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30/03/2017 | FRANCE | N°16-13893

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 30 mars 2017, 16-13893


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salariée de la société Alpha express international, devenue GDA services, gérée par son fils, en qualité de directrice technique, Mme [W] a déclaré un accident survenu le 30 janvier 2010 que la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :<

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Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce dernier, alors sel...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salariée de la société Alpha express international, devenue GDA services, gérée par son fils, en qualité de directrice technique, Mme [W] a déclaré un accident survenu le 30 janvier 2010 que la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce dernier, alors selon le moyen, que pour voir reconnaître un accident du travail, le salarié doit rapporter la preuve d'un évènement soudain survenu au temps et au lieu du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'altercation survenue le 30 janvier 2010 entre Mme [W] et les gendarmes avait eu lieu sur le site de l'entreprise, « lieu de travail » de la salariée ; qu'en revanche, il ne résulte pas des constatations de l'arrêt attaqué que l'incident ait eu lieu pendant le « temps de travail » de la salariée ni qu'elle se serait trouvée sur les lieux pour des motifs autres que personnels, dès lors qu'il est constant que son domicile se trouvait dans l'enceinte de l'entreprise ; qu'en faisant néanmoins application de la présomption d'imputabilité au travail posée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de cet article ;

Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas fondé sa décision sur la présomption d'imputabilité prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, le moyen est inopérant ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce dernier, l'arrêt retient que selon la déclaration effectuée par Mme [W], celle-ci indique être arrivée le samedi 30 janvier 2010 sur son lieu de travail où l'électricité avait été coupée par le gérant, son fils, qui se trouvait sur place occupé à débarrasser les lieux et avoir en conséquence contacté la gendarmerie afin d'obliger son employeur à rétablir le courant ; qu'au cours de leur intervention, les gendarmes, après l'avoir brutalisée, l'ont transportée de force au centre hospitalier de [Localité 1] où un certificat médical initial descriptif des lésions a été établi par le service des urgences de l'hôpital ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments produits aux débats, que l'accident s'inscrit dans ce contexte où M. [W], gérant de cette société, avait entrepris depuis au moins le début du mois de janvier de démanteler le site pour le restituer au bailleur après avoir transférée l'activité sur le site de [Localité 2] ; que M. [W] a maintenu le seul poste de travail de Mme [W] sur le site de [Adresse 2] dont il a empêché ou interdit l'accès, ou entravé l'utilisation, notamment en coupant l'alimentation électrique et téléphonique après avoir transféré les locaux de l'entreprise sur un autre site ; que l'altercation avec les gendarmes sur le site de l'entreprise lieu de travail de Mme [W] en présence de son fils [O] qui ne s'y est nullement opposé, s'inscrit dans le contexte de harcèlement moral abondamment caractérisé par la juridiction prud'homale ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'imputabilité au travail des lésions invoquées par l'intéressée à l'appui de sa demande de prise en charge, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la décision de la commission de recours amiable rendue le 4 octobre 2011, d'AVOIR dit que l'accident survenu le 30 janvier 2010 était un accident du travail et relevait de la législation sur les risques professionnels, d'AVOIR, en conséquence, renvoyé Mme [W] devant la CPAM du Val d'Oise pour la liquidation de ses droits et d'AVOIR condamné la CPAM du Val d'Oise à payer à Mme [W] la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Mme [W] soutient qu'elle a été victime le 30 janvier 2010, sur le site de l'entreprise Alpha Express International, alors qu'elle avait appelé les gendarmes pour qu'ils interviennent auprès de son fils, [O] [W], gérant de cette société présent sur place, afin qu'il soit mis dans l'obligation de rétablir l'alimentation électrique et qu'elle puisse exercer son activité dans des conditions normales, qu'elle a été bousculée et molestée par les gendarmes qui l'ont emmenée de force aux services des urgences ; que le certificat initial du 30 janvier 2010 mentionne : « ... trauma crânien + trauma et rougeurs sur les deux poignets sans lésion osseuses + multiples rougeurs sur le corps ... » et prescrit un arrêt de travail de trois jours ; que madame [W] produit aux débats les certificats médicaux dressés le 2 et 10 février 2010 pour dépression post-traumatique, du 17 février 2010 pour dépression sévère, 1er mars 2010 pour suite de dépression sévère, 12 et 22 mars, 16 avril, 17 mai 2010 pour dépression sévère, 21 juin 2010 pour dépression sévère et hernie discale, 26 juillet, 30 août 2010 pour dépression sévère, 27 septembre 2010 pour dépression sévère et hernie discale (arrêt de travail jusqu'au 31 octobre 2010), 21 novembre et 1er décembre 2010 pour dépression sévère, 7 janvier 2011, 4 février, 8 mars 2011 pour dépression sévère, soit une succession de huit mois d'arrêt de travail ininterrompue ; qu'antérieurement, par courrier du 12 février 2010, Mme [W] a informé la CPAM du Val d'Oise avoir réclamé en vain à son employeur l'établissement en trois volets de la déclaration d'accident du travail survenu le 30 janvier 2010 ; qu'interrogée par la CPAM du Val d'Oise sur les faits dénoncés, par courrier du 10 décembre 2010, la société Alpha Express international a indiqué que Mme [W] n'avait rien à faire dans un dépôt appartenant à l'entreprise un samedi ; qu'elle a confirmé que celle-ci a été emmenée de force par la gendarmerie et placée, à la demande du maire d'[Localité 3], en service de psychiatrie ; que toutefois, elle n'a pas été admise dans ce service spécialisé ; que la CPAM a reçu le 4 mars 2011 la déclaration effectuée par Mme [W] de l'accident du travail survenu le samedi 30 janvier 2010 à 14 h 20 ; qu'elle indique être arrivée sur son lieu de travail où l'électricité avait été coupée par le gérant, son fils, qui se trouvait sur place occupé à débarrasser les lieux et avoir en conséquence contacté la gendarmerie afin d'obliger son employeur à rétablir le courant. Au cours de leur intervention, les gendarmes, après l'avoir brutalisée, l'ont transportée de force au centre hospitalier de [Localité 1] où un certificat médical initial descriptif des lésions a été établi par le service des urgences de l'hôpital ; que cette dernière ajoute dans cette déclaration que son fils a souhaité la faire passer pour « folle » devant les gendarmes et la faire interner ; que par courriers du 14 mars 2011, l'employeur de Mme [W] a contesté la nature d'accident du travail déclaré par cette dernière au motif notamment que l'entreprise était fermée un samedi et que Mme [W] n'avait pas été autorisée à se rendre sur les lieux de sorte que l'accident est étranger à ses fonctions. La société Alpha express International exprime son étonnement quant au désir de Mme [W] de retourner sur ce site un samedi, sachant que la société était en cours de déménagement et de nettoyage des lieux, l'activité ayant été transférée sur un autre site ; qu'il résulte de l'ensemble des éléments produits aux débats, que l'accident survenu le samedi 30 janvier 2010 sur le site de l'entreprise Alpha Express International enseigne de la société GDA Services, s'inscrit dans ce contexte où Mr [O] [W], gérant de cette société, avait entrepris depuis au moins le début du mois de janvier de démanteler le site pour le restituer au bailleur après avoir transféré l'activité sur le site de [Localité 2] siège de la société GDA Services avant le prononcé de sa liquidation judiciaire ; qu'en outre, il en avait à plusieurs reprises rendu l'accès difficile à Mme [W] et notamment en avait fait couper l'électricité ; que dans un procès-verbal dressé le 19 janvier 2010, Me [J], huissier de justice à Pontoise constate que toutes les portes du bâtiment abritant le bureau de Mme [W] sont fermées à clefs et que des cadenas ont été posés et les serrures avec clé sont fermées ; que dans un courrier daté du 11 février 2010 Mme [W] écrit au gérant de la Sarl Alpha Express : « ...Depuis plus de quinze jours maintenant, vous me harcelez quotidiennement afin que je craque et que je vous donne ma démission. Je vous indique bien volontiers que ne je suis pas démissionnaire des fonctions que j'occupe même si mon bureau est vide et que je suis "reléguée" dans un placard. (...) » ; qu'elle poursuit en décrivant les faits de harcèlement survenus depuis le 10 juillet 2009 ; que dans un procès-verbal du 10 mars 2010 à 9 heures, Me [K], huissier de justice à L'Isle Adam, constate que les locaux de la société Alpha Express Sarl sont fermés ; que le 11 mars 2010, Me [H], huissier de justice à L'Isle Adam indique par procès-verbal que M. [O] [W], présent sur le site de la société à [Adresse 2], lui a déclaré à 9 h 20 que : « ...le poste de Mme [N] [W] est à [Adresse 2], dans les locaux de l'entreprise Alpha Express Sarl son employeur, où elle sera accueillie par un salarié qui lui ouvrira son bureau au rez-de-chaussée... » ; que c'est donc sciemment que M. [O] [W] a maintenu le seul poste de travail de Mme [W] sur le site de [Adresse 2] dont il a empêché ou interdit l'accès, ou entravé l'utilisation, notamment en coupant l'alimentation électrique et téléphonique après avoir transféré les locaux de l'entreprise sur un autre site ; que l'altercation survenue le 30 janvier 2010 avec les gendarmes sur le site de l'entreprise lieu de travail de Mme [W] en présence de son fils [O] qui ne s'y est nullement opposé, s'inscrit dans le contexte de harcèlement moral abondamment caractérisé par le conseil des Prud'hommes du Val d'Oise et l'arrêt rendu par cette cour le 11 septembre 2014, lequel a condamné la Sarl GDS Services à payer à Mme [W] une indemnité à hauteur de 60.000 euros en réparation de ce seul préjudice ; que ces faits de violences sur la personne de Mme [W] survenus le 30 janvier 2010, constatés médicalement avec un arrêt de travail initial de trois jours prolongé durant plusieurs mois, répondent par conséquent à la définition posée par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale selon lequel l'accident du travail est celui survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée et dont les conséquences se sont révélées dans leur ampleur dans les jours et semaines qui ont suivi ; qu'il est indifférent que ce site abrite également le mobil Home mis à disposition de Mme [W] par le protocole d'accord de cession de parts sociales dès lors que les lésions initialement constatées le 30 janvier 2010 sont en lien direct avec le harcèlement moral mis en oeuvre par l'employeur ; que de même, le conflit familial qui oppose Mme [W] et [O] [W] est indifférent à la solution du litige dès lors que c'est la Sarl GDS, exerçant à l'enseigne Alpha Express International, qui a manqué à ses obligations d'employeur à l'égard de Mme [W] ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'accident initial du 30 janvier 2010 est un accident du travail qui relève à ce titre de la législation relative aux risques professionnels ;

1. – ALORS QUE pour voir reconnaître un accident du travail, le salarié doit rapporter la preuve d'un évènement soudain survenu au temps et au lieu du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que l'altercation survenue le 30 janvier 2010 entre Mme [W] et les gendarmes avait eu lieu sur le site de l'entreprise, « lieu de travail » de la salariée ; qu'en revanche, il ne résulte pas des constatations de l'arrêt attaqué que l'incident ait eu lieu pendant le « temps de travail » de la salariée ni qu'elle se serait trouvée sur les lieux pour des motifs autres que personnels, dès lors qu'il est constant que son domicile se trouvait dans l'enceinte de l'entreprise ; qu'en faisant néanmoins application de la présomption d'imputabilité au travail posée par l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de cet article ;

2. – ALORS subsidiairement QU'un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous l'autorité de l'employeur peut constituer un accident du travail seulement lorsque le salarié ou ses ayants droit rapportent la preuve que les faits sont en lien avec le travail ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la salariée avait son domicile sur le site de l'entreprise à [Adresse 2], que l'altercation a eu lieu un samedi, jour de fermeture de l'établissement, et qu'elle est survenue entre la salariée et les gendarmes qu'elle avait elle-même appelés afin qu'ils obligent son fils à remettre l'électricité et qui l'ont brutalisée à raison de son attitude anormale ; que par ailleurs, il n'est nullement établi qu'elle se serait trouvée sur le site pour des motifs autres que personnels ou à la demande de son employeur ; qu'en jugeant pourtant que les lésions constatées le 30 janvier 2010 étaient « en lien direct avec le harcèlement moral mis en oeuvre par l'employeur », quand l'altercation est survenue entre les gendarmes et la salariée qui les avait elle-même appelés sans aucune intervention de son employeur, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L.411-1 du code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-13893
Date de la décision : 30/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 18 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 30 mar. 2017, pourvoi n°16-13893


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13893
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