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26/01/2017 | FRANCE | N°16-13416

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 26 janvier 2017, 16-13416


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 16 et 145 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Recyl et M. X...ont été liés par un contrat de travail auquel il a été mis fin conventionnellement ; que M. X... a créé la société Access Printing Solution (APS) ; que la société Recyl a sollicité, par requête, la désignation d'un huissier de justice afin de faire procéder à des investigations au siège de la société APS ; que celle-ci et M. X... ont

saisi le juge des requêtes statuant en référé d'une demande de rétractation ;

Attendu que...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 16 et 145 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Recyl et M. X...ont été liés par un contrat de travail auquel il a été mis fin conventionnellement ; que M. X... a créé la société Access Printing Solution (APS) ; que la société Recyl a sollicité, par requête, la désignation d'un huissier de justice afin de faire procéder à des investigations au siège de la société APS ; que celle-ci et M. X... ont saisi le juge des requêtes statuant en référé d'une demande de rétractation ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient qu'il résulte des documents produits à l'appui de la requête, des motifs de celle-ci et de l'ordonnance dont la rétractation est demandée, que la qualité d'ancien salarié de M. X..., lequel est soupçonné d'avoir conservé des documents confidentiels de son employeur et commis des faits de parasitisme économique, et que la nature essentiellement électronique des documents dont la saisie est demandée, justifient la dérogation au principe de la contradiction par le risque de déperdition de ces données dont l'exploitation serait alors impossible et la preuve recherchée également, qu'il est légitime que la société Recyl qui cherche à faire établir les faits dont elle se prétend victime de la part de la société APS et M. X... se prémunisse contre la possible déperdition en ayant recours à une mesure non contradictoire pour la saisie des documents conservés par les appelants ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni la requête ni l'ordonnance n'énonçaient expressément aucune circonstance susceptible d'autoriser une dérogation au principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Recyl aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Recyl à payer à la société Access Printing Solution et à M. X..., la somme globale de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Access Printing Solution et M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, confirmant l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête en date du 18 octobre 2013, confirmé celle-ci et dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les sociétés APS et M. X... font également grief au juge des référés d'avoir retenu que les circonstances de l'espèce justifiaient une dérogation au principe du contradictoire. En application de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. En l'espèce, il résulte des documents produits à l'appui de la requête, des motifs de celle-ci et de l'ordonnance dont la rétractation est demandée que la qualité d'ancien salarié de M. X..., lequel est soupçonné d'avoir conservé des documents confidentiels de son ancien employeur et commis des faits de parasitisme économique, et la nature essentiellement électronique des documents dont la saisie était demandée, justifient la dérogation au principe de la contradiction, par le risque de déperdition de ces données dont l'exploitation serait alors impossible et la preuve recherchée également. Il est légitime que la société Recyl, qui cherche à faire établir les faits dont elle se prétend victime de la part de la société APS et de M. X..., se prémunisse contre cette possible déperdition en ayant recours à une mesure non contradictoire pour la saisie des documents conservés par les appelants. Il convient de souligner à cet égard que l'urgence n'est pas une condition pour pouvoir procéder de la sorte, contrairement à ce que veulent indirectement soutenir les appelants en critiquant le délai écoulé entre l'expertise privée du laboratoire Lerti au sein de la société Recyl et l'ordonnance sur requête objet de la présente procédure. La requête et l'ordonnance rappellent toutes deux ces circonstances particulières et répondent donc aux exigences de l'article 145 précité. C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande en rétractation. Les appelants critiquent encore l'exécution même de la mesure par l'huissier instrumentaire. Toutefois, la pertinence des documents effectivement saisis sera le cas échéant appréciée par l'expert judiciaire s'il est désigné, ou par le juge qui sera saisi au fond de l'affaire, mais la cour ne peut statuer que sur l'ordonnance rendue sur requête, à l'exclusion de son exécution. En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la SAS Recyl exploite à Ville-la-Grand avec un chiffre d'affaires de 3, 5 millions d'euros et quinze salariés une activité de fabrication et commercialisation de machines de nettoyage à destination des professionnels de l'imprimerie. Par ordonnance rendue sur la requête de la SAS Recyl en date du 18 octobre 2013, le président du tribunal de grande instance a autorisé celle-ci à procéder, par l'intermédiaire d'un huissier de justice assisté d'un expert en informatique, à la recherche et à la saisie de divers documents et fichiers informatiques pouvant comporter des informations sur la clientèle de la société APS constituée par Vincenzo X..., ancien salarié responsable export de la SAS Recyl jusqu'à la rupture conventionnelle de son contrat survenue le 19 octobre 2012. La mesure conservatoire ordonnée a été exécutée par Maître Stéphane Y..., huissier de justice, le 11 décembre 2013, avec le concours du laboratoire Lerti, expert informatique. Les documents saisis sont conservés en l'étude de l'huissier de justice. Les demandeurs entendent voir rétracter l'ordonnance sur requête en date du 18 octobre 2013 aux motifs de l'incompétence d'attribution du président du tribunal de grande instance à raison de la nature commerciale du litige potentiel relevant de la compétence du président du tribunal de commerce en vertu de l'article 875 du Code de procédure civile et de l'absence de motifs justifiant une dérogation au principe de la contradiction. En l'espèce, la requête présentée laissait entrevoir des agissements tant de la société APS nouvellement constituée le 18 janvier 2013 que de son gérant Vincenzo X..., ancien salarié de la SAS Recyl. Si les faits allégués de parasitisme économique présentaient une nature commerciale pouvant justifier la saisine du président du tribunal de commerce, ceux de concurrence déloyale et d'agissements frauduleux de l'ancien salarié à l'égard duquel il était notamment allégué un manquement à son obligation de loyauté pouvaient, à l'égard de Vincenzo X..., relever d'une action de nature civile délictuelle, tant à l'égard de la personne de ce dernier pour les agissements compris jusqu'à la présentation de la requête qu'au titre d'éventuels agissements exclusifs sur la période du 19 octobre 2012 correspondant à la rupture conventionnelle de son contrat de travail jusqu'au 18 janvier 2013 correspondant à la création et à l'immatriculation de la société APS. En présence d'un litige potentiel à objets et fondements mixtes, le président du tribunal de grande instance demeurait compétent pour statuer sur la requête présentée et ordonner toute mesure tendant à voir conserver ou établir la preuve de faits dont pouvait dépendre la solution du litige allégué. Eu égard à la nature des agissements dénoncés, au lien d'ex-subordination juridique ayant uni la SAS Recyl à Vincenzo X..., au caractère informatique des données concernées, aux pièces produites au soutien de la requête pouvant laisser entrevoir un risque de déperdition ou de disparition des preuves contraires à la sauvegarde des intérêts de la SAS Recyl et au mode opératoire proposé ne permettant pas l'exploitation directe des éléments de preuve recueillis dans le respect du principe de liberté du commerce et de l'industrie, il était suffisamment justifié, dans la limité du principe de proportionnalité des preuves, de circonstances justifiant une dérogation au principe de contradiction. Il convient donc de dire n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance sur requête en date du 18 octobre 2013, de valider les termes de celleci et de dire n'y avoir lieu à référé pour le surplus » ;

ALORS QUE, D'UNE PART, le président du tribunal de grande instance ne peut ordonner sur requête une mesure d'instruction in futurum qu'à la condition de constater que les circonstances exigent que celle-ci ne soit pas prise contradictoirement ; que la nécessité de déroger au principe du contradictoire et les circonstances la justifiant doivent en conséquence être mentionnées, au moins en termes généraux, dans la requête et l'ordonnance sur requête autorisant la mesure litigieuse ; qu'à défaut d'une telle mention, le juge des référés, saisi d'une demande de rétractation, ne saurait suppléer la carence de motivation de l'ordonnance sur requête ; qu'en l'espèce, l'ordonnance sur requête du 18 octobre 2013 s'est bornée à viser la requête déposée par la société Recyl le 14 octobre 2013 et les pièces produites par celle-ci, sans jamais évoquer la nécessité de déroger au principe du contradictoire et les circonstances pouvant la justifier ; que la requête elle-même présentée par la société Recyl n'évoque à aucun moment ni une telle nécessité, ni les circonstances qui la fonderaient ; qu'en retenant cependant qu'« il résulte des documents produits à l'appui de la requête, des motifs de celle-ci et de l'ordonnance dont la rétractation est demandée que la qualité d'ancien salarié de M. X..., lequel est soupçonné d'avoir conservé des documents confidentiels de son ancien employeur et commis des faits de parasitisme économique, et la nature essentiellement électronique des documents dont la saisie était demandée, justifient la dérogation au principe de la contradiction, par le risque de déperdition de ces données dont l'exploitation serait alors impossible et la preuve recherchée également » et qu'« il est légitime que la société Recyl, qui cherche à faire établir les faits dont elle se prétend victime de la part de la société APS et de M. X..., se prémunisse contre cette possible déperdition en ayant recours à une mesure non contradictoire pour la saisie des documents conservés par les appelants », la Cour d'appel a purement et simplement suppléé à la totale carence de motivation de l'ordonnance entreprise quant à la nécessité de déroger au principe du contradictoire et en conséquence violé les articles 145 et 812 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, ce n'est que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige que les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées ; que les conclusions de la société APS et de M. X... faisaient en l'espèce valoir que la mesure d'instruction litigieuse était dépourvue de tout motif légitime, dans la mesure où les éléments fournis par la société Recyl ne permettaient pas d'établir l'existence d'un litige crédible et plausible ; qu'elles soutenaient notamment que la société Recyl avait produit au soutien de la mesure d'instruction litigieuse une liste de 120 partenaires commerciaux, dont il était démontré que nombre d'entre eux ne travaillaient plus ou n'avaient même jamais eu de contact avec elle, et sans rapporter non plus la moindre preuve de l'existence d'une exclusivité quelconque avec les personnes ainsi désignées ; qu'elles soulignaient ainsi que le seul objectif de la société Recyl était de procéder à un audit de la société APS, afin d'avoir accès de façon déloyale à sa structure commerciale et à son fichier clientèle (conclusions, p. 9 à 16) ; qu'en se bornant à énoncer que « la requête et l'ordonnance rappellent toutes deux ces circonstances particulières [justifiant une dérogation au principe du contradictoire] et répondent donc aux exigences de l'article 145 » du Code de procédure civile, sans répondre aux conclusions des exposants qui soulevaient un moyen déterminant tenant à l'absence de motif légitime de la mesure ordonnée, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS QU'ENFIN, toute mesure d'instruction in futurum doit être circonscrite à la fois dans son objet et dans le temps, de manière à être limitée aux seules investigations nécessaires à la preuve des faits litigieux et à ne pas porter une atteinte illégitime aux libertés fondamentales des personnes concernées ; que n'est pas circonscrite dans son objet la mesure qui donne à l'huissier une mission générale d'investigation, lui permettant de mener une véritable perquisition civile des locaux des personnes visées ; que les conclusions de la société APS et de M. X... faisaient en l'espèce valoir que les mesures ordonnées permettaient en réalité à l'huissier de mener une véritable perquisition civile dans les locaux de la société APS et que les mesures ordonnées constituaient donc des mesures générales d'investigation sur l'activité commerciale d'un concurrent (conclusions, p. 16 et 17) ; qu'en se bornant à énoncer que « la requête et l'ordonnance rappellent toutes deux ces circonstances particulières [justifiant une dérogation au principe du contradictoire] et répondent donc aux exigences de l'article 145 » du Code de procédure civile, sans répondre aux conclusions des exposants qui soulevaient un moyen déterminant tenant au fait que la mesure ordonnée n'était pas légalement admissible, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-13416
Date de la décision : 26/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 12 janvier 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 26 jan. 2017, pourvoi n°16-13416


Composition du Tribunal
Président : M. Liénard (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.13416
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