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22/03/2017 | FRANCE | N°15-22787

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2017, 15-22787


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [N] a été engagé par la société Derichebourg-Polyurbaine en qualité de conducteur poids-lourd ; que celle-ci, eu égard à la perte du marché public de collecte des colonnes en point d'apport volontaire, l'a informé par lettre du 8 juin 2010 du transfert de son contrat de travail au sein de la société Sophed, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail

et de l'annexe V de la convention collective nationale des activités de déchets ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1235-3 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [N] a été engagé par la société Derichebourg-Polyurbaine en qualité de conducteur poids-lourd ; que celle-ci, eu égard à la perte du marché public de collecte des colonnes en point d'apport volontaire, l'a informé par lettre du 8 juin 2010 du transfert de son contrat de travail au sein de la société Sophed, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'annexe V de la convention collective nationale des activités de déchets ; que le 24 juin 2010, la société Sophed, aux droits de laquelle vient la société Paprec chantiers Sud-Est, a averti chacun des salariés désignés par la société sortante, qu'elle n'entendait pas reprendre les contrats faute d'appliquer la convention collective nationale en cause ; que le salarié a saisi le 1er juillet 2010 la juridiction prud'homale pour obtenir la condamnation de la société Derichebourg-Polyurbaine au paiement de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que par lettre du 11 août 2010, il a été licencié pour faute grave ;

Attendu que pour dire que le licenciement du salarié est fondé sur une faute grave l'arrêt retient que le salarié a eu connaissance de l'absence de transfert dès le 24 juin 2010 et a signé un contrat à cette date, à effet du 1er juillet 2010, démontrant une relation de travail à temps plein avec un autre employeur, en violation de son obligation de loyauté rappelée à l'article 12 du contrat, que ce manquement était suffisamment grave pour justifier le départ immédiat de l'intéressé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de la société Derichebourg-Polyurbaine faisait connaître au salarié le transfert de son contrat de travail à la société Sophed à compter du 1er juillet 2010, qu'il cesserait de faire partie des effectifs de la société le 30 juin, que son reçu pour solde de tout compte et son certificat de travail lui seraient ultérieurement adressés et qu'elle le remerciait pour sa collaboration efficace, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Derichebourg-Polyurbaine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Derichebourg-Polyurbaine à payer à M. [N] la somme de 1 500 euros ; et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [N]

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit le licenciement du salarié pour faute grave fondé, et rejeté l'ensemble de ses demandes formées contre la société Polyurbaine 13 ;

Aux motifs que la lettre de licenciement est ainsi motivée : « au regard des constatations formulées par huissier de justice…vous avez été identifié au volant d'un camion…portant un logo à l'effigie de cette société. Suite à la perte du marché de collecte des PAV de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole sur lequel vous étiez affecté, la société 3S Sophed nous a signifié sa décision de ne pas opérer le transfert du personnel prévu par l'annexe V de la convention collective nationale des activités du déchet. Ainsi, vous restez lié à notre société par le contrat à durée indéterminée que vous avez signé…D'autre part, suivant les dispositions de l'article 12 de votre contrat de travail, vous vous êtes engagé « à travailler exclusivement pour la société et à n'exercer, sous peine de faute grave, aucune activité concurrente de celle de la société » pendant la durée de votre contrat. Vous n'étiez donc pas autorisé à travailler dans une autre entreprise. Cette situation s'analyse comme un manquement grave à l'obligation de loyauté envers votre employeur. D'autre part, comme vous le savez, votre contrat de travail à temps plein ne vous permettait aucunement de vous engager pour une durée équivalente au sein d'une autre société sans méconnaître les durées maximales impératives de travail. En conséquence, au regard des faits qui vous sont reprochés, lesquels rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail, nous sommes donc amenés à prendre à votre égard une mesure de licenciement pour faute grave, sans indemnité ni préavis, effective à la date de première présentation du présent courrier » ; que le salarié considère que n'ayant pas eu de nouvelle de son employeur entre le 24 et le 30 juin 2010, il était libre de tout engagement à cette date, la société Polyurbaine 13 ayant pris l'initiative de la rupture par sa lettre non équivoque du 8 juin 2010 ; qu'il fait valoir, en outre, que le licenciement est postérieur à sa saisine de la juridiction prud'homale et souligne que ce choix a été dicté par l'état de nécessité dans lequel il s'est trouvé alors même que le contrat offert par la société Sophed était économiquement à son désavantage ; que la société Polyurbaine 13 indique que le courrier envoyé le 8 juin 2010 ne pouvait être considéré comme mettant fin à la relation contractuelle qu'à la condition par nature suspensive que le transfert du personnel s'effectue auprès de la société Sophed, en application de l'annexe V de la convention collective nationale de l'activité du déchet ; qu'elle relève le fait que le salarié a eu connaissance de l'absence de transfert par cette dernière société le 24 juin 2010 et a, en travaillant pour la société Sophed, enfreint les obligations de son contrat de travail dont il n'était pas délié ; qu'il convient de constater que la lettre du 8 juin 2010 visait une rupture du contrat de travail en cas de transfert du personnel à la société Sophed, transfert qui a été encore en discussion entre les deux sociétés et l'inspection du travail jusqu'au début du mois de juillet 2010 ; que la société Polyurbaine 13 ayant tiré les conséquences du refus de transfert de la part de la société Sophed, a ensuite diligenté à l'égard de bon nombre de ses salariés une procédure de licenciement économique ; que dès lors, le salarié n'est pas fondé à lui reprocher une rupture consommée à fin juin 2010 ; que le fait d'avoir saisi la juridiction prud'homale le 1er juillet 2010 en vue de contester la légitimité de la rupture prétendue n'avait pas pour effet de délier le salarié de sa relation contractuelle avec la société Polyurbaine 13, le salarié ayant eu connaissance, dès la réception de la lettre de Sophed du 24 juin 2010, de l'absence de transfert, et n'ayant pas notifié à son seul employeur une lettre de démission ; que les faits reprochés sont établis par le constat d'huissier et corroborés par la production par le salarié du contrat de travail daté du 24 juin 2010 à effet du 1er juillet 2010 démontrant une relation de travail à temps plein avec un autre employeur que la société Polyurbaine 13 ; que ce manquement avéré à l'obligation de loyauté rappelée à l'article 12 du contrat était suffisamment grave pour justifier le départ immédiat du salarié, sans indemnité ni préavis, le salarié ne justifiant d'aucun élément pour invoquer l'état de nécessité ;

Alors 1°) que la lettre par laquelle le 8 juin 2010, la société Polyurbaine 13 a indiqué à ses salariés que « Suite à la perte de marché de collecte des colonnes en point d'apport volontaire de la Communauté Urbaine de Marseille Provence Métropole, conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et de l'Annexe V de la convention collective nationale des activités du déchet, nous vous avons informé de votre transfert au sein de la société Sophed, à compter du 1er juillet 2010.
Cette société vous établira un contrat de travail prenant effet à cette date, et vous précisera les modalités de votre reprise. En conséquence, vous cesserez de faire partie des effectifs de notre entreprise le 30 juin 2010. Nous vous adresserons ultérieurement par courrier, les salaires et sommes vous restant dus, ainsi que votre reçu pour solde de tout compte…seront joints votre attestation Pôle Emploi, votre certificat de travail et votre relevé DIF. Nous tenons à vous remercier pour la collaboration efficace et le sérieux dont vous avez fait preuve pendant plusieurs années au sein de notre société », leur notifiait, de manière claire et non équivoque, la rupture de leur contrat de travail au 30 juin 2010 ; qu'en décidant que cette lettre visait un transfert « encore en discussion » et ne rompait pas les contrats de travail fin juin 2010, quand ce courrier ne faisait état d'aucune discussion sur ce point mais d'une certitude, la cour d'appel a dénaturé cette lettre et méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

Alors 2°) que caractérise un licenciement le fait d'indiquer à un salarié qu'il ne fera plus partie du personnel à une date donnée ; qu'en ayant décidé que la lettre du 8 juin 2010 par laquelle la société Polyurbaine 13 avait indiqué à ses salariés que « vous cesserez de faire partie des effectifs de notre entreprise le 30 juin 2010. Nous vous adresserons ultérieurement par courrier, les salaires et sommes vous restant dus, ainsi que votre reçu pour solde de tout compte…seront joints votre attestation Pôle Emploi, votre certificat de travail et votre relevé DIF. Nous tenons à vous remercier pour la collaboration efficace et le sérieux dont vous avez fait preuve pendant plusieurs années au sein de notre société », n'avait pas rompu au 30 juin 2010 les relations contractuelles entre la société Polyurbaine 13 et le salarié auquel la lettre était envoyée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-3 du code du travail ;

Alors 3°) et en tout état de cause, que ne commet aucune faute grave le salarié qui, après avoir reçu de son employeur une lettre l'informant qu'à la suite de la perte d'un marché, son contrat de travail serait transféré chez le nouveau titulaire à compter du 1er juillet 2010, et lui précisant « vous cesserez de faire partie des effectifs de notre entreprise le 30 juin 2010 », signe un contrat de travail à effet du 1er juillet 2010 avec le repreneur qui avait refusé tout transfert automatique et proposé aux salariés volontaires une priorité d'embauche sans reprise d'ancienneté avec signature d'un nouveau contrat de travail aux conditions en vigueur au sein du repreneur ; qu'en décidant, dans ce contexte, que la signature par le salarié d'un contrat de travail le 24 juin 2010 à effet du 1er juillet 2010 avec la société Sophed caractérisait un manquement à l'obligation de loyauté stipulée au contrat conclu avec la société Polyurbaine 13, suffisamment grave pour justifier un départ immédiat sans indemnité ni préavis, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-22787
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 22 mar. 2017, pourvoi n°15-22787


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.22787
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