La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/2017 | FRANCE | N°15-14415

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 mars 2017, 15-14415


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [L], salarié de la société Socotec en qualité d'ingénieur du 15 mai 1973 au 1er juillet 2006, date de son départ à la retraite, a saisi le 5 juillet 2006 le conseil de prud'hommes de Nîmes de demandes relatives à un harcèlement moral et à une discrimination, ce dont il a été débouté par jugement du 19 septembre 2008 ; que la cour d'appel a également été saisie par l'intéressé de demandes relatives à des actions affectées à son plan d'épargne d'entreprise et

à des parts du fonds commun de placement d'entreprise, dit "fonds B" ; que le s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [L], salarié de la société Socotec en qualité d'ingénieur du 15 mai 1973 au 1er juillet 2006, date de son départ à la retraite, a saisi le 5 juillet 2006 le conseil de prud'hommes de Nîmes de demandes relatives à un harcèlement moral et à une discrimination, ce dont il a été débouté par jugement du 19 septembre 2008 ; que la cour d'appel a également été saisie par l'intéressé de demandes relatives à des actions affectées à son plan d'épargne d'entreprise et à des parts du fonds commun de placement d'entreprise, dit "fonds B" ; que le salarié, qui avait, d'autre part, saisi le tribunal de commerce de Versailles de demandes relatives à ses actions ordinaires, en a été débouté par jugement du 22 juin 2012 ;

Sur la rectification de l'omission matérielle affectant l'arrêt, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que, si la cour d'appel a, s'agissant des demandes formées par le salarié sur le rachat des actions portées sur le plan d'épargne d'entreprise et des parts du fonds B ainsi que sur l'application de l'article 1843-4 du code civil, rejeté ses demandes dans les motifs de l'arrêt attaqué, cette disposition ne figure pas dans le dispositif de la décision, par suite d'une omission matérielle qu'il convient de rectifier en application de l'article 462 du code précité ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre des fautes commises par la société Socotec, s'agissant des actions relevant du plan d'épargne d'entreprise et des parts du fonds B et de sa demande fondée sur l'article 1843-4 du code civil, l'arrêt retient que les prétentions de l'intéressé à ces titres se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Versailles du 22 juin 2012 ;

Attendu, cependant, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que si, lorsque la procédure est orale, les moyens soulevés d'office sont présumés avoir été débattus contradictoirement à l'audience, il peut être apporté la preuve contraire ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle énonçait que M. [L] avait développé ses conclusions à l'audience et que la société Socotec avait repris ses conclusions déposées à l'audience, et alors que celles-ci ne comportaient aucun moyen tiré de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce de Versailles du 22 juin 2012, ce dont il résultait que la cour d'appel avait soulevé ce moyen sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, celle-ci a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du second moyen :

Vu l'article 462 du code de procédure civile ;

Rectifiant l'arrêt rendu le 13 janvier 2015 par la cour d'appel de Nîmes ;

Dit qu'il convient d'ajouter dans le dispositif :

"Déboute M. [L] de ses demandes de dommages-intérêts relatives aux actions relevant du plan d'épargne d'entreprise et des parts du fonds B et de sa demande fondée sur l'article 1843-4 du code civil" ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de ses demandes de dommages et intérêts relatives aux actions relevant du plan d'épargne d'entreprise et des parts du fonds B et de sa demande fondée sur l'article 1843-4 du code civil, l'arrêt rendu le 13 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Socotec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Socotec à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [L]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [L] de sa demande au titre du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au soutien de ses allégations de harcèlement moral, M. [L] produit les éléments matériels suivants : - un tableau intitulé « Exemples de missions perturbantes » (pièce n° 90) établi par l'appelant, ne comportant que des missions entrant dans le champ d'activité normal de l'entreprise et situées dans le Gard, - le témoignage de M. [T] [M] qui ne fait état que de sa situation personnelle alors qu'il a quitté l'entreprise en 2000, - le courrier de la société Socotec du 4 mai 2006 en réponse au courrier reçu de Monsieur [V], délégué syndical Socotec pour le site d'[Localité 1], qui répercutait les doléances du salarié, - la retranscription de l'enregistrement d'un entretien dont ni la date ni les interlocuteurs ne sont identifiables par la cour, portant sur des dossiers en cours et à l'évidence négligés par M. [L] avant son départ en maladie, et obtenu à l'insu des protagonistes ; or l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée à l'insu de l'auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, - des courriers de l'employeur qui ne sont que des réponses aux récriminations émises par le salarié (pièces 78 et 79) et qui ne portent que sur des opérations en cours ne comportant aucun terme méprisant ni dévalorisant, - le témoignage de M. [W] relatant que « Voisin du bureau de M. [N] [L], il m'est arrivé d'entendre à de nombreuses reprises, des entretiens ou reproches fais par M. [O] à [N] [L] sur un ton et dans des termes agressifs qui sortaient à mon avis de la normalité d'un entretien professionnel... », - un certificat du médecin du travail du 6 novembre 2006, alors que M. [L] est à la retraite, qui reproduit les déclarations faites par l'appelant ; que ces éléments ne permettent pas de caractériser des agissements de harcèlement moral dont il n'est même pas justifié d'une incidence sur les conditions de travail ou sur l'état de santé du salarié étant rappelé que M. [L] avait bénéficié d'un mi-temps thérapeutique dès 2003 sans rapport avec les accusations de harcèlement ; que les premiers juges ont relevé avec pertinence que « M. [N] [L], mi-décembre 2005, demandait a M. [O] a être licencié par la SA Socotec, ce que lui refusait son entreprise ; après les congés de fin d'année 2005, M. [L] avait deux arrêts maladie consécutifs, après ces arrêts, M. [L] le 31 janvier 2006 dénonçait par courrier des faits de harcèlement de la part du directeur de l'agence ; cet enchaînement de faits et de circonstances amène le conseil à juger que M. [L] a déclenché ces accusations de harcèlement moral en représailles au refus de l'entreprise de le licencier pour obtenir des conditions financières plus favorables » ; qu'au demeurant, les arguments invoqués par M. [L] manquent de crédibilité, l'employeur faisant justement observer que « M. [L] déplore que ne lui soient pas confiées des missions d'importance (il critique les missions dites « B » qu'il juge trop nombreuses) ; toutefois, et dans le même temps, il semble craindre d'assumer les responsabilités techniques inhérentes au métier de contrôleur et de vérificateur technique puisqu'il assimile à du harcèlement moral les missions présentant de véritables difficultés techniques » ; qu'enfin, l'employeur verse aux débats pas moins de dix-huit attestations de salariés de la société confirmant n'avoir jamais été témoin d'actes de harcèlement au détriment de M. [L] ; qu'il en résulte que M. [L] a été à bon droit débouté de ses prétentions à ce titre ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Sur le harcèlement moral (L 122-49 du code du travail), a) Sur la pression indirecte par le biais des tâches fournies : Il n'apparaît pas au Conseil que les tâches confiées à Monsieur [L] soient des tâches sortant du ressort des missions habituellement confiées à un technicien de son niveau certaines étant de haute importance ; L'éloignement géographique de certaines d'entre elles signalées par Monsieur [L] est très mesuré car se situant dans le département du Gard à des distances kilométriques avoisinant les 50 kms ; La pièce 5, lettre du 4 mai 2006 de la SOCOTEC à Monsieur [V], délégué syndical, ne fait apparaître qu'une relation normale entre l'employeur et le salarié, les qualités professionnelles de Monsieur [L], reconnues par la SOCOTEC dans cette lettre, n'excluant pas des remarques sur certains dysfonctionnements dont Monsieur [L] pouvait être l'auteur ; b) Sur l'exclusion des stages de formation : A l'approche de sa retraite, un stage « norme béton » ne pouvait constituer pour Monsieur [L] une valorisation de son savoir, Monsieur [L] ayant déjà une grande expérience dans le domaine ; c) Sur les reproches professionnels excessifs et injustifiés : Monsieur [L] n'apporte pas la preuve des reproches qu'il formule à l'encontre de son directeur dans sa lettre du 7 février 2006 ; la production d'un enregistrement téléphonique de 61 minutes entre Monsieur [L] et Monsieur [O] en date du 30 janvier 2006 et signalé à Monsieur [U] le 18 mars 2008 (pièce 37) ne peut être reconnu par le Conseil comme certain et exact ; Les attestations de Messieurs [Z], [E] et [S] confirment les qualités professionnelles de Monsieur [L] mais n'apportent pas de preuves de propos vexatoires de la part de sa hiérarchie ; d) Sur l'altération de la santé de Monsieur [L] : Monsieur le Docteur [K], médecin du travail, écrit dans un certificat fait à la demande de Monsieur [L] le 6 novembre 2006, soit plus de quatre mois après sa mise à la retraite, le 1er juillet 2006 : « jusqu'à septembre 2004 le salarié ne se plaint pas, il est revu en 2005 et signale le stress qu'il rapporte à la présomption de responsabilité des contrôleurs » donc sans rapport avec un quelconque harcèlement moral ; Le docteur [K] écrit « en février 2006 le salarié en arrêt maladie demande une visite et décrit sa souffrance au travail » ; Le Conseil constate que Monsieur [N] [L], mi-décembre 2005, demandait à Monsieur [O] à être licencié par la SA SOCOTEC ce que lui refusait son entreprise ; après les congés de fin 2005, Monsieur [N] [L] avait deux arrêts maladie consécutifs ; après ces arrêts, Monsieur [N] [L] le 31 janvier 2006 dénonçait par courrier des faits de harcèlement de part du directeur de l'agence ; cet enchaînement de faits et de circonstances amène le Conseil à juger que Monsieur [N] [L] a déclenché ces accusations de harcèlement moral en représailles au refus de l'entreprise de le licencier pour obtenir des conditions financières plus favorables à l'occasion de son retrait de la vie professionnelle ; Le Conseil le déboutera de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

1°) ALORS QUE selon l'article L. 1154-1 du code du travail, la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié, ce dernier devant seulement établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter M. [L] de sa demande relative au harcèlement moral, que les éléments qu'ils versait aux débats ne permettaient pas de caractériser des agissements de harcèlement moral, a ainsi fait peser sur ce dernier la charge de la preuve du harcèlement et violé le texte susvisé ;

2°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que M. [L] versait aux débats un tableau intitulé « Exemples de missions perturbantes », outre le témoignage d'un ancien collègue de travail faisant état de sa situation personnelle de harcèlement moral et celui d'un autre collègue témoignant de ce que, voisin du bureau de ce dernier, il avait entendu, à de nombreuses reprises, des reproches qui lui étaient faits par M. [O] sur un ton et dans des termes agressifs qui sortaient de la normalité d'un entretien professionnel, ainsi qu'un certificat du médecin du travail du 6 novembre 2006, a néanmoins, pour débouter l'exposant de sa demande relative au harcèlement moral, énoncé que les éléments produits par le salarié ne permettaient pas de caractériser des agissements de harcèlement moral, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait l'existence de faits matériellement établis, de sorte qu'il lui appartenait d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, violant ainsi les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [L] de ses demandes de dommages et intérêts au titre des fautes commises par la société Socotec, s'agissant des actions relevant du PEE et des parts du fonds B et de sa demande fondée sur l'article 1843-4 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE M. [L] soutient que ses actions relevant du PEE et ses parts du fonds B ont été vendues sans son accord, pour le sanctionner à l'issue d'une action prud'homale légale, comme un autre salarié, ce qui constitue un abus de droit qu'il convient d'indemniser par la juste évaluation de son préjudice ; que concernant le plan épargne entreprise : la société Socotec évoque les dispositions de l'article R. 3332-3 du code du travail qui prévoient que le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise et les dispositions du guide de l'épargne salariale édité en juillet 2014 ayant pour objet d'intégrer les évolutions législatives et jurisprudentielles intervenues depuis la publication de la circulaire interministérielle du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale qui précise « lorsque le salarié quitte l'entreprise, et qu'il n'a pas demandé le déblocage anticipé de ses avoirs au motif de la cessation du contrat de travail, le règlement du plan peut prévoir que l'affectation de son épargne est modifiée automatiquement sans qu'il puisse s'y opposer, conformément à l'article R. 3332-3 du Code du travail. [...] » ; qu'ainsi, l'article 8.10 du plan d'épargne entreprise du groupe Socotec prévoit au chapitre « Cas du salarié quittant l'entreprise » que « en application des statuts de la société Socotec, le salarié quittant l'entreprise ne peut conserver ses actions après la rupture de son contrat de travail. Par exception, le salarié quittant l'entreprise et cessant définitivement son activité professionnelle peut conserver sans limitation les actions qu'il détient dans le cadre de cette formule du plan, des lors qu'il a reçu l'autorisation du conseil d'administration de la société à cet effet » ; que M. [L] avait contesté en vain la validité de cette clause dans le contentieux l'ayant opposé à la société Socotec devant le tribunal de commerce de Versailles lequel l'a débouté de ses prétentions à ce titre, les développements qu'il renouvelle dans le cadre de la présente instance se heurtent donc à l'autorité de la chose jugée ; qu'il ne peut utilement invoquer l'existence d'un harcèlement moral à l'origine de son éviction de l'actionnariat, le rachat de ses parts étant intervenu alors que la relation de travail avait cessé du fait de son départ à la retraite, les relations entre les parties n'étant plus régies par les dispositions du code du travail ; qu'en outre, l'existence d'un harcèlement pendant l'exécution du contrat de travail a été précédemment écartée ; qu'ainsi ne peut être annulée pour ce motif la délibération du 19 octobre 2006 du conseil d'administration adoptée en ces termes : « Le Président soumet au Conseil plusieurs demandes d'autorisation émanant de salariés cessant leur activité professionnelle et souhaitant conserver leur qualité d'actionnaires et/ou de porteurs de parts du Fonds B après leur départ du Groupe. Concernant l'une des personnes sur la liste, M. [N] [L], le Président souhaite apporter des précisions susceptibles d'éclairer le vote des administrateurs dans ce cas particulier. Il décrit les conditions dans lesquelles l'intéressé a engagé une instance contre la Société devant la juridiction des prud'hommes, et la situation actuelle de ce contentieux. Dans ces conditions, il ajoute qu'il estime ne pouvoir faire autrement que de voter contre la partie de la décision intéressant M. [L].
Plusieurs interventions ont lieu après l'exposé de la question par le Président, puis il est passé au vote : D'une part, sur la candidature de M. [L] au maintien de sa qualité d'actionnaire et de porteur de parts du Fonds B. Aucune voix favorable à ce maintien n'étant recensée parmi les votants, la décision n'est pas adoptée pour ce qui le concerne. D'autre part, sur les autres candidatures de la liste. Celles-ci font l'objet d'un vote favorable » ; que sur les conditions de la vente forcée : M. [L] considère que la cession de ses actions s'est faite non seulement contre sa volonté mais surtout sans aucun bordereau de transfert d'actions signé de sa main, qu'en conséquence, il n'y a eu aucune volonté de cession de parts, ni même aucune intention de vente ; que l'article 15 des statuts de la société Socotec stipule que : « 1 - Condition d'admission : Nul ne pourra devenir ou demeurer actionnaire s'il n'est titulaire d'un contrat de travail auprès de l'une des sociétés du groupe, et s'il n'a pas été agréé par l'assemblée Générale ordinaire des actionnaires sur proposition du conseil d'administration. Le refus d'admission n'a pas à être motivé. Le Conseil d'administration pourra également proposer à l'Assemblée générale l'admission comme actionnaires de personnes morales dont la participation au capital de la Société sera jugée utile à la poursuite de la l'objet défini aux présents statuts. L'agrément comme actionnaires de personnes physiques ou morales appelées à siéger au Conseil d'administration résulte de la désignation en qualité d'administrateur par l'assemblée générale, ou de leur cooptation en cette même qualité par le Conseil lui-même. Les actionnaires ne peuvent être propriétaires d'un nombre d'actions supérieur à une quote-part du capital social dans les conditions ci-après : - chaque personne physique ne peut détenir plus de 1 % du capital - les personnes morales ne peuvent détenir ensemble plus de 25 % du capital. Tout actionnaire qui cesse d'être salarié d'une société du Groupe, pour une cause quelconque, ou qui ne remplit plus les conditions d'admission exigées ci-dessus par le présent article, perd dès ce moment sa qualité d'actionnaire. Cependant le Conseil d'administration, s'il le juge opportun, pourra permettre à l'actionnaire cessant définitivement son activité professionnelle, de conserver sa qualité d'actionnaire. Le terme "Groupe" au sens des présents statuts vise la société ainsi que les autres sociétés dans lesquelles elle détient directement ou indirectement une participation au moins égale a 10 % du capital. L'assemblée générale ordinaire pourra déléguer au Conseil d'administration le droit d'agrément visé au présent article. Elle fixe les conditions de cette délégation. II- Faculté de retrait Tout actionnaire a le droit de se retirer de la Société à condition de prévenir la société de son intention à cet égard, deux mois au moins à l'avance, et par lettre recommandée. III- Exclusion L'assemblée générale extraordinaire, sur la proposition du Conseil d'administration a le droit, aux conditions de quorum et de majorité fixées pour la modification des statuts, de prononcer l'exclusion d'un actionnaire... IV- Droit des actionnaires cessant de faire partie de la société Les actions de l'actionnaire qui cesse de faire partie de la Société, de quelque manière que ce soit, sont cédées à un autre actionnaire, ou apportées à un fonds commun de placement conforme aux dispositions de l'article 32 de la loi n° 81.1162 du 30 décembre 1981 et à ses textes d'application. La valeur des actions de l'intéressé est égale au prix fixé par l'Assemblée générale, ainsi qu'il est stipulé à l'article 34 ci-après. L'intéressé reçoit, en outre, le montant des dividendes non encore distribués et afférents au dernier exercice clos antérieurement à la date à laquelle il cesse de faire partie de la société. V- Plan d'épargne entreprise Les salariés adhérents au plan d'épargne entreprise du Groupe peuvent détenir des actions, soit directement, soit indirectement à travers un fonds commun de placement d'entreprise dit "Fonds B". Les droits et obligations de ces salariés sont régis par les textes législatifs et réglementaires relatifs au plan d'épargne d'entreprise, par le règlement du plan, par le règlement du fonds, et par les dispositions non contraires des présents statuts. Les salariés adhérents au plan d'épargne dans le cadre de la détention directe d'actions de la Société sont dispensés de l'agrément visé au premier alinéa du paragraphe I du présent article » ; que c'est donc en application de ces statuts que le rachat des actions de M. [L] est intervenu ; qu'il en découle que son consentement au rachat de ses actions n'était pas une condition nécessaire, ce rachat pouvant découler d'une délibération du conseil d'administration ; que M. [L] avait discuté la validité de la délibération sus visée devant le tribunal de commerce de Versailles, ses écritures prises dans le cadre du présent litige n'étant qu'une reprise de celles déposées alors devant le tribunal de commerce, qui l'avait également débouté de ce chef, ses prétentions à ce titre se heurtent également à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 22 juin 2012 ; que M. [L] avait également discuté devant la juridiction commerciale l'application des stipulations statutaires concernant l'évaluation des parts sociales notamment au regard des dispositions de l'article 1843-4 du code civil ; que le paragraphe IV des statuts de la société Socotec, précisait les modalités de cession des actions prévoyant ainsi que le prix unitaire des actions était défini par l'assemblée générale ordinaire selon les modalités de l'article 34 al. 2 de ces mêmes statuts, qui stipulent : « l'Assemblée générale ordinaire fixe également le prix unitaire de reprise des actions en cas de retrait volontaire ou forcé d'un actionnaire en tenant compte du montant des capitaux propres calculés, sous déduction des dividendes, d'après les derniers comptes annuels approuvés. Ce prix est maintenu jusqu'a nouvelle décision de l'Assemblée » ; que le tribunal de commerce de Versailles avait considéré que le rapport d'expertise définissant pour 2003 la méthode de valorisation des actions n'était pas contesté ni contestable et que M. [L] ne pouvait sérieusement prétendre bénéficier du prix des actions après leur cession en 2008 à la société CDC Capital Investissement, soit deux ans après son départ ; que sur ce point également, ses prétentions ne sont pas recevables ; qu'enfin, M. [L] discute du bien-fondé de la délibération du conseil d'administration au motif qu'une décision d'exclusion ne pouvait être prononcée que par l'assemblée générale au sein de laquelle il devait pouvoir participer au vote ; mais également sur ce point, le tribunal de commerce de Versailles a validé la délégation reçue du conseil d'administration pour, non pas prononcer une exclusion à titre disciplinaire (art.15.III), mais pour faire application des statuts auxquels a adhéré M. [L] du fait de sa souscription de parts sociales (art.15.I) ; qu'aucune procédure de nature disciplinaire n'ayant eu lieu à l'encontre de M. [L], mais le conseil d'administration ayant fait usage du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu de maintenir ou non le statut d'actionnaire à un salarié quittant ses fonctions, l'invocation des dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Hommes et des Libertés Fondamentales n'est d'aucune utilité ; que parmi les motifs d'opportunité que pouvait avancer le conseil d'administration pour conférer ou non l'actionnariat à un ancien salarié, l'existence d'un contentieux existant entre cet ancien salarié, comme ce fut le cas également de M. [I], et la société pouvait être retenu ce qui, au regard du pacte social, n'apparaît en rien discriminatoire mais fondé sur la protection des intérêts légitimes de la société ; qu'en effet, aux termes des statuts, M. [L] ne présentait aucun droit à se voir maintenir son statut d'actionnaire ;

1°) ALORS QUE le juge, qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; qu'en énonçant, pour débouter M. [L] de ses demandes en dommages et intérêts au titre des fautes commises par la société Socotec, s'agissant des actions relevant du PEE et des parts du fonds B, que l'exposant ayant contesté la validité de la clause statutaire d'exclusion et de la délibération du conseil d'administration du 19 octobre 2006 et discuté de l'application des stipulations statutaires concernant l'évaluation des parts sociales notamment au regard des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, dans le contentieux l'ayant opposé à la société Socotec devant le tribunal de commerce de Versailles qui l'avait débouté à cet égard, ses prétentions à ce titre ne sont pas recevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement de ce tribunal du 22 juin 2012, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs éventuelles observations à ce titre, la cour d'appel qui s'est fondée sur un moyen qu'elle a relevé d'office a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU' en tout état de cause, l'autorité de chose jugée a lieu à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que la cour d'appel, en énonçant, pour débouter M. [L] de ses demandes en dommages et intérêts au titre des fautes commises par la société Socotec, s'agissant des actions relevant du PEE et des parts du fonds B, que l'exposant ayant contesté la validité de la clause statutaire d'exclusion et de la délibération du conseil d'administration du 19 octobre 2006 et discuté de l'application des stipulations statutaires concernant l'évaluation des parts sociales notamment au regard des dispositions de l'article 1843-4 du code civil, dans le contentieux l'ayant opposé à la société Socotec devant le tribunal de commerce de Versailles qui l'avait débouté à cet égard, ses prétentions à ce titre ne sont pas recevables comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement de ce tribunal du 22 juin 2012, lorsque le dispositif de ce jugement déboutait M. [L] de ses demandes en rétablissement de ses droits et restitution de ses titres ainsi que de ses demandes de dommages et intérêts au titre des fautes commises par la société Socotec relativement aux seules actions ordinaires qu'il détenait directement, à l'exclusion des actions relevant du PEE et aux parts du fonds B, a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les clauses statutaires d'exclusion sont une exception au droit de demeurer associé, corollaire du droit de propriété, dont la validité doit être expressément prévue par la loi, aucune disposition n'autorisant l'existence de telles clauses s'agissant des sociétés anonymes ; qu'en l'espèce où M. [L] détenait des actions relevant du plan d'épargne entreprise que le salarié est en droit de conserver après son départ à la retraite, la cour d'appel en énonçant, pour débouter ce dernier de ses demandes, que le rachat de ses actions en raison de la cessation de son contrat de travail au moment de son départ en retraite était intervenu en application de l'article 15-I des statuts de la société Socotec, a violé les articles 545 et 1832 du code civil, ensemble l'article 1er du premier Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 3332-2, alinéa 1er, du code du travail ;

4°) ALORS QU' en tout état de cause, l'exclusion d'un associé ne saurait dégénérer en abus de droit, les clauses d'exclusion devant faire l'objet d'un contrôle judiciaire ; qu'en se bornant, pour débouter M. [L] de ses demandes, à énoncer que le rachat de ses actions en raison de la cessation de son contrat de travail au moment de son départ en retraite était intervenu en application de l'article 15-I des statuts de la société Socotec et qu'aucune procédure de nature disciplinaire n'avait eu lieu à l'encontre de l'exposant, le conseil d'administration ayant fait usage du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu de maintenir ou non le statut d'actionnaire à un salarié quittant ses fonctions, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la décision du conseil d'administration, investi par les statuts du pouvoir discrétionnaire d'autoriser un ancien salarié à conserver sa qualité d'associé et donc indirectement d'exclure ceux auxquels l'autorisation a été refusée, n'était pas abusive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;

5°) ALORS QUE la liberté d'agir en justice est un droit fondamental et un salarié ne doit pas pouvoir être inquiété pour avoir cherché à défendre ses droits en justice ; qu'en se bornant, pour débouter M. [L] de ses demandes, à énoncer que le rachat de ses actions en raison de la cessation de son contrat de travail au moment de son départ en retraite était intervenu en application de l'article 15-I des statuts de la société Socotec et qu'aucune procédure de nature disciplinaire n'avait eu lieu à l'encontre de l'exposant, le conseil d'administration ayant fait usage du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu de maintenir ou non le statut d'actionnaire à un salarié quittant ses fonctions, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le refus du conseil d'administration de maintenir la qualité d'actionnaire de l'ancien salarié, et ainsi indirectement son exclusion, n'était pas fondé sur la volonté du président du conseil d'administration de prendre à son égard une mesure de rétorsion au motif qu'il avait intenté une action en justice contre la société Socotec qui admettait d'ailleurs expressément que « le conseil d'administration était parfaitement fondé, en opportunité, à estimer que M. [L], qui avait manifesté une animosité certaine et injustifiée à l'égard de la société en l'attrayant devant une juridiction prud'homale, ne pouvait bénéficier de l'exception de l'article 15, I, alinéa 6 » (conclusions d'appel de la société Socotec, p. 40, avant dernier §), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°) ALORS QU' à supposer que l'exclusion d'un associé soit autorisée pour la forme sociale visée, ce dernier doit avoir été mis en mesure de s'expliquer sur la mesure qui lui est imposée ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter M. [L] de ses demandes, que le rachat de ses actions en raison de la cessation de son contrat de travail au moment de son départ en retraite était intervenu en application de l'article 15-I des statuts de la société Socotec et qu'aucune procédure de nature disciplinaire n'ayant eu lieu à l'encontre de l'exposant, le conseil d'administration ayant fait usage du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu de maintenir ou non le statut d'actionnaire à un salarié quittant ses fonctions, l'invocation des dispositions de l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'était d'aucune utilité, a violé cet article ;

7°) ALORS QUE le droit de chaque associé, contraint de céder ses titres, de solliciter l'intervention d'un expert pour en déterminer la valeur est d'ordre public, l'existence d'une clause d'évaluation statutaire ne pouvant y faire échec ; que la cour d'appel qui, pour débouter M. [L] de sa demande fondée sur l'article 1843-4 du code civil, s'est fondée sur la circonstance que la procédure prévue par l'article 15. IV qui renvoie aux dispositions de l'article 34 des statuts a été respectée, a violé l'article 1843-4 du code civil ;

8°) ALORS QUE tout associé, contraint de céder ses titres, a le droit de solliciter l'intervention d'un expert pour en déterminer la valeur, cette intervention ne pouvant qu'intervenir postérieurement au transfert de propriété ; que la cour d'appel, en énonçant, pour débouter M. [L] de sa demande fondée sur l'article 1843-4 du code civil, que le rapport d'expertise définissant pour 2003 la méthode de valorisation des actions n'était pas contesté ni contestable et que l'exposant ne pouvait sérieusement prétendre bénéficier du prix des actions après leur cession en 2008 à la société CDC Capital Investissement, soit deux ans après son départ, a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-14415
Date de la décision : 09/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 13 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 mar. 2017, pourvoi n°15-14415


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.14415
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award