LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] (le syndicat des copropriétaires) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la MAF ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 novembre 2015), que la société Specim, aux droits de laquelle vient la société Compagnie Courcelles investissement (société Courcelles), assurée en responsabilité civile auprès d'une compagnie devenue la société Aviva, a fait construire, à proximité d'un ruisseau, des bâtiments d'habitation qui ont fait l'objet d'une réception sans réserve le 30 octobre 1990 ; qu'à l'occasion de l'inondation d'un bâtiment en 1992, il a été découvert que son implantation n'était pas conforme au permis de construire ; que le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné en indemnisation la société Courcelles et la MAF, assureur du maître d'oeuvre ; que la société Aviva a été appelée à l'instance ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en paiement contre la société Courcelles et la société Aviva ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'à la date de l'acte de vente du 8 décembre 1995, une régularisation de la situation était envisageable, la commune ayant suggéré le dépôt d'une demande de permis modificatif, que l'ampleur et le coût des travaux d'aménagement à réaliser pour obtenir un permis modificatif validant l'implantation effective du bâtiment n'avaient été connus qu'en octobre 1996, qu'implanté correctement, le bâtiment aurait été inondable lors des crues du ruisseau et retenu que sa mauvaise implantation ne résultait pas d'une violation délibérée par le constructeur du permis de construire et ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation des conclusions, qu'aucune faute dolosive n'avait été commise et que l'action en responsabilité contractuelle était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé, qui est recevable :
Attendu que le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en délivrance du certificat de conformité ;
Mais attendu qu'ayant retenu que, bien que l'implantation du bâtiment C de la copropriété fût définitivement considérée comme non conforme au permis de construire, la commune n'avait envisagé ni la démolition du bâtiment, ni la réalisation de travaux depuis mai 1993 et que l'absence de certificat de conformité n'avait aucune incidence pour les copropriétaires, la cour d'appel a pu rejeter la demande ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1] à payer à la société Compagnie Courcelles investissement la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 1]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le syndicat des copropriétaires des Airelles II irrecevable en ses demandes en paiement formulées à l'encontre de la SNC Compagnie Courcelles Investissement et de la société Aviva Assurances ;
AUX MOTIFS QUE, à titre liminaire, il convient de préciser que les désordres dont se plaint la copropriété tiennent au caractère inondable des bâtiments de la copropriété, notamment le bâtiment C, en cas de crues du ruisseau [Localité 1] ; que, sur les rapports entre d'une part le syndicat des copropriétaires des Airelles II et d'autre part, la SNC Compagnie Courcelles Investissement et son assureur la société Aviva Assurances, le syndicat invoque plusieurs fondements au soutien de son action à l'encontre de la SNC Compagnie Courcelles Investissement ; que, sur la responsabilité décennale, à supposer que les désordres allégués soient de nature décennale, le syndicat disposait d'une durée de 10 ans à compter de la réception des bâtiments pour agir ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires des Airelles II soutient que les travaux n'étaient pas achevés à la date de la réception intervenue le 30 octobre 1990 et entend fixer le point de départ de la prescription à la date du 14 mai 1993, date de réception par la mairie de [Localité 2] d'[Localité 3] de la déclaration d'achèvement des travaux établie par la société Specim ; qu'outre que la réception d'un ouvrage peut intervenir avant son achèvement, l'inachèvement pouvant donner lieu, lors de la réception, à l'émission de réserves, à lever durant la garantie de parfait achèvement, il n'y a pas lieu de différer le point de départ de la garantie décennale afférente à des désordres affectant les bâtiments de la copropriété, à la date d'achèvement de travaux d'aménagement du terrain d'assiette de la copropriété ; que, par ailleurs, les travaux réalisés en bordure du ruisseau, en 1993, par la société Specim avaient été prescrits par l'autorité administrative dès le permis modificatif du 29 août 1984 ; qu'ils ont donc été effectués dans le but de se conformer aux exigences de l'administration ; qu'en conséquence, le premier juge ne pouvait pas déduire du seul fait de leur réalisation une quelconque reconnaissance de responsabilité par la société Specim, au titre des désordres survenus dans le bâtiment C en 1992, si bien que ce fait ne peut avoir eu pour effet d'interrompre le délai de prescription ; que, sur la responsabilité contractuelle, le délai de l'action est également de 10 ans à compter de la réception, étant précisé que les dispositions de l'article 1792-4-3 du Code civil nées de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 n'ont fait qu'entériner la jurisprudence antérieure, ayant laissé subsister pour les désordres qui n'étaient pas de nature décennale, une responsabilité contractuelle pour faute ; qu'en conséquence, tout ce qui a été dit précédemment au titre de la responsabilité décennale vaut également pour la responsabilité contractuelle ; que la faute que le syndicat des copropriétaires des Airelles II reproche à la société Specim d'avoir commise, consiste à avoir implanté le bâtiment C trop près du ruisseau, par rapport à ce qui était autorisé par le permis de construire ; qu'il soutient qu'elle ne peut lui opposer l'expiration du délai décennal, car elle a commis un dol qu'il entend démontrer en se référant aux actes de vente de lots, postérieurs au refus de la mairie de [Localité 2] d'[Localité 3] de délivrer le certificat de conformité en raison de cette mauvaise implantation du bâtiment C, actes contenant un paragraphe intitulé "déclaration d'achèvement des travaux - absence de délivrance du certificat d'urbanisme" - rappelant d'une part que le dépôt de la déclaration d'achèvement des travaux avait été effectué le 1er mars 1993 mais que le certificat de conformité n'était toujours pas délivré, information exclusive de toute volonté de dissimulation de la part de la société Specim, - contenant d'autre part l'engagement d'obtenir ce certificat dans les meilleurs délais et à en faire parvenir une copie aux acquéreurs, que, selon le syndicat, la société Specim savait ne pas pouvoir tenir ; qu'outre que seul l'acte du 8 décembre 1995 contenant vente de lots aux époux [J] contient un tel engagement, qui ne figure pas dans l'acte du 14 avril 1997 contenant vente de lots à M. [W] et Mme [D], et qu'à la date du 8 décembre 1995, une régularisation de la situation était parfaitement envisageable, la commune de La Chapelle d'Abondance ayant, elle-même dans son courrier du 5 novembre 1993, suggéré à cette fin le dépôt d'une demande de permis modificatif, et l'ampleur et le coût des travaux d'aménagement à réaliser pour obtenir un permis modificatif validant l'implantation effective du bâtiment C, n'ayant été connu qu'en octobre 1996, date du rapport du service RTM , il convient de rappeler que la faute dolosive ou lourde qui empêche à un constructeur de se prévaloir de la prescription, n'est caractérisée qu'en cas de violation délibérée ou grave de ses obligations contractuelles, signifiant qu'il avait conscience ou qu'il ne pouvait pas ignorer que cette violation provoquerait des désordres ; qu'en l'espèce, une telle faute ne peut nullement être reprochée à la société Specim ; qu'il n'est en effet pas rare qu'un bâtiment ne soit pas implanté comme il aurait dû l'être au regard des prescriptions de l'autorisation de construire ; et qu'en l'espèce, la mauvaise implantation du bâtiment C ne résulte pas d'une violation délibérée du permis de construire et ne constitue pas une faute grave, étant rappelé que même s'il avait été implanté correctement, ce bâtiment aurait été inondable lors des crues du ruisseau [Localité 1] ; qu'en conséquence, le syndicat des copropriétaires des Airelles II aurait dû agir à l'égard de la SNC Compagnie Courcelles Investissement et de son assureur, la société Aviva assurances, au plus tard le 30 octobre 2000 ; qu'ainsi, son action est prescrite, dès lors que l'assignation en référé qu'il a fait délivrer à la société Specim est en date du 12 mai 2003 et qu'il n'a pas exercé son action directe à l'encontre de la société Aviva assurances avant que celle-ci ne soit appelée en la cause par la SNC Compagnie Courcelles Investissement, en mars 2011 ; que, par ailleurs, l'appel en garantie de la société Aviva assurances par la SNC Compagnie Courcelles Investissement devient sans objet ;
1°) ALORS QUE commet une faute dolosive le cocontractant qui, de propos délibéré même sans intention de nuire, viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ; qu'en écartant la faute dolosive de la société Spécim quand elle constatait que cette société avait dissimulé que l'implantation du bâtiment en méconnaissance des dispositions du permis de construire rendait impossible la délivrance d'un certificat de conformité, ce qui constituait une faute dolosive, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1147 du Code civil ;
2°) ALORS QUE commet une faute dolosive le cocontractant qui, de propos délibéré même sans intention de nuire, viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles ; qu'en retenant, pour écarter la faute dolosive de la société Spécim, que la situation résultant de l'implantation du bâtiment non-conforme aux stipulations du permis de construire était régularisable malgré « l'ampleur et le coût des travaux » (arrêt, p. 6, in fine se poursuivant p. 7), circonstance impropre à écarter la faute dolosive résultant de la dissimulation de cette situation, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions d'appel, le syndicat des copropriétaires soutenait que la société Spécim avait engagé sa responsabilité contractuelle en sa qualité de vendeur en délivrant un bien dont les caractéristiques n'étaient pas conformes au contrat de vente ; qu'en relevant, pour écarter la responsabilité contractuelle de la société Spécim, que cette demande était prescrite sur le fondement de l'article L. 1792-4-3 du Code civil, la Cour d'appel a examiné la responsabilité contractuelle de la société Spécim en sa qualité de maître de l'ouvrage, quand le syndicat invoquait sa responsabilité contractuelle en qualité de vendeur, et a ainsi dénaturé les conclusions du syndicat, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le syndicat des copropriétaires des Airelles II de sa demande présentée à titre infiniment subsidiaire tendant à la délivrance du certificat de conformité ;
AUX MOTIFS QU'outre que seul l'acte du 8 décembre 1995 contenant vente de lots aux époux [J] contient un tel engagement, qui ne figure pas dans l'acte du 14 avril 1997 contenant vente de lots à M. [W] et Mme [D] […] ; que s'agissant de la demande présentée à titre infiniment subsidiaire par le syndicat des copropriétaires des Airelles II, elle ne peut pas davantage prospérer dans la mesure où il est certain que l'implantation du bâtiment C de la copropriété n'est définitivement pas conforme au permis de construire, étant observé que : - ce défaut de conformité n'a, à aucun moment depuis mai 1993, conduit la mairie de [Localité 2] d'[Localité 3] à envisager la démolition de ce bâtiment, ni même la réalisation de travaux sur celui-ci ; - l'absence de certificat de conformité n'a aucune incidence pour les copropriétaires (cf la pièce 3 du dossier du syndicat des copropriétaires des Airelles II, constituée d'un courrier du 25 novembre 1993 adressé par la direction départementale de l'équipement au syndic de la copropriété qui l'interrogeait spécifiquement sur ce point) ;
1°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en écartant la demande du syndicat de délivrance du certificat de conformité aux motifs que l'implantation du bâtiment n'était « définitivement pas conforme au permis de construire » et que l'absence de certificat n'avait « aucune incidence pour les copropriétaires » (arrêt, p. 7, antépén. §), cependant que l'obligation de délivrance de ce document résultait du contrat de vente, la Cour d'appel a méconnu la force obligatoire de ce contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS QUE l'action en exécution forcée d'un contrat n'est pas subordonnée à la démonstration d'un préjudice causé par l'inexécution invoquée ; qu'en retenant, pour écarter l'action du syndicat tendant à obtenir l'exécution par la société Spécim de son obligation contractuelle de lui délivrer le certificat de conformité, que cette inexécution n'avait « aucune incidence » (arrêt, p. arrêt, p . 7, pén. §) pour le syndicat, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3°) ALORS QUE l'acte de vente conclu le 14 avril 1997 entre la société Spécim et M. [W] et Mme [D] comportait l'obligation, pour le vendeur, d'« obtenir, le moment venu, le certificat de conformité » (voir cet acte, p. 11) ; qu'en retenant que l'engagement d'obtenir un certificat de conformité « ne figur[ait] pas dans l'acte du 14 avril 1997 contenant vente des lots à M. [W] et Mme [D] », la Cour d'appel a dénaturé ce contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil.