LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé en qualité de chauffeur poids lourd à compter du 1er décembre 2003, par la société Appia équipement de la route, aux droits de laquelle se trouve la société Eiffage travaux publics équipement de la route, M. [O] a été licencié pour faute grave par une lettre du 9 décembre 2010, l'employeur lui reprochant d'avoir abandonné son poste le 19 novembre 2010 ; que contestant le bien fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son ancien employeur à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour rappel de prime ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de rappel d'indemnité de grand déplacement, alors, selon le moyen, que l'accord d'entreprise du 23 novembre 2007, intitulé « réalisation chantier du Perthus » prévoit en son article 3 le versement d'une somme de 76 euros par jour, quatre jours par semaine pour les équipes travaillant sur ce chantier les vendredis, samedis et dimanches, sans soumettre le versement de cette somme à d'autres conditions ; que la cour d'appel a rejeté la demande du salarié en retenant que l'accord ne dérogeait pas « au critère conventionnel de l'impossibilité de rejoindre chaque soir sa résidence, condition que M. [O] ne remplissait pas » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand l'accord prévoyait le paiement d'une somme de 76 euros par jour, quatre jours par semaine pour les équipes travaillant sur le chantier les vendredis, samedis et dimanches, sans exiger d'autres conditions ni renvoyer à d'autres dispositions conventionnelles, la cour d'appel a violé l'article 3 de l'accord d'entreprise du 23 novembre 2007, intitulé « réalisation chantier du Perthus » et l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'accord d'entreprise du 23 novembre 2007 relatif au chantier du tunnel du Perthus ne dérogeait pas aux définitions données par la Convention collective nationale des ouvriers des travaux publics des petits et grands déplacements, la cour d'appel en a exactement déduit que le salarié, dont elle constatait pour le chantier en cause qu'il ne se trouvait pas dans l'impossibilité de rejoindre chaque soir son domicile, ne pouvait prétendre au versement de l'indemnité de grand déplacement prévue par l'accord d'entreprise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1132-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1, L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes qu'aucune personne ne peut être sanctionnée en raison de son état de santé ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et rejeter les demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts présentées par le salarié, l'arrêt énonce que le licenciement prononcé pour faute grave pendant la suspension du contrat de travail est motivé par l'abandon du poste de travail ayant consisté à quitter de manière délibérée ce poste prématurément sans autorisation ni justification et ses conséquences préjudiciables pour l'entreprise, que ces faits sont établis suivant les attestations indiquant que le salarié a remis les clés de son camion et annoncé son départ immédiat de l'entreprise, ainsi que la fiche de pointage signée du salarié mentionnant « démission et abandon de poste ce jour 15 heures sur le chantier A 9 », que ces faits ne trouvent aucune cause justificative ni exonératoire dans les circonstances invoquées mais non démontrées par le salarié, en l'occurrence l'accord de la hiérarchie, ni dans un motif d'ordre médical qui ne résulte pas de l'arrêt de travail ultérieur du jour même pour anxiété réactionnelle, apparemment la conséquence plutôt que la cause du départ du salarié, une surcharge de travail contredite par la synthèse du temps d'activité du 19 novembre 2010 basée sur les copies du chronotachygraphe révélant les cumuls journalier de 5,06 heures et de 44 heures hebdomadaires, les manquements invoqués aux règles de sécurité lesquelles non seulement se cantonnent aux dénonciations du salarié sur d'autres lieux et à des dates antérieures dont surtout 2008 et à des photographies incertaines sur les circonstances, lieux et dates des prises de vues, les cinq dernières datées d'ailleurs à la main de la semaine du 19 au 24 juillet 2011, que ces faits, constitutifs d'un acte d'indiscipline caractérisé présentent une gravité suffisante pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi alors que le licenciement avait pour motif l'abandon de poste du 19 novembre 2010 et qu'elle constatait que le salarié avait été placé le jour même en arrêt de travail pour maladie, de sorte qu'il ne pouvait lui être reproché un abandon de poste, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 6 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Eiffage travaux publics équipement de la route aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Eiffage travaux publics équipement de la route à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé et prononcé par Mme Slove, conseiller le plus ancien non empêché, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 du code de procédure civile, en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. [O].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de M. [O] tendant à voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, obtenir le paiement d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement prononcé pour faute grave pendant la suspension du contrat de travail est motivé par l'abandon du poste de travail ayant consisté à quitter de manière délibérée ce poste prématurément sans autorisation ni justification et ses conséquences préjudiciables pour l'entreprise et non en une absence perturbant le bon fonctionnement de celle-ci et nécessitant le remplacement définitif du salarié ; ces faits sont établis suivant les attestations du 24 novembre 2010 de MM. [V] [M], chef de secteur de la même entreprise, et [D] [G], chef de chantier de la société BEC FRÈRES, indiquant que M. [O] a remis au premier les clés de son camion et annoncé son départ immédiat de l'entreprise, la fiche de pointage signé du premier nommé et du salarié mentionnant «démission et abandon de poste ce jour 15 heures sur le chantier A 9» ; l'employeur justifie également des remplacements du salarié effectués le jour même et le lundi 22 novembre par factures et de la perte de cette dernière journée d'exploitation suivant l'attestation de Monsieur [C], conducteur de travaux dans l'entreprise, du 7 juin 2012 ; ces faits ne trouvent aucune cause justificative ni exonératoire dans les circonstances invoquées mais non démontrées par le salarié, en l'occurrence l'accord de la hiérarchie alors que M. [M] précité s'est contenté de le raccompagner au premier péage pour des raisons de sécurité, un motif d'ordre médical qui ne résulte pas de l'arrêt de travail ultérieur du jour même pour anxiété réactionnelle, apparemment la conséquence plutôt que la cause du départ du salarié, une surcharge de travail contredite par la synthèse du temps d'activité du 19 novembre basée sur les copies du chronotachygraphe révélant les cumuls journalier de 5,06 heures et de 44 heures hebdomadaires, les manquements invoqués aux règles de sécurité lesquelles non seulement se cantonnent aux dénonciations du salarié sur d'autres lieux et à des dates antérieures dont surtout 2008 et à des photographies incertaines sur les circonstances, lieux et dates des prises de vues, les cinq dernières datées d'ailleurs à la main de la semaine du 19 au 24 juillet ; enfin ces faits, constitutifs d'un acte d'indiscipline caractérisé présentent une gravité suffisante pour justifier, sans mise en demeure préalable de reprise de l'activité, la rupture immédiate du contrat de travail dont la poursuite était impossible le temps même du préavis ; il y a lieu, dès lors, de débouter M. [O] de ses demandes indemnitaires ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE dès lors que Monsieur [O] s'est permis de passer outre les instructions de la Société dans des termes extrêmement grossiers en présence de salariés extérieurs à l'entreprise, puisque un représentant de l'entreprise BEC FRERE assisté à toute la scène ; que le comportement adopté par Monsieur [O] consistait indubitablement une faute grave sans qu'aucune mise en demeure préalable ne soit juridiquement obligatoire ; que dans ces circonstances le Conseil constate que le maintien de Monsieur [O] dans l'entreprise est impossible et que son licenciement pour faute grave est parfaitement fondé et justifié ;
ALORS QUE le fait, pour un salarié, de quitter son poste afin de consulter un médecin ne constitue pas une faute de nature à justifier le licenciement ; que la cour d'appel a retenu que le salarié avait abandonné son poste ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait, le jour même, été consulter un médecin qui lui avait prescrit un arrêt de travail, la cour d'appel a violé les articles L 1132-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L. 1235-1, L 1235-3 du code du travail ;
Et ALORS QUE la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer et le doute doit lui profiter ; que la cour d'appel a retenu, d'une part, que le salarié ne justifiait pas de l'accord de sa hiérarchie pour quitter son lieu de travail et, d'autre part, que le « motif d'ordre médical » ne résultait « pas de l'arrêt de travail ultérieur du jour même pour anxiété réactionnelle, apparemment la conséquence plutôt que la cause du départ du salarié » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand il résultait de ses constatations que l'employeur ne s'était pas opposé à son départ, le chef de chantier l'ayant au contraire raccompagné au péage, peu important qu'il ait dit l'avoir fait pour des raisons de sécurité, tandis que la preuve de la faute grave incombait exclusivement à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil, L 1132-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L. 1235-1, et L 1235-3 du code du travail ;
QUE de même, en statuant ainsi quand il résultait de ses constatations que salarié avait, le jour même, été consulter un médecin qui avait lui prescrit un arrêt de travail, tandis que la preuve de la faute grave incombait exclusivement à l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil, L 1132-1, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L. 1235-1, et L 1235-3 du code du travail ;
ALORS en outre QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que la cour d'appel a retenu, par des motifs adoptés des premiers juges que le salarié « s'est permis de passer outre les instructions de la Société dans des termes extrêmement grossiers en présence de salariés extérieurs à l'entreprise » ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que, dans la lettre de licenciement, l'employeur ne faisait pas grief au salarié de s'être « permis de passer outre les instructions de la Société dans des termes extrêmement grossiers en présence de salariés extérieurs à l'entreprise », la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail ;
Et ALORS subsidiairement QUE, dans la lettre de licenciement, l'employeur n'avait pas considéré que les seuls faits reprochés au salarié le 19 novembre 2010 justifiaient un licenciement pour faute grave, mais avait considéré que ces faits étaient aggravés du fait de l'avertissement dont le salarié avait fait l'objet le 22 septembre 2008 ; que la cour d'appel ayant annulé ledit avertissement, devait en tirer les conséquences en considérant que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement pour faute grave était fondé, la cour d'appel a violé les articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1, L 1234-5, L 1234-9, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail .
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de M. [O] tendant au paiement de la somme de 3358 euros au titre de la prime de déplacement ;
AUX MOTIFS QUE l'indemnité de grand déplacement en cause n'est pas due, l'accord d'entreprise du 23 novembre 2007 ne dérogeant pas, par ses références expresses à la fourniture par l'employeur des adresses de logement à proximité du chantier et à la réalisation par lui-même des réservations nécessaires ainsi qu'à sa prise en charge des allers-retours par les moyens de transport les plus diligents, avion de préférence, au critère conventionnel de l'impossibilité de rejoindre chaque soir sa résidence, condition que M. [O] ne remplissait pas pour résider à 20 km du chantier du Perthus ;
ALORS QUE l'accord d'entreprise du 23 novembre 2007, intitulé « réalisation chantier du Perthus » prévoit en son article 3 le versement d'une somme de 76 euros par jour, quatre jours par semaine pour les équipes travaillant sur ce chantier les vendredis, samedis et dimanches, sans soumettre le versement de cette somme à d'autres conditions ; que la cour d'appel a rejeté la demande du salarié en retenant que l'accord ne dérogeait pas « au critère conventionnel de l'impossibilité de rejoindre chaque soir sa résidence, condition que M. [O] ne remplissait pas » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand l'accord prévoyait le paiement d'une somme de 76 euros par jour, quatre jours par semaine pour les équipes travaillant sur le chantier les vendredis, samedis et dimanches, sans exiger d'autres conditions ni renvoyer à d'autres dispositions conventionnelles, la cour d'appel a violé l'article 3 de l'accord d'entreprise du 23 novembre 2007, intitulé « réalisation chantier du Perthus » et l'article 1134 du code civil.