LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, sixième, septième et huitième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 9 janvier 2015), qu'en 2005, M. et Mme X..., qui connaissaient des difficultés financières, ont vendu leur immeuble au prix de 270 000 euros à la société civile immobilière La Sablonnière (la SCI) créée à cet effet par la société A4 finances, avec faculté de rachat à l'expiration d'un délai de cinq ans pour le même prix ; que, soutenant que le loyer payé à la SCI pour habiter l'immeuble ne leur avait pas permis de réaliser des économies pour racheter leur maison, ils ont, en 2011, assigné la société A4 finances et M. Y..., notaire rédacteur de l'acte de vente, en paiement de dommages-intérêts pour manquements à leurs obligations de conseil ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le professionnel légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en ayant considéré que c'était aux époux X..., débiteurs surendettés, de démontrer que la société A4 finances les avait dissuadés ou empêchés de vendre leur maison afin de purger leur passif, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel, qui a approuvé les premier juges d'avoir estimé que le prix de vente de la maison d'habitation de M. et Mme X..., fixé à 270 000 euros, n'apparaissait pas sous-évalué, après avoir constaté qu'elle avait été évaluée par l'agence immobilière à 295 000 euros et en ayant considéré qu'un écart de 25 000 euros ne constituait qu'une « faible différence », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la société de courtage financier n'est dispensée de son obligation d'information et de conseil qu'à l'égard d'un client averti ou particulièrement compétent ; que la cour d'appel, qui a déduit cette compétence de la seule qualité d'ancien employé de la Banque de France de M. X... sans rechercher, au surplus, s'il n'exerçait pas que la fonction d'agent de caisse depuis 1965 et ne s'est pas prononcée sur les compétences de son épouse, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ que la cour d'appel, qui a approuvé le tribunal d'avoir énoncé qu'il était établi que le notaire n'avait pas participé aux négociations entre les parties quand M. Y... avait expressément reconnu dans ses conclusions d'appel avoir rencontré les époux X... à plusieurs reprises pour l'établissement et la signature des avants-contrats préparatoires, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que la cour d'appel, qui a reproché aux époux X... de ne s'être pas préoccupés de trouver un financement pour le rachat de leur maison par des concours bancaires, après avoir constaté qu'eu égard à l'importance de leur passif, de leur âge et de leur situation de retraités, ils n'avaient pas pu obtenir de crédit bancaire, a entaché sa décision de contradiction et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que le prix de vente n'était pas sous-évalué, que les loyers étaient en relation avec le montant des mensualités du prêt souscrit par l'acheteur et que l'opération était équilibrée et nullement abusive et relevé que la société A4 finances avait expliqué à M. et Mme X... tous les détails du montage financier qui leur permettait de rembourser immédiatement leurs dettes et de conserver la jouissance de leur maison, au moins pendant la durée de la faculté de rachat, et que M. Y... n'avait pas participé aux négociations de cette opération, la cour d'appel, qui a déduit de ces seuls motifs, sans inverser la charge de la preuve ni se contredire ni modifier l'objet du litige, que les demandes de M. et Mme X... ne pouvaient être accueillies, a légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de leurs demandes en responsabilité contre la société A4 Finances et M. Olivier Y..., notaire ;
Aux motifs, adoptés du tribunal, que les parties avaient convenu d'une opération consistant à créer une SCI La Sablonnière représentée par le dirigeant de la société A4 Finances et d'autres associés également membres de cette société qui emprunterait une somme de 300 000 euros et consistant à acheter la maison des demandeurs en leur faisant bénéficier d'une clause de réméré ; que parallèlement, la SCI La Sablonnière avait signé un contrat de bail avec les époux X... d'une durée de six ans à compter de la vente moyennant un loyer de 22 800 euros augmenté d'une provision sur charges ; que les époux X... considéraient à présent ce montage comme désastreux, puisqu'il n'avait pas permis de purger la totalité de leurs dettes ni de racheter la maison, compte tenu du loyer exorbitant réclamé ; que comme ils l'indiquaient euxmêmes, les époux X... auraient pu vendre leur maison et purger leur passif ; que cependant, ils ne démontraient pas que la société défenderesse les en ait dissuadés ou qu'elle ait entrepris la moindre manoeuvre pour les en empêcher ; qu'au contraire, si les demandeurs n'avaient pas entrepris de démarches en ce sens, c'était bien, comme le soutenaient les défendeurs, parce que les demandeurs avaient exprimé le souhait de rester dans leur maison et de conserver la possibilité de la racheter ; que les époux X... soutenaient aussi que la maison avait été acquise au prix de 270 000 euros tandis qu'elle avait été évaluée 295 000 euros par l'agence immobilière ; que la faible différence entre cette estimation et le prix de vente réel empêchait qu'il fût admis que l'achat fût réalisé à un prix inférieur à la valeur de l'immeuble ; que les époux X... n'avaient effectivement touché qu'une somme de 220 000 euros, le solde de 29 800 euros ayant servi à payer les frais du bail, de mainlevée et de remboursement du prêt et à payer le dépôt de garantie ; qu'il ne pouvait être retenu que l'opération de rachat et de signature du bail était désavantageuse pour les demandeurs, les obligations des parties n'apparaissant pas manifestement déséquilibrées à l'égard des époux X... ; que ceux-ci justifiaient percevoir en janvier 2011 des revenus mensuels de 5000 euros ; que l'opération critiquée était la seule susceptible de permettre aux époux X... de rester dans leur maison, de purger leurs dettes et d'économiser pour tenter de la racheter ; que cette opération n'était que la conséquence de la situation d'endettement des époux X... qui leur interdisait de recourir à tout crédit ; que M. X..., employé à la Banque de France, était nécessairement un client averti et avisé, rompu aux techniques bancaires et aux mécanismes financiers, de sorte qu'il ne pouvait être retenu une méconnaissance de sa part des risques de l'opération ; que la faute de la société A4 Finances n'était pas démontrée ; que sur la responsabilité de Me Y..., il était établi que le notaire n'avait pas participé aux négociations entre les parties, que l'opération n'avait revêtu aucun caractère fautif ; qu'elle avait été conclue par des particuliers qui, du fait de leur profession d'employés de banque, étaient nécessairement avisés et avertis ; et aux motifs propres que les époux X... étaient lourdement endettés lorsqu'ils avaient pris contact, en septembre 2003, avec la société A4 Finances pour trouver une solution à leurs problèmes financiers, ne souhaitant pas se soumettre à une procédure de surendettement qui aurait entraîné la vente inéluctable de leur maison ; que cependant, eu égard à l'importance de leur passif qu'ils avaient eux-mêmes estimé à 220 000 euros et compte tenu de leur âge et de leur situation de retraités, ils n'avaient pas pu obtenir de crédits bancaires ; que dans un courrier du 8 juin 2005, ils reconnaissaient avoir reçu des avis défavorables successifs et demandaient à la société A4 Finances de mettre en oeuvre la proposition d'une vente à réméré en espérant réussir l'opération de rachat, ce qui démontrait qu'ils étaient bien conscients, dès cette date, d'une éventuelle difficulté sur ce point ; que ce montage financier, qui leur avait été explicité dans tous les détails au travers des actes signés en décembre 2005 et en janvier 2006 leur permettait de rembourser immédiatement leurs dettes tout en conservant la jouissance de leur maison, au moins pendant la durée de la faculté de rachat qui leur était offerte ; qu'il n'était pas possible de les faire participer directement à la constitution de la SCI qui rachetait leur maison dès lors qu'ils n'avaient pas les moyens de financer un quelconque apport, sauf à l'imputer sur une partie du prix de cession, ce qui les aurait empêchés d'apurer leur passif à due concurrence ; que par contre, il leur avait été proposé à plusieurs reprises, en 2007 et 2009, de racheter progressivement des parts sociales de la SCI, ce à quoi ils n'avaient pas donné suite ; que le prix de vente fixé à 270 000 euros en 2005 n'apparaissait pas sous-évalué et qu'en tout cas, les époux X... n'avaient pas intérêt à le voir augmenter dès lors que le prix de rachat au bout de cinq ans était fixé au même montant ; que les loyers convenus étaient nécessairement en relation avec le montant des mensualités bancaires à rembourser par la SCI La Sablonnière ; que l'opération apparaissait donc équilibrée et nullement abusive ; que les difficultés ultérieures provenaient du fait que les époux X... avaient en réalité un passif supérieur à ce qu'ils avaient déclaré et qu'ils ne s'étaient pas préoccupés de trouver un financement pour le rachat de leur maison, soit par la réalisation d'économies, soit par une aide familiale, soit par des concours bancaires ; que la société A4 Finances n'avait pris aucun engagement d'obtenir, pour les époux X..., un financement de rachat ; qu'elle avait, au contraire, fait preuve de patience en attendant jusqu'en 2014 pour revendre l'immeuble après le départ des époux X... ; qu'au vu de toutes ces circonstances, c'était à juste titre que le tribunal avait relevé que ni la société A4 Finances, ni Me Y... n'avaient manqué à leurs obligations de conseils ; qu'au surplus, si le notaire avait déconseillé cette vente à réméré, les époux X... seraient restés dans leur situation de surendettement et auraient inéluctablement perdu leur maison dès 2006 ;
Alors 1°) que le professionnel légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information ou de conseil doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en ayant considéré que c'était aux époux X..., débiteurs surendettés, de démontrer que la société A4 Finances les avait dissuadés ou empêchés de vendre leur maison afin de purger leur passif, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
Alors 2°) que la cour d'appel, qui a approuvé les premier juges d'avoir estimé que le prix de vente de la maison d'habitation de M. et Mme X..., fixé à 270 000 euros, n'apparaissait pas sous-évalué, après avoir constaté qu'elle avait été évaluée par l'agence immobilière à 295 000 euros et en ayant considéré qu'un écart de 25 000 euros ne constituait qu'une « faible différence », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 3°) que la vente avec faculté de rachat est frauduleuse lorsqu'elle dissimule un contrat pignoratif portant sur l'immeuble constituant la résidence principale du débiteur, lorsque le prix de vente est insuffisant et lorsque l'acheteur du bien le donne à bail au vendeur ; qu'en ayant considéré que l'opération de rachat et de signature du bail portant sur l'immeuble constituant la résidence principale des époux X... n'était pas désavantageuse pour les demandeurs et qu'elle n'avait pas été faite dans le seul intérêt de la société A 4 Finances, les obligations des parties n'apparaissant pas manifestement déséquilibrées à l'égard des époux X..., après avoir constaté une différence de 25 000 euros entre l'estimation de l'agence immobilière et le prix de vente réel, aboutissant à un prix insuffisant pour régler toutes les dettes, et constaté que les époux X... s'étaient engagés à devenir locataires du bien qu'ils avaient vendu, pour un loyer de 22 800 euros par an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1659 et 2459 du code civil ;
Alors 4°) que constitue une société simulée la société fictive uniquement destinée à masquer les agissements d'une personne qui a recours à des prête-noms ; qu'en ayant validé le montage aux termes duquel une SCI La Sablonnière, représentée par le dirigeant de la société A4 Finances et constituée d'autres associés de cette dernière, était supposée se porter acquéreur de la maison d'habitation des époux X..., bien que le prix de vente ait en réalité été supporté par la Société Générale sous forme d'un prêt de 220 000 euros avec un taux d'intérêt de 5, 20 % octroyé aux vendeurs, la cour d'appel a violé les articles 1832 et 1833 du code civil ;
Alors 5°) que les juges ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans indiquer l'origine de leurs constatations de fait ; qu'en ayant affirmé qu'il avait été proposé à plusieurs reprises, en 2007 et 2009, aux époux X...de racheter progressivement des parts sociales de la SCI La Sablonnière, proposition à laquelle ils n'avaient pas donné suite, sans indiquer l'origine de cette constatation de fait, quand M. et Mme X... contestaient précisément qu'une quelconque offre de cession de parts leur eût été faite pendant les sept ans et demi d'occupation de leur maison d'habitation en tant que locataires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 6°) que la société de courtage financier n'est dispensée de son obligation d'information et de conseil qu'à l'égard d'un client averti ou particulièrement compétent ; que la cour d'appel, qui a déduit cette compétence de la seule qualité d'ancien employé de la Banque de France de M. X... sans rechercher, au surplus, s'il n'exerçait pas que la fonction d'agent de caisse depuis 1965 et ne s'est pas prononcée sur les compétences de son épouse, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Alors 7°) que la cour d'appel, qui a approuvé le tribunal d'avoir énoncé qu'il était établi que le notaire n'avait pas participé aux négociations entre les parties quand Me Y... avait expressément reconnu dans ses conclusions d'appel (p. 6 et 7) avoir rencontré les époux X... à plusieurs reprises pour l'établissement et la signature des avants-contrats préparatoires, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Alors 8°) que la cour d'appel, qui a reproché aux époux X... de ne s'être pas préoccupés de trouver un financement pour le rachat de leur maison par des concours bancaires (arrêt p. 5 § 6), après avoir constaté qu'eu égard à l'importance de leur passif, de leur âge et de leur situation de retraités, ils n'avaient pas pu obtenir de crédit bancaire (arrêt p. 4), a entaché sa décision de contradiction et a violé l'article 455 du code de procédure civile.