LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° A 16-81.944 F-P+B
N° 491
VD1
28 MARS 2017
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. [G] [C], contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 25 janvier 2016, qui, pour travail dissimulé, l'a dispensé de peine ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle ORTSCHEIDT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4 et 122-3 du code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, premier du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 34 de la Constitution, des articles L. 8221-3 et L. 8224-1 du code du travail, R. 123-40 et R. 123-43 du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, manque de base légale, ensemble le principe de sécurité juridique ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. [C] coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité pour s'être soustrait à l'obligation de requérir l'immatriculation complémentaire d'un établissement secondaire au registre du commerce et des sociétés dans le délai requis et l'a dispensé de peine ;
"aux motifs que sur l'élément intentionnel, que le conseil de M. [G] [C] fait observer qu'il n'est pas établi que ce dernier ait omis de procéder à son inscription en connaissance de cause, dans la mesure où le contrôle du 31 juillet 2012 n'avait pas amené d'observation quant à l'établissement secondaire, le sujet n'ayant été abordé que le 5 octobre 2012, conduisant à la régularisation du 9 octobre 2012 avec effet rétroactif, qu'en outre il n'y avait aucun intérêt, et n'avait jamais cherché à dissimuler cet établissement ; que toutefois, qu'il résulte des éléments du dossier que M. [C] a été informé de la nécessité de déclarer son établissement secondaire, même éphémère, lors du second contrôle du 20 septembre 2012, confirmé par courriers du 21 septembre, du 4 et du 5 octobre 2012 ; qu'il aurait dû procéder à cette immatriculation dès qu'il en a été informé, mais a tardé à le faire ; que la période de prévention retenue est comprise entre le 20 septembre 2012 et le 8 octobre 2012, soit la période durant laquelle M. [C], bien qu'informé et conscient de la nécessité de procéder à l'immatriculation de son établissement secondaire, s'en est abstenu ; que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable ; qu'il sera donc déclaré coupable des faits objets de la prévention, le jugement étant en conséquence infirmé ;
"1°) alors que l'article R. 123-43 du code de commerce impose à tout commerçant immatriculé qui ouvre un établissement secondaire dans le ressort d'un tribunal où il est déjà immatriculé de demander au greffe de ce tribunal, dans le délai d'un mois avant ou après cette ouverture, une inscription complémentaire ; que selon l'article R.123-40 du même code, "est un établissement secondaire au sens de la présente section tout établissement permanent, distinct du siège social ou de l'établissement principal et dirigé par la personne tenue à l'immatriculation, un préposé ou une personne ayant le pouvoir de lier des rapports juridiques avec les tiers" ; que le caractère permanent d'un établissement s'apprécie au regard de la durée de son exploitation, de sorte que lorsqu'elle est par avance limitée dans le temps et, en tout état de cause, inférieure à une année, l'établissement considéré n'est pas un établissement secondaire soumis à l'obligation déclarative ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand la durée d'exploitation du magasin ouvert à Valenciennes, fixée par avance à six mois, n'est pas un établissement permanent au sens de l'article R.123-40 du code de commerce, de sorte que M. [C] n'était pas astreint à l'obligation déclarative prévue l'article R.123-43 du même code, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
"2°) alors que, n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; que M. [C] soutenait qu'il avait sincèrement cru que la durée de l'exploitation du magasin litigieux, fixée par avance à six mois, le dispensait de procéder à "une modification d'immatriculation", faute d'être un établissement permanent au sens de l'article R.123-40 du code de commerce, ce que la chambre de commerce et d'industrie lui avait confirmé (ccl. p.7, § 5) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le prévenu n'avait pas commis une erreur de droit, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;
"3°) alors que le principe de sécurité juridique implique "que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable" ; qu'en retenant M. [C] dans les liens de la prévention, motifs pris qu'il "a été informé de la nécessité de déclarer son établissement secondaire, même éphémère, lors du second contrôle du 20 septembre 2012, confirmés par courriers du 21 septembre, du 4 et du 5 octobre 2012 ; qu'il aurait dû procéder à cette immatriculation dès qu'il en a été informé, mais a tardé à le faire", quand l'expression "établissement permanent" visé par l'article R. 123-40 du code du commerce n'est précisément défini par aucun texte, de sorte que le prévenu ne pouvait se voir reprocher d'avoir sciemment procéder tardivement à l'inscription complémentaire de l'établissement secondaire concerné, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [C], gérant de l'entreprise Pradel France de vente à domicile de coutellerie à [Localité 1], a ouvert, le 24 juillet 2012 à [Localité 2], un magasin employant des salariés détachés de l'entreprise principale et destiné à écouler, jusqu'à la fin de l'année, un stock d'articles exclus du catalogue de vente ; que cet établissement a fait l'objet de deux contrôles de la part des services de l'inspection du travail et de l'URSSAF les 31 juillet et 20 septembre 2012, ayant permis de constater son absence d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ; qu'invité par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) à la suite de ce second contrôle à demander l'immatriculation de cet établissement secondaire, M. [C], ayant refusé d'y procéder au motif du caractère éphémère de ce commerce, a été avisé, le 5 octobre 2012, qu'un procès-verbal serait relevé pour travail dissimulé d'activité résultant de cette absence de déclaration ; qu'il a procédé le 9 octobre suivant à cette immatriculation ; que, poursuivi du chef de travail dissimulé, selon la prévention, à compter de la date fixée par la DIRECCTE afin de procéder à l'immatriculation de cet établissement secondaire, M. [C] a été renvoyé des fins de la poursuite ; que le procureur de la République a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour dire M. [C] coupable de travail dissimulé, en sa qualité de gérant de l'entreprise Pradel France, l'arrêt relève que l'inscription au registre du commerce et des sociétés de cet établissement principal n'a pas dispensé le prévenu de déclarer dans les délais légaux l'établissement secondaire ouvert par ses soins ; que les juges ajoutent que M. [C], invité par la DIRECCTE dès le 20 septembre 2012 à procéder à cette immatriculation, ne s'y est conformé que le 9 octobre suivant ; que la cour d'appel retient que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, dès lors que l'établissement secondaire ouvert par le prévenu a consisté en un établissement permanent, distinct de l'établissement principal qu'il dirigeait, la méconnaissance de l'obligation de procéder à cette immatriculation dans les délais légaux constitue, selon le premier paragraphe de l'article L. 8221-3 du code du travail, l'une des formes du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité incriminé par ce texte ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.