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22/03/2017 | FRANCE | N°15-21979

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 mars 2017, 15-21979


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société SDV Ami Angola Lda que sur le pourvoi incident relevé par la société CMA CGM ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche, qui est préalable :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Agence Netter (le chargeur) a vendu aux sociétés angolaises Luzolo et Bikuma et Sociédade Co

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société SDV Ami Angola Lda que sur le pourvoi incident relevé par la société CMA CGM ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche, qui est préalable :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Agence Netter (le chargeur) a vendu aux sociétés angolaises Luzolo et Bikuma et Sociédade Commercial Agro-Alimentar des marchandises dont elle a confié le transport maritime à la société Delmas, devenue la société CMA CGM (le transporteur maritime), le paiement du prix devant être effectué par voie bancaire contre remise des connaissements ; que les marchandises ont été chargées entre le 28 décembre 2009 et le 17 mai 2010 au départ de plusieurs pays à destination du port [Établissement 1] (Angola) où elles ont été retirées par les destinataires auprès de la société portuaire monopolistique Empresa Portuaria [Établissement 1] sur présentation de la copie des connaissements en application d'une réglementation douanière locale ; que le prix des marchandises n'ayant pas été payé, la société Agence Netter a recherché la responsabilité de la société CMA CGM, en lui reprochant d'avoir manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil, en ne l'avisant pas de l'existence d'une réglementation douanière autorisant la remise des marchandises sans présentation de l'original des connaissements ;

Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que, les modalités de livraison de la marchandise ressortant du domaine d'activité exclusif du transporteur maritime, ce dernier ne pouvait, en sa qualité de professionnel, ignorer l'existence d'une réglementation douanière spécifique et qu'il devait en informer le chargeur qui, en sa qualité de professionnel du négoce international, n'était pas censé connaître cette réglementation, le fait que le chargeur eût fait antérieurement expédier, par d'autres transporteurs et à plusieurs reprises, des marchandises à destination du port [Établissement 1] n'étant pas de nature à exonérer le transporteur maritime de sa responsabilité ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que le chargeur n'avait ni la qualité ni la compétence lui permettant de connaître les modalités de livraison applicables au port de destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident ni sur ceux du pourvoi principal :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il se déclare compétent, déclare la société Agence Netter recevable en ses demandes et met hors de cause les sociétés Bolloré Africa Logistic et Empresa Portuaria [Établissement 1], l'arrêt rendu le 21 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne la société Agence Netter aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société SDV Ami Angola Lda, demanderesse au pourvoi principal

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SDV Ami Angola Lda à garantir la société CMA CGM des condamnations prononcées contre elle, à hauteur de la somme de 764.085,87 € majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE, sur les circonstances de fait dans lesquelles les marchandises ont été retirées au port [Établissement 1] par les sociétés Luzolo et Bikuma et SCAA et sur les dispositions juridiques appliquées à l'occasion de ce retirement, en application de l'article L.110-3 du code de commerce, à l'égard de commerçants, les actes de commerce se prouvent par tous moyens ; que les circonstances de fait dans lesquelles les sociétés Luzolo et Bikuma et SCAA ont pris possession des marchandises concernées sont connues à partir notamment du rapport d'enquête du 30 juillet 2011 établi par la société d'expertise MCN à la demande de la société CMA CGM, de la note de la direction nationale des douanes angolaises en date du 6 novembre 2009, de circulaires douanières ultérieures en particulier celle du 31 mars 2010, de courriers adressés par la société SDV Ami Angola à l'administration des douanes angolaises et à la société EPC et des réponses apportées à ces courriers ; que la société agence Netter conteste toute valeur probante au rapport d'enquête du 30 juillet 2011 aux motifs qu'il n'a pas été établi contradictoirement et qu'il n'est confirmé par aucun élément objectif ; que ce document indique de façon détaillée le rôle de chaque intervenant dans les opérations de retirement des marchandises, présente l'organisation portuaire, et décrit les principales données de la réglementation applicable au retirement des marchandises ; que les informations pratiques qu'il fournit sur les conditions de retirement des marchandises au port [Établissement 1] pendant la phase considérée sont confirmées et complétées par les données résultant des autres documents susvisés à savoir des courriers de l'administration des douanes, de la société EPC, et de la société SDV Ami Angola, ainsi que la note circulaire du 6 novembre 2009 et les circulaires douanières postérieures ; que le rapport d'enquête concerné qui, par ailleurs, a été soumis à la discussion des parties, doit donc être retenu à titre d'élément de preuve ; que des pièces susvisées il résulte essentiellement qu'à leur arrivée au port [Établissement 1] les conteneurs déchargés sont stockés sur des terre-pleins du port à l'intérieur d'une enceinte fermée comprise dans la zone gérée à titre exclusif par la société EPC, que le code des douanes angolais (articles 19 et 22 approuvés par décret du 4 octobre 2006) prévoit pour le retirement ou la livraison des marchandises auprès des services du port un régime général de déclaration des marchandises en douane (régime 11) et des régimes simplifiés, dont le régime 11/600 qui permet à l'importateur de déclarer la marchandise en douane sans avoir à présenter l'original du connaissement (revêtu du tampon apposé par l'agent maritime) et de retirer ensuite les marchandises auprès de la société EPC, l'importateur qui utilise le régime simplifié devant régulariser la situation en produisant l'original du connaissement dans le délai de 30 jours sous peine d'amende, et que pour éviter que le port [Établissement 1] ne se trouve engorgé par l'afflux de conteneurs compte tenu de son exigüité, l'administration des douanes, par voie de lettre circulaire en date du 6 novembre 2009, a incité les importateurs à recourir au régime douanier dérogatoire prévu par le code des douanes Angolais ; que cette lettre circulaire du 6 novembre 2006 intitulée « avis » est ainsi rédigée : « à l'approche des fêtes et en prévision d'une augmentation des importations et jusqu'à décision contraire la direction nationale des douanes informe les importateurs et le public en général que désormais pour l'établissement de déclaration dédouanement préalable avec le code de 11/600, ils doivent s'adresser au service de dédouanement et remettre les documents suivants : - original ou copie du connaissement d'embarcation », étant précisé que l'avis détaille de façon précise les formalités à accomplir et les pièces à produire et rappelle aux importateurs leur obligation de régulariser la situation dans le délai imparti ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur l'action en garantie formée par la société CMA CGM contre la SDV Ami Angola, la première reproche à la seconde, chargée de la représenter sur place à Cabinda et d'accomplir, en qualité d'agent mandataire, des actes matériels et juridiques pour son compte, de ne pas lui avoir transmis les informations relatives à l'existence de la réglementation dérogatoire et de la diffusion de la note circulaire du 6 novembre 2009 ; que selon les dispositions de l'article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion ; qu'il appartient à la société CMA CGM, demandeur à l'action en garantie d'établir les fautes de gestion qu'elle allègue ; que du rapport d'enquête susvisé, en lui-même non contesté sur ce point par la société SDV Ami Angola, il résulte que l'agent maritime, jouait un rôle actif dans la mise en oeuvre du régime général de dédouanement puisque l'original du connaissement, à présenter à la douane, devait être revêtu du tampon de validation apposé par cette société ; que la société SDV Ami Angola ne pouvait donc ignorer la règlementation appliquée par les autorités portuaires et douanières, et en particulier l'existence du régime simplifié (11/600) ci-dessus analysé (en complément du régime général de déclaration des marchandises en douane) ; qu'au surplus il a été retenu ci-dessus que la société SDV Ami Angola ne pouvait davantage ignorer la lettre circulaire du 6 novembre 2009 adressée « au public en général » et facilitant pour toutes les importations à compter du 6 novembre 2009, le recours au régime simplifié ; que, mandataire, substitué du transporteur, elle était tenue envers son mandant d'un devoir d'information qui lui imposait, d'une part, dans la perspective du respect par son mandant de son obligation essentielle de vérification du paiement, de s'informer, sur les dispositions réglementaires relatives à la présentation de l'original du connaissement et, d'autre part, de transmettre aussitôt à son mandant les informations portant sur ces dispositions ; que la société SDV Ami Angola n'établit ni n'allègue avoir rempli ces obligations ; que le fait que la société EPC ne l'ait pas avisée des premiers retirements de marchandises sans présentation des originaux des connaissements ne constitue pas un motif d'exonération de responsabilité dès lors qu'agissant dans le respect de le réglementation douanière, cette société n'était tenue d'aucune obligation d'information envers la société SDV Ami Angola relativement aux retirements de marchandises ; que le manquement à ses obligations ci-dessus retenu, engage envers la société CMA CGM la responsabilité contractuelle de la société SDV Ami Angola ;

ALORS QUE l'agent maritime n'est tenu d'aucune obligation de renseignement envers son mandant au titre de la teneur de la réglementation douanière en vigueur sur le lieu de livraison des marchandises, dès lors que celui-ci est un professionnel du transport international et qu'il connait cette réglementation ; qu'en condamnant la société SDV Ami Angola Lda, agent maritime, à garantir la société CMA CGM, transporteur maritime, des condamnations prononcées contre elle au profit de la société Agence Netter, en raison d'un manquement à une obligation d'information lui imposant d'informer son mandant des particularités de la réglementation douanière locale, et notamment la teneur de l'avis du 6 novembre 2009 diffusé par la Direction principale douanière d'Angola, tout en constatant que la société CMA CGM « ne pouvait prétendre avoir ignoré, elle-même ou par son agent, l'existence de cet avis » (arrêt attaqué, p. 19, alinéa 10), ce dont il résultait nécessairement que la société SDV Ami Angola Lda, en sa qualité d'agent maritime, n'avait pas l'obligation de renseigner la société CMA CGM sur la teneur d'une réglementation que cette dernière connaissait « elle-même » parfaitement, la cour d'appel, qui a mis à la charge de la société SDV Ami Angola Lda une obligation de renseignement qui ne lui incombait pas, a violé l'article 1992 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société SDV Ami Angola Lda à garantir la société CMA CGM des condamnations prononcées contre elle, à hauteur de la somme de 764.085,87 € majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

AUX MOTIFS QUE, sur le préjudice, la société Agence Netter expose que les fautes commises par la société CMA CGM lui ont occasionné un préjudice d'un montant équivalent au prix des marchandises impayées ; qu'elle demande en conséquence la condamnation de la société CMA CGM à payer une indemnité de 764.085,87 € ; que la société SDV Ami Angola, assignée en garantie par la société CMA CGM, fait valoir que s'agissant d'un manquement au devoir d'information, le préjudice subi consiste en une perte de chance, en sorte que la société Agence Netter ne peut demander le paiement d'une indemnité égale au prix de vente des marchandises ; qu'en application du principe de réparation intégrale du préjudice subi, le transporteur maritime, dont la responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil, doit réparer l'ensemble des préjudices justifiés quelle qu'en soit la nature ; que cette obligation porte notamment sur le préjudice commercial consistant pour le vendeur à être privé du prix de vente de la marchandise ; qu'en l'espèce, en contractant avec la société Agence Netter, la société CMA CGM s'est engagée à ne remettre la marchandise que contre justification du paiement de celle-ci ; qu'en conséquence, au moment de la formation du contrat de transport, le paiement du prix constituait pour le vendeur, ainsi assuré du paiement, une certitude et non pas une éventualité ; que le préjudice qu'il subit du fait du transporteur maritime ne s'analyse donc pas en une perte de chance; que le respect par le transporteur de son obligation d'information aurait permis à la société Agence Netter de prendre les dispositions de nature à éviter tout risque de non-paiement ; que par ailleurs, le transporteur, conscient du risque pour lui de ne pas pouvoir respecter son obligation essentielle de livraison appropriée, aurait pu décider de ne pas conclure le contrat de transport ; que la demande en paiement d'une indemnité égale au prix des marchandises est en conséquence fondée ; que la société CMA CGM sera condamnée à payer à la société Agence Netter la somme de 764.085,87 €, non contestée dans son montant ;

ALORS QUE le manquement du mandataire aux obligations d'information, de mise en garde et de conseil auxquelles il peut être tenu ne prive la victime de ce manquement que d'une chance de mieux orienter ses choix ; qu'en indemnisant la société Agence Netter à hauteur de la totalité du prix non payé des marchandises, cependant que le manquement de la société CMA CGM à son devoir d'information, et celui de la société SDV Ami Angola à le supposer avéré, n'a en toute hypothèse privé la société Agence Netter que de la chance de faire le choix de ne pas procéder à l'expédition litigieuse, la règlementation angolaise étant un régime douanier impératif à laquelle elle ne pouvait se soustraire (arrêt attaqué, p. 16), la cour d'appel, qui n'a pas indemnisé comme elle aurait dû le préjudice de la société Agence Netter sur le fondement de la perte de chance, a violé l'article 1147 du code civil.
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société CMA CGM, demanderesse au pourvoi incident

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à payer à la société Agence Netter la somme de 764 085,87 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision ;

AUX MOTIFS QUE « […], sur les circonstances de fait dans lesquelles les marchandises ont été retirées au port [Établissement 1] par les sociétés Luzolo et Bikuma et SCAA et sur les dispositions juridiques appliquées à l'occasion de ce retirement, en application de l'article L. 110-3 du code de commerce, à l'égard de commerçants, les actes de commerce se prouvent par tous moyens ; que les circonstances de fait dans lesquelles les sociétés Luzolo et Bikuma et SCAA ont pris possession des marchandises concernées sont connues à partir notamment : - du rapport d'enquête du 30 juillet 2011 établi par la société d'expertise MCN, à la demande de la société CMA CGM, - de la note de la direction nationale des douanes angolaises en date du 6 novembre 2009, - de circulaires douanières ultérieures, en particulier celle du 31 mars 2010, - de courriers adressés par la société SDV Ami à l'administration des douanes angolaises et à la société EPC, - des réponses apportées à ces courriers ; que la société agence Netter conteste toute valeur probante au rapport d'enquête du 30 juillet 2011 aux motifs qu'il n'a pas été établi contradictoirement, et qu'il n'est confirmé par aucun élément objectif ; que ce document indique de façon détaillée le rôle de chaque intervenant dans les opérations de retirement des marchandises, présente l'organisation portuaire, et décrit les principales données de la réglementation applicable au retirement des marchandises ; que les informations pratiques qu'il fournit sur les conditions de retirement des marchandises au port [Établissement 1] pendant la phase considérée sont confirmées et complétées par les données résultant des autres documents susvisés, à savoir des courriers de l'administration des douanes, de la société EPC, et de la société SDV Ami, ainsi que la note circulaire du 6 novembre 2009 et les circulaires douanières postérieures ; que le rapport d'enquête concerné qui, par ailleurs, a été soumis à la discussion des parties, doit donc être retenu à titre d'élément de preuve ; que des pièces susvisées il résulte essentiellement que :
- à leur arrivée au port [Établissement 1] les conteneurs déchargés sont stockés sur des terre-pleins du port à l'intérieur d'une enceinte fermée comprise dans la zone gérée à titre exclusif par la société EPC,
- le code des douanes angolais (articles 19 et 22 approuvés par décret du 4 octobre 2006) prévoit pour le retirement ou la livraison des marchandises auprès des services du port : - un régime général de déclaration des marchandises en douane (régime 11), - et des régimes simplifiés, dont le régime 11/600 qui permet à l'importateur de déclarer la marchandise en douane sans avoir à présenter l'original du connaissement (revêtu du tampon apposé par l'agent maritime) et de retirer ensuite les marchandises auprès de la société EPC, - sous peine d'amende, l'importateur qui utilise le régime simplifié doit dans le délai de 30 jours, régulariser la situation en produisant l'original du connaissement,
- pour éviter que, compte tenu de son exigüité, le port [Établissement 1] ne se trouve engorgé par l'afflux de conteneurs, l'administration des douanes, par voie de lettre circulaire en date du 6 novembre 2009, a incité les importateurs à recourir au régime douanier dérogatoire prévu par le code des douanes Angolais ;
- cette lettre circulaire du 6 novembre 2006 intitulée "avis" est ainsi rédigée « à l'approche des fêtes et en prévision d'une augmentation des importations et jusqu'à décision contraire la direction nationale des douanes informe les importateurs et le public en général que désormais pour l'établissement de dédouanement préalable avec le code de 11/600, ils doivent s'adresser au service de dédouanement et remettre les documents suivants : - original ou copie du connaissement d'embarcation », étant précisé que l'avis détaille de façon précise les formalités à accomplir et les pièces à produire et rappelle aux importateurs leur obligation de régulariser la situation dans le délai imparti ;
que, […] sur la responsabilité contractuelle de la société CMA CGM, cela exposé, selon les dispositions de l'article 1147 du code civil « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, à raison de l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut être imputée » ; qu'il résulte en particulier des dispositions de ce texte et, ensemble, des articles 49 et 50 du décret du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement de transport maritimes que, sauf convention contraire, le transporteur maritime ne peut livrer la marchandise que sur présentation de l'original du connaissement, même lorsque celui-ci est à personne dénommée et dépourvu de mention à ordre (Com. 19 juin 2007) ; qu'en application de ces textes et sauf pour lui à apporter la preuve d'une cause étrangère qui, au sens de l'article 1147 précité, ne lui est pas imputable, le transporteur maritime est tenu de réparer le préjudice résultant du défaut de règlement du prix de la marchandise lié à l'absence de présentation de l'original du connaissement ; qu'il doit ainsi répondre du fait que son mandataire a livré la marchandise sans exiger la remise de l'original du connaissement (Com. 10 juillet 2012) ; que, sous certaines conditions, la remise de la marchandise à un organisme monopolistique peut faire bénéficier le transporteur maritime d'une présomption de livraison conforme, celle-ci mettant fin au contrat de transport ; qu'il en est ainsi lorsque la remise de la marchandise à l'organisme monopolistique fait perdre au transporteur maritime le pouvoir d'exercer son contrôle sur les opérations de retirement et de s'assurer ainsi du paiement préalable du prix de la marchandise en exigeant la présentation de l'original du connaissement ; que de même, justifie en principe d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, le transporteur maritime qui établit que, sans qu'il ait pu s'y opposer, l'application d'une réglementation douanière impérative a permis au destinataire de la marchandise d'entrer en possession de celle-ci sans avoir à présenter l'original du connaissement ; que le transporteur maritime ne peut se prévaloir de la remise de la cargaison à une entité monopolistique lorsque, par elle-même, cette remise ne l'empêchait pas d'exiger, avant le retirement la présentation de l'original du connaissement ; qu'il en est ainsi en particulier dans l'hypothèse où le processus mis en place par l'agent maritime impose au destinataire de justifier du paiement avant le retirement de la marchandise ; que de même lorsqu'au moment de la conclusion du contrat de transport, le transporteur maritime connaissait ou aurait dû connaître les particularités de la réglementation du port de déchargement, il ne peut se prévaloir de l'application de celle-ci pour prétendre à une exonération de responsabilité ; qu'en l'espèce, au regard des principes rappelés ci-dessus, il convient de rechercher : - si la société EPC se trouvait en situation de monopole de droit ou de fait, si la société CMA CGM lui a remis la cargaison, - si une réglementation locale impérative empêchait le transporteur maritime (par son agent) d'accomplir son obligation essentielle relative à la présentation du connaissement original, - et, le cas échéant, si le transporteur connaissait ou devait connaître l'existence de cette réglementation ; que, sur les deux premiers points, l'article 4 du décret du 11 janvier 2006 instituant la société EPC dispose en particulier : « la société EPC a pour objet social l'exercice des pouvoirs d'administration, de gestion et d'autorité portuaire dans les zones maritimes et terrestres en coordonnant les activités exercées, en promouvant les travaux, et en organisant les services en vue de l'exploitation économique du port. Le port [Établissement 1] peut aussi exercer directement ou indirectement les activités complémentaires ou accessoires à l'exploitation portuaire » ; que, du rapport d'enquête du 30 juillet 2011, de l'avis du 6 novembre 2009, ainsi que des circulaires douanières et de l'échange de courriers susvisés, il résulte, et il n'est pas sérieusement contesté, que la société EPC avait alors le monopole de fait : - d'une part du stockage et de l'entreposage des marchandises, celles-ci devant obligatoirement être stockées sur les terre-pleins du port dans une enceinte fermée, - et d'autre part des opérations de retirement des marchandises par le destinataire, dès lors que les conteneurs entreposés sur les aires placées sous son contrôle exclusif ne pouvaient être retirés qu'auprès d'elle ; que ces éléments joints à la circonstance, en elle-même non contestée, que les marchandises ont effectivement été retirées auprès de la société EPC, par les sociétés Luzolo et Bikuma et SCAA lesquelles ont reconnu par courriel du 12 février 2011 ne pas en avoir payé le prix, établissent que la société CMA CGM a remis la cargaison à la société EPC ; que sous le régime général de déclaration des marchandises en douane (régime 11 décrit ci-dessus) la position de monopole de la société EPC en matière de stockage d'entreposage et de retirement n'excluait pas, en elle-même la possibilité pour la société CMA CGM et son agent de remplir leur obligation consistant à ne permettre le retirement de la marchandise que sur présentation de l'original du connaissement ; que dans cette hypothèse en effet, et même si la marchandise avait été entreposée auprès de la société EPC, l'agent maritime conservait le pouvoir d'exiger du destinataire, préalablement au retirement auprès du bureau du Port, la présentation de l'original du connaissement ; qu'au soutien de ses prétentions la société CMA CGM expose que le retirement des marchandises s'est fait à l'insu de son agent maritime et donc sans possibilité pour lui d'exiger la présentation préalable de l'original du connaissement ; qu'elle considère que l'application de la réglementation douanière impérative constitue en conséquence pour elle un cas exonératoire de responsabilité; qu'elle soutient qu'au moment de la formation du contrat de transport avec la société Agence Netter elle ne connaissait pas l'existence de cette réglementation et qu'il n'est pas établi que l'avis de l'administration douanière du 6 novembre 2009 a été porté à sa connaissance et à celle de son agent maritime ; qu'il a été rappelé ci-dessus que le régime douanier dérogatoire existait depuis le mois d'octobre 2006 ; qu'il était donc en vigueur depuis plusieurs années à la date de formation des contrats de transport concernés ; que les importateurs pouvaient ainsi, sous certaines conditions, l'utiliser ; que même si, sur un plan pratique, l'avis du 6 novembre 2009 était destiné à obtenir de façon temporaire, un large recours au régime dérogatoire, il n'a été en lui-même que le rappel de la possibilité d'y recourir ; qu'au vu de ce qui précède il apparaît qu'au moment de la formation du contrat de transport, la société CMA CGM par elle-même ou par son agent maritime qui la représentait sur place, connaissait ou devait connaître l'existence de la réglementation dérogatoire susvisée ; qu'en sa qualité de professionnelle du transport la société CMA CGM, par elle-même ou par l'agent maritime qui la représentait sur place, devait s'informer spécialement sur les modalités de retirement des marchandises applicables aux cargaisons dont la société Agence Netter envisageait de lui confier le transport ; qu'au surplus que par l'avis du 6 novembre 2009, diffusé sous forme de lettre circulaire, la Direction principale douanière d'Angola a rappelé, en en décrivant les modalités pratiques, et en en facilitant l'utilisation, l'existence du régime dérogatoire, incitant ainsi par ce moyen, les opérateurs à y recourir ; que la société CMA CGM ne peut prétendre avoir ignoré, elle-même ou par son agent, l'existence de cet avis dès lors que, selon les termes employés, l'avis du 6 novembre 2009 est destiné au public en général ; que de l'emploi de l'adverbe "désormais" il résulte que l'autorité administrative a appliqué sans délai les dispositions annoncées ; qu'il résulte des énonciations des connaissements produits et du tableau détaillé et précis récapitulant la situation de chaque conteneur (pièce n° 9 de la société Agence Netter), documents qu'aucun autre élément du dossier ne vient contredire, que les premiers conteneurs ont été pris en charge par la société CMA CGM le 28 décembre 2009 soit postérieurement à l'avis du 6 novembre 2009 ; que dans ce contexte le transporteur maritime aurait dû refuser d'émettre des connaissements dès lors qu'il connaissait ou devait connaître, au moment de la formation du contrat de transport, l'existence du régime dérogatoire ; que la mise en oeuvre de celui-ci ne constitue donc pas une cause étrangère non imputable au transporteur au sens de l'article 1147 du code civil ; que la société Agence Netter invoque en outre un manquement du transporteur à son devoir d'information et de conseil ; qu'en réponse la société CMA CGM, fait valoir : - d'une part qu'elle n'est tenue d'aucun devoir d'information relativement à la mise en oeuvre de dispositions douanières, lesquelles ne concernent pas, selon elle, l'exécution du contrat de transport, - et d'autre part qu'elle n'était pas tenue de donner cette information à la société Agence Netter dans la mesure où : - en sa qualité d'entreprise spécialisée dans le négoce international en Afrique de l'Ouest cette société connaissait toutes les spécificités des conditions de retirement des marchandises, et avait eu connaissance de la réglementation douanière dans le cadre d'un précédent litige ; qu'en application de l'article 1147 du code civil susvisé le transporteur est tenu d'un devoir d'information envers son cocontractant au contrat de transport ; que la société CMA CGM était tenue, dans les limites de sa compétence spécifique, d'un devoir d'information à l'égard de la société Agence Netter ; que s'il ne s'étend pas aux modalités d'exécution du contrat de vente des marchandises, ce devoir s'applique à l'ensemble des opérations qui entrent dans le cadre de l'exécution des obligations nées du contrat de transport ; qu'à cet égard la livraison ou le retirement des marchandises constitue l'acte juridique par lequel le transporteur accomplit son obligation contractuelle en remettant au destinataire qui l'accepte la marchandise transportée à cette intention ; que les modalités de la livraison ou du retirement des marchandises entrent donc dans le champ des attributions du transporteur maritime ; qu'il a été retenu ci-dessus qu'en sa qualité de professionnelle du transport, la société CMA CGM ne pouvait ignorer l'existence de la réglementation douanière ; que l'application de celle-ci excluait pour elle toute possibilité de respecter son engagement de vérifier, par la présentation de l'original du connaissement, le paiement de la marchandise ; qu'elle devait en conséquence, au moment de la conclusion du contrat de transport, en informer spécialement la société Agence Netter ; que cette obligation s'imposait d'autant plus que jusqu'alors, toutes les ventes de marchandises par la société Agence Netter avaient donné lieu à une livraison sur présentation de l'original du connaissement, document remis au destinataire à Cabinda par la banque de cette société, contre paiement de la marchandise ; que la société CMA CGM n'établit ni n'allègue avoir rempli l'obligation d'information ci-dessus définie ; que les développements qui précèdent établissent à la charge de la société CMA CGM un manquement à ses obligations contractuelles de transport ; qu'en qualité de professionnelle du négoce international, la société Agence Netter n'était pas censée connaître la réglementation douanière locale particulière applicable dans le cadre des opérations de livraison de marchandises ; que les sociétés Agence Netter et CMA CGM ont en effet chacune un domaine de compétence spécifique, la livraison des marchandises ressortant du domaine d'activité exclusif du transporteur maritime ; que par ailleurs le fait qu'ayant les expéditions de marchandises litigieuses, la société Agence Netter ait conclu avec d'autres transporteurs plusieurs contrats de vente de marchandises à destination du port [Établissement 1] ne saurait en lui-même exonérer la société CMA CGM de sa responsabilité ; que, concernant le précédent litige invoqué par la société CMA CGM et ayant abouti à une décision rendue le 8 septembre 2010 par le tribunal de commerce de Paris, il ressort des pièces produites que, si ce litige concerne des expéditions de marchandises au port [Établissement 1], les questions qu'il soulèvent sont différentes de celles de la présente instance et qu'en particulier elles ne portent pas sur l'application de réglementation douanière dérogatoire ; que le moyen tiré de la connaissance de celle-ci par la société Agence Netter ne peut donc aboutir ; […] ; que des développements qui précèdent il ressort que la société CMA CGM a engagé sa responsabilité envers la société Agence Netter à raison du préjudice résultant du défaut de paiement des marchandises » ; […] ; que […] sur l'action en garantie formée par la société CMA CGM contre la SDV Ami, la société CMA CGM reproche à la société SDV Ami, chargée de la représenter sur place à Cabinda et d'accomplir, en qualité d'agent mandataire, des actes matériels et juridiques pour son compte, de ne pas lui avoir transmis les informations relatives à l'existence de la réglementation dérogatoire et de la diffusion de la note circulaire du 6 novembre 2009 ; que selon les dispositions de l'article 1992 du code civil le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion ; qu'il appartient à la société CMA CGM, demandeur à l'action en garantie d'établir les fautes de gestion qu'elle allègue ; que du rapport d'enquête susvisé, en lui-même non contesté sur ce point par la société SDV Ami, il résulte que l'agent maritime, jouait un rôle actif dans la mise en oeuvre du régime général de dédouanement puisque l'original du connaissement, à présenter à la douane, devait être revêtu du tampon de validation apposé par cette société ; que la société SDV Ami ne pouvait donc ignorer la règlementation appliquée par les autorités portuaires et douanières, et en particulier l'existence du régime simplifié (11/600) ci-dessus analysé (en complément du régime général de déclaration des marchandises en douane) ; qu'au surplus, il a été retenu cidessus que la société SDV Ami ne pouvait davantage ignorer la lettre circulaire du 6 novembre 2009 adressée "au public en général" et facilitant pour toutes les importations à compter du 6 novembre 2009, le recours au régime simplifié ; que, mandataire, substitué du transporteur, elle était tenue envers son mandant d'un devoir d'information qui lui imposait : - d'une part, dans la perspective du respect par son mandant de son obligation essentielle de vérification du paiement, de s'informer, sur les dispositions réglementaires relatives à la présentation de l'original du connaissement ; - et d'autre part de transmettre aussitôt à son mandant les informations portant sur ces dispositions ; que la société SDV Ami n'établit ni n'allègue avoir rempli ces obligations ; que le fait que la société EPC ne l'ait pas avisée des premiers retirements de marchandises sans présentation des originaux des connaissements ne constitue pas un motif d'exonération de responsabilité dès lors, qu'agissant dans le respect de la réglementation douanière, cette société n'était tenue d'aucune obligation d'information envers la société SDV Ami relativement aux retirements de marchandises ; que le manquement à ses obligations ci-dessus retenu, engage envers la société CMA CGM la responsabilité contractuelle de la société SDV Ami » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE le transporteur maritime n'est tenu ni d'une obligation d'information ni d'un devoir de conseil envers l'expéditeur quant aux modalités de livraison de la marchandise, opérée par une entreprise monopolistique, sans présentation des connaissements originaux, suivant la réglementation douanière applicable au port de destination ; qu'en énonçant que le transporteur maritime est tenu d'un tel devoir d'information envers son cocontractant, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil à l'article 3.2 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 ;

2°/ALORS, d'autre part, et en toute hypothèse, QUE le transporteur maritime, à supposer qu'il soit tenu d'une obligation d'information envers l'expéditeur quant aux modalités de livraison de la marchandise, opérée par une entreprise monopolistique, sans présentation des connaissements originaux, suivant la réglementation douanière applicable au port de destination, est déchargé de cette obligation envers l'expéditeur, spécialisé dans le négoce international de la marchandise vendue, réputée connaitre cette réglementation ; que, pour retenir la responsabilité de la société CMA-CGM envers l'expéditeur, la cour d'appel a énoncé qu'en qualité de professionnelle du négoce international, la société Agence Netter n'était pas censée connaître la réglementation douanière locale particulière applicable en Angola pour les opérations d'enlèvement de marchandises par les destinataires, cette dernière et la société CMA CGM ayant chacune un domaine de compétence spécifique et la livraison des marchandises ressortant du domaine d'activité exclusif du transporteur maritime ; qu'en statuant ainsi, sans autrement caractériser que l'expéditeur, dont elle relevait la qualité de professionnel du négoce international, pouvait légitimement ignorer la réglementation douanière locale, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ALORS, enfin et en toute hypothèse, QUE le transporteur maritime, à supposer qu'il soit tenu d'une obligation d'information envers l'expéditeur quant aux modalités de livraison de la marchandise, opérée par une entreprise monopolistique, sans présentation des connaissements originaux, suivant la réglementation douanière applicable au port de destination, est déchargé de cette obligation, s'il a ignoré lesdites modalités ; que, pour retenir la responsabilité de la société CMA-CGM, la cour d'appel a considéré qu'elle n'a pas informé la société Agence Netter de la réglementation douanière locale ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant retenu que la société SDV Ami, agent maritime, avait elle-même manqué à son devoir d'information envers la société CMA CGM, en omettant de l'informer sur les dispositions réglementaires relatives à la présentation de l'original du connaissement et s'étant abstenue de lui transmettre les informations portant sur ces dispositions, ce dont se déduisait que la société CMA-CGM, qui ignorait cette réglementation, n'avait pu manquer à son obligation d'information, envers l'expéditeur, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR condamné la société CMA-CGM à payer à la société Agence Netter la somme de 764 085,87 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision ;

AUX MOTIFS QUE « […], sur le préjudice, la société Agence Netter expose que les fautes commises par la société CMA CGM lui ont occasionné un préjudice d'un montant équivalent au prix des marchandises impayées ; qu'elle demande en conséquence la condamnation de la société CMA CGM à payer une indemnité de 764 085,87 euros ; que la société SDV Ami (assignée en garantie par la société CMA CGM) fait valoir que s'agissant d'un manquement au devoir d'information, le préjudice subi consiste en une perte de chance, en sorte que la société Agence Netter ne peut demander le paiement d'une indemnité égale au prix de vente des marchandises ; qu'en application du principe de réparation intégrale du préjudice subi, le transporteur maritime, dont la responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil, doit réparer l'ensemble des préjudices justifiés quelle qu'en soit la nature ; que cette obligation porte notamment sur le préjudice commercial consistant pour le vendeur à être privé du prix de vente de la marchandise ; qu'en l'espèce, en contractant avec la société Agence Netter, la société CMA CGM s'est engagée à ne remettre la marchandise que contre justification du paiement de celle-ci ; qu'en conséquence, au moment de la formation du contrat de transport, le paiement du prix constituait pour le vendeur, ainsi assuré du paiement, une certitude et non pas une éventualité ; que le préjudice qu'il subit du fait du transporteur maritime ne s'analyse donc pas en une perte de chance ; que le respect par le transporteur de son obligation d'information aurait permis à la société Agence Netter de prendre les dispositions de nature à éviter tout risque de non-paiement ; que par ailleurs, le transporteur, conscient du risque pour lui de ne pas pouvoir respecter son obligation essentielle de livraison appropriée, aurait pu décider de ne pas conclure le contrat de transport ; que la demande en paiement d'une indemnité égale au prix des marchandises est en conséquence fondée ; que la société CMA CGM sera condamnée à payer à la société Agence Netter la somme de 764 085,87 euros, non contestée dans son montant ; que cette indemnité produira intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision qui en fixe le principe et le montant » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE le préjudice seulement hypothétique ne donne pas lieu à réparation ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que l'acheteur de la marchandise demeurait redevable envers la société Agence Netter du paiement de l'entier prix de vente ; qu'en condamnant cependant la société CMACGM à indemniser l'expéditeur à hauteur du prix de vente, sans avoir relevé que son paiement avait été rendu impossible, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance ; que la cour d'appel a condamné la société CMA-CGM à réparer l'entier préjudice subi par la société Agence Netter, à hauteur du prix de vente de la marchandise litigieuse ; qu'en en décidant ainsi, après avoir pourtant, pour retenir la responsabilité de la société CMA-CGM, considéré qu'elle n'a pas informé l'expéditeur de la réglementation douanière locale, et donc de la possibilité de retirement des marchandises sans présentation de l'original connaissement, ce dont il résultait que le préjudice subi par l'expéditeur ne pouvait s'analyser qu'en une perte de chance de recevoir paiement du prix de vente de la marchandise, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-21979
Date de la décision : 22/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 21 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 mar. 2017, pourvoi n°15-21979


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : Me Balat, Me Le Prado, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.21979
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