LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [W] a été engagé le 1er octobre 2002 par l'association Club athlétique d'Orsay en qualité de responsable technique ; qu'il a saisi, le 2 novembre 2011, la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ainsi qu'en paiement de diverses sommes notamment à titre d'heures supplémentaires ; qu'il a été licencié par lettre du 13 janvier 2012 ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, retient qu'au-delà de l'invocation de principe d'avoir effectué des heures supplémentaires, le salarié ne verse au débat aucun tableau hebdomadaire récapitulatif des heures effectuées de telle sorte qu'il ne satisfait pas à l'exigence d'apporter des éléments de nature à justifier les heures alléguées ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif critiqués par les deuxième et troisième moyens en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en ce qu'il dit que le licenciement est fondé sur une faute grave, l'arrêt rendu le 29 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'association Club athlétique d'Orsay aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Club athlétique d'Orsay à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [W].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [W] de ses demandes au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées et de ses demandes subséquentes ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires sont des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que les heures supplémentaires sont effectuées à la demande de l'employeur, cette demande pouvant être implicite, notamment lorsque l'employeur a tacitement admis la réalisation des heures supplémentaires ; que l'article L. 3171-4 du code du travail dispose : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. » ; qu'au-delà de l'invocation de principe d'avoir effectué des heures supplémentaires, M. [W] ne verse au débat aucun tableau hebdomadaire récapitulatif des heures effectuées de sorte qu'il ne satisfait à l'exigence d'apporter des éléments de nature à justifier les heures alléguées ; qu'il ne saurait donc être établi, sur ce point également, un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE M. [W] n'apporte pas d'éléments probants et suffisants pour justifier de nombreuses heures supplémentaires et de congés non rémunérées ;
1) ALORS QUE le juge ne peut, pour rejeter une demande en paiement d'heures supplémentaires, faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures supplémentaires en se fondant exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié et il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir, de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; qu'en énonçant, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, que M. [W] ne justifiait pas ses heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 3171-4 du code du travail ;
2) ALORS, en tout état de cause, QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, doivent examiner les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en se fondant, pour débouter M. [W] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, sur le fait inopérant qu'il ne versait au débat aucun tableau hebdomadaire récapitulatif des heures effectuées quand le salarié étayait sa demande en produisant un décompte mensuel de ses heures supplémentaires, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [W] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et en requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir constaté que le licenciement était fondé sur sa faute grave et d'avoir en conséquence débouté M. [W] de ses demandes formées à ce titre ;
AUX MOTIFS « sur les fonctions exercées par M. [W] : nonobstant la fiche de poste qui n'est pas signée par l'appelant, ce dernier ne rapporte pas la preuve qu'il se soit vu confier et ait exercé des missions à caractère financier ; que s'agissant des missions techniques, celui-ci ayant été recruté en qualité de responsable technique, celles-ci relevaient de son contrat de travail (article 2) étant précisé que M. [W] reste approximatif sur les « missions ressources humaines » qu'il invoque sans en établir les contours ou la réalité ; qu'ainsi il n'est établi aucun manquement grave de l'employeur sur ce point ; sur le salaire : que selon la grille de classification de la convention collective applicable, un cadre de niveau 7, niveau revendiqué par l'appelant, suppose une participation à la définition des objectifs, à l'établissement du programme de travail et à sa conduite ainsi qu'à son évaluation y compris dans ses aspects financiers ; qu'ainsi, c'est en conformité avec la classification de la convention collective que M. [W] a été rémunéré sur la base du niveau 5 correspondant à une rémunération brute mensuelle, au 1er janvier 2011, de 2 837,54 € et partant supérieure aux minima conventionnels ; qu'en conséquence, il n'est établi aucun manquement grave imputable à l'employeur ; sur les salaires soutenus déguisés par l'appelant et les remboursements de frais : que M. [W] soutient de façon contradictoire d'une part qu'il faisait l'objet d'une rémunération occulte sous forme de remboursement de frais et d'autre part que ses frais professionnels n'étaient pas remboursés par l'employeur ; que la cour relève que les remboursements sont intervenus au vu de justificatifs dont M. [W] ne soutient pas le caractère fictif ; que s'agissant de l'indemnité mensuelle de déplacement, la mise en place de cette modalité de remboursement forfaitaire de tels frais n'établit pas, à elle seule, un paiement occulte de salaire ; qu'en conséquence, il n'est établi aucun manquement grave imputable à l'employeur sur ce point ; sur les heures supplémentaires : selon l'article L. 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires sont des heures de travail accomplies au-delà de la durée légale du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que les heures supplémentaires sont effectuées à la demande de l'employeur, cette demande pouvant être implicite, notamment lorsque l'employeur a tacitement admis la réalisation des heures supplémentaires ; que l'article L. 3171-4 du code du travail dispose : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. » qu'au-delà de l'invocation de principe d'avoir effectué des heures supplémentaires, M. [W] ne verse au débat aucun tableau hebdomadaire récapitulatif des heures effectuées de sorte qu'il ne satisfait à l'exigence d'apporter des éléments de nature à justifier les heures alléguées ; qu'il ne saurait donc être établi, sur ce point également, un manquement grave de l'employeur à ses obligations contractuelles ; sur l'absence de visite médicale : que cette absence avérée et pour laquelle aucune demande de dommages et intérêts n'est présentée ne saurait caractériser en elle-même une violation grave de ses obligations contractuelles par l'employeur ; sur les autres manquements invoqués par M. [W] : que l'appelant invoque ensemble, la non-conformité du règlement intérieur et une décision de licenciement non conforme aux statuts ; que l'irrégularité de procédure à la supposée avérée n'est pas, en toute hypothèse, un manquement dirimant ainsi que le fait que le règlement intérieur vise dans son intitulé les membres de l'association et non le personnel ; que ce grief mineur révèle la nature associative de l'employeur peu rompu aux respects absolu des exigences légales ; qu'aucun manquement grave n'est imputable à l'employeur ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS « que le contrat de travail et la fiche de poste fixent le cadre des missions de M. [W] ; que la lettre en date du 1er juillet 2011 rappelle qu'à l'unanimité, le bureau refuse les modifications de la fiche de poste proposées par M. [W] ; que cette même lettre demande à M. [W] d'améliorer ses relations avec le bureau et les entraîneurs ; que M. [W] a eu à plusieurs fois sa fiche de poste initiale réaffirmée par le conseil de section ; si M. [W] a effectué d'autres missions, elles relèvent de ses seules prérogatives et ne peuvent être imputées à la charge de son employeur ; que dans ses conditions, M. [W] ne peut se prévaloir d'une classification conventionnelle et d'une rémunération différente de celles dont il bénéficie ; que M. [W] échoue à démontrer le caractère fictif d'indemnités versées ; que M. [W] n'apporte pas d'éléments probants et suffisants pour justifier de nombreuses heures supplémentaires et de congés non rémunérés ; que M. [W] échoue à démontrer que ces frais de déplacement n'ont jamais été remboursés ; que M. [W] n'apporte pas la preuve des autres manquements à la réglementation du travail ; que M. [W] échoue à démontrer que le Club athlétique d'Orsay n'a pas exécuté ses obligations contractuelles ; que dans ces conditions, M. [W] est mal fondé à demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du Club athlétique d'Orsay » ;
1) ALORS QUE les juges sont tenus de se prononcer sur les conclusions des parties ; que les faits constitutifs de harcèlement caractérisent un manquement de l'employeur à l'exécution loyale de ses obligations contractuelles justifiant la résiliation judiciaire du contrat à ses torts ; qu'au soutien de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts du Club athlétique d'Orsay, le salarié soutenait avoir subi un véritable harcèlement, caractérisé notamment par son isolement dans un bureau dépourvu de fenêtre avec impossibilité d'avoir des contacts avec ses collègues et la volonté de le déstabiliser, ce qui lui avait causé des souffrances (conclusions d'appel, not. p. 3 et s. ; p. 27 et 30) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ce moyen pertinent, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la cassation du chef du dispositif relatif au bien-fondé de la demande formulée au titre des heures supplémentaires réalisées entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif portant sur la demande formée au titre de la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [W] reposait sur une faute grave et de l'avoir en conséquence débouté M. [W] de ses demandes formées à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ; Que c'est à l'employeur qui invoque la faute grave et s'est situé sur le terrain disciplinaire et à lui seul de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu'ils rendaient impossible la poursuite du contrat de travail de M. [X] [W] même pendant la durée du préavis. Considérant qu'il est versé aux débats une attestation de Monsieur [I], ancien président de la section natation, qui mentionne : « J'ai eu un appel de [X] [W] m'indiquant qu'il fallait qu'on parle car il avait eu un problème avec [O] [L]. Dans le même temps, j'ai aussi reçu un appel de [H] [N], entraîneur au club et collègue de [O] [L] me faisant part d'un incident survenu pendant la compétition entre [O] et [X]. Lors de ce déplacement [X] [W] aurait « dépassé les frontières » de la discussion professionnelle et amicale avec [O]. Ce refus a déplu à [X] qui a alors tenu des propos très déplacés à l'égard de sa collaboratrice [O], puis a commencé à exercer des pressions et à tenir des menaces à son égard. L'incident m'a ensuite été rapporté et confirmé le lendemain lundi téléphone par [O] [L] Mais également par [X] lui-même lors du déjeuner 2 jours plus tard. » ; Qu'il est établi, qu'à partir de 2011, date des incidents entre Mme [L] et M. [X] [W], le comportement du responsable technique a radicalement changé. Qu'ainsi, Mme [P], secrétaire du CAO, section natation atteste qu'« À compter de février 2011, l'attitude de Monsieur [W] envers Mlle [L] a été modifié: toujours très positif concernant le travail de Mlle [L], M. [W] est devenu très critique au point d'insister et d'être ferme auprès du bureau afin de procéder à un licenciement » ; Que Madame [M], trésorière auprès de la section Natation du CAO atteste également qu'(« Jusqu'à février 2011, M. [W] ne dénigrait jamais le travail de Mme [L], bien au contraire, il vantait ses mérites. L'attitude de M. [W] la concernant a changé du au tout. Subitement il ne manquait pas une occasion de dénigrer le travail de Mme [L]. Insidieusement, il nous indiquait que son travail n'était pas à la hauteur de ses attentes allant jusqu'à vouloir fermement la licencier. » ; Que ces attestations sont à mettre en perspective avec la démarche d'alerte faite par Mme [L] auprès du président de la CAO le 13 décembre 2011, après le retour d'arrêt pour maladie de M. [X] [W] et relatée par cette dernière dans son attestation en date du 14 novembre 2012 ; Que par ailleurs, la procédure disciplinaire ayant été engagée dans les 2 mois de la connaissance des faits par l'employeur (13 décembre 2011-licenciement 13 janvier 2012) le moyen tiré de la prescription sera écarté ; que le grief de harcèlement est établi et que dès lors, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen des autres griefs mentionnées dans la lettre de licenciement, la faute grave étant prouvée le maintien de M. [X] [W] au sein du CAO était impossible même pendant la période du préavis; Qu'en conséquence, le jugement sera infirmé, le licenciement déclaré fondé sur une faute grave et M. [X] [W] débouté de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement » ;
1) ALORS QUE le harcèlement moral suppose des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en se fondant seulement, pour dire justifié le licenciement pour faute grave de M. [W] à raison d'un harcèlement moral exercé sur une de ses collègues sur le fait que son comportement avait radicalement changé à partir de 2011, et qu'il était devenu critique et dénigrant à l'égard du travail de Mme [L], faits insusceptibles de caractériser un harcèlement constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-4, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article L.1152-1 du même code ;
2) ALORS QUE la cassation du chef du dispositif visé par le premier moyen entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif portant sur les demandes formées au titre du licenciement.