LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 septembre 2015), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 décembre 2013, pourvoi n° 12-29.395), que la société civile immobilière Lièlos et compagnie (la SCI) a accepté, le 18 mars 2008, un devis de travaux de la société Dejean-Servières, aux droits de laquelle se trouve la société Castel et Fromaget ; que, se plaignant de l'annulation de la commande, la société Dejean-Servières a assigné la SCI en paiement de l'indemnité contractuelle ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Dejean Servières, l'arrêt retient que, si le devis signé constituait une commande ferme, il n'en demeure pas moins que les parties avaient expressément entendu différer l'exécution du contrat à l'ordre formel de lancement des études donné par la SCI et qu'il n'est pas justifié qu'un tel ordre a été donné dans les trente jours de la signature du devis, ni par la suite, et qu'ainsi le devis est devenu caduc à l'expiration de sa validité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le devis signé constituait une commande ferme dont les parties avaient seulement entendu différer l'exécution et que l'absence d'ordre formel du maître d'ouvrage de lancer les études n'est pas de nature à remettre en cause la convention conclue par les parties, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la SCI Lièlos et compagnie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Lièlos et compagnie et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Castel et Fromaget ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société Castel et Fromaget.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, d'avoir débouté un entrepreneur (la société Dejean-Servières, aux droits de laquelle vient la société Castel et Fromaget, l'exposante) de sa demande tendant au paiement par le maître de l'ouvrage (la société Lielos et Compagnie) de la somme de 268 860,73 € TTC, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2009, en application d'une clause de dédit ;
AUX MOTIFS QUE le devis accepté par la société Lielos le 18 mars 2008 mentionnait une validité de l'offre de trente jours, soit jusqu'au 18 avril 2008, et une mention manuscrite indiquait en page 11, « attendre l'appel du client pour lancer les études » ; que si le devis constituait bien une commande ferme et si, ainsi qu'il avait été jugé par la Cour de cassation, aucune condition suspensive, tenant à l'obtention d'un prêt bancaire, ne liait les parties aux termes de leur convention, il n'en demeurait pas moins que celles-ci avaient expressément entendu différer l'exécution du contrat à l'ordre formel de lancement des études donné par la société Lielos, ce qu'admettait la société Dejean-Servières dans ses écritures ; que cependant il n'était pas justifié qu'un tel ordre avait été donné dans les trente jours de la signature du devis, ni par la suite, et qu'ainsi, quelles qu'en aient été les raisons, le devis était devenu caduc à l'expiration de sa validité ; que, par ailleurs, à défaut de prorogation conventionnelle, l'envoi par télécopie, pour approbation, des premiers plans fournis par la société Dejean-Servières le 20 mai 2008, soit après expiration du devis, ne pouvait avoir eu pour effet d'en prolonger la validité ; que cette caducité était nécessairement confirmée par le fait qu'après modification des plans du projet adressés à la société Dejean-Dervières le 13 octobre 2008, celle-ci avait proposé à la société Lielos, non pas un avenant au premier devis comme elle le soutenait, mais un nouveau devis daté du 4 novembre 2008 prévoyant pour la même opération des constructions différentes du premier devis et d'une moindre surface mais à un prix supérieur, devis non accepté par la société Lielos ; qu'en l'absence d'annulation de la commande par la société Lielos, celle-ci n'était tenue à une quelconque indemnité de dédit ou à titre de clause pénale et il y avait lieu en conséquence de débouter la société Castel et Fromaget de toutes ses demandes ; que le jugement était donc confirmé par substitution de motifs (arrêt attaqué, p. 3, dernier alinéa, et, p. 4, alinéas 1 à 6) ;
ALORS QUE, d'une part, le devis du 17 mars 2008 avait été accepté dès le lendemain par le maître de l'ouvrage et valait donc contrat de commande ferme et définitif ; que si le devis prévoyait aussi une exécution différé du contrat – à l'appel du maître de l'ouvrage –, cette modalité ne pouvait influer sur l'existence du contrat et donc sur sa validité ; qu'en retenant cependant, après avoir admis que le devis accepté constituait une commande ferme, qu'en l'absence de justification d'un ordre de commencer les travaux émanant du maître de l'ouvrage, le devis était expiré et était donc devenu caduc, excluant ainsi toute indemnité de dédit à la charge du maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 du code civil ;
ALORS QUE, d'autre part, il résultait clairement du devis du 17 mars 2008 que l'entrepreneur avait accordé un délai de trente jours au maître de l'ouvrage pour accepter l'offre, tandis qu'il n'y était nullement prévu qu'à défaut d'ordre donné par le maître de l'ouvrage dans les trente jours de la signature du devis, ou par la suite, le devis deviendrait caduc ; qu'en déclarant qu'à défaut de preuve d'un ordre de commencer les travaux dans les trente jours de la signature du devis, ou par la suite, le devis était expiré et était donc devenu caduc, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis dudit devis, en violation de l'article 1134 du code civil.