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22/02/2017 | FRANCE | N°16-86547

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 février 2017, 16-86547


Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Stéphane X..., - Mme Gwenaëlle Y..., épouse X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 11 octobre 2016, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire, prêt illicite de main-d'oeuvre, marchandage, blanchiment, exercice de l'activité d'entrepreneur de travail temporaire sans garantie financière, outre du chef de faux concernant le premier, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetan

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La COUR, statuant après débats en l'a...

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Stéphane X..., - Mme Gwenaëlle Y..., épouse X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 11 octobre 2016, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de prêt de main-d'oeuvre à but lucratif hors du cadre légal du travail temporaire, prêt illicite de main-d'oeuvre, marchandage, blanchiment, exercice de l'activité d'entrepreneur de travail temporaire sans garantie financière, outre du chef de faux concernant le premier, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant leur demande en restitution ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er février 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, M. Steinmann, Mme de la Lance, Mme Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, Mme Zerbib, M. d'Huy, conseillers de la chambre, Mme Pichon, conseiller référendaire ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CHAUCHIS, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 décembre 2016, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 97, 99, 99-2, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance ayant rejeté la demande de restitution des trois véhicules, des clés et des documents afférents à ceux-ci, formulée par les demandeurs ;
" aux motifs que, selon les dispositions de l'article 99, alinéa 4, du code de procédure pénale, il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties ou lorsqu'elle présente un danger pour les personnes ou les biens ; que la restitution peut être refusée lorsque la confiscation de l'objet est prévue par la loi ; que la cour doit appliquer ce texte au cas d'espèce sans que les allégations figurant dans les mémoires de la défense, d'une part, sur une plainte déposée pour faux en écriture publique et usage, d'autre part, sur des erreurs figurant dans les réquisitions écrites de M. l'avocat général, soient d'une quelconque utilité pour le débat et sans qu'il soit nécessaire à ce stade de la procédure, contrairement à ce que soutient la défense, que la culpabilité des prévenus soit établie pour des infractions dont les éléments constitutifs sont réunis, puisque les requérants sont mis en examen pour les infractions susvisées, parce qu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation à la commission de ces délits, mises en examen qui n'ont jamais fait l'objet de contestation ; que, sur la restitution des véhicules Ferrari, Audi Q7 et Audi A5, des clés de ces véhicules et des documents afférents à ces véhicule (scellés VL/ Fye 33, 34, 35, 30, 31, 32, 27, 28, 29, et scellé 96/ Fye) ; qu'il est constant que le véhicule Ferrari F430 immatriculé ..., le véhicule Audi Q7 immatriculé ...et le véhicule Audi A5 immatriculé ... ont fait l'objet d'une ordonnance de remise à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis en vue de leur aliénation (article 99-2, alinéa 2, du code de procédure pénale), en date du 10 décembre 2015, régulièrement notifiée le 15 décembre 2015, étant observé que l'erreur matérielle concernant le numéro de scellé du véhicule Audi A5 (scellé 2O/ VL/ FYE au lieu de scellé 27/ VL/ FYE) est sans conséquence sur la validité de cette ordonnance quant aux trois véhicules concernés ; que cette ordonnance du 10 décembre 2015 avait fait l'objet d'un appel qui a été déclaré irrecevable par un arrêt de la chambre de l'instruction en date du 29 mars 2016 régulièrement notifié le 30 mars 2016 (D7208 à 7212), arrêt qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation et qui est donc définitif ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance de rejet de restitution de ces trois véhicules, des clés de ces trois véhicules et des documents afférents à ces trois véhicules (scellés VL/ Fye 33, 34, 35, 30, 31, 32, 27, 28, 29 et scellé 96/ Fye) ; que, sur la restitution du matériel informatique (scellés Fye/ 1, 2, 3, 4, 7, 6, 6, 9, 16), il ressort du dossier (en particulier de la cote D 2057) que le matériel informatique saisi servait à la surveillance des salariés permanents basés en Roumanie dans les différentes entreprises de recrutement ainsi qu'à l'échange des documents comptables, bancaires ou contractuels entre les gérants et les sièges de ces entreprises, qu'il constitue l'un des éléments matérialisant la gestion effective des entreprises de travail temporaires roumaines sur le sol français par les époux X... et leurs activités tournées entièrement vers la France ; que ce matériel informatique a donc servi à commettre les infractions aux codes du travail pour lesquelles Mme Y..., épouse X..., et M. X... sont mis en examen, délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an de telle sorte qu'ils encourent la peine de confiscation, prévue par l'article 131-21, alinéa 2, du code pénal, des biens ayant servi à commettre l'infraction ; qu'il convient donc de confirmer l'ordonnance de rejet des restitution de ces neuf scellés ; que, sur la restitution du téléviseur plasma, de la somme de 260 euros et des billets contenus dans le scellé 132 (scellés Fye 1131, 127 et 132) ; que comme le fait justement observer l'avocat des requérants, il n'est pas contesté que ces biens saisis le 10 juin 2010 au domicile de Mme Y..., épouse X..., sont la propriété de cette dernière ; qu'elle est mise en examen du chef de blanchiment, infraction prévue par l'article 324-1 du code pénal ; qu'en application de l'article 324-7, 12°) du code pénal, applicable au moment des faits, Mme Y..., épouse X..., encourt la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de ses biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis, sans qu'il soit nécessaire d'apporter la preuve que ces biens ont servi à commettre l'infraction, ou étaient destinés à la commettre ou en sont le produit ; qu'en conséquence, il convient de confirmer l'ordonnance de rejet de restitution de ces trois scellés ;

" 1°) alors que l'article 99 du code de procédure pénale impose au juge d'instruction de répondre à toutes les requêtes en restitution portant sur des biens qui se trouvent placés sous scellés dans le cadre de l'information judiciaire, nonobstant d'éventuelles décisions d'aliénation non définitives rendues en application de l'article 99-2 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, le magistrat instructeur a ordonné l'aliénation de trois véhicules par décision du 10 décembre 2015, laquelle a fait l'objet d'un appel ; que le juge d'instruction ne pouvait justifier son refus de faire droit à la requête en restitution de ces mêmes véhicules formée le 24 décembre 2015 par l'existence de cette décision d'aliénation, l'appel formé à l'encontre de cette dernière n'ayant été déclarée irrecevable que le 29 mars 2016 ;
" 2°) alors que le recours effectif tel qu'il est garanti par les articles 13 et 6, § 1, de la Convention européenne doit être disponible en droit comme en pratique ; que la chambre de l'instruction, saisie de l'appel de l'ordonnance de refus de restitution, ne pouvait se retrancher derrière l'existence d'une décision d'aliénation qui n'était pas définitive au moment où la requête en restitution a été déposée, et priver ainsi les exposants de l'effectivité du recours légalement prévu " ;
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, 99 et 99-2 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ces textes que le juge saisi par le propriétaire d'un bien meuble placé sous main de justice d'une requête en restitution de ce bien est tenu de statuer sur son bien-fondé indépendamment de l'existence d'une décision, fût-elle définitive, de remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) en vue de son aliénation ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'une information judiciaire a été ouverte, le 10 septembre 2009, auprès du juge d'instruction du tribunal de grande instance de Coutances, qui a mis en examen M. X... et Mme Y... des chefs susvisés ; que, dans le cadre de cette information, trois véhicules appartenant aux personnes mises en examen ont été saisis ; que la demande de restitution faite par ces dernières a été rejetée par une ordonnance du juge d'instruction dont elles ont fait appel ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, l'arrêt retient que les véhicules ont fait l'objet d'une décision de remise à l'AGRASC en vue de leur aliénation, contre laquelle un appel a été formé qui a été déclaré irrecevable par arrêt définitif ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de CAEN, en date du 11 octobre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SAISIES - Restitution - Action en restitution - Refus - Motifs - Décision définitive de remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués - Caractère insuffisant

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Droit à un recours effectif - Juge d'instruction - Objets saisis - Restitution - Refus - Motifs - Bien-fondé de la requête - Réponse - Défaut - Compatibilité (non) RESTITUTION - Objets saisis - Action en restitution - Refus - Motifs - Décision définitive de remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués - Caractère insuffisant

Il se déduit des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, premier du Protocole additionnel à ladite Convention, 99 et 99 -2 du code de procédure pénale que le juge saisi par le propriétaire d'un bien meuble placé sous main de justice d'une requête en restitution de ce bien est tenu de statuer sur son bien-fondé indépendamment de l'existence d'une décision, fût-elle définitive, de remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) en vue de son aliénation. Méconnaît ces dispositions la chambre de l'instruction qui, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction tendant au refus de restitution d'un bien, retient que celui-ci a fait l'objet d'une décision définitive de remise à l'AGRASC en vue de son aliénation


Références :

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles 99 et 99-2 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Caen, 11 octobre 2016

Sur les conditions de la remise à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, en vue de leur aliénation, des biens meubles placés sous main de justice dont la confiscation est prévue par la loi, à rapprocher :Crim., 6 mai 2014, pourvoi n° 13-83203, Bull. crim. 2014, n° 123 (cassation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 22 fév. 2017, pourvoi n°16-86547, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle
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Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Le Baut
Rapporteur ?: Mme Chauchis
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 22/02/2017
Date de l'import : 28/11/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16-86547
Numéro NOR : JURITEXT000034085273 ?
Numéro d'affaire : 16-86547
Numéro de décision : C1700479
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2017-02-22;16.86547 ?
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