LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1717 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 février 2014), que, le 22 juillet 2008, la SCI Dikran a donné à bail un local commercial à M. X..., à M. Y..., aux droits duquel se trouve M. Matthieu Z..., et à Yves Z..., aux droits duquel se trouvent indivisément MM. Matthieu, Nicolas et Jean-Baptiste Z... (les consorts Z...) ; que, par acte sous-seing privé du 13 mars 2010 devant être régularisé le 30 avril 2010, MM. Yves et Matthieu Z... sont convenus de céder leurs droits au bail commercial à M. Olivier X... et à son épouse, Mme Odile A..., moyennant un certain prix dont le solde devait être réglé le 30 avril 2010 ; que les consorts Z... ont assigné M. X... et Mme A... et la SCI Dikran en perfection de la vente du droit au bail ;
Attendu que, pour rejeter leur demande, l'arrêt retient que la contrepartie du paiement du prix de la cession du droit au bail pour M. X... et Mme A... étaient de devenir locataires de la SCI Dikran pour les parts achetées, qu'à défaut d'accord du bailleur, cette cession ne pouvait être opposée par les acquéreurs qui devenaient des occupants sans droit ni titre et que, dès lors, cette cession était sans cause et ne peut avoir aucun effet ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une cession de bail commercial consentie entre le cédant et le cessionnaire sans l'accord préalable du bailleur, requis dans le contrat de bail, n'est pas nulle mais inopposable aux tiers, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare sans effet le contrat de vente de parts de droit au bail du 13 mars 2010, déboute MM. Matthieu, Nicolas et Jean-Baptiste Z... de leur demande en paiement du prix de cette vente, les condamne à payer à Mme A... la somme de 5 000 euros en remboursement de la somme versée lors de la conclusion de ce contrat et à payer à la SCI Dikran la somme de 10 595, 50 euros au titre du solde locatif et celle de 4 400 euros de dommages et intérêts, l'arrêt rendu le 25 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la SCI Dikran, M. X... et Mme A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Dikran, M. X... et Mme A... à payer la somme globale de 3 000 euros à la SCP Boré et Salve de Bruneton ; rejette la demande de la SCI Dikran ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour les consorts Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré sans effet le contrat de vente de parts de droit au bail du 13 mars 2010, d'AVOIR débouté MM. Matthieu, Nicolas et Jean-Baptiste Z... de leur demande en paiement du prix de cette vente, de les AVOIR condamnés à payer à Mme A... la somme de 5. 000 euros en remboursement de la somme versée lors de la conclusion de ce contrat et de les AVOIR en conséquence condamnés à payer à la SCI Dikran la somme de 10. 595, 50 euros au titre du solde locatif et celle de euros de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE le 13 mars 2010 a été conclu l'acte suivant : « Yves Z... et Matthieu Z... certifient avoir reçu de la part d'Olivier X... et Odile A... un chèque d'acompte de 5. 000 euros sur le rachat des parts du bail du local situé... 13 007 Marseille, pour un montant total de 30. 000 euros. Olivier X... et Odile A... s'engagent à régler la somme de 30. 000 euros avant la date du 30 avril 2010. Matthieu Z... et Yves Z... s'engagent à rendre le chèque de caution le jour de la vente. Fait pour valoir ce que de droit. Fait à Aix-en-Provence en 2 exemplaires le 13 mars 2010 », suivi de la signature des quatre parties à l'acte ; que comme le reconnaissent M. X... et Mme A..., cet acte précise la chose et le prix, éléments suffisants pour valoir vente et il prévoit que celle-ci devra se concrétiser avant le 30 avril 2010, c'est-à-dire que le paiement total du prix et la livraison de la chose vendue s'effectueront avant cette date ; qu'il ne peut donc être soutenu qu'il s'agirait de l'expression d'une simple intention d'acquérir et le versement le 13 mars 2010 par Mme A... de la somme de 5. 000 euros tantôt qualifié d'acompte, tantôt de garantie, confirme qu'il s'agit bien d'une vente ; qu'aucune condition suspensive n'est prévue à cet acte et M. X... et Mme A... ne peuvent s'en prévaloir ; que l'article 1131 du Code civile édite : « l'obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet » ; que dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie trouve sa cause dans l'obligation envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée par l'autre partie ; que le bail stipule à son paragraphe consacré à la cession : « le preneur qui entend céder son droit au présent bail ne pourra réaliser cette opération que pour la totalité des locaux loués et à la condition expresse d'avoir recueilli l'accord préalable et écrit du bailleur, qui devra, dans tous les cas, être appelé à l'acte de cession. Enfin en cas de cession de son droit au présent bail à un successeur dans son fonds de commerce, le preneur s'engagera dans l'acte de cession à rester garant à titre solidaire des preneurs successifs pendant toute la durée du bail pour le paiement des loyers et l'exécution des conditions » ; que MM. Z... prétendent que l'acte du 13 mars 2010 correspond en réalité à une cession de fonds de commerce car elle permettait à M. X... et à Mme A... de poursuivre l'exploitation du fonds existant dans les locaux et le prix convenu correspond à la valeur du fonds et qu'ainsi la SCI Dikran ne pouvait s'opposer à cette cession, l'article L. 145-16 du Code de commerce interdisant les clauses s'opposant à la cession du droit au bail à l'acquéreur du fonds de commerce ; que le local a été loué à M. X... et MM. Y... et Yves Z... ; que lorsque M. Y...
Z... a voulu se dégager de l'exploitation du fonds et a cédé ses parts de droit au bail à M. Matthieu Z..., un avenant au bail a été établi auquel la SCI Dikran est intervenue ; qu'aucun acte de cession d'un fonds de commerce n'a été établi entre MM. Yves et Matthieu Z... d'une part et M. X... et Mme A... d'autre part ; que la présence dans les lieux de l'association Fabrik 89 qui aurait été l'exploitante ne saurait avoir une incidence dès lors que seuls M. X... et MM. Olivier et Matthieu Z... étaient locataires et devaient être les propriétaires du fonds et qu'aucun élément ne montre leur départ de l'association concomitamment avec la cession des parts du droit au bail ; qu'ainsi l'acte du 13 mars 2010 doit conserver sa qualification de cession de parts du droit au bail et ne peut s'analyser en une cession de fonds de commerce ; que la contrepartie du paiement du prix de la cession du droit au bail pour M. X... et Mme A... était de devenir locataires de la SCI Dikran pour les parts achetées ; qu'or, à défaut d'accord du bailleur, cette cession était inopposable à celui-ci et dès lors à son égard ils devenaient des occupants sans droit ni titre ; que dès lors cette cession était sans cause et ne peut avoir aucun effet ; que MM. Z... soutiennent vainement que la SCI Dikran ne pouvait s'opposer sans motif valable à la cession ; qu'en effet si le bailleur qui restreint le droit de cession du bail à l'acquéreur du fonds de commerce, doit invoquer un motif sérieux pour refuser dans ce cas la cession, tel n'est pas le cas de la clause exigeant son accord à la cession du droit au bail en dehors de la cession d'un fonds de commerce ; que rien ne démontre que cet accord été demandé ; que MM. Z... ne peuvent invoquer un accord tacite à cette cession au motif que seul M. X... aurait payé le loyer durant plusieurs mois, ce seul fait étant insuffisant pour caractériser un tel accord ; que la vente du droit au bail ne pouvant produire effet, MM. Z... doivent être déboutés de leur demande en paiement du prix et condamnés à rembourser à Mme A... l'acompte ou la garantie de 5. 000 euros versé le 13 mars 2010 ;
1°) ALORS QUE l'accord du bailleur à une cession du droit au bail peut être tacite ; qu'en se bornant à relever, pour juger inopposable à la SCI Dikran la cession du 13 mars 2010, que le paiement du loyer par M. X... pendant plusieurs mois était insuffisant pour caractériser un accord tacite du bailleur, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cet accord ne résultait pas du fait qu'il n'avait adressé qu'à M. X... les appels de paiements des loyers et charges, les quittances de loyers, et le commandement de payer du 4 janvier 2011 visant la clause résolutoire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1717 du Code civil ;
2°) ALORS QU'une cession de bail commercial consentie entre le cédant et le cessionnaire sans l'accord préalable du bailleur, requis dans le contrat de bail, n'est pas nulle mais inopposable aux tiers ; qu'en refusant de constater la validité de la cession du droit au bail consentie par acte du 13 mars 2010 et de lui faire produire ses effets entre les parties, au motif inopérant qu'elle était inopposable au bailleur, la SCI Dikran, qui n'avait pas donné son accord, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1717 du Code civil ;
3°) ALORS QUE la cause de l'obligation du cessionnaire d'un bail commercial de payer le prix de la cession réside dans le droit de jouissance du local commercial ; qu'en affirmant que l'obligation de M. X... de payer le prix de la cession du droit au bail était dépourvue de cause dès lors qu'en raison de l'inopposabilité de la cession au bailleur, il devenait occupant sans droit ni titre, bien qu'il ait bénéficié de la jouissance du local en poursuivant l'exploitation du fonds qu'il exploitait déjà avant la cession avec l'accord du bailleur, jusqu'à la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, la Cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts Z... de leurs demandes de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE MM. Z... fondent leur demande en dommages-intérêts tant à titre principal qu'à titre subsidiaire sur le défaut d'exécution de M. X... et Mme A... de la cession de leurs parts du droit au bail caractérisant leur préjudice dans le premier cas par la perte de la perception du prix de vente et la violation de l'engagement pris auprès de M. Yves Z... et dans le second cas par la perte de la possibilité de céder à un tiers ces parts de droit au bail ainsi que par la perte d'exploitation du fonds ; mais que le défaut d'exécution de la convention résulte du manquement de MM. Yves et Matthieu Z... à leur obligation d'obtenir avant la cession l'autorisation du bailleur à cette opération et ils ne peuvent se plaindre du préjudice résultant du défaut de cette cession dont l'irrégularité leur incombe ;
ALORS QUE le contrat de bail initial auquel étaient parties tant MM. Z... que M. X... stipulait la nécessité de recueillir l'accord préalable du bailleur en cas de cession de droit au bail ; qu'en imputant exclusivement à MM. Z... le défaut d'obtention de l'autorisation du bailleur à la cession consentie à M. X..., quand ce dernier, partie au contrat de bail initial était également tenu d'obtenir une telle autorisation, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1717 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté les consorts Z... de leur demandes en paiement d'une indemnité d'occupation, dirigée contre M. X... ;
AUX MOTIFS QUE MM. Z... exposent que depuis le 14 juin 2010, M. X... a joui seul du local et qu'il s'avère redevable d'une indemnité d'occupation égale au deux tiers du loyer soit pour la période du 14 juin 2010 au 30 octobre 2012 de la somme de 20. 531, 28 euros (1. 100 euros/ 66, 66 % × 28 mois) ; que si l'article 815-9 du Code civil prévoit que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité, cette indemnité n'est pas due dès lors que l'occupation du bien indivis par l'un des indivisaires n'exclut pas la même utilisation par ses coïndivisaires ; que le défaut d'occupation ou de jouissance du local loué provient de la volonté de MM. Z... de ne plus exploiter le fonds mais rien ne les empêchait de continuer à l'utiliser ; que la demande d'indemnité d'occupation de MM. Z... doit être rejetée ;
ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts Z... faisaient valoir qu'après la cession du 13 mars 2010, M. X... avait changé les clés d'accès au local et poursuivi l'exploitation du fonds pour son seul compte (conclusions, p. 3, al. 10) et produisaient un constat d'huissier en attestant (pièce 9. 1) ; qu'en affirmant que rien ne faisait obstacle à ce que MM. Z... continuent à utiliser le local sans répondre aux conclusions péremptoires précitées, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.