LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Guillaume X...est décédé après avoir perdu le contrôle de son scooter, glissé sur la chaussée et été percuté par le véhicule de Mme Y... assuré auprès de la société Macif ; que ses parents, M. et Mme X..., ont assigné ces derniers en indemnisation de leurs préjudices ;
Attendu que pour débouter M. et Mme X... de leurs prétentions, l'arrêt énonce que " le franchissement du corps de la victime " par le véhicule automobile n'est pas à l'origine des lésions de décélération et n'a pas causé la mort ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions d'appel respectives, les parties soutenaient chacune que le décès de la victime était consécutif au choc entre la victime et la voiture, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme Y... et la société Macif aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et condamne la société Macif à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. Didier X... et Mme Sylvie Z..., épouse X... de toutes leurs prétentions ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985, les piétons, victimes d'accidents de la circulation, ont le droit d'être indemnisés des dommages résultant des atteintes à la personne, sans qu'on ne puisse leur opposer leur propre faute, à l'exception de la faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident ; que, par ailleurs l'article 6 de la loi dispose que le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation doit être réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages ; que les époux X... invoquent ces textes pour demander l'indemnisation de leur préjudice par ricochet, ayant la charge de rapporter la preuve de la qualité de piéton de M. Guillaume X... lorsque, en position allongée sur le sol, il a été heurté par le véhicule de Madame Florine Y... ; qu'à l'inverse, cette dernière et son assureur estiment que la qualité de piéton ne peut pas lui être reconnue dans la mesure où la perte de contrôle de son scooter, sa glissade et la collision avec le véhicule automobile se seraient produits en un même trait de temps, de sorte que sa propre faute à l'origine de sa chute serait la cause exclusive de sa mort ; qu'en l'absence de témoins oculaires directs, l'enquête de gendarmerie, le rapport d'expertise du cabinet Exam et l'autopsie de la victime doivent être analysés ; qu'il résulte en premier lieu du rapport de gendarmerie qu'il n'y a pas eu de choc direct entre les deux véhicules ; que dans ses auditions, Florine Y... a déclaré n'avoir rien vu, aucune lumière, ni rien entendu, seulement ressenti qu'elle avait touché quelque chose, pouvant être aussi bien une pierre, un animal, qu'une personne ; qu'elle précise se souvenir d'avoir franchi quelque chose qui n'était pas net, qui ressemblait plus à un léger dos d'âne qu'à un trottoir, ajoutant qu'il n'y a eu ni arrêt, ni coup ; que cette description n'est pas compatible avec l'hypothèse d'un choc qui aurait arrêté la glissade de la victime ; qu'il résulte du rapport d'expertise de Monsieur Luc A...du cabinet Exam que :- Le véhicule Renault Twingo ne porte pas de trace de collision avec le scooter,- Sous l'optique avant gauche, des marques remarquables correspondent à un choc avec le casque de la victime,- Sous le demi-train avant gauche et le plancher avant gauche, plusieurs traces de frottement (essuyage) sont caractéristiques du passage sur le corps de la victime allongée au sol,- Le scooter a glissé sur son flanc gauche sans heurter d'obstacle ni de véhicule,- Le casque de la victime est cassé par compression ; seul le passage de la victime sous le demi-train avant gauche de la voiture justifie de tels dommages,- Les traces de ripage au sol du scooter montrent que celui-ci a ripé au sol sur environ 11, 25 m avant le point de collision présumé,- La distance de ripage au sol du scooter avant qu'il s'immobilise seul, sans obstacle, est de 33, 30 m, cela induit une vitesse de circulation minimale au point de chute du scooter de 60 km/ h ; qu'il y a pu y avoir un freinage avant,- Le conducteur du scooter a glissé au sol à gauche du scooter sur la voie opposée à son sens de circulation,- Lorsque la voiture a franchi le carrefour, le scooter qui ripait au sol serait passé à sa gauche alors que la victime glissait au sol sur la voie où elle se dirigeait ; Que ces constatations permettent d'affirmer que la victime devait être immobilisée au sol lorsque Madame Florine Y... a franchi le carrefour, sans voir le scooter qui en raison de son poids avait glissé sur une plus longue distance, avant qu'elle ne se présente au carrefour ; que le véhicule de Madame Florine Y... n'est pas impliqué dans le premier accident ; que le franchissement du corps constitue un sur-accident ; que la position sur le sol de la victime, lors de ce deuxième accident, résulte indiscutablement de sa faute car sa chute au sol est imputable à un défaut de maîtrise, selon l'expert à une vitesse excessive, avec un véhicule modifié, une défaillance du système de freinage et d'éclairage ; toutefois, il ne peut être considéré que cette faute serait inexcusable ni qu'elle serait la cause exclusive de ce deuxième accident, ce que la conductrice du véhicule automobile ne prétend d'ailleurs pas ; qu'il est important de relever, à ce stade du raisonnement, que lors de l'arrivée sur les lieux de Madame Charlotte B..., selon sa déclaration du 15 novembre 2012, en s'approchant de la victime au sol, elle a entendu deux râles et senti un peu le ventre bouger avant d'être convaincue, moins de deux minutes plus tard, qu'elle ne respirait plus ; que ce témoin pouvait observer que la victime avait les pupilles dilatées, non réactives, et avec l'autorisation des pompiers par téléphone, elle a commencé à pratiquer un massage cardiaque, avant l'arrivée du père de la victime qui a pratiqué des insufflations ; que la question se pose alors de savoir si le décès du jeune Guillaume X..., dont dépendent directement le préjudice matériel et le préjudice d'affectation sont les parents demandent réparation a pour cause le premier ou le deuxième accident ; qu'à cet égard, il convient d'analyser le rapport d'autopsie médico-légale déposé le 19 novembre 2012 par le docteur François C..., nommé par réquisition de Monsieur le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Bonneville ; que l'expert, examinant la région thoracique du cadavre, note un épanchement sanguin pleural bilatéral très important de l'ordre d'un litre dans chaque plèvre ; qu'il constate que le péricarde est rompu à sa face postero inférieure, avec une déchirure d'environ 10 cm de haut et il remarque une dilacération des insertions ; qu'examinant les poumons, il ne note aucune lésion traumatique d'allure récente au niveau du sternum ; qu'examinant la région abdomino-pelvienne, il constate un épanchement péritonéal de moyenne abondance mais des anses intestinales et coliques intactes, sans lésion, la rate est intacte, l'aorte abdominale est le siège d'une infiltration hémorragique mais ne présente pas de rupture ; qu'enfin, examinant la région cervicale, il constate que l'axe aéro-digestif et le rachis cervical sont indemnes de toute lésion, et que les carotides sont intactes ; de même, le cerveau ne présente pas d'hémorragie méningée, ni de zone contuse, n'apparaît pas oedémateux ; qu'aucun foyer hémorragique n'est observé, de même aucune anomalie des ventricules, mais seulement un trait de fracture au niveau de la calotte crânienne ; que ces constatations ne mentionnent aucune fracture de côtes, de sorte que la rupture du péricarde, la rupture au niveau de l'abouchement des veines caves inférieures et supérieures ne paraît pas pouvoir être rattachée à un phénomène d'écrasement, ce qui conduit l'expert à affirmer qu'il n'a pas d'arguments pour affirmer un éventuel franchissement du corps ; qu'en revanche, il affirme que le décès est consécutif à un collapsus cardio-respiratoire lié à l'hémorragie massive intra thoracique et intra abdominale ; il ajoute que ces constatations « sont tout à fait compatibles avec un choc à haute vitesse des lésions de décélération » ; que si l'on rapproche les constatations et l'analyse du médecin ayant pratiqué l'autopsie, des constatations ayant permis de conclure à l'existence de deux accidents séparés, au motif que le franchissement du corps de la victime par le véhicule de Madame Florine Y... ne s'apparente pas à un choc avec un motocycliste en train de glisser sur le sol à grande vitesse, mais correspond au franchissement de ce corps immobilisé formant obstacle, son casque étant fendu par compression sous l'avant-train du véhicule, il faut en déduire que les lésions de décélération, qui sans aucune fracture thoracique, se sont produites par rupture du péricarde et dilacération des insertions, sont la conséquence du choc brutal initial, lorsque M. Guillaume X... a chuté de son scooter à grande vitesse ; que le franchissement par le véhicule automobile, qui résulte des propres déclarations de Madame Florine Y... et des constatations de Monsieur Luc A...sur le véhicule et très vraisemblablement sur le casque de la victime à défaut de marques d'écrasement sur le corps de la victime n'est donc pas à l'origine de ces lésions de déclaration, il n'est pas la cause de sa mort ; qu'en d'autres termes, si M. Guillaume X... n'avait pas été victime, par sa propre chute, de ces lésions de décélération gravissimes ayant entraîné la mort, le deuxième accident dont il a été victime n'aurait pas entraîné son décès, qui est le seul dommage que ses parents invoquent pour demander réparation de leur préjudice d'affection ; qu'en conséquence, le jugement déféré doit être réformé ;
ALORS D'UNE PART QUE, dans leurs conclusions d'appel, la Macif et Madame Y... imputaient le décès de Guillaume X... au choc qu'il avait subi en percutant le véhicule Twingo conduit par Madame Y..., point qui n'était pas litigieux, les parties s'opposant uniquement sur la question de savoir s'il y avait eu un ou deux accidents successifs, ce dont dépendait la reconnaissance de la qualité de piéton à la victime, avec les conséquences inhérentes à cette qualité sur le droit à indemnisation des victimes par ricochet ; qu'en se prononçant dès lors comme elle le fait en retenant que le franchissement du corps de Guillaume X... par le véhicule conduit par Madame Y... n'était pas la cause de la mort, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen mélangé de fait et de droit selon lequel le franchissement du corps de Guillaume X... par le véhicule conduit par Madame Y... n'était pas la cause de la mort, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.