La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2017 | FRANCE | N°16-87081

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 février 2017, 16-87081


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Alexey X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 22 novembre 2016, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement russe, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199, 591, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêt attaqué que le détenu ou

son avocat ait eu la parole après les réquisitions du ministère public ;
" alors q...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Alexey X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 22 novembre 2016, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement russe, a rejeté sa demande de mise en liberté ;

Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199, 591, 593 du code de procédure pénale ;
" en ce qu'il ne ressort pas des mentions de l'arrêt attaqué que le détenu ou son avocat ait eu la parole après les réquisitions du ministère public ;
" alors qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué, qu'après avoir entendu le président en son rapport, la chambre de l'instruction a donné la parole au conseil du détenu, au détenu « ayant eu la parole le dernier » puis au ministère public ; qu'en l'état de ces mentions contradictoires, qui ne mettent pas la chambre criminelle en mesure de s'assurer que le détenu ou son avocat ait eu la parole après les réquisitions de l'avocat général, l'arrêt encourt l'annulation " ;
Attendu que l'arrêt mentionne qu'à l'audience de la chambre de l'instruction, M. X..., qui était entendu par un moyen de télécommunication audiovisuelle, a " eu la parole en dernier " ;
Qu'une telle mention faisant foi jusqu'à inscription de faux, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 et 5, § 1, f), de la Convention européenne des droits de l'homme, 145-1, 147-1, 148-6, 148-7, 591, 593 et 696-19 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté la demande de mise en liberté de M. X... ;
" aux motifs que, dans l'attente de la décision du premier ministre qui n'a pas à ce jour décidé s'il convenait de délivrer un décret d'extradition, la situation pénale du demandeur doit s'examiner au regard des garanties de représentation qu'il offre vis-à-vis de l'Etat requérant et de la durée de sa détention extraditionnelle ; que, si effectivement M. X... est détenu depuis le 5 juillet 2013 et si sa détention sous écrou extraditionnel ne peut se prolonger que pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure d'extradition, il convient de rappeler que le caractère raisonnable de la durée de la mesure de privation de liberté doit s'apprécier au regard de la complexité de la procédure prise dans sa globalité et qu'en l'espèce la procédure d'extradition a été menée avec la diligence requise dès lors :- que M. X... a été interpellé le 5 juillet 2013 ;- qu'il a été ensuite placé sous écrou extraditionnel le même jour ;- que, le 12 août 2013, le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence lui a notifié la demande d'extradition ;- que, par un premier arrêt de la chambre de l'instruction d'Aix-en-Provence, en date du 14 août 2013, l'examen de la demande a fait l'objet d'un renvoi à l'audience de cette juridiction du 19 septembre 2013 ;- qu'à cette audience l'examen de la demande a fait l'objet d'un nouveau renvoi, à la demande de l'avocat de l'intéressé, à l'audience de cette juridiction du 17 octobre 2013, le gouvernement russe étant autorisé à intervenir à l'audience au cours de laquelle sera examinée la demande ;- qu'à cette audience l'examen de la demande a fait l'objet d'un troisième renvoi, à la demande de l'avocat de l'intéressé, à l'audience de cette juridiction du 19 décembre 2013 ;- qu'à cette date la chambre de l'instruction d'Aix-en-Provence a émis un avis favorable à l'extradition de l'intéressé vers la Russie ;- que, par un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 9 avril 2014 l'arrêt de la chambre de l'instruction d'Aix-en-Provence a été cassé, la cause et les parties étant renvoyées devant la chambre de l'instruction de Lyon ;- que, par arrêt de la chambre de l'instruction de Lyon du 3 juin 2014 l'Etat requérant a été autorisé à intervenir à l'audience ;- que, par un second arrêt de la chambre de l'instruction de Lyon, en date du 12 juin 2014, l'examen de la demande a fait l'objet d'un renvoi, à la demande de la défense de l'intéressé, à l'audience de cette juridiction du 18 septembre 2014 ;- que, par un arrêt de la chambre de l'instruction de Lyon du 17 octobre 2014 a été émis un avis favorable à l'extradition de M. X... vers la Russie ;- et que, par arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 4 mars 2015 le pourvoi a été rejeté ; que, si le premier ministre n'a pas à ce jour décidé s'il convenait de délivrer un décret d'extradition, cette absence de décision ne peut caractériser une atteinte au caractère raisonnable de la durée de la mesure de privation de liberté dès lors que M. X... a déposé une demande d'asile politique qui interdit à l'autorité ministérielle de statuer avant qu'il ait été statué sur cette demande ; qu'il se déduit en effet des dispositions des articles L. 743-1 et 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la personne dont l'extradition est demandée ne peut être extradée vers son pays d'origine tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur sa demande d'asile politique ; qu'il a par ailleurs été porté à la connaissance de la chambre de l'instruction par le procureur général que le bureau de l'entraide pénale du ministère de la justice l'avait informé de ce que M. X... avait été entendu le 3 novembre 2016 par un fonctionnaire de l'OFPRA et que la décision concernant sa demande d'asile politique serait rendue prochainement ; que, par ailleurs, lors de son interpellation M. X... se trouvait en possession de cinq passeports établis sous des identités différentes supportant tous sa photographie ; que ce simple fait démontre qu'il avait à l'époque l'intention de se soustraire aux recherches internationales dont il se savait faire l'objet ; que, lors celle-ci il a déclaré que son épouse se trouvait aux Etats-Unis ; qu'il s'en déduit qu'à cette date il ne présentait aucune garantie de représentation vis à vis de l'Etat requérant ; que les garanties qu'il offre aujourd'hui sont toujours insuffisantes alors notamment que son épouse réside aux Etats Unis et qu'il a dit craindre pour son intégrité physique s'il venait à être remis à l'Etat requérant ; que, dans ces conditions la détention de M. X... est entièrement justifiée pour garantir sa représentation en justice en vue de satisfaire à la demande de l'Etat requérant ; que, par ailleurs, les mesures de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique qu'il propose seraient tout à fait insuffisantes pour prévenir un risque de fuite ou de disparition ;

" 1°) alors qu'il résulte de l'article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme que si le déroulement d'une procédure d'extradition justifie une privation de liberté, c'est à la condition que cette procédure soit menée avec la diligence requise ; qu'en l'espèce, le demandeur est détenu sous écrou extraditionnel depuis le 5 juillet 2013 ; qu'aucun acte n'est intervenu depuis plus d'un an et neuf mois, soit depuis l'arrêt de la chambre criminelle du 4 mars 2015 ayant rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt ayant émis un avis favorable à l'extradition du demandeur vers la Russie ; que, pour rejeter la demande de mise en liberté de ce dernier, la chambre de l'instruction s'est fondée sur les seules diligences accomplies avant ledit arrêt de la chambre criminelle et sur l'existence d'une demande d'asile politique empêchant la délivrance d'un décret d'extradition ; qu'en prononçant ainsi, lorsqu'une demande d'asile politique sur laquelle il n'a toujours pas été statué vingt-deux mois après son dépôt ne peut justifier l'inertie des autorités dans la conduite de la procédure d'extradition, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de la disposition conventionnelle susvisée ;
" 2°) alors que la durée totale de la détention, dans le cadre de la procédure d'extradition, ne peut excéder un délai raisonnable ; qu'en l'espèce, le demandeur, qui fait l'objet d'une demande d'extradition reposant sur des faits de nature délictuelle, est détenu depuis le 5 juillet 2013 ; qu'en rejetant sa demande de mise en liberté, lorsqu'un placement sous écrou extraditionnel d'une durée de trois ans et demi excède le maximum prévu par l'article 145-1 du code de procédure pénale relatif à la détention provisoire en matière correctionnelle, ce dont il se déduit que sa durée est nécessairement déraisonnable, la chambre de l'instruction a violé l'article 696-19 du code de procédure pénale ;
" 3°) alors qu'en outre, le demandeur indiquait qu'il justifiait d'un domicile fixe à Saint-Tropez appartenant à la société Leiko détenue par sa femme et sa fille, que sa demande d'asile politique révélait son intention de demeurer sur le territoire français et qu'il était disposé à se soumettre aux obligations d'un contrôle judiciaire ; qu'en se bornant à énoncer, pour affirmer que les garanties de représentation de l'exposant ne sont pas suffisantes, « que son épouse réside aux Etats-Unis et qu'il a dit craindre pour son intégrité physique s'il venait à être remis à l'Etat requérant », sans s'expliquer davantage sur l'existence d'un risque de fuite ou d'une disparition, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
" 4°) alors que le demandeur faisait valoir que son état de santé était incompatible avec la détention dont il faisait l'objet et produisait, à l'appui de sa demande de mise en liberté, un certificat médical constatant qu'il avait subi une varicectomie en avril 2014, qu'il souffrait d'une hypertension artérielle, de troubles du sommeil et de discopathies lombaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale " ;
Sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, il résulte du premier de ces textes que si le déroulement d'une procédure d'extradition justifie une privation de liberté, c'est à la condition que cette procédure soit menée avec la diligence requise ;
Attendu que, d'autre part, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X..., qui fait l'objet d'une demande d'extradition de la part du gouvernement russe, a été placé sous écrou extraditionnel le 5 juillet 2013 ; que, par arrêt du 17 octobre 2014, la chambre de l'instruction a émis un avis favorable à la demande ; que le pourvoi formé par l'intéressé a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2015 ; que, le 12 janvier 2015, M. X... a présenté une demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté formée par l'intéressé, qui invoquait la durée excessive de son placement sous écrou extraditionnel, l'arrêt, après avoir rappelé la chronologie ininterrompue des décisions rendues durant la phase judiciaire de la procédure, énonce que si le Premier ministre n'a pas encore pris le décret d'extradition, c'est en raison de la demande d'asile déposée par le requérant ; que les juges ajoutent que M. X... a été entendu, le 3 novembre 2016, par un fonctionnaire de l'OFPRA et qu'il doit être prochainement statué sur sa demande d'asile ; qu'ils en déduisent que la procédure d'extradition a été menée avec la diligence requise ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans mieux rechercher si l'examen de la demande d'asile déposée par M. X... le 12 janvier 2015, sur laquelle l'intéressé n'a été entendu qu'au début du mois de novembre 2016 et qui a finalement donné lieu à un rejet le 16 novembre suivant, n'avait subi, dans les circonstances de l'espèce, aucun retard indu et, partant, si la détention de l'intéressé durant plus de trois ans et quatre mois se trouvait justifiée, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par M. X..., l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en s'abstenant de répondre à une articulation essentielle de la requête motivée du demandeur, qui faisait valoir que sa détention était incompatible avec les soins médicaux que requerrait son état de santé, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen de cassation pris en ses autres branches :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 22 novembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-87081
Date de la décision : 07/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, 22 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 fév. 2017, pourvoi n°16-87081


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.87081
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award