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02/02/2017 | FRANCE | N°15-27336

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2017, 15-27336


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Y...
E... en qualité d'adjoint au directeur général ; que licencié le 25 mai 2012 pour fautes graves, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement à titre de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;

Sur les premier et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement

pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les article...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Y...
E... en qualité d'adjoint au directeur général ; que licencié le 25 mai 2012 pour fautes graves, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement à titre de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts ;

Sur les premier et troisième moyens :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande au titre du harcèlement moral, l'arrêt, par motifs propres, retient que le changement de supérieur hiérarchique n'a nullement entraîné la rupture de fait du contrat de travail, que les fonctions et la rémunération du salarié ont été maintenues, que ses attributions ont temporairement évolué pour des raisons liées à l'activité normale de l'entreprise, que son éloignement momentané du siège social était justifié par ses compétences et ne révélait aucune volonté d'ostracisme de la part de l'employeur, que les pièces médicales communiquées constatant une altération de sa santé psychique étaient postérieures à son licenciement et ne faisaient que témoigner des conséquences compréhensibles d'un tel événement et, par motifs adoptés, que l'intéressé ne démontrait pas avoir subi un harcèlement caractérisé par des faits précis, répétés et objectifs ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans prendre en considération l'ensemble des faits invoqués par le salarié ni rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail et, dans l'affirmative, si l'employeur prouvait que les agissements invoqués étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, l'arrêt rendu le 22 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Y...
E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Y...
E... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Chauvet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, et M. Deglise, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément à l'article 452 du code de procédure civile, en l'audience publique du deux février deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief a l'arrêt attaque D'AVOIR confirme le jugement entrepris en ce qu'il avait implicitement débouté Monsieur X... de sa demande tendant a ce qu'il soit ordonné à la société Y...
E..., la remise des pièces suivantes :
- La photocopie du Registre du Personnel a jour (Livre d'Entrée et de Sortie du Personnel) ;- Compte rendu du CHSCT depuis 2007 à ce jour ;- Les procès-verbaux du Comite d'Entreprise depuis 2007 à ce jour ;- Le rapport faisant suite au contrôle URSSAF intervenu en 2010 ;- Les clôtures de bilan et les rapports des commissaires aux comptes des exercices 2008/ 2009/ 2010/ 2011/ 2012 ;- Audit réalisé les 19 et 20 mars 2012 à la demande de Y... HOLDING par le commissaire aux comptes (visé dans la lettre de licenciement) ;- Les indicateurs relatifs sur le nombre d'accidents du travail et arrêt maladie à compter du 1er octobre 2011 à ce jour ;- L'ensemble des comptes-rendus des réunions hebdomadaires et mensuelles des cadres du 1er octobre 2011 à ce jour ;- Rapport d'audit interne par Suzanne A... de 2011 ;- Les conclusions notifiées en première instance par l'employeur dans le litige B... ;- La copie de la déclaration d'appel formée par la société requise dans le litige B... ;- Les conclusions notifiées par l'employeur devant le Cour d'appel d'Aix en Provence dans le litige B... ;- Le calendrier de procédure devant la Cour d'Appel d'Aix en Provence ;- Le Rapport PHOSPHORE évoqué par l'employeur ;- Les notes de frais évoquées dans la lettre de licenciement.

SANS AUCUN MOTIF.
ALORS QU'un arrêt doit être motivé à peine de nullité ; QU'en déboutant Monsieur X... de « toutes ses demandes, fins et conclusions » après avoir rappelé que le salarié sollicitait la remise sous astreinte de différents documents, sans assortir sa décision d'aucun motif, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, en toute hypothèse, QU'aux termes de l'article 16 du Code de procédure civile, « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction » ; QU'aux termes de l'article 132 du Code de procédure civile, « la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance. » ; QUE Monsieur X... demandait qu'il soit ordonné la communication de pièces dont faisait état la société Y...
E... et qui n'avaient pas été communiquées ; QU'en déboutant cependant Monsieur X... de « toutes ses demandes, fins et conclusions » sans assortir sa décision de rejet de cette demande d'aucun motif, la Cour d'appel a violé les articles 16 et 132 du Code de procédure civile ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral de la part de l'employeur et EN CONSEQUENCE débouté Monsieur X... de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« Sur les autres demandes. Selon la correspondance produite, la procédure légale de licenciement a normalement été observée, et M. X... ne peut sérieusement prétendre avoir été « licencié de fait » sept mois auparavant au seul motif qu'un nouveau directeur général de l'entreprise, M. C..., aurait été nommé en remplacement du précédent, M. D..., démissionnaire. Ce changement de supérieur hiérarchique n'a en effet nullement entrainé la rupture du contrat de travail de M. X... ainsi qu'il le prétend. Les fonctions et la rémunération de l'intéressé ont ainsi été maintenues selon ses bulletins de paie communiqués, quoique ses attributions ont pu temporairement évoluer, pour des raisons liées a l'activité normale de l'entreprise-en l'occurrence son détachement pour organiser en Inde, pays dont il est originaire, une manifestation commerciale annuelle, événement qu'il avait d'ailleurs déjà organisé dans le passé. II s'ensuit que son éloignement géographique momentané du siège social a Grimaud est justifié par l'intérêt de l'entreprise, conforme a ses compétences, ne révèle en soi aucune volonté d'ostracisme de la part de l'employeur, et encore moins un licenciement « de fait ». A cet égard il est observé que les pièces médicales communiquées par M. X... constatant l'altération de sa santé psychique sont postérieures a son licenciement par lettre du 25 mai 2012, et ne font que témoigner des conséquences aisément compréhensibles d'un tel événement sur la santé morale de l'intéressé, mais sans autoriser d'extrapolation a une période antérieure. L'allégation du salarié tirée des mêmes circonstances et selon laquelle il aurait concomitamment été victime de harcèlement moral de la part de son employeur au sens des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du Code du travail, apparaît donc elle-même pareillement dénuée de fondement. »
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :
« Monsieur X... sollicite du Conseil des dommages et intérêts pour un montant de 200 000 € pour harcèlement moral. Le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments il incombe a l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers a tout harcèlement. En l'espèce, Monsieur X... estime avoir été évincé de son poste de Direction au profit de Monsieur C... qui, selon lui, était un « cost killer ». II a été prié de rester chez lui pour 6 mois. Pourtant Monsieur X... démontre, par la lettre de mission datée du 8 décembre 201l et l'apport de notes de frais qu'il a pris en charge la grande manifestation « Wine festival » de l'entreprise Y... Group en INDE du 8 décembre 2011 au 24 janvier 2012. Après cette date du 24 janvier 2012, Monsieur X... ne démontre pas qu'il est retourné en France a Grimaud et qu'il a subi de la part de l'entreprise un harcèlement moral caractérisé pur des faits précis, répétés et objectif. L'employeur démontre que les salaires de 7. 231, 32 € bruts ont été régulièrement payés pour les mois de février, mars, avril 2012 sans que Monsieur X... n'émette la moindre réserve. Il sera placé en arrêt maladie initial le 22 mai 2012 et sera licencié Je 25 mai 2012. Monsieur X... soutient que son employeur a continué a le harceler après son licenciement, en établissant les documents de fin de contrat. En effet, l'employeur a plusieurs fois refait l'attestation pôle emploi et le solde de tout compte. A aucun moment, Monsieur X... ne prouve le caractère intentionnel de son employeur de lui nuire en retardant volontairement l'établissement de documents parfaitement réguliers. Dès que Monsieur X... sollicitait une régularisation, celle-ci était faite le lendemain de la demande, prouvant ainsi la bonne foi de l'employeur. Ainsi il n'est pas démontré que l'employeur a failli a son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral. »

ALORS, premièrement, QU'aux termes de l'article L1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » ; QUE l'existence du harcèlement moral ne suppose aucunement une volonté de nuire et qu'un harcèlement moral peut être constitué indépendamment de l'intention de son auteur ; QU'en énonçant cependant, par motifs adoptés des premiers juges, qu'« à aucun moment, Monsieur X... ne prouve le caractère intentionnel de son employeur de lui nuire en retardant volontairement l'établissement de documents parfaitement réguliers. Dès que Monsieur X... sollicitait une régularisation, celle-ci était faite le lendemain de la demande, prouvant ainsi la bonne foi de l'employeur. Ainsi il n'est pas démontré que l'employeur a failli a son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral. », la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, impropres à établir ou écarter l'existence du harcèlement moral, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, deuxièmement, QU'il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du Code du travail qu'en matière de harcèlement, la charge de la preuve ne pèse pas sur le salarié ; QU'en effet il résulte du texte précité que salarié n'est nullement tenu de prouver qu'il a subi des faits précis, répétés et objectif caractérisant un harcèlement moral mais est seulement tenu d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; QU'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, que « après cette date du 24 janvier 2012, Monsieur X... ne démontre pas qu'il est retourné en France a Grimaud et qu'il a subi de la part de l'entreprise un harcèlement moral caractérisé pur des faits précis, répétés et objectif. », la Cour d'appel a fait peser la charge de la preuve du harcèlement sur le salarié, en violation de l'article L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, troisièmement, QU'en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient aux juges du fond d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; QU'en l'espèce, Monsieur X..., outre les éléments d'ordre médicaux visés par la Cour d'appel dans l'arrêt attaqué, établissait de nombreux autres éléments laissant présumer un harcèlement, tels que sa disparition pure et simple de l'organigramme de l'entreprise à compter de l'arrivée de Monsieur C... (pièces n° 18 et 19 en cause d'appel), sa disparition des états de paie à partir du mois de décembre 2011, sur lesquels Monsieur X... était indiqué comme « SORTI », un compte rendu du CHSCT en date du 26 avril 2012 aux termes desquels « Le médecin du travail constate qu'il y a trop d'arrêt et qu'il y a un problème (quatorze personnes sont concernées (…) L'inspecteur du travail aimerait un indicateur sur les arrêts courte durée pour observer si se manifestent des phénomènes de décompensation (…) L'inspecteur du travail recommande la venue d'une assistante sociale pour l'accompagnement des salariés » (pièce n° 69 en cause d'appel), un plan d'action établi par Monsieur C... aux termes duquel l'« étape n° 1 » (« Step 1 ») était d'« éliminer les personnes incapables de résoudre les problèmes » (pièce n° 21 en cause d'appel), une attestation de Monsieur Mohamed F... datée du 8 octobre 2012 aux termes de laquelle « depuis début octobre, les interventions et le rôle de Monsieur X... ont subitement changé. Celui-ci a été déchu de toutes responsabilités » (pièce n° 16 en cause d'appel), une attestation de Monsieur Victor G... datée du 8 octobre 2012 aux termes de laquelle : « Très peu de temps après l'arrivée de Monsieur C... présenté comme notre nouveau Directeur général, Monsieur X... a été mis à l'écart. Monsieur C... m'a interdit, ainsi qu'aux autres cadres, tout contact avec lui. Très rapidement l'accès de l'atelier lui a été interdit. A mon plus grand étonnement un beau jour je n'ai plus vu Monsieur X... et Monsieur C... n'avait de cesse de dire qu'il ne voulait plus en entendre parler » (pièce n° 17 en cause d'appel), une attestation de Monsieur Nagesh H...
I..., ingénieur et ancien directeur de production de Y... INDE, datée du 26 mai 2014 et aux termes de laquelle : « Chacun a subi psychologiquement et mentalement des mois sous la pression et le harcèlement pratiqué par M. Thomas J... juste parce qu'ils étaient les directeur recrutés par le Docteur Peter D.... Sa stratégie idéale est d'engager un directeur et l'obliger à nous harceler et à nous pousser à bout jusqu'à ce que le personnel quitte l'entreprise ou trouver/ inventer des fautes professionnelles pour nous renvoyer ensuite M. J... nous remplace nous et le Managing Directeur. Ceci est la stratégie pratiquée par Monsieur J... dans le Groupe Y... dans le monde entier. Il a détruit beaucoup de vies et d'entreprises dans le groupe juste pour réaliser ses objectifs, comme il a échoué lui-même a été renvoyé du groupe en 2013. Je certifie que M. X... a été engagé en Inde initialement en 2000 et a ensuite été promu à l'unité française en raison de ses compétences et capacités. Je le connaissais comme quelqu'un de très poli, respectueux vers ses collègues et ses supérieurs. Le motif pour lequel il a été renvoyé de Y...
E... est complètement sans rapport et inventé par M. J... pour se débarrasser de lui. M. X... a de plus organisé le festival allemand annuel du vin en Inde pour M. Andreas Y... de 2001 jusqu'à 2012 avec succès. Malheureusement avec toutes les bonnes intentions et l'investissement personnel donné au groupe, il a été maltraité et détruit par M. Thomas J... et par M. Iskandar C... le nouveau Directeur général de Y...
E.... » (pièce n° 68 en cause d'appel), une attestation de Monsieur Mostafa L... datée du 16 juin 2015 aux termes de laquelle « Je suis témoin qu'il [Emmanuel X...] n'a jamais harcelé personne dans l'entreprise. C'est que des mensonges. C'est la vérité car je suis un ancien dans l'entreprise. Après son départ, avec C..., c'était tout le contraire. Lui, il était très méchant et moqueur avec les salariés. Il a mis la terreur dans les équipes, tout le monde avait peur de lui parler. C'est dommage que Y... traite ses salariés comme ça. » (pièce n° 71 en cause d'appel) ; QU'en se bornant cependant à apprécier isolément « l'éloignement géographique momentané du siège social a Grimaud » de Monsieur X..., les pièces d'ordre médical qu'il communiquait, et, par motifs adoptés des premiers juges, les échanges de courriers avec l'employeur postérieurs au licenciement, sans jamais apprécier si pris dans leur ensemble, les différents éléments que Monsieur X... établissait ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS, quatrièmement, QU'en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient aux juges du fond d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; QU'en se bornant à apprécier isolément « l'éloignement géographique momentané du siège social a Grimaud » de Monsieur X..., les pièces d'ordre médical qu'il communiquait, et, par motifs adoptés des premiers juges, les échanges de courriers avec l'employeur postérieurs au licenciement, sans rechercher, ainsi qu'elle était tenue de le faire, si pris dans leur ensemble, ces différents éléments ne permettaient pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur Emmanuel X... repose sur des faits d'une telle gravité qu'il sera privatif de préavis et d'indemnité de licenciement et en conséquence débouté Monsieur X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
« M. X... a été licencié pour faute grave par lettre du 25 mai 2012 aux motifs essentiels, et qui fixent les limites du litige ci-après littéralement énoncés : « Il ressort de l'audit réalisé les 19 et 20 mars 2012 à la demande de Y... HOLDING par le Commissaire aux Comptes de notre actionnaire unique, que vous avez, sur la période des exercices comptables 2010 et 2011, délibérément manipulé les comptes présentant régulièrement des résultats mensuels non conformes a la réalité économique en pratiquant sciemment et de votre propre initiative des falsifications dans la valorisation des encours de production et des stocks qui ont eu pour effet de modifier ces résultats. Ces pratiques ont ainsi généré des anticipations et des différés de constatation de marge ne donnant pas une image fidèle de la réalité économique et financière du moment. Au cours de ce même audit, il a également été constaté des anomalies sur certaines de vos notes de frais. C'est ainsi que sur les notes de frais des mois de mai et octobre 2010 et sur celle du mois de janvier 2011 vous avez déclaré un nombre forfaitaire de kilomètres effectués avec votre véhicule personnel sans commune mesure avec ce qui s'est pratiqué en moyenne sur les autres périodes et sans le moindre justificatif. L'indemnisation correspondante s'est ainsi faite au préjudice de l'entreprise. Ces faits sont constitutifs de fautes professionnelles graves mettant en cause votre probité. Par ailleurs, fin mars 2012, nous avons découvert que vous êtes directement mis en cause par les salariés ou ex-salariés de l'entreprise pour concourir a l'orchestration et au développement de relations de travail délétères, au moyen d'agissements susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement moral : pressions, critiques et reproches injustifiés, mises a l'écart, tentative de déclassement imposé, etc., notamment a l'encontre de M. B.... Ce dernier, en son temps salarié protégé, a saisi les autorités de ces faits, étant précisé que l'inspection du travail enquête également de ce chef. Ces agissements répétés de la part d'un cadre, au préjudice de ses subordonnés, non seulement entachent la réputation de notre entreprise et nuisent a la bonne exécution du travail, notamment en provoquant une démotivation chez les victimes et des arrêts de travail excessifs, mais exposent votre employeur à des poursuites judiciaires. Votre comportement fautif est donc source d'un préjudice et de risques juridiques et financiers pour la société. L'ensemble de ces faits caractérisent des fautes graves dont les conséquences sont telles qu'elles ne permettent pas de vous maintenir dans les effectif de l'entreprise y compris le temps d'un préavis, sans risques de dommages pour celle-ci. » S'agissant du grief relatif « agissements susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement moral » imputés au salarié, il est constaté que ce reproche est formulé en termes dubitatifs et sans qu'aucun fait précis et circonstancié ne soit visé dans la lettre de licenciement. La société Y...
E... produit a cet égard l'arrêt de la cour de siège du 5 novembre 2013 dans le litige l'ayant opposé a un autre de ses anciens salariés, M. B..., lequel soutenait avoir subi un harcèlement moral, notamment de la part de M. X..., mais ce moyen a précisément été rejeté comme infondé aux termes de la décision rendue. Il est par ailleurs communiqué le compte-rendu du CHSCT de la société Y...
E... du 26 avril 2012 et la lettre de l'inspectrice du travail du 2 mai 2012 à l'employeur évoquant l'existence dans l'entreprise d'une ambiance de travail délétère, mais en termes vagues et sans qu'il soit possible d'attribuer a M. X... aucun agissement répréhensible particulier, celui-ci n'y étant pas même nommément visé. Ce grief fait a l'intéressé dans la lettre de licenciement doit dès lors être considéré comme insuffisamment caractérisé, donc non établi, le doute devant en effet profiter au salarié selon l'article L. 1235-1 du Code du travail. S'agissant en revanche du reproche de la falsification volontaire et répétée des résultats mensuels de l'entreprise communiqués a la société mère, ce grief ressort formellement d'une part du rapport d'audit des résultats 2010-2011 de l'entreprise par l'expert comptable M. M..., d'autre part de la mise en cause de M. X... par l'ancien salarié « responsable magasin/ expédition » M. B..., qui a notamment déclaré a la police selon procès-verbal d'audition du 22 mars 2012. « M. X... m'a demandé de faire une « fausse facturation » à savoir changer des dates sur des factures parce que nous étions limite au niveau des comptes. ». Or il convient ici d'observer qu'en sa qualité de « chief operating officer », l'intéressé avait notamment pour attributions essentielles, selon sa définition de poste par avenant écrit du 2 février 2007 renouvelée en septembre 2010 « d'assurer les travaux nécessaires au contrôle de gestion et de suivre les reportings mensuels, (…) d'analyser les états budgétaires, de gestion et de fonctionnement, (...) de rendre compte du développement et des marges ». La société Y...
E... produit par ailleurs au débat la demande de remboursement de 3121. 60 €, montant global des frais déclarés exposés par M. X... du 1er décembre 2011 au 16 février 2012 pour le compte de son employeur, mais accompagnée d'aucun justificatif des dépenses annoncées, parmi lesquelles 2 618 kms déclarés parcourus avec son véhicule personnel. Force est de constater que le salarié, tout en s'offusquant d'un tel grief, se garde de produire dans la présente instance le moindre justificatif des dépenses alléguées. Pour ces raisons, en considération des fonctions de direction occupées par M. X... et de l'importante autonomie associée a ces responsabilités, eu égard a la ruine de la confiance de l'employeur en son salarié résultant légitimement des agissements déloyaux répétés de celui-ci, son licenciement pour fautes graves est dans ces conditions justifié, la rupture de la confiance empêchant en outre en l'espèce l'exécution d'un préavis et justifiant la mesure de mise a pied conservatoire pendant le temps de la procédure de congédiement. En application des articles L. 1234-1, L. 1235-3 et L 1234-9 du Code du travail, il s'ensuit que le jugement rendu ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressé de ses demandes tant a titre d'indemnité pour harcèlement moral, d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de rappel de salaire sur mise a pied conservatoire, d'indemnité de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :
« Par lettre recommandée avec AR, en date du 25 mai 2012 Monsieur X... sera licencié pour fautes graves se rapportant aux griefs suivants : « Il ressort de l'audit réalisé les 19 et 20 mars 2012 à la demande de Y... HOLDING par le Commissaire aux Comptes de notre actionnaire unique, que vous avez, sur la période des exercices comptables 2010 et 2011, délibérément manipulé les comptes (…) Au cours de ce même audit, il a également été constaté des anomalies sur certaines de vos notes de frais. (…) Fin mars 2012, nous avons découvert que vous êtes directement mis en cause par les salariés ou ex-salariés de l'entreprise (…) au moyen d'agissements susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement moral : pressions, critiques et reproches injustifiés, mises a l'écart, tentative de déclassement imposé, etc., notamment a l'encontre de M. B... (…) votre licenciement prendra donc effet a la date de première présentation de cette lettre sans préavis, ni indemnité de licenciement ». La faute grave n'est pas définie par le Code du Travail qui se borne a en déterminer les conséquences. C'est la faute qui permet le licenciement immédiat sans indemnités ni préavis. Pour apprécier la nature de la faute, le Juge du fond a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de licenciement. En l'espèce, il est reproché a Monsieur X... d'avoir manipulé les comptes sur la période des exercices comptables 2010 et 2011, d'avoir établi des notes de frais avec certaines anomalies et d'avoir eu un comportement qualifié de harcèlement moral il l'encontre de certaines personnes de la Société et en particulier Monsieur B.... II appartient au Conseil de vérifier si les griefs reprochés sont véritables, établis et susceptibles d'être qualifiés de graves. Le grief reproché d'avoir manipulé les comptes. L'employeur reproche a Monsieur X... d'avoir manipulé les comptes sur la période des exercices 2010 et 2011. Monsieur X... soulève la prescription de ce grief sur le fondement de l'article L. 1332-4 : Aucun fait fautif ne peut donner lieu a lui seul a l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois a compter du jour ou l'employeur en a eu connaissance, a moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai a l'exercice de poursuites pénales. L'employeur s'étonne d'un tel argument dans la mesure ou l'audit du commissaire aux comptes, Monsieur Christian M..., est daté du 16 avril 2012. L'employeur en a donc eu connaissance a cette date et a engagé les poursuites disciplinaires dans les 2 mois, puisque la lettre de convocation a l'entretien préalable est datée du 9 mai 2012. L'audit du commissaire aux comptes, non contesté par Monsieur X..., au paragraphe 4 intitulé " observations principales " notifie : Au cours de notre première intervention en juillet 2010 relative aux valeurs en stocks, nous avions déjà constaté que les résultats mensuels déclarés n'étaient pas en complète conformité avec les documents présentés par l'entreprise notamment pour ce qui concerne la valorisation des stocks et encours. La valorisation des stocks réalisés sur la base de fichiers excel faisaient l'objet d'ajustements manuels et de valorisation en partie forfaitaire (…) La détermination des valeurs finales retenues pour les situations mensuelles étaient effectués directement par la direction de Y...
E... et en particulier par Monsieur X.... Nous lui avons demandé le détail des calculs de valorisation d'un certain nombre de contrat en cours, Ces calculs ou justificatifs ne nous ont pas été délivrés. ». Messieurs O... et Z... nous ont confirmé que les étals mensuels transmis au groupe ont été systématiquement analysés par Monsieur X... et D.... Ceci est a rapprocher avec la déclaration de Monsieur B... a la police judiciaire le 22 mars 2012 : « Monsieur X... m'a demandé de faire de la fausse facturation a savoir changer des dates sur des factures parce que nous étions limite au niveau des comptes ». A la lecture de ces documents le Conseil jugera que ce grief peut être qualifié de faute grave le grief reproché d'avoir établi des notes de frais erronés. A la lecture des notes de frais versés aux débats, il ne fait aucun doute que Monsieur X... n'était soumis a aucun contrôle alors qu'il devait transmettre ses frais a son supérieur hiérarchique Monsieur D.... Il a même établi une note de frais pour STUTTGART pour un montant de 3121, 60 € alors que dans sa plainte pour harcèlement moral datée du 25 mai 2013 il écrit : « J'ai donc posé des congés pour aller voir M. Y... le 8/ 12/ 20J2 ». Si Monsieur X... était en congés payés, il ne pouvait faire supporter a sa société les frais de voyage a titre personnel. Le grief reproché sera confirmé. Le grief reproché sur les agissements de Monsieur X... envers les salariés. L'employeur reproche a Monsieur X... d'avoir concouru a l'orchestration et au développement de relations de travail délétères au moyen d'agissements susceptibles de revêtir la qualification de harcèlement moral notamment a l'encontre de Monsieur B..., élu délégué du personnel de l'entreprise. Ce grief est confirmé par les motivations du Conseil des prud'hommes de DRAGUIGNAN qui dans un jugement daté du 29 mai 2012 dont la SAS Y...
E... ne démontre pas qu'elle a interjeté appel, a jugé que : « Le licenciement pour inaptitude physique de Monsieur B... trouve son origine dans la dégradation des conditions de travail du salarié, causée par l'employeur ». Monsieur X..., comme le décrit Monsieur B... dans sa plainte, a été l'exécutant de la direction. Le grief reproché sera retenu. En conséquence, les griefs analysés ayant été tous retenus, le Conseil jugera que le licenciement de monsieur X... pour fautes graves repose Sur des faits tels que le salarié ne peut être présent dans l'entreprise, même pendant l'exécution du préavis. Monsieur X... sera débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour l'indemnité de licenciement, pour le préavis et congés payés sur préavis, pour le paiement de la mise a pied a titre conservatoire et pour la perte du droit au DIF. »
ALORS d'abord QU'aux termes de l'article 625 du Code de procédure civile, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; QU'en l'espèce, la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen – faisant grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas eu de harcèlement moral de la part de l'employeur – entraînera la cassation par voie de conséquence de la disposition critiquée par le troisième moyen à savoir d'avoir dit le licenciement de Monsieur X... bien fondé.
ALORS ensuite QUE la lettre de licenciement notifiée le 25 mai 2012 à Monsieur X... formulait le grief suivant : « sur les notes de frais des mois de mai et octobre 2010 et sur celle du mois de janvier 2011 vous avez déclaré un nombre forfaitaire de kilomètres effectués avec votre véhicule personnel sans commune mesure avec ce qui s'est pratiqué en moyenne sur les autres périodes et sans le moindre justificatif. L'indemnisation correspondante s'est ainsi faite au préjudice de l'entreprise. » ; QU'en décidant que l'employeur rapportait la preuve de ce grief au motif que la société Y...
E... versait aux débats une demande de remboursement de frais déclarés exposés par Monsieur X... du 1er décembre 2011 au 16 février 2012 sans justificatif, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels que fixés par la lettre de licenciement et violé les articles L. 1232-6, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS en tout état de cause QU'il incombe au juge de rechercher au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; QUE méconnaît l'étendue de ses pouvoirs le juge qui s'abstient de procéder à cette recherche ; QU'en se bornant à analyser les seuls griefs invoqués dans la lettre de licenciement en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le véritable motif de son licenciement n'était pas les bonnes relations qu'il entretenait avec l'ancien directeur général écarté de ses fonctions par l'actionnaire et remplacé par un nouveau directeur général ayant pour mission d'« éliminer » l'ancienne direction, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-27336
Date de la décision : 02/02/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2017, pourvoi n°15-27336


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.27336
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