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08/03/2017 | FRANCE | N°15-27578

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 mars 2017, 15-27578


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa cinquième branche :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [O], engagé le 1er avril 2002 par la société Coopérative ouvrière réunionnaise en qualité d'employé administratif puis de comptable à compter du 30 juin 2010, et élu délégué du personnel à compter d'avril 2010, a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement le 30 juin 2011 ; que l'inspectio

n du travail a refusé d'autoriser son licenciement ; qu'il a pris acte de la rupture de so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen pris en sa cinquième branche :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. [O], engagé le 1er avril 2002 par la société Coopérative ouvrière réunionnaise en qualité d'employé administratif puis de comptable à compter du 30 juin 2010, et élu délégué du personnel à compter d'avril 2010, a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement le 30 juin 2011 ; que l'inspection du travail a refusé d'autoriser son licenciement ; qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 5 septembre 2011 et, invoquant des faits de harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que s'agissant des circonstances de l'incident du 8 juin 2011, plusieurs salariés présents sur les lieux ont confirmé que Mme [M] ne s'est pas exprimée de façon agressive à M. [O], que la présence de plusieurs personnes accompagnant la sous-directrice est un élément qui a conduit légitimement le salarié à ressentir de la peur et à subir de ce fait un arrêt de maladie dont le caractère professionnel n'a pas été retenu (courrier de la CGSSR du 14 octobre 2011), qu'ainsi aucun élément constitutif d'agissements répétés et excessifs constitutifs d'un harcèlement ne peut s'induire de ce climat et cet incident, acte isolé et unique au demeurant, prend sa source dans le « combat » mené par Mme [M] et partie des coopérateurs pour obtenir le départ de M. [D], que concernant la sanction prise à l'encontre de [W] [O], qu'il estime démonstrative du harcèlement qu'il aurait subi de la directrice adjointe, il a été mis à pied du fait d'une multitude de griefs lesquels, analysés par l'inspecteur du travail, n'ont pas été retenus dans leur intégralité, ce qui a d'ailleurs entraîné un refus d'autorisation de licenciement de ce salarié protégé, que cependant, l'inspection du travail a retenu partie des dits griefs qui se présentent comme des consignes reçues et non suivies, qu'il en découle que l'employé a subi une sanction relevant du pouvoir de direction de l'employeur au regard de griefs établis et objectifs sans que cette sanction puisse être considérée comme constitutive de l'existence d'un harcèlement moral ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des éléments allégués par le salarié, notamment l'absence de paiement par l'employeur du complément de salaire pendant l'arrêt maladie et le maintien de la mise à pied conservatoire nonobstant le refus de l'inspection du travail d'autoriser son licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de l'arrêt analysant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en une démission ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Coopérative ouvrière réunionnaise aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 1 500 euros à M. [O] ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. [O].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté [W] [O] de ses demandes tendant à voir juger qu'il avait été victime de harcèlement moral, que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produirait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et de ses demandes tendant à la condamnation de la SCOP COR à lui verser diverses sommes à titre d'indemnisation pour violation du statut protecteur, d'indemnités de rupture, dommages et intérêts pour licenciement nul, dommages et intérêts pour harcèlement moral, condamné enfin Monsieur [O] à verser à la SCOP COR une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5 118,94 €.

AUX MOTIFS QUE " Il convient de faire rappel de ce que la société Coopérative Ouvrière Réunionnaise est une société coopérative ouvrière de production (SCOP) exerçant l'activité de "manutention portuaire" ; que les éléments de la procédure conduisent à retenir les faits suivants, constitutifs du climat existant au sein de la coopérative : Les salariés sont actionnaires et appelés "coopérateurs". Durant le mois de juin 2011 certains coopérateurs, accompagnés de la Directrice adjointe, Madame [M], décident de révoquer le PDG, [U] [D]. Pour ce faire, ils convoquent une assemblée générale par une pétition soumise à la signature des salariés coopérateurs. [W] [O] refuse de soutenir cette action. L'assemblée prévue le 28 juin 2011 a abouti à la révocation du PDG ainsi que de plusieurs administrateurs ;

QUE Sur le harcèlement moral : l'article L.1152-1 du Code du travail dispose que "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" ; que l'article L.1154-1 du Code du travail dispose aussi que "Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L.1152-1 à L.1152-3 et L.1153-1 à L.1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles" ; que le salarié se doit en conséquence d'établir la matérialité de faits précis et concordants, le juge devant apprécier si ces éléments dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que l'employeur a pour sa part la charge de rapporter la preuve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs ;

QUE Sur la présomption d'existence du harcèlement : le salarié doit établir des faits précis et concordants permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ; que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de [W] [O] est basée sur des faits qu'il affirme être constitutifs de harcèlement moral et ayant débuté à compter du mois de juin 2011 ; qu'aux termes de la plainte qu'il a déposée le 17 juillet 2011 auprès du Procureur de la République, le salarié indique : " (…) avoir été victime de harcèlement moral sur mon lieu de travail le mercredi 8 juin à 13 h 30, sis 1 voie de liaison portuaire – Le Port. Je porte à votre connaissance les faits suivants, qui justifient ma plainte : la directrice adjointe, en conflit avec la direction, m'a contraint à supprimer ses mails, ses contacts et les données de la société présentes sur l'ordinateur portable mis à sa disposition par la société. Devant mon refus, elle m'a menacé que "si je faisais pas ce qu'elle me dit de faire, ça se passera mal pour moi". (…) Tout de suite, j'ai déposé une main courante au commissariat de police du Port (…). À ce jour, je suis affaibli car elle vient constamment au bureau avec les dockers faire pression sur le personnel administratif. Actuellement je suis en arrêt de maladie professionnel et suivi par un psychiatre car j'ai peur d'aller au travail, peur de me confronter aux conflits actuels" ; que cette plainte a été classée sans suite ; que celle déposée par trois autres salariés l'a été également ;

QUE [W] [O] précise également que suite à son refus de signer la pétition afin de convoquer l'assemblée générale, il a eu à "…subir des représailles et des menaces de la part de la directrice générale Madame [M] accompagnée d'un groupe important de contestataires et produit le témoignage de [Y] [B] qui déclare que : "le mercredi 8 juin 2011, dans l'après-midi, j'étais à l'accueil avec Monsieur [W] [O] pour me former à l'accueil des clients. À 13 h 30, Madame [M] est arrivée au bureau avec un attroupement de dockers, ils étaient une vingtaine de personnes. Elle est venue vers Monsieur [O] et lui a dit : "si tu ne supprimes pas mes contacts, mes mails et les données sur mon ordinateur portable, ça ira mal pour toi". Monsieur [O] a quitté l'accueil. Il est sorti par la porte de service et moi, très apeurée, je suis partie dans le bureau d'à côté et on m'a ordonné de rentrer chez moi" ;

QU'il produit le témoignage de Monsieur [I], qui deviendra le nouveau PDG suite à l'éviction de Monsieur [D] ; que concernant la journée du 8 juin 2011, il affirme qu'il "s'est adressé à Monsieur [O] en haussant le ton (en lui disant : "Té [W] arrête déconner, fais bien out travail". Suite à ça, j'ai vu Monsieur [O] quitter son poste de travail pour se rendre au poste de police" ;

QUE ces témoignages n'établissent aucun agissement concret à l'encontre de Monsieur [O] [qui] s'est retrouvé au coeur d'un conflit interne à la société confirmé par ses propres écritures selon lesquelles le climat dans la société était tendu du fait de la volonté d'une grande partie du personnel de souhaiter l'éviction du PDG alors en fonction, Monsieur [D] ; que [W] [O], ne partageant pas la même opinion, s'est retrouvé, au même titre que quelques salariés, opposé au reste des salariés, alors que jusqu'au mois de juin 2011, tout se passait bien car selon ses dires, il donnait toute satisfaction à son employeur ;

QUE l'incident du 8 juin au cours duquel Madame [M] accompagnée de dockers lui aurait demandé sur ordre de Monsieur [D] d'effectuer certaines manipulations sur son ordinateur de travail en lui indiquant qu'à défaut "ça irait mal pour lui" est démonstratif de ce climat qui ne s'est installé qu'à compter du mouvement de rejet de Monsieur [D] ; qu'ainsi, s'agissant des circonstances de cet incident, plusieurs salariés présents sur les lieux ont par ailleurs confirmé que Madame [M] ne s'est pas exprimée de façon agressive à [l'intention] de Monsieur [O], et [Y] [B] ne fait pas plus référence à une agressivité de ton ; que la présence de plusieurs personnes accompagnant la sous directrice est un élément qui a conduit légitimement [W] [O] et [Y] [B] à ressentir de la peur et [W] [O] a subi de ce fait un arrêt de maladie dont le caractère professionnel n'a pas été retenu (courrier de la CGSSR du 14 octobre 2011) ; qu'ainsi aucun élément constitutif d'agissements répétés et excessifs constitutifs d'un harcèlement ne peut s'induire de ce climat et cet incident, acte isolé et unique au demeurant, prend sa source dans le "combat" mené par Madame [M] et partie des coopérateurs pour obtenir le départ de Monsieur [D] ;

QUE concernant la sanction prise à l'encontre de [W] [O], qu'il estime démonstrative du harcèlement qu'il aurait subi de la directrice adjointe, il convient de rappeler que l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas constitutif en lui-même de harcèlement moral lorsque la sanction est justifiée et proportionnée ; que [W] [O] a été mis à pied du fait d'une multitude de griefs lesquels, analysés par l'inspecteur du travail, n'ont pas été retenus dans leur intégralité, ce qui a d'ailleurs entraîné un refus d'autorisation de licenciement de ce salarié protégé ; que cependant, l'inspection du travail a retenu partie desdits griefs et notamment celui concernant les factures non réalisés et des enregistrements de factures non effectifs, des mails non envoyés et autres manquements qui se présentent globalement comme des consignes reçues et non suivies ; qu'il en découle que l'employé a subi une sanction relevant du pouvoir de direction de l'employeur au regard de griefs établis et objectifs sans que cette sanction puisse être considérée comme constitutive de l'existence d'un harcèlement moral ; que les demandes indemnitaires fondées sur l'existence de faits de harcèlement seront en conséquence rejetées comme non fondées" ;

ET AUX MOTIFS QUE "sur la prise d'acte : afin que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits qu'invoque le salarié doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ; que les juges apprécient le point de savoir si le manquement invoqué empêche la poursuite du contrat ; que la prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée n'est justifiée qu'« en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail » ; qu'il appartient en conséquence au salarié de démontrer que cette condition est remplie et que la rupture produit, à son bénéfice les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

QU'aux termes de son courrier valant prise d'acte, le salarié expose les faits suivants : "Je suis conduit à constater la rupture abusive de mon contrat de travail du fait de l'employeur, la société COR, dont je suis par ailleurs associé-coopérateur.
Depuis le mois de juin 2011, au prétexte d'un différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction, les agissements lourdement préjudiciables dont j'ai été victime, avec d'autres salariés, se sont traduits par l'altération de ma santé et une totale éviction de mes fonctions.
Ces faits ont d'ailleurs fait l'objet d'une plainte conjointe de plusieurs salariés.
Entre autres circonstances, je vous rappelle que pour seul motif d'avoir souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [U] [D], j'ai été mis à pied et convoqué à un entretien préalable à mon licenciement par lettre du 30 juin, à la suite d'une assemblée générale contestée qui a prétendu remplacer le conseil d'administration en exercice.
Etant en arrêt maladie, par suite d'un harcèlement moral dont j'ai été l'objet, j'ai demandé le report de cet entretien. Cette demande est restée sans suite.
En date du 11 juillet 2011, la Société COR a demandé une autorisation de procéder à mon licenciement pour motif disciplinaire et dans un courrier du 17 août 2011, la DIRECCTE a refusé de me licencier car les faits invoqués n'étaient pas avérés.
Ces circonstances caractérisent la rupture de mon contrat de travail, sans aucun motif sérieux et réel, et dans des conditions particulièrement abusives et préjudiciables.
En conséquence, je suis conduit à mettre en demeure la COR en sa qualité d'employeur, de me délivrer mon certificat de travail et une attestation ASSEDIC portant mention de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et de me payer les sommes suivantes (…) ;

QUE Madame [M] alors Directrice générale a répondu en ces termes à ce courrier suivant pli daté du 13 septembre 2011 :
"Nous avons reçu votre courrier en date du 6 septembre 2011 qui porte l'objet :
"prise d'acte de rupture de mon contrat de travail".
Renseignements pris, nous avons appris qu'en cas de prise d'acte de rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat de travail était rompu dès présentation de la lettre de rupture à cet employeur (analyse de la Cour de Cassation) et qu'il nous appartenait donc de vous remettre votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi.
Vous trouverez ceux-ci ci-joints ainsi que votre solde de tout compte.
En revanche, lorsque les griefs reprochés à l'employeur ne sont pas fondés, la prise d'acte produit les effets d'une démission et non d'un licenciement.
Or, il m'apparaît indispensable de rétablir la réalité des faits concernant votre arrêt maladie et les griefs que vous invoquez à notre encontre.
Tout d'abord, nous contestons avec force le fait d'avoir envisagé votre licenciement parce que vous auriez souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [D].
A ce titre je vous rappelle d'ailleurs que vous étiez en arrêt maladie le jour de l'assemblée du 28 juin 2011.
Le soutien à Monsieur [D] dont vous alléguez n'a en tout état de cause pas motivé votre convocation à entretien préalable.
Ainsi, ce qui vous était reproché et qui a effectivement motivé l'entretien préalable était :
- la non transmission de mails arrivant sur le poste de Madame [T] dont vous aviez la charge durant son absence,
- la non facturation des factures dans le logiciel comptable,
- l'intimidation du personnel avec menace de licenciement auprès du personnel féminin du GIE Alliance Multimodale,
- la modification dans l'AS 400 sous le code sécurité, ce qui a bloqué les pointages pour la réalisation de la paie,
- la désactivation du compte informatique du directeur adjoint le 8 juin 2011,
- le changement du code administrateur dans le réseau informatique sans prévenir personne,
- la non sauvegarde informatique pendant plus d'une semaine car vous n'aviez pas répondu au message d'erreur dans le système demandant une cassette de nettoyage,
- la dissimulation de l'ensemble des doubles de clés de l'entreprise, les clés des divers bureaux des salariés situées dans la boîte à clés ainsi que les clés des armoires, empêchant le personnel d'accéder à des informations nécessaires à l'accomplissement de son travail,
- la non transmission du courrier durant deux semaines aux divers services.
L'inspection du travail nous a refusé l'autorisation de procéder à votre licenciement pour des motifs que nous nous réservons le droit de contester devant la juridiction compétente, ce d'autant que des propos faux m'y sont attribués.
Nous n'avons à ce jour plus de raison de chercher à obtenir une autorisation de licenciement puisque vous avez-vous-même pris acte de la rupture, mais il nous semble important de rétablir la réalité des faits.
Quoiqu'il en soit, vous n'avez fait l'objet d'aucun harcèlement moral, comme aucun autre salarié d'ailleurs.
Aucun des griefs que vous nous reprochez n'étant fondé, il apparaît que votre prise d'acte produit l'effet d'une démission et que nous ne restons vous devoir ni indemnité de préavis, ni indemnité de licenciement, ni indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, ni dommages et intérêts (...)" ;

QUE la réalité des faits invoqués dans la lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail rédigée par Monsieur [O] n'est pas à démontrer concernant l'altercation du juin 2011 ainsi que le climat tendu du fait d'un "différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction" ; que les faits survenus le 8 juin, s'ils sont regrettables et s'ils ont pu augmenter les tensions régnant sur le lieu de travail, ne sont pas, comme déjà indiqués, constitutifs de harcèlement moral ;

QUE la sanction prise à l'égard de Monsieur [O] [procède] d'une dizaine de griefs retenus à son encontre ; que l'autorisation de licenciement a été refusée par l'inspection du travail qui n'a retenu que trois griefs ; qu'ainsi l'inspecteur du travail dans son courrier du 17 août précité indique "que les faits invoqués ne sont pas avérés et que si Monsieur [W] [O] a pu commettre des erreurs, leur contexte en atténue la gravité qui ne peut de ce fait être suffisante pour justifier le licenciement. Considérant en effet que les faits invoqués seraient intervenus dans un contexte extrêmement conflictuel opposant d'un côté Monsieur [U] [D] PDG et quelques salariés lui étant restés fidèles – dont [W] [O] – et de l'autre, une grande partie des coopérateurs, la directrice adjointe et d'autres salariés, ce conflit ayant été conclu par l'éviction de Monsieur [D] lors de l'assemblée générale de la COR le 28 juin 2011, son remplacement par Monsieur [I] en tant que président et par Madame [G] [M] en tant que directrice générale. Plusieurs salariés, dont Monsieur [W] [O], restés dans le camp de Monsieur [U] [D], ont été mis à pied à titre conservatoire dès le 29 juin 2011" ;

QUE cette mise à pied conservatoire présente un caractère de disproportion relevé par l'inspecteur du travail mais ne justifie cependant pas une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail de la part de [W] [O] en ce que les faits à son origine ne constituaient pas un "manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail" ; que l'inspectrice du travail, dans un courrier du 8 septembre 2011, a clairement indiqué à la COR :
"situation de Monsieur [K] et de Monsieur [O]
Je fais suite à la décision de refus d'autorisation de licencier Messieurs [K] et [O] rendue le 17 août 2011.
Je vous rappelle que de ce fait les mises à pied conservatoires sont annulées de plein droit. Je vous prierai donc de procéder aux régularisations de rémunération pour la période afférente (…)" ;

QUE ces éléments autorisaient en conséquence la poursuite du contrat ;

QUE de plus, le salarié n'établit nullement qu'il a fait l'objet d'une éviction professionnelle, le seul reproche fondé étant que son employeur se devait de lever la mise à pied et ne pouvait se réfugier derrière la saisine du Tribunal administratif pour justifier son maintien ;

QUE dans la réalité du quotidien professionnel partagé, des relations plus que tendues se sont mises en place entre le groupe "pro [D]" et le clan "contre [D]", chacune des parties manifestant un comportement peu rationnel mais ne présentant pas le comportement de harcèlement moral reproché par le salarié ;

QU'il s'en suit que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par Monsieur [O] se présente comme une démission et non comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que les demandes formées sur le fondement d'un licenciement nul au regard de la qualité de représentant du personnel ne sont pas fondées ; que Monsieur [O] est redevable d'une indemnité de préavis de deux mois au regard de la convention collective applicable, soit 5 118,94 € bruts" ;

1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer, même par omission, les documents produits aux débats par les parties ; qu'en retenant, pour considérer que "l'incident" du 8 juin 2011 ne constituait pas un fait de harcèlement moral, que "… [W] [O] a subi de ce fait un arrêt de maladie dont le caractère professionnel n'a pas été retenu (courrier de la CGSSR du 14 octobre 2011)" la Cour d'appel a dénaturé par omission la décision de la commission de recours amiable du 27 juillet 2012 produite devant elle par Monsieur [O] (sa pièce n° 23) et expressément invoquée dans ses écritures (p.6 dernier alinéa), dont résultait au contraire la prise en charge au titre de la législation des risques professionnels des lésions médicalement constatées sous forme de "… symptômes aigus de stress … (angoisse, tension interne, labilité émotionnelle, sentiment d'être en danger…) … anxiété anticipatoire concernant la reprise du travail en raison de la possibilité d'être de nouveau confronté à son supérieur hiérarchique"
déclarées "en lien avec le fait accidentel survenu le 8 juin 2011" ; que la Cour d'appel a ainsi méconnu le principe susvisé ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE constitue un agissement de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel le fait, pour la directrice adjointe de l'entreprise employeur, dans le cadre d'un conflit avec son représentant légal, de pénétrer dans le bureau du comptable en compagnie d'une vingtaine de dockers, et de lui intimer sous la menace d'effacer des données la concernant de son ordinateur professionnel, menace reprise en sa présence et avec son accord par l'un des dockers présents ; que de tels faits, qui ne constituent pas l'exercice légitime, par la directrice adjointe, de son pouvoir de direction mais une véritable voie de fait dans le cadre du "combat" l'opposant au dirigeant social en place, sont de nature à provoquer un choc psychologique et à altérer la santé du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "… le mercredi 8 juin 2011, dans l'après-midi, (…) Madame [M] est arrivée au bureau avec un attroupement de dockers, ils étaient une vingtaine de personnes. Elle est venue vers Monsieur [O] et lui a dit : "si tu ne supprimes pas mes contacts, mes mails et les données sur mon ordinateur portable, ça ira mal pour toi" ; que "…Monsieur [I], qui deviendra le nouveau PDG suite à l'éviction de Monsieur [D] …"s'est adressé à Monsieur [O] en haussant le ton, en lui disant : "Té [W] arrête déconner, fais bien out travail" ; que, selon la Cour d'appel, "… la présence de plusieurs personnes accompagnant la sous directrice est un élément qui a conduit légitimement [W] [O] et [Y] [B] à ressentir de la peur" ; enfin que "… [W] [O] a subi de ce fait un arrêt de maladie" ; qu'en excluant que de tels agissements, dont elle a constaté la matérialité et le lien avec le "combat mené par Madame [M] contre Monsieur [D]", soient constitutifs d'un fait de harcèlement moral la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE dans le cas où l'inspecteur du travail refuse d'autoriser le licenciement, la mise à pied conservatoire est annulée et ses effets supprimés de plein droit ; que la mise à pied conservatoire ainsi anéantie ne saurait, dès lors, constituer en elle-même la "… sanction est justifiée et proportionnée" des faits invoqués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement refusée par l'autorité administrative, de sorte que son maintien constitue un agissement de harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué (p.2) que la mise à pied infligée à Monsieur [O] le 30 juin 2011 était une mise à pied conservatoire accompagnant une demande d'autorisation administrative de licenciement "compte tenu de la gravité des faits reprochés", laquelle avait été refusée par l'autorité administrative, de sorte que cette mise à pied avait été annulée de plein droit et que son maintien, ne reposant sur aucune justification objective, caractérisait un agissement de harcèlement moral ; qu'en retenant cependant "… que l'employé a subi une sanction relevant du pouvoir de direction de l'employeur au regard de griefs établis et objectifs sans que cette sanction puisse être considérée comme constitutive de l'existence d'un harcèlement moral" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1, L.1332-3 du Code du travail, ensemble la loi des 16/24 août 1790 ;

4°) ALORS subsidiairement QUE lorsque l'autorité ou le juge administratif a apprécié la gravité des faits reprochés à un salarié protégé pour justifier son licenciement, les mêmes faits ne peuvent être appréciés différemment par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour exclure que la "sanction" de mise à pied conservatoire infligée à Monsieur [O] soit constitutive d'un agissement de harcèlement moral, "… que l'employé a subi une sanction relevant du pouvoir de direction de l'employeur au regard de griefs établis et objectifs sans que cette sanction puisse être considérée comme constitutive de l'existence d'un harcèlement moral" tout en constatant par ailleurs que "cette mise à pied conservatoire présente un caractère de disproportion relevé par l'inspecteur du travail" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef la loi des 16/24 août 1990 ;

5°) ALORS QUE constitue un agissement de harcèlement moral dégradant les conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son avenir professionnel le fait, pour l'employeur, de ne pas s'acquitter de son obligation conventionnelle de maintien du salaire du salarié malade, nonobstant la subrogation dans les indemnités journalières, privant ainsi ce dernier de tout moyen d'existence ; qu'en l'espèce, Monsieur [O] avait fait valoir et démontré par la production d'une mise en demeure adressée à son employeur, et d'un courrier de l'inspecteur du travail qu'il avait été victime de tels agissements de la part de la SCOP COR durant la suspension de son contrat de travail pour maladie à compter du 29 juin 2011 ; qu'en retenant qu'il ne démontrait aucun agissement de harcèlement moral sans examiner ce fait décisif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [W] [O] produirait les effets d'une démission, débouté ce salarié de ses demandes tendant à voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produirait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur et de ses demandes tendant à la condamnation de la SCOP COR à lui verser diverses sommes à titre d'indemnisation pour violation du statut protecteur, d'indemnités de rupture, dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné Monsieur [O] à verser à la SCOP COR une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5 118,94 € ;

AUX MOTIFS QUE " sur la prise d'acte : afin que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits qu'invoque le salarié doivent être établis et constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ; que les juges apprécient le point de savoir si le manquement invoqué empêche la poursuite du contrat ; que la prise d'acte de la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée n'est justifiée qu' « en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail » ; qu'il appartient en conséquence au salarié de démontrer que cette condition est remplie et que la rupture produit, à son bénéfice les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

QU'aux termes de son courrier valant prise d'acte, le salarié expose les faits suivants : "Je suis conduit à constater la rupture abusive de mon contrat de travail du fait de l'employeur, la société COR, dont je suis par ailleurs associé-coopérateur.
Depuis le mois de juin 2011, au prétexte d'un différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction, les agissements lourdement préjudiciables dont j'ai été victime, avec d'autres salariés, se sont traduits par l'altération de ma santé et une totale éviction de mes fonctions.
Ces faits ont d'ailleurs fait l'objet d'une plainte conjointe de plusieurs salariés.
Entre autres circonstances, je vous rappelle que pour seul motif d'avoir souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [U] [D], j'ai d'ailleurs été mis à pied et convoqué à un entretien préalable à mon licenciement par lettre du 30 juin, à la suite d'une assemblée générale contestée qui a prétendu remplacer le conseil d'administration en exercice.
Etant en arrêt maladie, par suite d'un harcèlement moral dont j'ai été l'objet, j'ai demandé le report de cet entretien. Cette demande est restée sans suite.
En date du 11 juillet 2011, la Société COR a demandé une autorisation de procéder à mon licenciement pour motif disciplinaire et dans un courrier du 17 août 2011, la DIRECCTE a refusé de me licencier car les faits invoqués n'étaient pas avérés;
Ces circonstances caractérisent la rupture de mon contrat de travail, sans aucun motif sérieux et réel, et dans des conditions particulièrement abusives et préjudiciables.
En conséquence, je suis conduit à mettre en demeure la COR en sa qualité d'employeur, de me délivrer mon certificat de travail et une attestation ASSEDIC portant mention de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur et de me payer les sommes suivantes (…) ;

QUE Madame [M] alors Directrice générale a répondu en ces termes à ce courrier suivant pli daté du 13 septembre 2011 :
"Nous avons reçu votre courrier en date du 6 septembre 2011 qui porte l'objet :
"prise d'acte de rupture de mon contrat de travail".
Renseignements pris, nous avons appris qu'en cas de prise d'acte de rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat de travail était rompu dès présentation de la lettre de rupture à cet employeur (analyse de la Cour de Cassation) et qu'il nous appartenait donc de vous remettre votre certificat de travail ainsi que votre attestation Pôle Emploi.
Vous trouverez ceux-ci ci-joints ainsi que votre solde de tout compte.
En revanche, lorsque les griefs reprochés à l'employeur ne sont pas fondés, la prise d'acte produit les effets d'une démission et non d'un licenciement.
Or, il m'apparaît indispensable de rétablir la réalité des faits concernant votre arrêt maladie et les griefs que vous invoquez à notre encontre.
Tout d'abord, nous contestons avec force le fait d'avoir envisagé votre licenciement parce que vous auriez souhaité, en tant qu'associé, le maintien de Monsieur [D].
A ce titre je vous rappelle d'ailleurs que vous étiez en arrêt maladie le jour de l'assemblée du 28 juin 2011.
Le soutien à Monsieur [D] dont vous alléguez n'a en tout état de cause pas motivé votre convocation à entretien préalable.
Ainsi, ce qui vous était reproché et qui a effectivement motivé l'entretien préalable était :
- la non transmission de mails arrivant sur le poste de Madame [T] dont vous aviez la charge durant son absence,
- la non facturation des factures dans le logiciel comptable,
- l'intimidation du personnel avec menace de licenciement auprès du personnel féminin du GIE Alliance Multimodale,
- la modification dans l'AS 400 sous le code sécurité, ce qui a bloqué les pointages pour la réalisation de la paie,
- la désactivation du compte informatique du directeur adjoint le 8 juin 2011,
- le changement du code administrateur dans le réseau informatique sans prévenir personne,
- la non sauvegarde informatique pendant plus d'une semaine car vous n'aviez pas répondu au message d'erreur dans le système demandant une cassette de nettoyage,
- la dissimulation de l'ensemble des doubles de clés de l'entreprise, les clés des divers bureaux des salariés situées dans la boîte à clés ainsi que les clés des armoires, empêchant le personnel d'accéder à des informations nécessaires à l'accomplissement de son travail,
- la non transmission du courrier durant deux semaines aux divers services.
L'inspection du travail nous a refusé l'autorisation de procéder à votre licenciement pour des motifs que nous nous réservons le droit de contester devant la juridiction compétente, ce d'autant que des propos faux m'y sont attribués.
Nous n'avons à ce jour plus de raison de chercher à obtenir une autorisation de licenciement puisque vous avez-vous-même pris acte de la rupture, mais il nous semble important de rétablir la réalité des faits.
Quoiqu'il en soit, vous n'avez fait l'objet d'aucun harcèlement moral, comme aucun autre salarié d'ailleurs.
Aucun des griefs que vous nous reprochez n'étant fondé, il apparaît que votre prise d'acte produit l'effet d'une démission et que nous ne restons vous devoir ni indemnité de préavis, ni indemnité de licenciement, ni indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, ni dommages et intérêts (...)";

QUE la réalité des faits invoqués dans la lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail rédigée par Monsieur [O] n'est pas à démontrer concernant l'altercation du juin 2011 ainsi que le climat tendu du fait d'un "différend opposant les associés sur la gestion de la coopérative et d'un conflit de légitimité sur sa direction" ; que les faits survenus le 8 juin, s'ils sont regrettables et s'ils ont pu augmenter les tensions régnant sur le lieu de travail, ne sont pas, comme déjà indiqués, constitutifs de harcèlement moral ;

QUE la sanction prise à l'égard de Monsieur [O] [procède] d'une dizaine de griefs retenus à son encontre ; que l'autorisation de licenciement a été refusée par l'inspection du travail qui n'a retenu que trois griefs ; qu'ainsi l'inspecteur du travail dans son courrier du 17 août précité indique "que les faits invoqués ne sont pas avérés et que si Monsieur [W] [O] a pu commettre des erreurs, leur contexte en atténue la gravité qui ne peut de ce fait être suffisante pour justifier le licenciement. Considérant en effet que les faits invoqués seraient intervenus dans un contexte extrêmement conflictuel opposant d'un côté Monsieur [U] [D] PDG et quelques salariés lui étant restés fidèles – dont [W] [O] – et de l'autre, une grande partie des coopérateurs, la directrice adjointe et d'autres salariés, ce conflit ayant été conclu par l'éviction de Monsieur [D] lors de l'assemblée générale de la COR le 28 juin 2011, son remplacement par Monsieur [I] en tant que président et par Madame [G] [M] en tant que directrice générale. Plusieurs salariés, dont Monsieur [W] [O], restés dans le camp de Monsieur [U] [D], ont été mis à pied à titre conservatoire dès le 29 juin 2011" ;

QUE cette mise à pied conservatoire présente un caractère de disproportion relevé par l'inspecteur du travail mais ne justifie cependant pas une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail de la part de [W] [O] en ce que les faits à son origine ne constituaient pas un "manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail" ; que l'inspectrice du travail, dans un courrier du 8 septembre 2011, a clairement indiqué à la COR :
"situation de Monsieur [K] et de Monsieur [O]
Je fais suite à la décision de refus d'autorisation de licencier Messieurs [K] et [O] rendue le 17 août 2011.
Je vous rappelle que de ce fait les mises à pied conservatoires sont annulées de plein droit. Je vous prierai donc de procéder aux régularisations de rémunération pour la période afférente (…)" ;

QUE ces éléments autorisaient en conséquence la poursuite du contrat ;

QUE de plus, le salarié n'établit nullement qu'il a fait l'objet d'une éviction professionnelle, le seul reproche fondé étant que son employeur se devait de lever la mise à pied et ne pouvait se réfugier derrière la saisine du Tribunal administratif pour justifier son maintien ;

QUE dans la réalité du quotidien professionnel partagé, des relations plus que tendues se sont mises en place entre le groupe "pro [D]" et le clan "contre [D]", chacune des parties manifestant un comportement peu rationnel mais ne présentant pas le comportement de harcèlement moral reproché par le salarié ;

QU'il s'en suit que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail par Monsieur [O] se présente comme une démission et non comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que les demandes formées sur le fondement d'un licenciement nul au regard de la qualité de représentant du personnel ne sont pas fondées ; que Monsieur [O] est redevable d'une indemnité de préavis de deux mois au regard de la convention collective applicable, soit 5 118,94 € bruts" ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi s'étendra, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, aux dispositions de l'arrêt attaqué ayant dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [O] produirait les effets d'une démission et débouté le salarié de ses demandes consécutives en paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts ;

2°) ALORS QUE constitue un agissement de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel le fait, pour la directrice adjointe de l'entreprise employeur, dans le cadre d'un conflit avec son représentant légal, de pénétrer dans le bureau du comptable en compagnie d'une vingtaine de dockers, et de lui intimer sous la menace d'effacer des données la concernant de son ordinateur professionnel, menace reprise en sa présence et avec son accord par l'un des dockers présents ; que de tels faits, qui ne constituent pas l'exercice légitime, par la directrice adjointe, de son pouvoir de direction mais une véritable voie de fait dans le cadre du "combat" l'opposant au dirigeant social en place, sont de nature à provoquer un choc psychologique et à altérer la santé du salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que "… le mercredi 8 juin 2011, dans l'après-midi, (…) Madame [M] est arrivée au bureau avec un attroupement de dockers, ils étaient une vingtaine de personnes. Elle est venue vers Monsieur [O] et lui a dit : "si tu ne supprimes pas mes contacts, mes mails et les données sur mon ordinateur portable, ça ira mal pour toi" ; que "…Monsieur [I], qui deviendra le nouveau PDG suite à l'éviction de Monsieur [D] …"s'est adressé à Monsieur [O] en haussant le ton, en lui disant : "Té [W] arrête déconner, fais bien out travail" ; que, selon la Cour d'appel, "… la présence de plusieurs personnes accompagnant la sous directrice est un élément qui a conduit légitimement [W] [O] et [Y] [B] à ressentir de la peur" ; enfin que "… [W] [O] a subi de ce fait un arrêt de maladie" ; qu'en excluant que de tels agissements, dont elle a constaté la matérialité et le lien avec le "combat mené par Madame [M] contre Monsieur [D]", soient constitutifs d'un fait de harcèlement moral la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE constitue un exercice abusif de son pouvoir disciplinaire rendant impossible la poursuite du contrat de travail le maintien, par l'employeur, de la mise à pied conservatoire infligée au salarié protégé concomitamment à l'introduction d'une procédure de licenciement pour faute grave après refus d'autorisation de licenciement emportant annulation de cette mesure et anéantissement de ses effets ; qu'en décidant au contraire que "ces éléments autorisaient au contraire la poursuite du contrat" et que " le salarié n'établit nullement qu'il a fait l'objet d'une éviction professionnelle, le seul reproche fondé étant que son employeur se devait de lever la mise à pied et ne pouvait se réfugier derrière la saisine du Tribunal administratif pour justifier son maintien" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé derechef les textes susvisés ;

4°) ALORS enfin QUE constitue un manquement à ses obligations issues du contrat de travail le fait, pour l'employeur, de ne pas s'acquitter de son obligation conventionnelle de maintien du salaire du salarié malade, nonobstant la subrogation dans les indemnités journalières, privant ainsi ce dernier de tout moyen d'existence ; qu'en l'espèce, Monsieur [O] avait fait valoir et démontré par la production d'un courrier de l'inspecteur du travail qu'il avait été victime de tels agissements de la part de la SCOP COR durant la suspension de son contrat de travail pour maladie à compter du 29 juin 2011 ; qu'en retenant que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Monsieur [K] produirait les effets d'une démission sans examiner ce manquement d'une gravité particulière, objectivement établi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1 du Code du travail et 1184 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-27578
Date de la décision : 08/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 01 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 mar. 2017, pourvoi n°15-27578


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27578
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