tous et que la discussion qu'entendent faire M. [N] et la société Cabinet Rocard de la situation de la société La Chemineraie au jour de l'acte de cession, le 3 décembre 2008, manque de pertinence ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité et que s'il y a entre les deux litiges identité de cause et d'objet, de sorte que le juge, saisi d'une action dirigée contre le vendeur et le rédacteur d'un acte de cession de parts sociales par l'acquéreur prétendant que son consentement a été vicié et qu'il n'a pas été informé de la santé financière de la société dont les parts ont été cédées, n'est pas tenu par la date de cessation des paiements fixée par le tribunal qui a ouvert ultérieurement la liquidation judiciaire de cette société, et doit apprécier lui-même quelle était la situation de la société à la date de la cession et la connaissance que pouvaient en avoir le cédant et le rédacteur de l'acte de cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare les appels, principaux et incident, réguliers en la forme, l'arrêt rendu le 3 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;

Condamne M. [K] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette ses demandes et le condamne à payer à M. [N] et à la société Cabinet Rocard, chacun, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° T 15-26.181 par la SCP Marc Lévis, avocat aux conseils, pour M. [N].

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que M. [E] [N] était tenu de réparer les préjudices subis par M. [H] [K] en conséquence dit vice du consentement lors de la cession le 3 décembre 2008 de l'intégralité des parts sociales détenues par Monsieur [N] dans la Sart La Chemineraie et de l'avoir en conséquence condamné à payer à M. [H] [K] la somme de 54 000 euros à titre de dommages- intérêts en réparation de son préjudice économique, outre la somme de 9 487,99 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier accessoire et celle de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE par acte sous seing privé en date du 3 décembre 2008, Monsieur [E] [N] a cédé à Monsieur [H] [K] la totalité des parts sociales constituant le capital social de la société LA Chemineraie pour le prix global de 54 000 euros ; qu'au titre de la garantie d'actif et de passif, le cédant déclarait et garantissait notamment :
- que le bilan, le compte de résultat et l'annexe de la Sarl La Chamineraie arrêtés au 31/12/2007 étaient exacts et donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice clos à cette date et de la situation du patrimoine de cette société à la clôture de cet exercice,
- que l'acquéreur lui avait demandé de ne pas établir de situation comptable postérieure au 31/12/2007 et arrêtée à la date de cession des parts sociales,
- "que la SARL LA CHEMINERAIE a été régulièrement constituée, qu'elle a fonctionné conformément à la loi depuis sa constitution et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une procédure de règlement, de redressement, de liquidation des biens ou de liquidation judiciaire",
-"que la SARL LA CHEMINERAIE a. depuis le 5 février 2005 jusqu'à ce jour, été gérée en bon père de famille de telle sorte qu'aucun actif n'a été aliéné, ni passif créé excédant les besoins de fonctionnement de la société antérieurement au 31 décembre 2007"; que par jugement rendu le 11 mai 2009, le tribunal de commerce de Chaumont a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la société La Chemineraie, fixant au 30 novembre 2008 la date de cessation des paiements ; que cette décision, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, a acquis force de chose jugée et s'impose à tous ; que si la date de cessation des paiements avait été fixée à titre provisoire, elle n'a pas été modifiée dans la suite de la procédure, de sorte qu'elle est devenue définitive ;

Que le tribunal ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société a constaté l'état de cessation des paiements et en a fixé la date au regard des déclarations du débiteur, Monsieur [K], mais aussi au regard des pièces versées à l'appui de sa déclaration, et notamment de l'inventaire des biens de l'entreprise, du dernier exercice comptable et du nombre de salariés ; que Monsieur [N] ne démontre pas que cette décision reposerait sur des éléments falsifiés par Monsieur [K], nouveau gérant de la société, ni que ce dernier ait eu la maîtrise de la société avant la cession des parts ; que dès lors que la constatation de l'état de cessation des paiements au 30 novembre 2008, date à laquelle Monsieur [N] avait encore la jouissance des parts, cédées le 3 décembre 2008, est opposable au cédant, sans qu'il y ait lieu de rechercher si, après la cession et le transfert effectif des parts, la gestion de la société a pu s'aggraver du fait des agissements du cessionnaire ; qu'il est certain que Monsieur [K], lors de la cession, n'a pas eu une connaissance exacte de la situation véritable de la société La Chemineraie et que si tel avait été le cas, il n'aurait manifestement pas contracté ; qu'en conséquence il y a eu, de la part de Monsieur [K], erreur sur un élément déterminant la survie de la société, et donc sur les qualités substantielles des parts sociales acquises, au sens des dispositions prévues par l'article 1110 du code civil, de sorte que le cessionnaire ne pouvait poursuivre l'activité économique constituant l'objet social de la société ; que Monsieur [N] sera déclaré responsable de cette erreur, pour laquelle Monsieur [K] ne sollicite pas l'annulation de la vente, ladite société étant liquidée, mais l'octroi de dommages et intérêts ;

ET AUX MOTIFS PROPRES QUE les appelants critiquent la décision entreprise qui a retenu la date de cessation des paiements fixée par le jugement de liquidation judiciaire de la sarl La Cheminaire alors que selon eux cette date n'a pas l'autorité de la chose jugée et n'a été fixée que provisoirement, la SA cabinet Rocard ajoutant que la date de cessation des paiements a été fixée sur la déclaration unilatérale faite par M. [H] [K] sans avoir été tranchée dans le cadre d'un débat judiciaire ;qu'ils soutiennent ensemble que la situation de la Sarl La Chemineraie était saine au jour de la cession, contestant ainsi tout état de cessation des paiements à cette date ; mais attendu que par jugement irrévocable en date du 11 mai 2009, le tribunal de commerce de Chaumont, en ouvrant la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sarl La Chemineraie, a constaté l'état de cessation des paiements de cette société et fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2008 ; que s'il est certes précisé dans le dispositif de cette décision que la date de cessation des paiements est fixée provisoirement, c'est par référence aux dispositions du code de commerce permettant de décider, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et dans un certain délai, du report de la date de cessation des paiements ; que pour autant, il est constant que la date de cessation des paiements ainsi fixée au 30 novembre 2008 n'a donné lieu à aucun jugement de report ; qu' il s'ensuit que le jugement précité, désormais irrévocable, est passé en force de chose jugée, de sorte qu'ainsi que l'a justement retenu le tribunal par des motifs pertinents, la date du 30 novembre 2008 pour déterminer l'état de cessation des paiements de la Sarl La Chemineraie s'impose à tous nonobstant ce que prétendent les appelants ; que la discussion qu'entendent faire les appelants de la situation de la Sarl La Chemineraie au jour de l'acte de cession, le 3 décembre 2008, manque dès lors de pertinence ; que les critiques faites par M. [E] [N] de la décision entreprise tiennent pour l'essentiel à contester la date de cessation des paiements et à prétendre que la situation de la société était parfaitement saine lors de la cession des parts sociales, ce qui manque de pertinence ainsi qu'il vient d'être vu ; qu'il soutient par ailleurs que le cessionnaire était parfaitement informé et avait en sa possession tous les documents utiles ;mais attendu que l'acte de cession du 3 décembre 2008 comporte, en page 2 au paragraphe "déclarations du cédant et du cessionnaire" que le cédant, M. [E] [N], déclare "que la Sarl La Chemineraie n'est pas en état de cessation des paiements", mention qui est inexacte de façon incontestable ; que cette mention inexacte a induit en erreur M. [H] [K] sur les qualités substantielles des parts sociales dont il se portait acquéreur, sans que le cédant puisse se prévaloir utilement de la mention faite à l'acte au même paragraphe des déclarations du cédant qui déclare "que l'acquéreur lui a demandé de ne pas établir de situation comptable postérieure au 31 décembre 2007 et arrêtée à la date de cessation des parts sociales", dès lors qu'une telle formule ne pouvait en aucun cas le dispenser de présenter la situation exacte de la société et donc de signaler la cessation des paiements ; que Monsieur [N] ne peut prétendre imputer à une gestion défaillante de la part de M. [H] [K] la cessation des paiements alors que l'acte de cession des parts sociales intervenant le 3 décembre 2008 en toute fin d'exercice de l'année 2008, il ne rapporte aucunement la preuve que M. [H] [K] ait pris les rênes de la société avant la signature de la cession alors que lui-même restait unique associé et gérant jusqu'à cette date ; qu'il est certain, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que M. [H] [K], sans expérience antérieure de gestion d'une entreprise, s'il avait connu précisément la réalité de la situation de la Sarl La Chemineraie, n'aurait pas fait l'acquisition des parts sociales d'une société dont la survie était compromise ; que si certes la cessation des paiements n'induit pas à elle seule l'impossibilité de toute poursuite d'activité économique comme le fait observer l'appelant, il n'en demeure pas moins que l'acquéreur, laissé dans l'ignorance de la réalité de la situation de la société et bercé par l'illusion de bonne santé affirmée dans les déclarations du cédant, n'a pu prendre les mesures immédiates de nature à redresser la société, de sorte que la liquidation judiciaire a été rapidement prononcée dès le 5 mai 2009 lors du constat de la situation irrémédiablement compromise de la Sarl La Chemineraie ; que dès lors la discussion qu'entend faire le cédant de différents

postes comptables est sans emport ; qu'ainsi, l'acquisition des parts est viciée par l'erreur sur les qualités substantielles provoquée par l'affirmation dolosive de la situation saine de la société, puisque M. [H] [K] a fait l'acquisition de parts d'une société ne pouvant poursuivre la réalisation de son objet social, donc de parts n'ayant pas la moindre valeur ; qu' s'ensuit que M. [E] [N] doit être condamné à indemniser le préjudice de M. [H] [K] par l'allocation, à titre de dommages-et-intérêts, de
- la somme de 54 000 euros correspondant au prix versé à perte pour l'acquisition de parts dénuées de la moindre valeur,
- la somme de 9 487,99 euros en réparation du préjudice financier accessoire, au titre des intérêts et frais dont était assorti le prêt bancaire de 30 000 euros que l'intéressé justifie avoir contracté auprès de la Banque populaire Champagne pour l'acquisition de parts sociales, selon acte authentique du 11 décembre 2008 avec affectation hypothécaire au bénéfice du prêteur,
- la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral de M. [H] [K] qui a vu échouer ainsi son projet professionnel de reprise d'une entreprise porteuse de promesses d'avenir à de 25 ans ; qu'il convient en conséquence de retenir comme dit par les premiers juges la responsabilité de M. [E] [N] mais d'infirmer la décision entreprise quant aux réparations mises à la charge de ce dernier ;

ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et qu'elle soit formée entre les mêmes parties ; que le jugement d'ouverture de la procédure collective n'a pas, en ce qui concerne la date de cessation des paiements, autorité de la chose jugée à l'égard du cédant des parts sociales de la société actionné par le cessionnaire en nullité de la cession pour vice du consentement ; qu'en fondant uniquement sa décision sur le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 11 mai 2009 , sans procéder elle-même à la détermination de la date de cessation des paiements de la société La Chemineraie, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil.Moyens produits au pourvoi n° W 15-28.415 par la SCP Gaschignard, avocat aux conseils, pour la société Cabinet Rocard.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Cabinet Rocard, en tant que rédacteur de l'acte de cession de parts sociales du 3 décembre 2008, était responsable envers M. [H] [K], cessionnaire pour manquement à son obligation d'information et de conseil, et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à M. [K] la somme de 49.680 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique, celle de 8.728,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier accessoire, et la somme de 1.840 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, ces condamnations étant prononcées in solidum entre le Cabinet Rocard et M. [N] dans la limite des montants mis à la charge de la société Cabinet Rocard,

AUX MOTIFS propres QUE « sur la date de cessation des paiements : attendu que les appelants critiquent la décision entreprise qui a retenu la date de cessation des paiements fixée par le jugement de liquidation judiciaire de la Sarl La Chemineraie, alors que selon eux cette date n'a pas l'autorité de la chose jugée et n'a été fixée que provisoirement, la SA cabinet Rocard ajoutant que la date de cessation des paiements a été fixée sur la déclaration unilatérale faite par M. [H] [K] sans avoir été tranchée dans le cadre d'un débat judiciaire ; qu'ils soutiennent ensemble que la situation de la Sarl La Chemineraie était saine au jour de la cession, contestant ainsi tout état de cessation des paiements à cette date ; Mais attendu que par jugement irrévocable en date du 11 mai 2009, le tribunal de commerce de Chaumont, en ouvrant la procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sarl La Chemineraie, a constaté l'état de cessation des paiements de cette société et fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2008 ; que s'il est certes précisé dans le dispositif de cette décision que la date de cessation des paiements est fixée provisoirement, c'est par référence aux dispositions du code de commerce permettant de décider, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et dans un certain délai, du report de la date de cessation des paiements ; que pour autant, il est constant que la date de cessation des paiements ainsi fixée au 30 novembre 2008 n'a donné lieu à aucun jugement de report ; qu'il s'ensuit que le jugement précité, désormais irrévocable, est passé en force de chose jugée, de sorte qu'ainsi que l'a justement retenu le tribunal par des motifs pertinents, la date du 30 novembre 2008 pour déterminer l'état de cessation des paiements de la Sarl La Chemineraie s'impose à tous nonobstant ce que prétendent les appelants ; que la discussion qu'entendent faire les appelants de la situation de la Sarl La Chemineraie au jour de l'acte de cession, le 3 décembre 2008, manque dès lors de pertinence ; qu'au surplus, il sera simplement observé

qu'il est particulièrement mal venu de la part de la SA cabinet Rocard de prétendre que le passif exigible de la Sarl La Chemineraie était inférieur à l'actif, alors qu'en tant que spécialiste de la comptabilité, elle est bien placée pour savoir que la cessation des paiements ne s'établit pas par la lecture d'un bilan et que, connaissant nécessairement la notion de cessation des paiements définie par rapport à l'actif disponible, elle n'hésite pourtant pas à intégrer dans l'actif disponible les installations, matériels et autres immobilisations qui ne peuvent être pris comme des éléments d'actif facilement et rapidement réalisables pour être qualifiés d'actif disponible » (arrêt p. 4-5),

ET AUX MOTIFS adoptés QUE « par acte sous seing privé en date du 3 décembre 2008, Monsieur [E] [N] a cédé à Monsieur [H] [K] la totalité des parts sociales constituant le capital social de la société LA CHEMINERATE pour le prix global de 54.000 euros; Attendu qu'au titre de la garantie d'actif et de passif, le cédant déclarait et garantissait notamment : -que le bilan, le compte de résultat et l'annexe de la SARL LA CHEMINERAIE arrêtés au 31/12/2007 étaient exacts et donnaient une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice clos à cette date et de la situation du patrimoine de cette société à la clôture de cet exercice, - que l'acquéreur lui avait demandé de ne pas établir de situation comptable postérieure au 31/12/2007 et arrêtée à la date de cession des parts sociales, - "que la SARL LA CHEMINERAIE a été régulièrement constituée, qu'elle a fonctionné conformément à la loi depuis sa constitution et qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une procédure de règlement, de redressement, de liquidation des biens ou de liquidation judiciaire", -"que la SARL LA CHEMINERAIE a, depuis le 5 février 2005 jusqu'à ce jour, été gérée en bon père de famille de telle sorte qu'aucun actif n'a été aliéné, ni passif créé-excédant les besoins de fonctionnement de la société antérieurement au 31 décembre 2007"; Attendu que par jugement rendu le 11 mai 2009, le Tribunal de commerce de CHAUMONT a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la société LA CHEMINERAIE, fixant au 30 novembre 2008 la date de cessation des paiements ; Attendu que cette décision, qui n'a fait l'objet d'aucun recours, a acquis force de chose jugée et s'impose à tous ; Que si la date de cessation des paiements avait été fixée à titre provisoire, elle n'a pas été modifiée dans la suite de la procédure, de sorte qu'elle est devenue définitive ; Que le tribunal ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société a constaté l'état de cessation des paiements et en a fixé la date au regard des déclarations du débiteur, Monsieur [K], mais aussi au regard des pièces versées à l'appui de sa déclaration, et notamment de l'inventaire des biens de l'entreprise, du dernier exercice comptable et du nombre de salariés ; Que Monsieur [N] ne démontre pas que cette décision reposerait sur des éléments falsifiés par Monsieur [K], nouveau gérant de la société, ni que ce dernier ait eu la maîtrise de la société avant la cession des parts ; Attendu dès lors que la constatation de l'état de cessation des paiements au 30 novembre 2008, date à laquelle Monsieur [N] avait encore la jouissance des parts, cédées le 3 décembre 2008, est opposable au cédant, sans qu'il y ait lieu de rechercher si, après la cession et le transfert effectif des parts, la gestion de la société a pu s'aggraver du fait des agissements du cessionnaire ; Attendu qu'il est certain que Monsieur [K], lors de la cession, n'a pas eu une connaissance exacte de la situation véritable de la société LA CHEMINERAIE, et que si tel avait été le cas, il n'aurait manifestement pas contracté ; Attendu en conséquence qu'il y a eu, de la part de Monsieur [K], erreur sur un élément déterminant la survie de la société, et donc sur les qualités substantielles des parts sociales acquises, au sens des dispositions prévues par l'article 1110 du Code Civil, de sorte que le cessionnaire ne pouvait poursuivre l'activité économique constituant l'objet social de la société » (jugement p. 4-5),

1°) ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité, et que s'il y a entre les deux litiges identité de cause et d'objet ; qu'en retenant en l'espèce que le jugement du tribunal de commerce du 11 mai 2009 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société La Chemineraie et fixé la date de cessation des paiements au 30 novembre 2008, était devenu irrévocable, de sorte que la date de cessation des paiements fixée par ce jugement s'imposait à tous et que la discussion soulevée par les appelants quant à la situation de cette société au jour de l'acte de cession, le 3 décembre 2008, manquait de pertinence, quand le juge saisi d'une action en responsabilité à l'encontre de la société Cabinet Rocard, expert-comptable rédacteur de l'acte de cession, n'était pas tenu par la date de cessation des paiements fixée par le jugement ayant prononcé, après la cession, la liquidation judiciaire de la société cédée, faute d'identité de parties, de cause et d'objet entre les deux instances, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble les articles L. 631-1, L. 631-8 et L. 641-1 du code de commerce.

2°) ALORS QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'en l'espèce, il appartenait à M. [K], cessionnaire des parts de la société La Chemineraie, qui invoquait la responsabilité de la société Cabinet Rocard pour ne pas l'avoir averti de la situation de cessation des paiements de cette société à la date de la cession, le 3 décembre 2008, de démontrer la réalité de cette situation de cessation des paiements à cette date ; qu'en retenant, pour condamner la société Cabinet Rocard à réparation, qu'il était mal venu de la part de celle-ci de prétendre que le passif exigible de la Sarl La Chemineraie était inférieur à l'actif, alors qu'en tant que spécialiste de la comptabilité elle était bien placée pour savoir que la cessation des paiements ne s'établit pas par la lecture d'un bilan, quand il appartenait à M. [K] de démontrer que la société La Chemineraie se trouvait en état de cessation des paiements à la date de la cession, le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire fixant la cessation des paiements au 30 novembre 2008 n'ayant pas autorité de la chose jugée à cet égard, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.

SUR LE

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Cabinet Rocard, en tant que rédacteur de l'acte de cession de parts sociales du 3 décembre 2008, était responsable envers M. [H] [K], cessionnaire pour manquement à son obligation d'information et de conseil, et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à M. [K] la somme de 49.680 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique, celle de 8.728,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier accessoire, et la somme de 1.840 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, ces condamnations étant prononcées in solidum entre le Cabinet Rocard et M. [N] dans la limite des montants mis à la charge de la société Cabinet Rocard,

AUX MOTIFS propres QU'« à l'égard de la SA Cabinet Rocard, rédacteur de l'acte de cession : la société appelante fait valoir qu'elle n'a été chargée d'une mission complète de comptabilité pour la Sarl La Chemineraie que pour l'année 2007, qu'elle ne disposait donc que des derniers comptes annuels clos au 31 décembre 2007 puisqu'il n'a pas été établi de situation intermédiaire au jour de la cession des parts suivant l'accord régularisé entre le cédant et le cessionnaire ; que son intervention au titre de la comptabilité de 2008 n'a été que ponctuelle, n'étant pas chargée de la comptabilité journalière et de la saisie quotidienne des opérations de la société contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ; que prétendant toujours que la société n'était pas en état de cessation des paiements au jour de la cession des parts sociales, elle ajoute que l'acquéreur avait en sa possession tous les documents et informations nécessaires pour signer en connaissance de cause cette cession et qu'il en a simplement fait une interprétation erronée ; qu'elle prétend opposer la règle nemo auditur à M. [K] qui était tenu de consulter un minimum les documents qui lui étaient fournis ; Attendu que M. [H] [K], précisant avoir fait toute confiance au comptable "historique" de la société ce pourquoi précisément il n'a pas demandé l'établissement d'une situation comptable plus proche de la cession, se prévaut du non-respect de l'obligation de conseil et de mise en garde à son égard dont était débiteur la SA cabinet Rocard en tant que rédacteur de l'acte sous seing privé de cession ; qu'il souligne que le prévisionnel pour les quatre premiers mois de 2008 a également été établi par la SA cabinet Rocard ; qu'il conteste avoir reçu le moindre projet ou présentation de projet comme prétendu par la partie adverse ; qu'il ajoute
que la faute du rédacteur est en lien direct de causalité avec le préjudice qu'il subit, puisque si la SA cabinet Rocard avait établi un prévisionnel correct et avait respecté son obligation de conseil, il n'aurait pas signé l'acte de cession, ce qui peut s'analyser en une perte de chance de ne pas contracter ; Mais attendu, ainsi que l'a fort justement rappelé le tribunal, que l'expert-comptable, qui accepte, en sortant des limites de sa mission purement comptable, dans l'exercice de ses activités accessoires de rédiger un acte sous seing privé pour le compte d'autrui, de plus contre rémunération, est tenu en sa qualité de rédacteur de l'acte juridique, d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l'opération projetée ; qu'il sera souligné que la mission de rédaction ainsi confiée à la SA cabinet Rocard a fait l'objet d'une facturation séparée le 13 janvier 2009 pour un total de 1 454,20 € qui lui a été réglé ; Attendu que s'il n'est pas contesté que la SA cabinet Rocard avait une mission complète de tenue de la comptabilité de la Sarl La Chemineraie pour l'année 2007, elle ne produit pas la lettre de mission qui lui a été confiée par cette société, qui seule permettrait de vérifier l'étendue de la mission qui ne peut être appréciée au vu des factures d'honoraires pour 2008 produites par l'appelant incident, étant observé que la note d'honoraires établie pour "2ème acompte sur travaux de l'exercice, exercice clos au 31/12/2008" est des plus imprécises sur la nature des travaux en question ; qu'en tout état de cause, à supposer même que son intervention en tant qu'expert-comptable ait été comme elle le prétend d'une étendue limitée sur le courant de l'année 2008 restée pourtant sous la gestion de l'ancien dirigeant, M. [H] [K] jusqu'à la cession du 3 décembre 2008, la tâche qu'elle acceptait alors d'accomplir, en rédigeant sur la fin de l'exercice 2008 un acte de cession portant sur l'intégralité des parts sociales composant le capital social de la Sarl La Chemineraie, ne pouvait que de plus fort l'amener à s'intéresser à la comptabilité de cette société pour les mois précédent la cession, et ce afin précisément d'être en mesure de satisfaire à l'obligation d'information et de conseil pesant sur elle ; que notamment elle se devait de vérifier la cohérence entre le prévisionnel relatif à la période de janvier à avril 2008, dont il n'est pas contesté qu'elle l'a elle-même établi dans ses fonctions d'expert-comptable, avec les chiffres réellement enregistrés ; que surtout le conseil élémentaire de prudence était de préconiser à l'acquéreur l'établissement d'une situation comptable arrêtée à une date plus proche de la date de cession, alors que l'acte devait être signé sur la fin de l'exercice 2008 clos au 31 décembre 2008, et de l'alerter précisément des risques à se contenter d'une présentation comptable déjà ancienne avec un bilan reflétant la situation un an auparavant ; Attendu qu'à cet égard, il convient de rappeler que, l'obligation d'information et de conseil pesant sur le professionnel, c'est à ce dernier de rapporter la preuve de ce qu'il s'en est acquitté ; que cette obligation du professionnel ne cède pas devant l'examen et l'analyse que peut faire par lui-même l'acquéreur des documents fournis, d'autant qu'il est constant en l'espèce que M. [H] [K] était parfaitement novice en matière de gestion et direction d'entreprise et ne possédait aucune compétence particulière en matière de comptabilité de par sa formation professionnelle couronnée par un brevet d'études professionnelles dans les métiers de l'électronique ; que pour prétendre avoir satisfait à son obligation, la SA cabinet Rocard ne peut se contenter de se référer à ce qui, dans l'acte de cession conclu entre M. [E] [N] et M. [H] [K], n'est que la transcription d'une déclaration du cédant indiquant que "l'acquéreur lui a demandé de ne pas établir de situation comptable postérieure au 31 décembre 2007 et arrêtée à la date de cession des parts sociales" ; qu'il lui appartenait en effet de mettre en garde directement l'acquéreur, ce dont la SA cabinet Rocard ne justifie aucunement ; qu'en effet, ni la copie d'une page de son agenda tenu unilatéralement, ni les documents de travail annotés dont rien ne démontre qu'ils ont été portés à la connaissance de M. [H] [K] n'ont de valeur probante ; que si M. [H] [K] admet avoir eu connaissance du prévisionnel des quatre premiers mois de 2008, il conteste avoir reçu des actes préparatoires et un projet ; que le document, produit en pièce 6 par M. [E] [N] et qualifié par M. [K] de suspect puisque n'y reconnaissant pas sa signature, laquelle apparaît effectivement très différente de la signature de l'intéressé sur l'acte de cession en cause et sur les différents courriers écrits par lui versés aux débats, ne peut en tout état de cause pas apporter d'élément pertinent à l'égard de la preuve du devoir d'information dû par la SA cabinet Rocard alors que par ce document M. [H] [K] est censé avoir reçu de M. [E] [N], et non de la part de la SA cabinet Rocard, les documents qui y sont listés parmi lesquels "proposition valant conditions de vente" ; Attendu que la SA cabinet Rocard s'est donc montrée défaillante dans l'information éclairée qu'elle se devait de donner à M. [H] [K], tout spécialement en ne l'alertant pas expressément des risques de l'acquisition en se fiant à une présentation comptable ancienne et largement dépassée » (arrêt p. 6-7),

ET AUX MOTIFS adoptés QU'« au titre de sa responsabilité professionnelle liée au devoir de conseil, l'expert comptable, qui accepte, dans l'exercice de ses activités juridiques accessoires, d'établir un acte sous seing privé pour le compte d'autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d'informer et d'éclairer de manière complète les parties, notamment sur la situation financière de la société dont les parts étaient cédées ; Attendu en l'espèce que le Cabinet SIMON a, par note d'honoraires en date du 13 janvier 2009, facturé à la société LA CHEMINERAIE, dont le gérant était alors Monsieur [K], des travaux juridiques consistant en l'établissement de l'acte de cessions de parts, l'enregistrement au Centre des Impôts, la modification des statuts, mais aussi l'assistance aux formalités... moyennant la somme de 1.454,20 euros TTC ; Attendu en outre que ce Cabinet d'expertise comptable avait pour mission auprès de l'EURL LA CHEMINERAIE, à l'époque de la cession litigieuse, et au regard de la note d'honoraires versée aux débats pour l'exercice du 1/01/2007 au 31/12/2007, de procéder notamment au: - classement, codification de l'ensemble des pièces comptables de l'exercice, - saisie informatique de l'ensemble des écritures, - édition des journaux, de la balance et du grand livre, - examen complet des comptes, pointages, écritures d'inventaire, - contrôle de la TVA, déclaration trimestrielle et annuelle CA 12, - mise à jour et tenue des livres obligatoires... Que la note d'honoraires sur l'exercice clos au 31/12/2008 fait en outre état de l'établissement des fiches de salaires mensuelles, et des déclarations sociales trimestrielles ; Attendu ainsi que le Cabinet ROCARD était en charge d'une mission complète de la comptabilité de la société LA CHEMINERAIE antérieurement à l'acte de cession de ses parts sociales ;Que de ce fait, ce Cabinet ne pouvait ignorer la situation financière précaire de la société au moment de l'acte de cession de ses parts du 3 décembre 2008; Qu'elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'était pas informée de la rémunération mensuelle prélevée par le gérant ; Attendu qu'elle avait été mandatée et rémunérée par Monsieur [K] pour la préparation et la rédaction de l'acte de cession ;Qu'il n'est pas démontré que les documents dits "préparatoires" à la cession de parts aient été soumis à Monsieur [K] pour consultation; Qu'à ce titre, elle a méconnu l'obligation de conseil et de mise en garde dont elle était redevable au sens des dispositions de l'article 1147 du Code Civil vis à vis de celui-ci, tant sur la situation de la société au jour de l'acte que sur le prévisionnel 2008, lequel s'est avéré erroné » (jugement p. 5-6)

1°) ALORS QUE la charge de la preuve de l'existence d'un contrat incombe à celui qui s'en prévaut ; que la société Cabinet Rocard faisait valoir en l'espèce qu'elle n'avait pas été chargée de la comptabilité complète de la société La Chemineraie pour l'année 2008, mais seulement d'établir les déclarations de TVA et les bulletins de salaires ; qu'en retenant que la société Cabinet Rocard ne produisait pas de lettre de mission qui seule permettrait de vérifier l'étendue de la mission qui lui avait été confiée pour l'année 2008, quand il appartenait à M. [K], qui soutenait que la société Cabinet Rocard, en tant qu'expert-comptable « historique » de la société La Chemineraie, ne pouvait ignorer la situation financière précaire de cette société à la date de la cession le 3 décembre 2008, de démontrer que le Cabinet Rocard avait été chargée de tenir la comptabilité complète de la société La Chemineraie pour l'année 2008, et la connaissance effective qu'il avait de la situation financière de cette société à la date de la cession, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil.

2°) ALORS QUE l'expert-comptable, rédacteur de l'acte de cession des parts d'une société, n'encourt aucune responsabilité pour manquement à son devoir de conseil pour ne pas avoir préconisé au cessionnaire l'établissement d'une comptabilité de la société cédée au jour de la cession, lorsque ce dernier a délibérément pris le risque de conclure l'acte de cession sans faire établir cette situation ; qu'en l'espèce, comme l'a constaté la cour
d'appel elle-même, l'acte de cession du 3 décembre 2008 comportait la déclaration du cédant que le bilan arrêté au 31 décembre 2007 avait été remis au cessionnaire, et que « l'acquéreur lui a demandé de ne pas établir de situation comptable postérieure au 31 décembre 2007 et arrêtée à la date de cession des parts sociales » ; qu'en retenant que la société Cabinet Rocard avait manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de M. [K] pour ne pas avoir préconisé à celui-ci l'établissement d'une situation comptable arrêtée à une date plus proche de la cession, quand M. [K] avait expressément renoncé dans l'acte à demander la comptabilité de la société à la date de la cession, et avait ainsi délibérément pris le risque d'acquérir les parts sociales sur la base de la comptabilité de l'année précédente, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

3°) ALORS QUE l'expert-comptable rédacteur d'un acte de cession de parts sociales ne saurait être tenu, dans le cadre de son devoir de conseil, de vérifier les informations fournies par son client s'il n'est pas établi qu'il disposait d'informations de nature à les mettre en doute ; qu'en retenant que la société Cabinet Rocard ne pouvait se contenter de se référer à une clause qui n'était que la transcription d'une déclaration du cédant selon laquelle le cessionnaire lui avait demandé de ne pas établir de situation comptable à la date de la cession, et qu'il lui appartenait de mettre en garde directement l'acquéreur, quand la société Cabinet Rocard n'était pas tenue de mettre en doute la déclaration de son client selon laquelle M. [K] avait délibérément choisi de renoncer à l'établissement d'une comptabilité à la date de la cession, ce qui déchargeait la société Cabinet Rocard de tout devoir de conseil à cet égard, la cour d'appel a violé encore l'article 1147 du code civil.

SUR LE

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(également subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Cabinet Rocard, en tant que rédacteur de l'acte de cession de parts sociales du 3 décembre 2008, était responsable envers M. [H] [K], cessionnaire pour manquement à son obligation d'information et de conseil, et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à M. [K] la somme de 49.680 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique, celle de 8.728,98 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier accessoire, et la somme de 1.840 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, ces condamnations étant prononcées in solidum entre le Cabinet Rocard et M. [N] dans la limite des montants mis à la charge de la société Cabinet Rocard,

AUX MOTIFS QUE « les risques d'un état de cessation des paiements n'aurait peut-être pas été signalés par la SA cabinet Rocard si elle avait rempli son obligation, eu égard à la conception singulière de la cessation des paiements soutenue par cette société dans le cadre de la présente procédure ; que pour autant, alerté par une information plus complète, M. [H] [K] aurait pu recourir à d'autres analyses et études quant à la société et sa viabilité, renoncer à l'acquisition ou maintenir sa décision d'achat mais à un prix moindre, toutes chances dont il a été directement privé par le fait fautif de la SA cabinet Rocard ; Attendu que le préjudice constitutif d'une perte de chance doit être réparé à la mesure de la chance perdue, qui en fonction des éléments soumis à l'appréciation de la cour sera fixée à 92 % dès lors que M. [H] [K] était jeune et sans expérience antérieure à la tête d'une entreprise ; qu'il s'ensuit que la SA cabinet Rocard sera tenue à concurrence de 92 % des dommages-intérêts mis à la charge de M. [E] [N], et ce in solidum dans cette limite dès lors que leurs fautes respectives ont concouru au même dommage ; qu'ainsi la SA cabinet Rocard sera condamnée à payer à M. [H] [K] la somme de : - 49 680 € sur le préjudice économique, - 8 728,95 € sur le préjudice financier, - 1 840 € sur le préjudice moral, le jugement entrepris étant dès lors réformé en ce sens » (arrêt p. 7-8),

ET AUX MOTIFS QU'« ainsi, l'acquisition des parts est viciée par l'erreur sur les qualités substantielles provoquée par l'affirmation dolosive de la situation saine de la société, puisque M. [H] [K] a fait l'acquisition de parts d'une société ne pouvant poursuivre la réalisation de son objet social, donc de parts n'ayant pas la moindre valeur ; qu'il s'ensuit que M. [E] [N] doit être condamné à indemniser le préjudice de M. [H] [K] par l'allocation, à titre de dommages-et-intérêts, de : - la somme de 54 000 € correspondant au prix versé à perte pour l'acquisition de parts dénuées de la moindre valeur, - la somme de 9 487,99 € en réparation du préjudice financier accessoire, au titre des intérêts et frais dont était assorti le prêt bancaire de 30 000 € que l'intéressé justifie avoir contracté auprès de la Banque populaire Champagne pour l'acquisition de parts sociales, selon acte authentique du 11 décembre 2008 avec affectation hypothécaire au bénéfice du prêteur, - la somme de 2 000 € en réparation du préjudice moral de M. [H] [K] qui a vu échouer ainsi son projet professionnel de reprise d'une entreprise porteuse de promesses d'avenir à l'âge de 25 ans » (arrêt p. 5-6),

1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, M. [K] faisait valoir dans ses conclusions d'appel que si le Cabinet Rocard avait exécuté son obligation de conseil et de mise en garde, il n'aurait pas signé l'acte de cession ; qu'il demandait en réparation les sommes de 54.000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice économique correspondant au prix de cession des parts, 9.487,99 euros au titre de son préjudice financier et 5.000 euros au titre de son préjudice moral ; qu'en retenant, pour condamner le Cabinet Rocard à lui payer les sommes de 49.680,00 euros sur le préjudice économique, 8.728,95 euros sur le préjudice financier et 1.840,00 euros sur le préjudice moral, que si M. [K] avait été alerté par une information plus complète il aurait pu recourir à d'autres études et analyses quant à la société et à sa viabilité, renoncer à l'acquisition ou maintenir sa décision d'achat mais à un prix moindre, « toutes chances dont il a été directement privé » et que son préjudice à ce titre devait être évalué à 92 % des sommes réclamées, quand M. [K] n'invoquait aucune perte de chance de recourir à d'autres études, ni de maintenir de sa décision d'achat à un prix moindre, et ne demandait pas l'indemnisation d'une simple perte de chance mais de l'intégralité des pertes subies, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.

2°) ALORS QUE le juge ne peut relever un moyen d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, M. [K] n'invoquait aucune perte de chance de recourir à d'autres études ou de maintenir sa décision d'achat à un prix moindre, et ne demandait pas la réparation d'une simple perte de chance mais de l'intégralité des pertes subies à la suite de l'acquisition des parts de la société La Chemineraie ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que le préjudice subi par M. [K] consistait en une perte de chances de recourir à d'autres études, de renoncer à l'acquisition ou de maintenir sa décision d'achat mais à un prix moindre, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la perte de chance, pour être indemnisée, doit présenter un caractère direct et certain ; qu'en l'espèce, la société Cabinet Rocard faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il ne ressortait pas des pièces comptables versées aux débats et notamment de la comptabilité établie pour l'année 2008 par le propre cabinet d'expertise comptable de M. [K], que la société La Chemineraie n'était pas saine au moment de la cession ; que la cour d'appel a constaté elle-même que la cessation des paiements ne s'établit pas par la lecture d'un bilan ; qu'en se bornant à relever, pour retenir la responsabilité de la société Cabinet Rocard, que celle-ci aurait dû préconiser à l'acquéreur l'établissement d'une situation comptable arrêtée à une date plus proche de la date de la cession et que si M. [K] avait été alerté par une information plus complète il aurait pu recourir à d'autres analyses et études sur la société, renoncer à l'acquisition ou maintenir sa décision d'achat à un prix réduit, sans rechercher en quoi une situation comptable de la société La Chemineraie, si elle avait été établie à la date de la cession, aurait été susceptible d'alerter M. [K] sur la situation difficile de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.

4°) ALORS QUE la restitution du prix à laquelle un contractant est condamné à la suite de l'annulation d'une vente ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'acquisition des parts de la société La Chemineraie par M. [K] avait été viciée par l'erreur sur les qualités substantielles provoquée par l'affirmation saine de la société, et a condamné M. [N], cédant, à rembourser à M. [K] la somme de 54.000 euros correspondant au prix versé ; qu'en condamnant la société Cabinet Rocard à payer à M. [K] une somme de 49.680,00 euros représentant 92% du prix d'achat des parts, quand le prix de cession, que le vendeur avait été condamné à restituer à M. [K], ne constituait pas un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-26181;15-28415
Date de la décision : 20/04/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 03 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 avr. 2017, pourvoi n°15-26181;15-28415


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Marc Lévis, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26181
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