LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée (la caisse) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale ayant sous son autorité la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Francis X... a présenté une infection nosocomiale à la suite de la réalisation par M. Y..., chirurgien vasculaire et endocrinien (le praticien), au sein des locaux de la société Clinique Saint-Charles (la clinique), les 15 mars et 2 juillet 2007, de deux pontages fémoro-poplités des membres-inférieurs, pour remédier à une artérite, et, le 17 juillet 2007, de la thrombectomie de l'un des pontages ; que la prise en charge de cette infection a été assurée par le praticien jusqu'à l'admission du patient au centre hospitalier universitaire de Nantes et à la réalisation, les 19 et 26 octobre 2007, d'une amputation fémorale bilatérale ayant entraîné un déficit fonctionnel de 70 % ; que Francis X... est décédé le 5 avril 2010, après avoir sollicité une expertise en référé ; que Mme Murielle X..., Mme Héloïse X... et M. Wielfried X..., ses enfants et héritiers (les consorts X...), ont assigné la clinique en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices ainsi que de ceux éprouvés par leur père, puis l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) en intervention forcée et mis en cause la caisse qui a sollicité le remboursement de ses débours ; que la clinique a appelé en garantie le praticien en invoquant une faute de ce dernier dans la prise en charge de l'infection ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé, qui est recevable :
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de dire que Francis X... a contribué à hauteur de 10 % à la réalisation des dommages qu'il a subis, de juger que la caisse pourra exercer son recours dans la limite de 40 %, correspondant à la quote-part de responsabilité du praticien, et de cantonner, en conséquence, la condamnation de celui-ci ;
Attendu que, selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er, du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute ; que, selon l'alinéa 2 de ce même article, ces établissements, services et organismes sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que, toutefois, selon l'article L. 1142-1-1, 1°, issu de la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002, dans sa rédaction applicable au litige, sans préjudice des dispositions de l'article L. 1142-17, alinéa 7, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés à l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er, correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; qu'en vertu de l'article L. 1142-22, la réparation au titre de la solidarité nationale prévue par ces dernières dispositions incombe à l'ONIAM ; que, lorsqu'il a indemnisé la victime ou ses ayants droit, celui-ci ne peut exercer une action en vue de reporter la charge de la réparation sur l'établissement où l'infection s'est produite ou sur un professionnel de santé, sur le fondement des articles L. 1142-17, alinéa 7, et L. 1142-21, I, alinéa 2, qu'en cas de faute établie à l'origine du dommage, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ; que, dans ce cas et au titre d'une telle faute, les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime de dommages consécutifs à une infection nosocomiale peuvent exercer une action subrogatoire contre l'établissement où cette infection a été contractée ou contre le professionnel de santé ayant pris en charge la victime, dans la limite de leur part de responsabilité dans la survenue du dommage ;
Attendu que l'arrêt retient, en se fondant sur les constatations du rapport d'expertise, que le patient a contribué, par la poursuite de son tabagisme, à la réalisation de son dommage et, ainsi, commis une faute ; que la cour d'appel a pu en déduire que seuls 90 % de son dommage devaient être mis à la charge de l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, 1°, et que le recours de la caisse à l'encontre du praticien, dont elle a fixé à 40 % la part de responsabilité dans la survenue du dommage, ne pourrait s'exercer que dans cette limite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en sa seconde branche, réunis, ci-après annexés :
Attendu que la caisse et les consorts X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la clinique ;
Attendu qu'il ressort des dispositions des articles L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique précitées, que, lorsque les dommages résultant d'une infection nosocomiale ouvrent droit, en raison de leur gravité, à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, 1°, l'application du régime de responsabilité de plein droit prévu à l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, est exclue ; que tant les victimes que les tiers payeurs ne gardent la possibilité d'agir à l'encontre de l'établissement où a été contractée l'infection ou du professionnel de santé qui a pris en charge la victime, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er, que sur le fondement des fautes qu'ils peuvent avoir commises et qui sont à l'origine du dommage, telles qu'un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ;
Qu'après avoir énoncé, à bon droit, que, dès lors qu'était applicable l'article L. 1142-1-1, 1°, la responsabilité de la clinique ne pouvait être engagée qu'en cas de faute et constaté qu'aucune faute ne lui était imputable, la cour d'appel n'a pu qu'écarter les demandes de condamnation formées à l'encontre de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi provoqué, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 1142-1 et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique ;
Attendu qu'il ressort des dispositions de l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, et L. 1142-1-1, 1°, du code de la santé publique précitées, que, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère, les établissements, services et organismes mentionnés à l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er, sont tenus, sur le fondement de leur responsabilité de plein droit, de réparer l'ensemble des dommages résultant d'infections nosocomiales, qu'ils aient été subis par les victimes directes ou indirectes ; que, lorsque les dommages résultant de telles infections atteignent le seuil de gravité fixé par l'article L. 1142-1-1, 1°, leur réparation incombe, dans les mêmes conditions, à l'ONIAM en leur lieu et place ;
Que ce régime spécifique de prise en charge des dommages au titre de la solidarité nationale est distinct de celui prévu par l'article L. 1142-1, II, de sorte que ne sont alors pas applicables les dispositions de ce texte qui, en cas de survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale n'engageant pas la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I, et répondant à certaines conditions d'imputabilité, d'anormalité et de gravité, limitent la réparation aux préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Héloïse X... à l'égard de l'ONIAM au titre de son préjudice d'accompagnement, dont elle avait constaté l'existence et mis la réparation, à hauteur de 40 %, à la charge du praticien, tout en écartant les autres demandes des consorts X... comme n'étant pas en lien de causalité avec l'infection contractée par Francis X..., l'arrêt relève que l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique exclut toute indemnisation au titre de la solidarité nationale des préjudices personnels des consorts X... ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme Héloïse X... à l'égard de l'ONIAM au titre de son préjudice d'accompagnement, l'arrêt rendu le 15 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Met les dépens à la charge de l'ONIAM ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer aux consorts X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Vendée.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, confirmant le jugement, dit que M. Francis X... a contribué à la réalisation des dommages qu'il a subis à hauteur de 10 % et, statuant à nouveau, dit que la CPAM pourra exercer son recours dans la limite de 40 % correspondant à la quote-part de responsabilité du Dr. Y...et cantonné, en conséquence, la condamnation du Dr. Y...envers la CPAM à la somme de 88. 101, 30 euros ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « A l'encontre de Monsieur X.... Contrairement à ce que soutient la CPAM de la Vendée, Monsieur X... par son comportement (indiscipline, poursuite d'un tabagisme) a contribué à la réalisation de son dommage à concurrence de 10 %. L'ONIAM, conformément au jugement, est exonéré de cette contribution fautive de la victime. A l'encontre du Docteur Y.... Le professionnel de santé qu'est le Docteur Y...peut voir sa responsabilité engagée en cas de faute. Au soutien de son appel, le Docteur Y...invoque l'absence de faute personnelle établie. Le Professeur A...après avoir pris l'avis d'un sapiteur infectiologue, le Professeur B..., concernant la prise en charge de l'infection, conclut que le protocole d'antibiothérapie n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science tant dans le choix que la durée de prescription des antibiotiques. Il en est résulté une perte de chance qu'il évalue à 40 % d'éviter une diffusion infectieuse et l'amputation. Ainsi Monsieur X... a été victime de plusieurs infections. Aucune d'entre elle n'a été prise en charge correctement.- Lors de l'hospitalisation du 16 au 27 juillet 2007, Monsieur X... a présenté une bactériémie à staphylocoque coagulase négatif et une infection sur drain de redons à escherichia cooli. Il a alors été placé sous une antibiothérapie. Or, " le traitement de cette bactériémie et de cette contamination des redons n'est pas adapté et conforme dans sa durée et dans sa nature aux règles de l'art " selon l'expert. Non seulement le traitement n'a pas été adéquat, mais au surplus, la surveillance du processus infectieux ne l'a pas été non plus. Le Docteur Y...aurait dû, au regard du risque d'infection sur prothèse, surveiller d'avantage l'évolution du patient au besoin en prolongeant son hospitalisation, qui était d'autant plus nécessaire qu'il existait une prothèse fémoro-poplitée droite dont la thrombose avait imposé une réintervention.
- Lors de l'hospitalisation du 20 août 2007, une infection à staphylocoque aureus qui a motivé l'hospitalisation a été mise en évidence, Or l'antibiothérapie n'a pas été conforme aux règles de l'art tant dans la durée que dans la voie d'administration devant une infection à staphylococcus aureus avec une prothèse sous jacente en raison de la faible biodisponibilité du Bristopen per os.- Lors de l'hospitalisation du 14 septembre 2007, il a été mis en évidence une infection à staphylocoque aureus méthicillino sensible identique à celle mise en évidence en août 2007, une infection au niveau de la prothèse à escherichia coli et un staphylocoque aureus méthicillino-resistant. Or l'antibiothérapie mise en oeuvre du 14 au 27 septembre n'a pas été conforme aux règles de l'art. Le Docteur Y...conteste sa responsabilité critiquant le rapport sur plusieurs points :- concernant la mise en place et le suivi des antibiothérapies au titre de la prise en charge des infections, le docteur Y...invoque qu'elles étaient protocolisées au sein de la Clinique Saint Charles et relevait de la compétence des anesthésistes et d'un bactériologiste. L'expert a noté que le traitement antibiotique de Monsieur X... apparaît être sous la seule responsabilité du Docteur Y.... Ainsi, ce dernier n'a communiqué aucun élément permettant de démontrer que cette prescription aurait été faite par un autre médecin que lui-même à l'exception d'une prescription téléphonique le 18 juillet du Docteur C.... De surcroît, il n'a pas appelé dans la cause le médecin dont il estime que la prescription d'antibiotiques relèverait de sa responsabilité.- invoquant les recommandations de la Haute Autorité de Santé, le Docteur Y...conteste l'analyse du Professeur A...et du professeur D..., leur reprochant de n'avoir pas mis en place une double antibiothérapie en juillet 2007. Or, ainsi que l'explique l'expert, s'il n'était pas possible de connaître la profondeur de l'atteinte du site opératoire, les bonnes pratiques cliniques imposaient de considérer cette infection du site opératoire connue une possible infection prothétique compte tenu des conditions de survenue (réintervention, lymphorée) et donc comme une infection sévère justifiant une association d'antibiotiques par voie veineuse et une surveillance prolongée clinique et biologique. En ce sens la prise en charge du Docteur Y...n'a pas été conforme aux règles de l'art.- aucune continuité ne peut être retenue entre le staphylocoque à coagulase négative trouvé en juillet et le staphylocoque doré méthi-R trouvé sur la prothèse au mois de septembre 2007. Or l'expert souligne que la similitude entre deux souches (en juillet et en septembre) fait retenir l'hypothèse de cette continuité entre l'infection du site opératoire de juillet 2007 à Escheria coli et l'infection prothétique ; la sélection de germes sur une antibiothérapie trop courte et inadaptée ayant pu en outre modifier la souche originelle. Sur le prise en charge, l'expert reconnaît que l'attitude du patient est pour cause à concurrence de 10 % des préjudices subis. Tous ces éléments caractérisent un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales par le Docteur Y...dans la prise en charge de l'infection contractée par Monsieur François X... qui lui a fait perdre une chance d'éviter l'amputation du membre inférieur droit mais également d'éviter l'infection de la branche droite de la prothèse aorto bi-fémorale et l'amputation fémorale gauche. Sa responsabilité dans la perte de chance telle qu'évaluée par le tribunal à 40 % est confirmée, le taux d'amputation, malgré un traitement bien conduit, après infection d'une prothèse fémoro-poplitée étant compris dans une fourchette de 33 à 69 %. » ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Le professeur A...a conclu aux termes de son expertise : " Monsieur X... a présenté une infection d'une prothèse fémoro-poplitée droite à ESCHERICIA coli, et STAPHYLOCOCUS aureus methi R. Cette infection doit être considérée comme nosocomiale. Bien qu'aucune preuve objective certaine ne puisse être apportée, il existe une très grande probabilité que la contamination par l'ESCHERICIA coli se soit produite lors de l'intervention du 17 juillet 2007 à la Clinique Saint Charles. La prise en charge de l'infection à ESCHERICIA coli en juillet 2007 par le Docteur Y...n'a pas été conforme, sur le plan médical, aux règles de l'art, conduisant à une perte de chance de 40 % d'éviter une diffusion infectieuse et l'amputation. Il existe une relation de causalité directe et certaine entre cette infection prothétique et les séquelles actuelles : amputation fémorale bilatérale. La consolidation peut être fixée au 22 octobre 2008. Il existe un DFP de 70 %. L'expert relève le caractère per-opératoire de la contamination dont a été victime Monsieur Francis X... et retient que ces infections sont de nature nosocomiale. Ce point n'est pas contesté par la Clinique Saint Charles qui ne fait valoir aucune cause étrangère de nature à l'exonérer de sa responsabilité par application des dispositions de l'article L. 1142-1 al. 2 du Code de la santé publique. Il convient donc de déclarer la Clinique Saint Charles responsable du préjudice subi par Monsieur X.... Le Professeur A...affirme également que le protocole d'antibiothérapie n'a pas été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science tant dans le choix des antibiotiques que dans la durée de l'antibiotique et a conduit à une perte de chance de 40 % d'éviter une diffusion infectieuse et l'amputation. Il caractérise ainsi une faute dans la prise en charge de l'infection prothétique par le Docteur Y.... Le Docteur Y...conteste toute responsabilité en faisant valoir qu'il n'a commis aucune faute Il rappelle que seule la prise en charge des épisodes infectieux fait l'objet de critiques. Il soutient qu'il n'est pas le prescripteur des antibiotiques, que la mise en place et le suivi des infections au sein de la Clinique Saint Charles étaient protocolisés et relevaient de la compétence conjointe des anesthésistes et d'un bactériologiste, Il critique pour le surplus les conclusions expertales quant au traitement antibiotique prescrit et au taux de perte de chance retenu. Concernant le premier point, l'expert a répondu au dire du conseil du docteur Y...en indiquant qu'a l'exception de la prescription téléphonique du Docteur C...notée dans le dossier le 18 juillet 2007, aucun autre élément objectif dans le dossier ne confirmait les avis des médecins référents en infectiologie à la Clinique, que, dans ces conditions, le traitement antibiotique apparaissait être sous la seule responsabilité du Docteur Y...qui avait en charge Monsieur X.... Le Docteur Y...n'a produit aucune nouvelle pièce au soutien de ses affirmations à ce sujet et il n'a attrait aucun médecin à la procédure. Sa contestation sur ce point sera donc écartée. Sur le second point, le Docteur Y...ne fait que reprendre les critiques qu'il a formulées en cours d'expertise. L'expert y a répondu de manière précise et circonstanciée (réponse au dire de Maître E...) et a maintenu ses conclusions tout en soulignant que l'indiscipline du patient reconnue et attestée imposait de poursuivre l'hospitalisation en milieu médical à la suite de l'infection du site opératoire du 19 juillet et que la surveillance du patient, son indiscipline, la poursuite d'un tabagisme avéré, avaient induit des conditions peu favorables de prise en charge d'une infection du site opératoire, ce qui l'a conduit à modifier son pré-rapport et à ramener le taux de perte de chance d'éviter une infection prothétique de 50 à 40 %. II n'est pas justifié de remettre en cause les conclusions expertales, y compris sur le taux de perte de chance retenu, et l'argumentation du Docteur Y...insuffisamment fondée sera rejetée. Il convient en outre de faire droit à la demande concordante de l'ONIAM et du Docteur Y...de retenir que Monsieur X... a, par son comportement, contribué à la réalisation de son dommage, ce qui est parfaitement établi dans les dossiers médicaux de celui-ci et n'est pas formellement contesté par ses ayants droits, Il sera retenu une part de responsabilité de 10 %. Au vu de ces différents éléments, il convient de fixer la part de responsabilité de la Clinique Saint Charles à hauteur de 60 % du préjudice subi par Monsieur X... et celle du Docteur Y...à hauteur de 40 % » ;
ALORS QUE, premièrement, le refus d'une personne, victime d'une infection nosocomiale, de se soumettre à des traitements médicaux qui ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entrainer la diminution de son droit à indemnisation ; qu'en réduisant à concurrence de 10 % le droit à indemnisation des ayants-droit à raison de l'« indiscipline » de la victime ayant contribué à la réalisation de son dommage, les juges du fond ont violé les articles L. 1111-4 et L. 1142-1 du code de la santé publique, ensemble l'article 16-3 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout état, dès lors que la CPAM faisait valoir que l'indiscipline évoquée par l'expert consistait en un refus de poursuivre l'hospitalisation en milieu spécialisé (conclusions, p. 8, § 6) et que le Dr. Y...se prévalait d'une « opposition aux soins » (conclusions, p. 17, § 2), les juges du fond, avant d'imputer l'aggravation de l'état de la victime à son indiscipline, devaient expliquer en quoi cette dernière ne relevait pas d'un refus de se soumettre à des traitements médicaux ; qu'à défaut, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 16-3 du code civil et des articles L. 1111-4 et L. 1142-1 du code de la santé publique ;
ALORS QUE, troisièmement, la poursuite d'un comportement addictif antérieur est sans lien de causalité avec le dommage résultant d'une infection nosocomiale quand l'arrêt de ce comportement n'a été rendu nécessaire que parce que la victime avait contracté ladite infection ; qu'en réduisant à concurrence de 10 % le droit à indemnisation des ayants-droit à raison de la « poursuite du tabagisme » de la victime ayant contribué à la réalisation de son dommage, les juges du fond ont violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a, infirmant le jugement, débouté la CPAM de ses demandes à l'encontre de la Clinique SAINT CHARLES ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « La Clinique Saint Charles demande l'infirmation du jugement pour avoir retenu sa responsabilité à la suite de l'infection nosocomiale contractée par Monsieur Francis X..., à hauteur respectivement de 50 % pour la clinique et de 40 % pour le Docteur Y...et de l'avoir condamnée in solidum avec le Docteur Y...à payer à la CPAM de la Vendée la somme de 198. 227, 86 euros sur le fondement de l'article L 1142-1 du code de la santé publique outre les frais irrépétibles et les dépens. La Caisse Primaire d'Assurances Maladie de la Vendée invoque que le germe ayant été contracté au sein de son établissement, la responsabilité de la Clinique est engagée. S'agissant d'infections nosocomiales rentrant dans le cadre de l'article L 1142-1-1 du code de la santé publique, la Clinique Saint Charles ne peut voir sa responsabilité engagée que pour faute conformément aux dispositions de l'article L 1142-21 du code de la santé publique. Aucune faute n'est relevée dans le rapport de l'expert à l'encontre de la Clinique » ;
ALORS QUE l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ne prive nullement la victime d'une infection nosocomiale de son action à l'encontre de l'établissement de santé où l'infection a été contractée ; qu'en pareil cas, l'établissement de santé demeure responsable, conformément aux dispositions de l'article L. 1142-1 du même code et l'ONIAM se substitue à lui seulement en ce qui concerne le paiement des indemnités dues à la victime ; qu'il s'en évince que la CPAM, subrogée dans les droits de la victime, peut agir en remboursement des frais par elle exposés à l'encontre de l'établissement de santé responsable et ce, même en l'absence de faute de la part de ce dernier ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 1142-1, L. 1142-1-1 et L. 1142-21 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Moyen produit au pourvoi provoqué par Me Haas, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mmes Murielle et Héloïse X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les consorts X... de leurs demandes au titre du préjudice d'affection et d'accompagnement en tant qu'elles étaient dirigées contre de la clinique Saint-Charles et l'ONIAM ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'appel de la Clinique Saint-Charles, s'agissant d'infections nosocomiales rentrant dans le cadre de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, la Clinique Saint-Charles ne peut voir sa responsabilité engagée que pour faute conformément aux dispositions de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique ; qu'aucune faute n'est relevée dans le rapport de l'expert à l'encontre de la clinique ; que, sur les préjudices à titre personnel des consorts X..., l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique exclut toute indemnisation par la solidarité nationale des préjudices subis par les victimes par ricochet du vivant de la victime directe ; qu'en l'espèce, le décès de Francis X... ne résulte pas de l'infection nosocomiale ; que contrairement à ce que soutiennent les ayants droits de Francis X..., l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ouvre droit à réparation pour les décès résultant exclusivement « d'un accident médical, d'une infection endogène ou d'infection nosocomiale » ; que les ayant droits de Francis X... ont exclusivement une action à l'encontre du docteur Y..., dans les limites de sa responsabilité ;
ALORS, 1°), QUE, d'une part, selon le I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; que, d'autre part, le II de ce même texte, qui prévoit que ces mêmes dommages sont pris en charge par la solidarité nationale, n'a vocation à s'appliquer que lorsque la responsabilité de l'établissement de santé n'est pas engagée ; qu'enfin, que la responsabilité de l'établissement de santé soit ou non engagée, l'article L. 1142-1-1 du même code prévoit que les dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale ; qu'en se fondant sur la deuxième de ces trois dispositions pour exclure toute indemnisation par la solidarité nationale des préjudices subis par les victimes par ricochet du vivant de la victime directe, sans avoir constaté que la preuve d'une cause étrangère était rapportée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1142-1 et L. 1142-1-1 du code de la santé publique ;
ALORS, 2°), QUE les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande d'indemnisation des préjudices subis, à titre personnel, par les enfants de la victime de l'infection nosocomiale, sur la circonstance inopérante que la clinique Saint-Charles n'avait commis aucune faute, la cour d'appel a violé les articles L. 1142-1, L. 1142-1-1 et L. 1142-21 du code de la santé publique.