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29/03/2017 | FRANCE | N°15-28453

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 mars 2017, 15-28453


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [A] a été engagé le 14 juillet 2010 en qualité de responsable commercial par la société France gardiennage qui, par jugement du 7 novembre 2011, a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la société [X] et [E] étant désignée en qualité de liquidateur ; que cette dernière, qui a licencié M. [A] pour motif économique le 24 novembre 2011, a contesté la qualité de salarié de celui-ci ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu q

u'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [A] a été engagé le 14 juillet 2010 en qualité de responsable commercial par la société France gardiennage qui, par jugement du 7 novembre 2011, a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la société [X] et [E] étant désignée en qualité de liquidateur ; que cette dernière, qui a licencié M. [A] pour motif économique le 24 novembre 2011, a contesté la qualité de salarié de celui-ci ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et sans inverser la charge de la preuve, la cour d'appel qui a constaté, en l'absence d'obligation mise à la charge de M. [A] le caractère fictif du contrat de travail consenti à ce dernier, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 79 du code de procédure civile ;

Attendu que la cour d'appel a infirmé le jugement du chef de la compétence et a dit que le tribunal de commerce de Lille était compétent pour connaître de la demande de M. [A] ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, que le premier juge avait tranché au fond, et investie de la plénitude de juridiction tant en matière prud'homale qu'en matière commerciale, elle avait le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle-ci sa solution au fond, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il renvoie la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Lille, l'arrêt rendu le 19 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la société [X] et [E], ès qualités, aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Capron, avocat aux Conseils, pour M. [A]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître du litige en raison du caractère fictif du contrat de travail et D'AVOIR renvoyé en conséquence la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Lille Métropole ;

AUX MOTIFS QU'« il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération. / Le lien de subordination est caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. / En présence d'un contrat de travail apparent, ce qui est le cas en l'espèce, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve. / En l'espèce, il est constant qu'un contrat de travail à durée indéterminée a été signé le 14 juillet 2010 entre Monsieur [V] [A] et la Sarl France gardiennage, représentée par Monsieur [W] [A]. / Aux termes de ce contrat de travail, Monsieur [V] [A] était embauché en qualité de responsable commercial - niveau IV - échelon 3 moyennant un salaire brut mensuel de 2 000 € et une amplitude de travail ainsi définie : " (…) du lundi au dimanche selon la nécessité du service ". / Maître [O] ès-qualité relève que le représentant légal de l'entreprise signataire du contrat de travail est curieusement le frère du salaire, Monsieur [W] [A], désigné audit contrat comme " le représentant légal " de l'entreprise, alors que la gérante désignée de la société est Madame [K] [G] épouse [A]. / Toutefois, il ne produit pas d'extrait du registre du commerce et des sociétés, ni autre élément permettant de connaître l'identité du gérant de la société à la date de signature du contrat de travail, étant observé que si la capture d'écran du site internet " Société.com " versée aux débats mentionne Madame [K] [G] épouse [A] en qualité de gérante de la Sarl, elle mentionne également un changement de gérance publié au Bodacc le 26 février 2011, le défaut de pouvoir de Monsieur [W] [A] à la date du 14 juillet 2010 pour signer le contrat de travail n'étant donc pas établi. / De même, il est fait mention d'une mesure de faillite personnelle frappant Monsieur [W] [A], mais il apparaît que cette mesure a été prononcée le 2 février 2011, soit près de sept mois après la signature du contrat de travail litigieux. / L'examen d'un bulletin de paie du mois de juin 2010 produit par l'intimé révèle qu'avant la

signature de ce contrat de travail, il était embauché en qualité de " responsable " par son frère, Monsieur [W] [A], au niveau I - échelon I de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, avec un taux horaire de 10, 614 €. / Les bulletins de paie correspondant à la période d'emploi au sein de la Sarl France gardiennage à compter du 14 juillet 2010, mentionnent un emploi de responsable des travaux - niveau II - échelon II, qui d'une part ne correspond pas à la qualification contractuellement convenue, d'autre part se traduit par un salaire horaire de 8, 86 €, inférieur à celui qui était attribué pour une classification supérieure. / Il est par ailleurs établi qu'au-delà des mentions figurant au contrat de travail et dans les bulletins de paie, Monsieur [V] [A] n'a en pratique jamais exercé la fonction ni de responsable commercial, ni de responsable des travaux, puisqu'il admet lui-même que " les besoins de l'entreprise ont évolué ", ce qui expliquerait qu'il lui ait finalement été demandé d'effectuer des prestations de maître-chien. / Outre le fait qu'il est peu crédible qu'un responsable commercial ait accepté sans ciller une rétrogradation aux fonctions de maître-chien ne relevant pas de la même catégorie professionnelle que celle pour laquelle il était embauché, il apparaît que Monsieur [A] aurait travaillé pour un seul et unique employeur, en l'occurrence la société Teris à Loon plage, les comptes rendu d'intervention versés aux débats, couvrant la période du 1er octobre au 21 octobre 2011 puis celle du 1er novembre 2011 au 7 novembre 2011, date du prononcé de la liquidation judiciaire. / Le contrat de travail ayant été signé le 14 juillet 2010, il n'est pas établi qu'une quelconque prestation de travail, sous les ordres et selon les directives d'un responsable hiérarchique qui n'était autre que le frère du salarié présumé, ait été accomplie entre cette date et le 1er octobre 2011, soit pendant plus de douze mois, pas plus d'ailleurs qu'entre le 21 octobre et le 31 octobre 2011. / Par ailleurs, si les fiches d'intervention susvisées sont visées du salarié présumé, elles ne le sont pas par la société Teris, seul un cachet " Teris Loon plage " suivi d'un autre cachet " Bon pour accord " qui mentionne un code postal distinct, figurant sur ces documents à l'exclusion de toute signature d'un responsable de la société cliente. / Le liquidateur soutient que la société Teris n'existe plus depuis le mois de septembre 2007 et produit à ce titre deux articles extraits du journal " La Voix du Nord " respectivement en date des 15 septembre et 20 septembre 2007, qui annoncent la fermeture de l'usine de traitement de déchets industriels Teris située à Loon plage par suite d'importantes difficultés financières. / Sans véritablement contester la disparition de cette entreprise près de trois ans avant l'embauche présumée, Monsieur [A] soutient qu'une prestation de gardiennage était néanmoins nécessaire dans la mesure où le matériel serait resté sur place. / Il se fonde sur une attestation datée du 30 octobre 2012, établie à l'en-tête d'une société Sita spécialités valorisation et énergie, qui est signée " [U] [J] - directeur des exploitations Sita spécialités valorisation inergie ", selon laquelle " la société France gardiennage représentée sur le site de Loon plage par M. [A] [V] maître-chien a bien effectué une prestation de surveillance et gardiennage du site de Loon plage [Adresse 4] (…) du 1er août 2010 au 7 novembre 2011 ". / Cette attestation qui ne mentionne pas explicitement la société Teris, dont le seul cachet figure pourtant sur les bons d'intervention susvisés, ne permet pas de contredire utilement le liquidateur en ce qu'il démontre qu'aucune prestation de travail correspondant à la qualification contractuellement convenue de responsable commercial n'a été effectuée durant la période allant du 1er août 2010 au 1er octobre 2011, alors que les seules prestations dont il est justifié par la production de fiches d'intervention représentent 28 jours de travail sur une durée totale d'emploi présumé de un an et quatre mois, qu'elles sont sans rapport avec cette qualification et que Monsieur [A], interrogé dans le cadre de la mesure de comparution personnelle ordonnée par les premiers juges, a déclaré ne pas se souvenir à quelle période il avait travaillé sur le site de Loon plage, n'avoir disposé d'aucun planning prévisionnel et n'avoir été amené à rendre compte de son activité que par téléphone, à son frère et à sa belle-soeur. / Monsieur [A] oppose encore à l'argumentation du liquidateur la détention d'un chien de garde, état toutefois observé que les justificatifs qu'il produit permettent de constater que ce chien lui appartient et n'était donc pas mis à sa disposition par la société France gardiennage. / Il est en outre établi par le liquidateur que Monsieur [V] [A], qui était immatriculé en nom propre au registre du commerce et des sociétés depuis le 28 mai 2002 et n'en a été radié que le 16 mars 2012, avait antérieurement à la signature du contrat de travail litigieux, exercé en nom propre une activité dans le domaine de la sécurité privée sous l'enseigne " France sécurité privée ", avant de créer une société à responsabilité limitée portant le même nom commercial, immatriculée le 13 février 2007, avec pour gérante son épouse, Madame [D] [A], née [P]. / Il est également constant que cette dernière société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 11 juillet 2007, dans le cadre de laquelle le tribunal de commerce de Lille, par jugement du 20 juin 2011, a condamné Monsieur [V] [A] en qualité de gérant de fait et son épouse en qualité de gérante de droit à une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 15 ans ainsi qu'à combler l'insuffisance d'actif à hauteur de 20 000 €, le tribunal relevant que Monsieur [A] a expressément reconnu à l'audience sa gérance de fait. / Au regard de l'ensemble de ces éléments, la Selarl [X] et [E] rapporte la preuve du caractère fictif du contrat de travail signé le 14 juillet 2010, ledit contrat de travail ayant manifestement été régularisé dans le seul but de permettre à Monsieur [A] de bénéficier des avantages sociaux liés au statut de travailleur salarié, sans qu'aucune obligation ne soit mise en pratique à la charge de ce dernier. / En l'absence de contrat de travail, la juridiction prud'homale était incompétente et il convient d'accueillir l'exception d'incompétence matérielle soulevée par le liquidateur. / Le jugement entrepris sera donc infirmé, la cause et les parties devant être renvoyées devant le tribunal de commerce de Lille Métropole » (cf. arrêt attaqué, p. 5 à 8) ;

ALORS QU'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste la réalité de rapporter la preuve de son caractère fictif ; qu'en énonçant, dès lors, après avoir relevé qu'il existait un contrat de travail apparent entre M. [V] [A] et la société France gardiennage, pour considérer que la société [P] [X] et [J] [E], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société France gardiennage, avait rapporté la preuve du caractère fictif du contrat de travail signé, le 14 juillet 2010, par M. [V] [A] et par la société France gardiennage et pour, en conséquence, dire que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître du litige en raison du caractère fictif du contrat de travail et renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, qu'il n'était pas établi qu'une quelconque prestation de travail, sous les ordres et selon les directives d'un responsable hiérarchique qui n'était autre que le frère du salarié présumé, eût été accomplie entre le 14 juillet 2010 et le 1er octobre 2011 et entre le 21 et le 31 octobre 2011, quand il n'appartenait pas à M. [V] [A] de rapporter la preuve qu'il avait accompli une prestation de travail, sous les ordres et selon les directives d'un dirigeant de la société France gardiennage, entre le 14 juillet 2010 et le 31 octobre 2011, mais à la société [P] [X] et [J] [E], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société France gardiennage et à l'Ags-Cgea de Lille d'apporter la preuve que M. [V] [A] n'avait pas accompli une prestation de travail, sous les ordres et selon les directives d'un dirigeant de la société France gardiennage, entre le 14 juillet 2010 et le 31 octobre 2011, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé les dispositions de l'article 1315 du code civil et de l'article L. 1221-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Lille Métropole ;

AUX MOTIFS QU'« en l'absence de contrat de travail, la juridiction prud'homale était incompétente et il convient d'accueillir l'exception d'incompétence matérielle soulevée par le liquidateur. / Le jugement entrepris sera donc infirmé, la cause et les parties devant être renvoyées devant le tribunal de commerce de Lille Métropole » (cf. arrêt attaqué, p. 8)

ALORS QUE, lorsque la cour d'appel infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la décision attaquée est susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et si la cour d'appel est juridiction d'appel relativement à la juridiction qu'elle estime compétente ; qu'en renvoyant, dès lors, la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, après avoir dit que la juridiction prud'homale était incompétente pour connaître du litige en raison du caractère fictif du contrat de travail et infirmé en conséquence le jugement entrepris du chef de la compétence, quand le jugement entrepris était susceptible d'appel dans l'ensemble de ses dispositions et quand elle était la juridiction d'appel relativement au tribunal de commerce de Lille Métropole qu'elle estimait compétente, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 79, alinéa premier, du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-28453
Date de la décision : 29/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 19 décembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 mar. 2017, pourvoi n°15-28453


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.28453
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