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01/03/2017 | FRANCE | N°15-27857

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 mars 2017, 15-27857


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 77 et 771 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, reprochant à la commune d'[Localité 1] (la commune) d'avoir irrégulièrement pris possession, en 1979, d'une parcelle dépendant de la succession d'[H] [M] et d'[J] [Y], son épouse, Mme [J] [M], MM. [K],

[C] et [A] [V], Mmes [P] et [F] [V], MM. [I] et [T] [L], Mme [B] [L] et Mmes [F], [...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles 77 et 771 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, reprochant à la commune d'[Localité 1] (la commune) d'avoir irrégulièrement pris possession, en 1979, d'une parcelle dépendant de la succession d'[H] [M] et d'[J] [Y], son épouse, Mme [J] [M], MM. [K], [C] et [A] [V], Mmes [P] et [F] [V], MM. [I] et [T] [L], Mme [B] [L] et Mmes [F], [X] et [F] [R] (les consorts [M], [V], [L] et [R]), leurs ayants droit, ont saisi la juridiction judiciaire, sur le fondement de la voie de fait, en réparation de leur préjudice ; que, contestant l'existence d'une voie de fait, la commune a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative ;

Attendu que, pour rejeter cette exception, après avoir énoncé que la question de savoir si l'occupation de la parcelle litigieuse par la commune avait eu pour effet de déposséder définitivement les consorts [M], [V], [L] et [R] de leur droit de propriété imposait que soit résolue, en premier lieu, celle de savoir si cette parcelle avait été acquise par les époux [M], puis transmise par voie de succession aux consorts [M], [V], [L] et [R], l'arrêt retient qu'une telle question, relative à la propriété immobilière, relève de la compétence du juge judiciaire, statuant au fond, et qu'il n'appartient pas au juge de la mise en état de la trancher ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de la mise en état, seul compétent, jusqu'à son dessaisissement, pour statuer sur les exceptions de procédure, de se prononcer sur cette question de fond dont dépendait l'existence d'une voie de fait et, partant, la détermination de l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme [J] [M], MM. [K], [C] et [A] [V], Mmes [P] et [F] [V], MM. [I] et [T] [L], Mme [B] [L] et Mmes [F], [X] et [F] [R] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la commune d'[Localité 1].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise, en ce qu'elle avait rejeté l'exception d'incompétence, soulevée par une commune (la commune d'[Localité 1]), dans le cadre d'un litige l'opposant aux prétendus propriétaires d'une parcelle (les consorts [M], [L], [V] et [R]) ;

AUX MOTIFS QUE la commune d'[Localité 1] déclarait avoir pris possession de la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 1] en exécution d'une donation qui lui avait été consentie le 9 août 1979 par [H] [M], fils des époux [M]-[Y], décédé le [Date décès 1] 1980, et qu'elle avait accepté suivant délibération du conseil municipal en date du 24 août 1979 ; qu'elle reconnaissait cependant que cette donation, qui n'avait pas été consacrée par un acte authentique, n'avait pu emporter transfert de propriété à son profit; que les consorts [M]-[V]-[L] déclaraient être propriétaires de cette même parcelle, ès-qualités d'ayants droit des époux [M]-Baste qui en avaient fait l'acquisition par acte authentique du 28 janvier 1947, enregistré le 4 avril 1947 ; que le droit de propriété des consorts [M]-[V]-[L] sur la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 1] était contesté par la commune d'[Localité 1] qui ne reconnaissait pas la valeur probante des actes produits par les intimés et soutenait que la fiche cadastrale attribuant l'immeuble à la succession d'[H] [M] ne suffisait pas à en rapporter la preuve ; que, dans son précédent arrêt du 27 juin 2012, la cour d'appel avait considéré que l'indivision [M]-[V]-[L] disposait d'un titre de propriété en date du 28 janvier 1947 au profit de son auteur et que si le bien ne figurait plus dans les titres ultérieurs - telle l'attestation de propriété dressée par un notaire le 6 juin 1959 après le décès d'[H] [M] ou l'attestation de propriété établie le 2 juin 1981 à la suite du décès d'[H] [D] [M], fils du précédent - il n'en restait pas moins que la parcelle AB n° [Cadastre 1] était mentionnée au nom de "Madame [M] [H] Veuve" dans un extrait de la matrice cadastrale en date du 21 février 1972, au nom de la "succession ( .. . ) [M] [H]", dans un relevé cadastral de 2007 et encore dans l'état parcellaire établi par le géomètre [S] dans le cadre de la procédure administrative d'alignement de 1991, à quoi il fallait ajouter un certificat du Conservateur des hypothèques de La Rochelle du 3 juillet 2008 attestant que ladite parcelle n'avait fait l'objet d'aucune formalité entre le 1er janvier 1958 et le 2 juillet 2008 ; qu'elle avait dit en conséquence que la commune, en prenant possession en 1979 de la parcelle AB n° [Cadastre 1] sous couvert de l'acceptation par délibération du conseil municipal d'une donation ne satisfaisant pas aux exigences de l'article 931 du code civil, avait porté une atteinte grave au droit de propriété d'autrui par un acte insusceptible de se rattacher à un pouvoir conféré par la loi, commettant ainsi une voie de fait qui constituait un trouble manifestement illicite ; que cet arrêt était définitif, mais n'avait pas autorité de chose jugée au principal, s'agissant d'une décision rendue sur appel d'une ordonnance du juge des référés ; que la commune d'[Localité 1] qui ne se prévalait d'aucun titre de propriété sur le bien litigieux qu'elle occupait depuis 1979 à la suite du don consenti par [H] [M], mais contestait ceux produits par les intimés, la question de savoir si cette occupation avait, ou non, porté atteinte au libre exercice par ceux-ci de leur droit de propriété et avait eu pour effet de les en déposséder définitivement, imposait que soit résolue en premier lieu celle de savoir si la parcelle cadastrée section AB n° [Cadastre 1] avait été acquise par les époux [M]/[Y], puis transmise par voie de succession aux consorts [M]-[V]-[L] ; que cette question relative à la propriété immobilière de personnes privées relevait de la compétence du juge judiciaire statuant au fond et il n'appartenait pas au juge de la mise en état de la trancher ; que la décision entreprise devait être confirmée en ce qu'elle avait rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la commune d'[Localité 1] au juge administratif ;

1° ALORS QU'il n'y a voie de fait de la part de l'administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; qu'en ayant jugé les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes pour connaître du litige opposant la commune d'[Localité 1] aux consorts [M], [L], [V] et [R], après avoir pourtant constaté que le droit de propriété invoqué par ces derniers n'était pas établi, ce dont il résultait que la voie de fait dont ils demandaient la réparation n'était pas constituée, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret de fructidor an III ;

2° ALORS QUE seule la voie de fait justifie la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire dans un litige mettant en cause une personne publique; qu'en jugeant les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes pour connaître de la demande en réparation formée par les consorts [M], [L], [V] et [R] contre la commune d'[Localité 1], au motif qu'il fallait préalablement résoudre la question de la propriété immobilière des intimés et sans constater la réunion des conditions de constitution de la voie de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret de fructidor an III ;

3° ALORS QUE le droit de propriété immobilière d'une personne privée est susceptible d'entraîner une question préjudicielle de droit privé devant le juge administratif, compétemment saisi du fond lorsque le litige met en cause une personne publique; qu'en retenant la compétence du juge judiciaire, au motif que la voie de fait dont se prévalaient les consorts [M]-[L]-[V] supposait que soit résolue la question préalable de leur droit de propriété, laquelle était de la compétence du juge du fond et non du juge de la mise en état, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret de fructidor an III ;

4° ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en omettant de répondre au moyen de la commune d'[Localité 1], tiré de ce que la longue inaction des consorts [M], [L], [V] et [R] s'opposait à ce qu' ils puissent invoquer l'existence d'une voie de fait à l'encontre de la commune d'[Localité 1] (conclusions, p. 10 et 11), la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-27857
Date de la décision : 01/03/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 03 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 mar. 2017, pourvoi n°15-27857


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27857
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