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09/02/2017 | FRANCE | N°15-26562

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 février 2017, 15-26562


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 815-1, alinéa 1er, et L. 816-1, 1°, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige ;
Attendu, selon le second de ces textes, que les ressortissants de nationalité étrangère autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du même texte, peuvent prétendre au bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées s'ils sont titulaires depuis au moins dix ans d'un t

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 815-1, alinéa 1er, et L. 816-1, 1°, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, applicable au litige ;
Attendu, selon le second de ces textes, que les ressortissants de nationalité étrangère autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du même texte, peuvent prétendre au bénéfice de l'allocation de solidarité aux personnes âgées s'ils sont titulaires depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant à travailler ; qu'applicables à l'attribution d'une prestation d'aide sociale procédant de la solidarité nationale, laquelle est subordonnée par le premier texte, pour l'ensemble des bénéficiaires, à la justification d'une résidence stable et régulière sur le territoire métropolitain ou dans un département mentionné à l'article L. 751-1 du code de la sécurité sociale, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences de l'article 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de l'article 1er du protocole additionnel n° 12 à cette convention ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'entré en France le 9 septembre 2009 et disposant depuis le 2 mars 2012 d'une carte de résident, M. X..., de nationalité arménienne, né le 17 juillet 1944, a demandé, le 11 juillet 2012, à la Caisse des dépôts et consignations l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ; que sa demande ayant été rejetée au motif qu'il n'était pas titulaire, depuis au moins dix ans, d'un titre de séjour autorisant le travail, M. X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour accueillir ce recours, l'arrêt retient que le fait de conditionner l'attribution de l'ASPA à la possession depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant à travailler, manque de justification objective et raisonnable et qu'il s'agit donc d'une discrimination à raison de la nationalité ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la Caisse des dépôts et consignations
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que l'exigence du délai de stage de 10 ans est discriminatoire au regard des textes internationaux s'imposant au juge national, infirmé le jugement du 12 décembre 2013 et dit que Monsieur Saribeg X... était en droit de bénéficier de I'ASPA depuis sa demande, et de l'avoir renvoyé vers la CDC afin de procéder à la liquidation de ses droits ;
AUX MOTIFS QUE «en application de la norme nationale, il est certain que l'action de monsieur X... est vouée à l'échec, au seul motif qu'il ne remplit pas la condition de délai de séjour de 10 ans, imposée par l'article L. 816-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable depuis le 23 décembre 2011 ; que toute la question est celle de la soumission de ce texte à d'autres normes et de la possible existence d'une discrimination à raison de la nationalité; Attendu que la complexité des normes supranationales résultant de la multiplication des instances a pour fil rouge des principes humanistes que l'ordre international tente d'instaurer en cherchant l'équilibre avec les habitudes de repli issues des siècles passés ; Attendu que l'idée de protection de la personne âgée sans ressources suffisantes, dans le cadre d'une prestation sociale non contributive sans considération de réciprocité, vise ainsi les étrangers qui, soit s'installent en France, soit sont fragilisés (réfugiés, apatrides...) ; que Monsieur X... ressort de la première catégorie et se heurte à une disposition interne ouvrant le droit à prestation à ceux qui bénéficient depuis 10 d'un titre de séjour les autorisant à travailler ; Attendu qu'il a certes pu être jugé que les distinctions opérées par le législateur national entre différentes catégories de demandeurs ne rompaient pas le principe d'égalité et que les critères mis en oeuvre ne portaient pas atteinte au principe de non-discrimination (notamment fondée sur la nationalité) ; qu'il est par ailleurs admis qu'une distinction devient discriminatoire (au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) lorsqu'y manque une «justification objective et raisonnable », sans poursuite d'un «but légitime» et sans «rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » ; Attendu que l'idée d'une résidence stable et régulière en France se conçoit sur le principe; qu'on la retrouve d'ailleurs dans les dispositions concernant le revenu de solidaire active (RSA). dont le bénéfice est ouvert aux européens après 3 mois de séjour, et aux étrangers après 5 ans ; que ce même délai s'appliquait d'ailleurs aux étrangers pour I'ASPA jusqu'à fin 2011 ; que le législateur (loi de financement de la sécurité sociale pour 2012) décidait alors de le doubler (. . .) ; Attendu que la condition de résidence est fondée sur une justification objective, dès lors que l'ASPA s'appuie sur la solidarité nationale, n'est pas contributive et vise à compenser une disparité économique, dont souffrent déjà certains retraités à faibles revenus résidant en France : que le but de lier le versement de la prestation à une résidence effective et durable est donc légitime ; Attendu cependant que le moyen utilisé (durée de JO ans) apparaît clairement disproportionné et conduit de facto à exclure la personne, en raison de son âge au moment de la demande ; que monsieur X... aurait ainsi 78 ans avant de pouvoir remplir la condition de délai de 10 ans et aurait dû vivre jusque-là dans des conditions contraires aux textes internationaux prônant la dignité des conditions de vie; que l'objectif d'assistance aux plus démunis serait ainsi manqué ; Attendu que plus clairement, le fait de conditionner l'attribution de l'ASPA à la possession depuis au moins JO ans d'un titre de séjour autorisant à travailler, manque de justification objective et raisonnable ; qu'il s'agit donc d'une discrimination à raison de la nationalité ; que le jugement du 12 décembre 2013 sera infirmé»;
1° ALORS QUE la législation de la sécurité sociale a un caractère d'ordre public et que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'en application du principe de territorialité de la sécurité sociale, l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale subordonne l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) à une condition de résidence en France ; que l'article L. 816-1 du même code tel qu'issu de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 20 Il accorde cette allocation à toute personne de nationalité étrangère si celle-ci est soit titulaire depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant à travailler soit réfugié, apatride ou a combattu pour la France, soit ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; qu'en jugeant que Monsieur X... pouvait bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées à compter du dépôt de sa demande, alors qu'elle relevait que celui-ci ne remplissait pas la condition de délai de séjour de JO ans, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 816-1 du code de sécurité sociale ;
2° ALORS QU'une discrimination consiste en une inégalité de traitement sans justification objective ou raisonnable ; qu'il est loisible au législateur, dans la mise en oeuvre de la politique de solidarité nationale, de soumettre les prestations qu'il institue à des conditions de résidence; que l'exigence d'une durée de présence régulière préalable sur Je territoire national, en ce qu'elle constitue un critère d'appréciation de la condition de stabilité de la résidence, ne porte pas une atteinte manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi par la loi de garantir un minimum de ressources, sans contrepartie de cotisations, aux personnes âgées qui justifient d'une résidence stable et régulière sur le territoire national ; qu'en jugeant que le moyen utilisé (durée de 10 ans) apparait clairement disproportionné et conduit de facto à exclure la personne, en raison de son âge au moment de la demande, et que le fait de conditionner l'attribution de l'ASPA à la possession depuis au moins 10 ans d'un titre de séjour autorisant à travailler, manque de justification objective et raisonnable, constituant dès lors une discrimination à raison de la nationalité, pour dire que Monsieur X... pouvait bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées à compter du dépôt de sa demande, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les articles L. 816-1 du code de la sécurité sociale et l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ainsi que l'article 1er du protocole additionnel n° 12.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-26562
Date de la décision : 09/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 14 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 fév. 2017, pourvoi n°15-26562


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.26562
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