LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er octobre 2015) et les productions, que, le 8 janvier 2014, le trésorier [Localité 2] (le trésorier), en charge du recouvrement d'impôt sur le revenu, de contribution sociale et de taxe d'habitation impayés, a fait délivrer à M. [Y] un commandement de payer valant saisie immobilière d'un appartement sis à [Localité 4], puis, le 17 mars 2014, a saisi le juge de l'exécution afin que soit ordonnée la vente de ce bien ;
Attendu que M. [Y] fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ que le titre exécutoire émis par une personne morale de droit public qui n'a pas été préalablement notifié au débiteur ne peut donner lieu à une mesure d'exécution forcée, telle une saisie immobilière ; qu'en matière fiscale, le rôle des contributions directes est rendu exécutoire à l'égard du contribuable qui ne s'est pas acquitté de l'impôt dû à la date d'exigibilité par l'avis de mise en recouvrement individuel qui doit lui être notifié par lettre recommandée et qui ne saurait se confondre avec l'envoi préalable de l'avis d'imposition, qui ne constitue pas une notification, ni davantage avec la lettre recommandée de mise en demeure de payer qui doit également précéder la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais ; qu'en l'espèce, le contribuable contestait avoir reçu notification préalable du titre exécutoire dont se prévalait l'administration à l'appui de son commandement de payer aux fins de saisie immobilière ; qu'en validant néanmoins la saisie sans s'être assuré de la notification préalable à M. [Y] de l'avis ou des avis de mises en recouvrement qui devaient impérativement précéder les poursuites, la cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard des articles L. 111-2, L. 111-3, 6° et L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble au regard des articles 1658 du code général des impôts et L. 256 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause ;
2°/ que le titre exécutoire émis par une personne morale de droit public qui n'a pas été préalablement notifié au débiteur ne peut donner lieu à une mesure d'exécution forcée, telle une saisie immobilière ; que l'arrêt ne fait état de la délivrance à M. [Y] d'aucun acte qui puisse s'analyser en une notification du rôle des contributions directes constituant le titre exécutoire sur lequel l'administration fiscale fondait ses poursuites, ni l'envoi de l'avis d'imposition, ni l'envoi de la mise en demeure prévu à l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales ne pouvant être assimilés à une telle notification ; qu'il s'en déduit que l'arrêt est de toute façon dépourvu de base légale au regard des articles L. 111-2, L. 111-3, 6° et L. 311-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que la mise en demeure qui doit précéder la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais fait courir un délai de trente jours durant lequel le comptable public compétent doit différer ses poursuites ; qu'elle doit indiquer les références du ou des avis de mises en recouvrement et rôles dont elle procède ainsi que le montant des sommes restant dues ; qu'en considérant qu'était assimilable à une telle mise en demeure de payer une lettre recommandée accompagnée d'un simple bordereau de situation récapitulatif des impôts impayés et impartissant au contribuable un délai de quinze jours, soit pour régler l'intégralité de sa dette fiscale, soit pour justifier de la mise en vente de ses propriétés, la cour d'appel viole les articles L. 257-0 A et R.* 257-0 A-1 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu que l'arrêt constate qu'il n'est pas contesté que le bordereau annexé au commandement valant saisie donnait le détail récapitulatif depuis octobre 2006 des impôts et taxes exigibles avec, pour chacun, le numéro de rôle, la date de mise en recouvrement, le montant initial, la majoration et les acomptes payés ; qu'il ajoute que l'émission du rôle constitue le titre exécutoire collectif, dont le contribuable est informé par l'envoi de l'avis d'imposition conformément à l'article L. 253 du livre des procédures fiscales ; qu'il relève que le commandement valant saisie a été délivré le 8 janvier 2014 après qu'une lettre recommandée, à laquelle était annexé un bordereau de situation récapitulant les impôts impayés jusqu'au 15 septembre 2012, a été adressée à M. [Y] le 22 janvier 2013, le mettant en demeure de payer dans un certain délai, l'accusé de réception portant la signature de celui-ci ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire la régularité du commandement valant saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. [Y].
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur [Y] de sa demande tendant à l'annulation du commandement valant saisie immobilière qui lui a été signifié le 8 janvier 2014 et autorisé la Direction Générale des Finances Publiques [Localité 1] et [Localité 3] à poursuivre la procédure pour le recouvrement d'une créance exigible fixée à 92.999,57 euros ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution réserve la saisie immobilière aux créanciers munis d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ; qu'il relève de la compétence du juge de l'exécution de vérifier si le créancier poursuivant une saisie immobilière est bien muni d'un tel titre ; qu'en application de l'article 1658 du Code général des impôts, les impôts directs et taxes assimilées sont recouvrés par les comptables du Trésor en vertu de rôles rendus exécutoires par un arrêté du Préfet qui peut déléguer ses pouvoirs au Directeur des services fiscaux ou à l'un de ses collaborateurs ; que le privilège du préalable a pour effet que dès l'émission du titre exécutoire par l'autorité publique, la créance fiscale est réputée certaine et liquide ; qu'en revanche, elle ne devient exigible qu'après mise en demeure ; qu'en l'espèce, l'émission du rôle constitue bien le titre exécutoire collectif dont le contribuable est informé par l'envoi de l'avis d'imposition conformément aux prescriptions de l'article L 253 du livre des procédures fiscales ; que la créance fiscale constatée par ce titre n'est exigible au sens des procédures civiles d'exécution de droit commun qu'après mise en demeure ; qu'en l'espèce, la contrepartie du pouvoir régalien d'émettre des titres exécutoires réside dans l'obligation pour l'Administration de respecter ses propres règles procédurales édictées pour leur émission et leur recouvrement ; qu'en application de l'article L 257-0-A du livre des procédures fiscales, à défaut de paiement des sommes mentionnées sur l'avis d'imposition à la date limite de paiement, le comptable public compétent adresse au contribuable une mise en demeure de payer avec la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais au sens de l'article 1912 du Code général des impôts ; qu'un commandement de payer aux fins de saisie immobilière constitue un acte de poursuite devant donner lieu à des frais , car il n'est pas exclu de la liste prévue par l'article 1912 qui ne fait pas de différence entre les commandements de payer selon la nature de la voie d'exécution qui est envisagée ; qu'il doit en conséquence être précédé d'une mise en demeure de payer, dont le texte ne précise pas la forme, mais dont l'Administration doit justifier par la production d'un acte extrajudiciaire, ou d'un avis de réception ; que la DGFIP a produit la copie d'une lettre recommandée avec accusé de réception, adressée à Monsieur [C] [Y] le 22 janvier 2013, le mettant en demeure de payer dans le délai de 15 jours la somme de 98.472,66 euros, à laquelle était annexé un bordereau de situation récapitulant les impôts impayés jusqu'à la date du 15 septembre 2012 ; qu'il est justifié d'un accusé de réception portant la signature de Monsieur [Y], à une date illisible, se rapportant bien à cette lettre ainsi qu'en témoigne le cachet de la poste ; que cette lettre de mise en demeure a eu pour effet de rendre exigible les créances fiscales pour le recouvrement selon les voies d'exécution de droit commun, à la seule exception des dernières impositions visées dans le bordereau de situation annexé au commandement valant saisie immobilière, qui n'était pas exigé dans la mise en demeure du 22 janvier 2013, et portant sur la contribution sociale 2011 et la taxe d'habitation 2012 ainsi que les majorations correspondantes pour les sommes respectivement de 741 €, 500 et 100 € ; qu'en conséquence, le commandement valant saisie immobilière n'est pas nul ;
ALORS QUE, D'UNE PART, le titre exécutoire émis par une personne morale de droit public qui n'a pas été préalablement notifié au débiteur ne peut donner lieu à une mesure d'exécution forcée, telle une saisie immobilière ; qu'en matière fiscale, le rôle des contributions directes est rendu exécutoire à l'égard du contribuable qui ne s'est pas acquitté de l'impôt dû à la date d'exigibilité par l'avis de mise en recouvrement individuel qui doit lui être notifié par lettre recommandée et qui ne saurait se confondre avec l'envoi préalable de l'avis d'imposition, qui ne constitue pas une notification, ni davantage avec la lettre recommandée de mise en demeure de payer qui doit également précéder la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais ; qu'en l'espèce, le contribuable contestait avoir reçu notification préalable du titre exécutoire dont se prévalait l'Administration à l'appui de son commandement de payer aux fins de saisie immobilière (cf. ses conclusions d'appel, p. 8 in fine et p. 9) ; qu'en validant néanmoins la saisie sans s'être assuré de la notification préalable à Monsieur [Y] de l'avis ou des avis de mises en recouvrement qui devaient impérativement précéder les poursuites, la Cour prive son arrêt de base légale au regard des articles L 111-2, L 111-3, 6° et L 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution, ensemble au regard des articles 1658 du Code général des impôts et L.256 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, le titre exécutoire émis par une personne morale de droit public qui n'a pas été préalablement notifié au débiteur ne peut donner lieu à une mesure d'exécution forcée, telle une saisie immobilière ; que l'arrêt ne fait état de la délivrance à Monsieur [Y] d'aucun acte qui puisse s'analyser en une notification du rôle des contributions directes constituant le titre exécutoire sur lequel l'Administration fiscale fondait ses poursuites, ni l'envoi de l'avis d'imposition, ni l'envoi de la mise en demeure prévu à l'article L 257-0-A du livre des procédures fiscales ne pouvant être assimilés à une telle notification ; qu'il s'en déduit que l'arrêt est de toute façon dépourvu de base légale au regard des articles L 111-2, L 111-3, 6° et L 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, la mise en demeure qui doit précéder la notification du premier acte de poursuite devant donner lieu à des frais fait courir un délai de trente jours durant lequel le comptable public compétent doit différer ses poursuites ; qu'elle doit indiquer les références du ou des avis de mises en recouvrement et rôles dont elle procède ainsi que le montant des sommes restant dues ; qu'en considérant qu'était assimilable à une telle mise en demeure de payer une lettre recommandée accompagnée d'un simple bordereau de situation récapitulatif des impôts impayés et impartissant au contribuable un délai de quinze jours, soit pour régler l'intégralité de sa dette fiscale, soit pour justifier de la mise en vente de ses propriétés, la Cour viole les articles L.257-0-A et R.257-0-A du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable à la cause.