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08/03/2017 | FRANCE | N°15-27579

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 mars 2017, 15-27579


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [I], engagé le 15 novembre 1999 par la société Coopérative ouvrière réunionnaise en qualité de mécanicien polyvalent puis en dernier lieu de responsable technique, et élu délégué du personnel à compter d'avril 2010, a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement le 28 juin 2011 ; que l'inspe

ction du travail a refusé d'autoriser son licenciement ; qu'il a pris acte de la rupture ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [I], engagé le 15 novembre 1999 par la société Coopérative ouvrière réunionnaise en qualité de mécanicien polyvalent puis en dernier lieu de responsable technique, et élu délégué du personnel à compter d'avril 2010, a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement le 28 juin 2011 ; que l'inspection du travail a refusé d'autoriser son licenciement ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 30 août 2011 et, invoquant des faits de harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que les faits du 21 juin 2011 se présentent comme un agissement unique, le salarié ne démontrant pas en quoi le fait de ne plus voir en un endroit habituel les clefs des véhicules poids lourds et que ces clefs soient autrement gérées soit un fait grave et constitutif d'une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel, qu'il s'est retrouvé au coeur d'un conflit interne à la société confirmé par ses propres écritures selon lesquelles le climat dans la société était tendu du fait de la volonté d'une grande partie du personnel de souhaiter l'éviction du PDG alors en fonction, et le fait qu'il ne partageait pas cette volonté majoritaire, ce constat étant par ailleurs celui fait par l'Inspection du Travail, qu'aucun élément constitutif d'agissement répétés et excessifs constitutifs d'un harcèlement ne peut s'induire de ce climat et cet incident, que concernant la convocation à un entretien préalable, il convient de rappeler que l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas constitutif en lui-même de harcèlement moral lorsque la sanction est justifiée et proportionnée, que le salarié ne peut pas plus argumenter l'existence d'un harcèlement au regard de son état de santé, un refus de prise en charge au titre du caractère professionnel lui ayant été notifié le 15 octobre 2011 par la commission de recours et le salarié ne donnant aucune explication sur le lien éventuel existant entre son arrêt de travail et les faits uniques du 21 juin, que s'agissant de la mise à pied conservatoire subie par le salarié, elle présente un caractère de disproportion relevé par l'inspection du travail, que l'employeur lui reprochait en effet un vol qui sera estimé insuffisamment établi par l'inspection du travail et des menaces rapportées par une autre salariée dont il ne rapportera pas la preuve ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des éléments allégués par le salarié, notamment l'absence de paiement par l'employeur du complément de salaire pendant l'arrêt maladie et le maintien de la mise à pied conservatoire nonobstant le refus de l'inspection du travail d'autoriser son licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de l'arrêt analysant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en une démission ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Coopérative ouvrière réunionnaise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 1 500 euros à M. [I] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [I].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur [Q] [I] de ses demandes tendant à voir juger qu'il avait été victime de harcèlement moral, que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produirait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et de ses demandes tendant à la condamnation de la SCOP COR à lui verser diverses sommes à titre d'indemnisation pour violation du statut protecteur, d'indemnités de rupture, dommages et intérêts pour licenciement nul, dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QUE " Il convient de faire rappel de ce que la société Coopérative Ouvrière Réunionnaise est une société coopérative ouvrière de production (SCOP) exerçant l'activité de "manutention portuaire" ; que les éléments de la procédure conduisent à retenir les faits suivants, constitutifs du climat existant au sein de la coopérative : Les salariés sont actionnaires et appelés "coopérateurs". Durant le mois de juin 2011 certains coopérateurs, accompagnés de la Directrice adjointe, Madame [H], décident de révoquer le PDG, [M] [R]. Pour ce faire, ils convoquent une assemblée générale par une pétition soumise à la signature des salariés coopérateurs. L'assemblée prévue le 28 juin 2011 a abouti à la révocation du PDG ainsi que de plusieurs administrateurs ;

QUE Sur le harcèlement moral : l'article L.1152-1 du Code du travail dispose que "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" ; que l'article L.1154-1 du Code du travail dispose aussi que "Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles" ; que le salarié se doit en conséquence d'établir la matérialité de faits précis et concordants, le juge devant apprécier si ces éléments dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que l'employeur a pour sa part la charge de rapporter la preuve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs ;

QUE Sur la présomption d'existence du harcèlement : le salarié doit établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de [Q] [I] est basée sur des faits qu'il affirme être constitutifs de harcèlement moral et ayant débuté à compter du mois de juin 2011 ; qu'aux termes de la plainte qu'il a déposée le 17 juillet 2011 auprès du Procureur de la République, le salarié fait référence aux faits de harcèlement repris dans ce courrier commun avec trois autres salariés, et précise : "le mardi 21 juin 2011, j'ai constaté que les clés de tous les camions n'étaient pas à leurs places dans le tableau, alors j'ai demandé à Monsieur [A], mon adjoint principal, où sont passées les clés, il m'a alors répondu de consulter les brigadiers, lesquels m'ont affirmé que les clés sont avec [T] [G] (docker). Ce dernier m'a indiqué à la demande de [Z] [H] qu'il me les transmettrait au fur et à mesure des besoins. Je lui ai dit que j'avais besoin de l'ensemble des clés. N'ayant pas de réponse, j'en ai conclu qu'il était d'accord. Le mardi 28 juin 2011, l'huissier présent dans les bureaux pour une autre affaire, a constaté l'absence des clés au tableau. J'ai l'honneur de porter plainte en vos mains concernant les faits exposés dans la lettre commune signée [O], Lemoel, [E]. Préjudices subis d'ordre moral, arrêt de travail par maladie avec soins" ;

QU'au classement sans suite des plaintes, il convient d'ajouter que la lecture du courrier des quatre salariés conduit à ne retenir l'existence d'aucun élément précis au paragraphe "harcèlement" qui se présente comme un catalogue d'éléments non datés ni circonstanciés et dont l'existence n'est pas en conséquence appréciable au regard de l'absence de précision et de concordance, s'agissant de "menaces de coups et blessures, intimidations via la présence régulière de groupe de dockers, sur parking et à l'extérieur, poursuite en voiture jusqu'au domicile avec conduite menaçante, rapprochement dangereux du véhicule poursuivant, blocage de sortie du parking, prise en photo du conducteur et de la plaque d'immatriculation du véhicule poursuivi, contrainte pour le personnel en arrêt maladie à rendre les véhicules de service " ;

QUE s'agissant des faits du 21 juin tels que relatés par le courrier du 17 juillet dont la teneur a été rappelée, ils se présentent comme un agissement unique et le salarié ne démontre pas en quoi le fait de ne plus voir en un endroit habituel les clefs des véhicules poids lourds et que ces clefs soient "autrement" gérées soit un fait grave et constitutif d'une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

QUE [Q] [I] s'est retrouvé au coeur d'un conflit interne à la société confirmé par ses propres écritures selon lesquelles le climat dans la société était tendu du fait de la volonté d'une grande partie du personnel de souhaiter l'éviction du PDG alors en fonction, Monsieur [R] et le fait qu'il ne partageait pas cette volonté majoritaire ; que ce constat est par ailleurs celui qui est fait par l'Inspection du Travail (pièce 12 appelant) qui estime que : "les faits invoqués seraient intervenus dans un contexte extrêmement conflictuel opposant d'un coté Monsieur [R] PDG et quelques salariés lui étant restés fidèles (dont [Q] [I]) et de l'autre une grande partie des coopérateurs dont la directrice adjointe et d'autres salariés" ; qu'ainsi, aucun élément constitutif d'agissements répétés et excessifs constitutifs d'un harcèlement ne peut s'induire de ce climat et cet incident qui prend sa source dans le "combat" mené par Madame [H] et partie des coopérateurs pour obtenir le départ de Monsieur [R] et non pour harceler les salariés, élément également rappelé par Madame [H] aux termes de la réponse faite à la prise d'acte ;

QUE concernant la convocation à un entretien préalable, il convient de rappeler que l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas constitutif en luimême de harcèlement moral lorsque la sanction est justifiée et proportionnée ;

QUE le salarié ne peut pas plus argumenter l'existence d'un harcèlement au regard de son état de santé, un refus de prise en charge au titre du caractère professionnel lui ayant été notifié le 15 octobre 2011 par la commission de recours et [Q] [I] ne donnant aucune explication sur le lien éventuel existant entre son arrêt de travail et les faits uniques du 21 juin ;

QUE les demandes indemnitaires fondées sur l'existence de faits de harcèlement sont en conséquence rejetées comme non fondées ;

ET AUX MOTIFS QUE sur la prise d'acte : afin que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits qu'invoque le salarié doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ; que les juges apprécient le point de savoir si le manquement invoqué empêche la poursuite du contrat ; que la prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée n'est justifiée qu'« en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'il appartient en conséquence au salarié de démontrer que cette condition est remplie et que la rupture produit, à son bénéfice les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

QU'aux termes de son courrier valant prise d'acte, le salarié expose les faits suivants : "Je suis conduit à constater la rupture abusive de mon contrat de travail du fait de l'employeur, la société COR, dont je suis par ailleurs associé-coopérateur et délégué du personnel.
Depuis le mois de juin 2011, au prétexte d'un différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction, les agissements lourdement préjudiciables dont j'ai été victime, avec d'autres salariés, se sont traduits par l'altération de ma santé et une totale éviction de mes fonctions.
Ces faits ont d'ailleurs fait l'objet d'une plainte conjointe de plusieurs salariés.
Entre autres circonstances, je vous rappelle que pour seul motif d'avoir souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [M] [R], j'ai d'ailleurs été mis à pied et convoqué à un entretien préalable à mon licenciement par lettre du 28 juin, à la suite d'une assemblée générale contestée qui a prétendu remplacer le conseil d'administration en exercice.
Etant en arrêt maladie, par suite d'un harcèlement moral dont j'ai été l'objet, j'ai demandé le report de cet entretien. Cette demande est restée sans suite.
Cet entretien s'est tenu à la DIRECCTE au mois de juillet à la demande de l'inspecteur. Et mon licenciement a été refusé le 17 juillet 2011 car les faits invoqués ne sont pas avérés.
Ces circonstances caractérisent la rupture de mon contrat de travail, sans aucun motif sérieux et réel, et dans des conditions particulièrement abusives et préjudiciables.
En conséquence, je suis conduit à mettre en demeure la COR en sa qualité d'employeur, de me délivrer mon certificat de travail et une attestation ASSEDIC portant mention de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et de me payer les sommes de (…) ;

QUE Madame [H] alors Directrice générale a répondu en ces termes à ce courrier suivant pli daté du 14 septembre 2011 :
"Nous avons reçu votre courrier en date du 30 août 2011 qui porte l'objet : "prise d'acte de rupture de mon contrat de travail".
Renseignements pris, nous avons appris qu'en cas de prise d'acte de rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat de travail était rompu dès présentation de la lettre de rupture à cet employeur (analyse de la Cour de Cassation) et qu'il nous appartenait donc de vous remettre votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi.
Vous trouverez ceux-ci ci-joints ainsi que votre solde de tout compte.
En revanche, lorsque les griefs reprochés à l'employeur ne sont pas fondés, la prise d'acte produit les effets d'une démission et non d'un licenciement.
Or, il m'apparaît indispensable de rétablir la réalité des faits concernant votre arrêt maladie et les griefs que vous invoquez à notre encontre.
Tout d'abord, nous contestons avec force le fait d'avoir envisagé votre licenciement parce que vous auriez souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [R].
A ce titre je vous rappelle d'ailleurs que vous étiez en arrêt maladie le jour de l'assemblée du 28 juin 2011.
Le soutien à Monsieur [R] que vous alléguez n'a en tout état de cause pas motivé votre convocation à entretien préalable.
Ainsi, ce qui vous était reproché et qui a effectivement motivé l'entretien préalable était :
- le vol de documents de l'entreprise en date du 9 juin 2011,
- les menaces verbales de mort proférées le 24 juin 2011 à l encontre d'une collègue de travail [N] M. (...)
L'Inspection du Travail nous a refusé l'autorisation de procéder à votre licenciement pour des motifs que nous nous réservons le droit de contester devant la juridiction compétente, ce d'autant que des propos faux m'y sont attribués.
Nous n'avons à ce jour plus de raison de chercher à obtenir une autorisation de licenciement puisque vous avez-vous-même pris acte de la rupture, mais il nous semble important de rétablir la réalité des faits.
Quoiqu'il en soit, vous n'avez fait l'objet d'aucun harcèlement moral, comme aucun autre salarié d'ailleurs.
Aucun des griefs que vous nous reprochez n'étant fondé, il apparaît que votre prise d'acte produit l'effet d'une démission et que nous ne restons vous devoir ni indemnité de préavis, ni indemnité de licenciement, ni indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, ni dommages et intérêts (...)" ;

QUE la réalité des faits invoqués dans la lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail et dans les écritures soutenues aux débats n'est pas à démontrer concernant le 21 juin 2011 ainsi que le climat tendu du fait d'un "différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction" ; que ces faits, s'ils sont regrettables et s'ils ont pu augmenter les tensions régnant sur le lieu de travail, ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ainsi que cette décision l'a précédemment rappelé et le grief de harcèlement moral et son corollaire s'agissant d'une répercussion sur l'état de santé n'est en conséquence pas établi par le salarié ; que ce fait unique du 21 juin ne l'a pas plus privé de la poursuite de son contrat de travail, les clés étant en la possession d'un docker devenu le directeur après le 28 juin, et qui était en tout état de cause connu par le salarié sans que celui-ci démontre qu'il lui ait été impossible d'en obtenir remise pour le camion qu'il souhaitait conduire ou faire conduire ;

QUE s'agissant de la mise à pied conservatoire subie par le salarié, elle présente un caractère de disproportion relevé par l'inspection du travail mais ne justifie cependant pas une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail de sa part en ce que les faits à son origine ne reposaient pas sur un "manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail" mais sur un soupçon ; que l'employeur lui reprochait en effet un vol qui sera estimé "insuffisamment établi" par l'inspection du travail et des menaces rapportées par une autre salariée dont il ne rapportera pas la preuve ;

QUE la COR fait par ailleurs justement observer dans ses conclusions que cette mise à pied n'a eu aucun effet en raison de l'arrêt maladie de [Q] [I] à compter du 29 juin 2011, le contrat étant de ce fait suspendu et le salarié ayant en conséquence pris acte de la rupture de son contrat de travail avant la fin de son arrêt maladie ; que de plus le salarié n'établit nullement qu'il a fait l'objet d'une éviction professionnelle s'agissant des clefs qui ne lui étaient pas inaccessibles ni au regard de la mise à pied que son employeur n'a pas été en mesure de lever au regard de l'arrêt maladie concomitant du salarié ;

QUE dans la réalité des relations plus que tendues en raison entre le groupe "pro [R]" et le clan "contre [R]", chacune des parties a manifesté un comportement peu rationnel ;

QU'il s'en suit que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par [Q] [I] se présente comme une démission et non comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que les demandes formées sur le fondement d'un licenciement nul au regard de la qualité de représentant du personnel ne sont pas fondées" ;

1°) ALORS QUE constitue un agissement de harcèlement moral dégradant les conditions de travail du salarié et portant atteinte à sa dignité le retrait unilatéral et arbitraire de ses attributions contractuelles au profit d'un tiers ; qu'en jugeant que le retrait par l'employeur des clés des véhicules dont Monsieur [I] avait la responsabilité, en sa qualité de responsable technique chargé de l'attribution de ces véhicules aux chauffeurs, et leur dépôt entre les mains d'un docker non qualifié à qui il devait les réclamer pour chaque utilisation, faits constitutifs de la privation arbitraire et humiliante d'une des attributions de sa fonction, ne caractérisait pas un tel agissement au motif inopérant que le salarié "… ne démon[trait] pas en quoi le fait de ne plus voir en un endroit habituel les clefs des véhicules poids lourds et que ces clefs soient "autrement" gérées soit un fait grave et constitutif d'une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.1152-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE lorsque l'autorité administrative a apprécié les faits reprochés à un salarié protégé à l'occasion de son licenciement et jugé que leur matérialité n'était pas établie, ces mêmes faits ne peuvent être appréciés différemment par le juge prud'homal ; qu'en retenant, pour écarter tout fait de harcèlement moral résultant de l'introduction d'une procédure de licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire, pour des accusations de vol et menaces de mort sur une collègue, que "… l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas constitutif en luimême de harcèlement moral lorsque la sanction est justifiée et proportionnée" tout en constatant, dans les suites de sa décision, que l'autorité administrative avait refusé l'autorisation de licencier le salarié en raison de l'absence de toute preuve de ces faits la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé la loi du 16-24 août 1790, ensemble les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE constitue un agissement de harcèlement moral dégradant les conditions de travail d'un salarié protégé et portant atteinte à sa dignité l'introduction téméraire d'une procédure de licenciement disciplinaire pour faute grave, assortie d'une mise à pied conservatoire, sur la base d'accusations non fondées de vol et menaces de mort, portant atteinte à son honneur et sa probité ; qu'en décidant le contraire quand il ressortait de ses propres constatations que l'autorité administrative, par décision devenue définitive, avait refusé l'autorisation de licencier Monsieur [I] au motif que les accusations portées par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement pour faute grave n'étaient étayées d'aucun élément de preuve la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

4°) ALORS QUE constitue un agissement de harcèlement moral dégradant les conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel le fait, pour l'employeur, de ne pas s'acquitter de son obligation conventionnelle de maintien du salaire du salarié malade, nonobstant la subrogation dans les indemnités journalières, privant ainsi ce dernier de tout moyen d'existence ; qu'en l'espèce, Monsieur [I] avait fait valoir et démontré par la production d'un courrier de l'inspecteur du travail qu'il avait été victime de tels agissements de la part de la SCOP COR durant la suspension de son contrat de travail pour maladie à compter du 29 juin 2011 ; qu'en retenant qu'il ne démontrait aucun agissement de harcèlement moral sans examiner ce fait décisif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [Q] [I] produirait les effets d'une démission et débouté ce salarié de ses demandes tendant à voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produirait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et de ses demandes tendant à la condamnation de la SCOP COR à lui verser diverses sommes à titre d'indemnisation pour violation du statut protecteur, d'indemnités de rupture, dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE " sur la prise d'acte : afin que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits qu'invoque le salarié doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ; que les juges apprécient le point de savoir si le manquement invoqué empêche la poursuite du contrat ; que la prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée n'est justifiée qu'« en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail » ; qu'il appartient en conséquence au salarié de démontrer que cette condition est remplie et que la rupture produit, à son bénéfice les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

QU'aux termes de son courrier valant prise d'acte, le salarié expose les faits suivants : "Je suis conduit à constater la rupture abusive de mon contrat de travail du fait de l'employeur, la société COR, dont je suis par ailleurs associé-coopérateur et délégué du personnel.
Depuis le mois de juin 2011, au prétexte d'un différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction, les agissements lourdement préjudiciables dont j'ai été victime, avec d'autres salariés, se sont traduits par l'altération de ma santé et une totale éviction de mes fonctions.
Ces faits ont d'ailleurs fait l'objet d'une plainte conjointe de plusieurs salariés.
Entre autres circonstances, je vous rappelle que pour seul motif d'avoir souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [M] [R], j'ai d'ailleurs été mis à pied et convoqué à un entretien préalable à mon licenciement par lettre du 28 juin, à la suite d'une assemblée générale contestée qui a prétendu remplacer le conseil d'administration en exercice.
Etant en arrêt maladie, par suite d'un harcèlement moral dont j'ai été l'objet, j'ai demandé le report de cet entretien. Cette demande est restée sans suite.
Cet entretien s'est tenu à la DIRECCTE au mois de juillet par la demande l'inspecteur. Et mon licenciement a été refusé le 17 juillet 2011 car les faits invoqués ne sont pas avérés.
Ces circonstances caractérisent la rupture de mon contrat de travail, sans aucun motif sérieux et réel, et dans des conditions particulièrement abusives et préjudiciables.
En conséquence, je suis conduit à mettre en demeure la COR en sa qualité d'employeur, de me délivrer mon certificat de travail et une attestation ASSEDIC portant mention de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et de me payer les sommes suivantes (…) ;

QUE Madame [H] alors Directrice générale a répondu en ces termes à ce courrier suivant pli daté du 14 septembre 2011 :
"Nous avons reçu votre courrier en date du 30 août 2011 qui porte l'objet : "prise d'acte de rupture de mon contrat de travail".
Renseignements pris, nous avons appris qu'en cas de prise d'acte de rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat de travail était rompu dès présentation de la lettre de rupture à cet employeur (analyse de la Cour de Cassation) et qu'il nous appartenait donc de vous remettre votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi.
Vous trouverez ceux-ci ci-joints ainsi que votre solde de tout compte.
En revanche, lorsque les griefs reprochés à l'employeur ne sont pas fondés, la prise d'acte produit les effets d'une démission et non d'un licenciement.
Or, il m'apparaît indispensable de rétablir la réalité des faits concernant votre arrêt maladie et les griefs que vous invoquez à notre encontre.
Tout d'abord, nous contestons avec force le fait d'avoir envisagé votre licenciement parce que vous auriez souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [R].
A ce titre je vous rappelle d'ailleurs que vous étiez en arrêt maladie le jour de l'assemblée du 28 juin 2011.
Le soutien à Monsieur [R] dont vous alléguez n'a en tout état de cause pas motivé votre convocation à entretien préalable.
Ainsi, ce qui vous était reproché et qui a effectivement motivé l'entretien préalable était :
- le vol de documents de l'entreprise en date du 9 juin 2011
- les menaces verbales de mort proférées le 24 juin 2011 à l encontre d'une collègue de travail [N] M. (...)
L'Inspection du Travail nous a refusé l'autorisation de procéder à votre licenciement pour des motifs que nous nous réservons le droit de contester devant la juridiction compétente, ce d'autant que des propos faux m'y sont attribués.
Nous n'avons à ce jour plus de raison de chercher à obtenir une autorisation de licenciement puisque vous avez-vous-même pris acte de la rupture, mais il nous semble important de rétablir la réalité des faits.
Quoiqu'il en soit, vous n'avez fait l'objet d'aucun harcèlement moral, comme aucun autre salarié d'ailleurs.
Aucun des griefs que vous nous reprochez n'étant fondé, il apparaît que votre prise d'acte produit l'effet d'une démission et que nous ne restons vous devoir ni indemnité de préavis, ni indemnité de licenciement, ni indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, ni dommages et intérêts (...)";

QUE la réalité des faits invoqués dans la lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail et dans les écritures soutenues aux débats n'est pas à démontrer concernant le 21 juin 2011 ainsi que le climat tendu du fait d'un "différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction" ; que ces faits, s'ils sont regrettables et s'ils ont pu augmenter les tensions régnant sur le lieu de travail, ne sont pas constitutifs de harcèlement moral ainsi que cette décision l'a précédemment rappelé et le grief de harcèlement moral et son corollaire s'agissant d'une répercussion sur l'état de santé n'est en conséquence pas établi par le salarié ; que ce fait unique du 21 juin ne l'a pas plus privé de la poursuite de son contrat de travail, les clés étant en la possession d'un docker devenu le directeur après le 28 juin, et qui était en tout état de cause connu par le salarié sans que celui-ci démontre qu'il ne lui ait été impossible d'en obtenir remise pour le camion qu'il souhaitait conduire ou faire conduire ;

QUE s'agissant de la mise à pied conservatoire subie par le salarié, elle présente un caractère de disproportion relevé par l'inspection du travail mais ne justifie cependant pas une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail de la part en ce que les faits à son origine ne reposaient pas sur un "manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail" mais sur un soupçon ; que l'employeur lui reprochait en effet un vol qui sera estimé "insuffisamment établi" par l'inspection du travail et des menaces rapportées par une autre salariée dont il ne rapportera pas la preuve ;

QUE la COR fait par ailleurs justement observer dans ses conclusions que cette mise à pied n'a eu aucun effet en raison de l'arrêt maladie de [Q] [I] à compter du 29 juin 2011, le contrat étant de ce fait suspendu et le salarié ayant en conséquence pris acte de la rupture de son contrat de travail avant la fin de son arrêt maladie ; que de plus le salarié n'établit nullement qu'il a fait l'objet d'une éviction professionnelle s'agissant des clefs qui ne lui étaient pas inaccessibles ni au regard de la mise à pied que son employeur n'a pas été en mesure de lever au regard de l'arrêt maladie concomitant du salarié ;

QUE dans la réalité des relations plus que tendues en raison entre le groupe "pro [R]" et le clan "contre [R]", chacune des parties a manifesté un comportement peu rationnel ;

QU'il s'en suit que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par [Q] [I] se présente comme une démission et non comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que les demandes formées sur le fondement d'un licenciement nul au regard de la qualité de représentant du personnel ne sont pas fondées" ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi s'étendra, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, aux dispositions de l'arrêt attaqué ayant dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [I] produirait les effets d'une démission et débouté le salarié de ses demandes consécutives en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts ;

2°) ALORS QUE constitue un manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail la modification unilatérale de ce contrat par retrait arbitraire de ses attributions contractuelles au profit d'un tiers ; qu'en jugeant que le retrait par la directrice générale, le 21 juin 2011, des clés des véhicules dont Monsieur [I] avait la responsabilité en sa qualité de responsable technique et leur dépôt entre les mains d'un docker non qualifié, faits constitutifs de la privation arbitraire et humiliante d'une des attributions de sa fonction, soumettant de facto son exercice à l'autorité de ce dernier, ne caractérisait pas un tel agissement au motif inopérant que la poursuite du contrat de travail demeurait possible "… les clés étant en la possession d'un docker devenu le directeur après le 28 juin, et qui était en tout état de cause connu par le salarié sans que celui-ci démontre qu'il ne lui ait été impossible d'en obtenir remise pour le camion qu'il souhaitait conduire ou faire conduire…" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil ;

3°) ALORS QUE constitue un exercice abusif de son pouvoir disciplinaire rendant impossible la poursuite du contrat de travail l'introduction téméraire, par l'employeur, d'une procédure de licenciement disciplinaire pour faute grave, assortie d'une mise à pied conservatoire, sur la base d'accusations non fondées de vol et menaces de mort sur une collègue portant atteinte à l'honneur et à la probité d'un salarié protégé ; qu'en décidant le contraire quand il ressortait de ses propres constatations que l'autorité administrative, par décision devenue définitive, avait refusé l'autorisation de licencier Monsieur [I] au motif que les accusations portées par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement pour faute grave n'étaient pas établies la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les textes susvisés ;

4°) ALORS enfin QUE constitue un manquement à ses obligations issues du contrat de travail le fait, pour l'employeur, de ne pas s'acquitter de son obligation conventionnelle de maintien du salaire du salarié malade, nonobstant la subrogation dans les indemnités journalières, privant ainsi ce dernier de tout moyen d'existence ; qu'en l'espèce, Monsieur [I] avait fait valoir et démontré par la production d'un courrier de l'inspecteur du travail qu'il avait été victime de tels agissements de la part de la SCOP COR durant la suspension de son contrat de travail pour maladie à compter du 29 juin 2011 ; qu'en retenant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [I] produirait les effets d'une démission sans examiner ce manquement d'une gravité particulière, objectivement établi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-27579
Date de la décision : 08/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 29 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 mar. 2017, pourvoi n°15-27579


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27579
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