LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte reçu le 20 décembre 2003 par M. X..., notaire associé, M. et Mme Y... (les vendeurs) ont vendu une maison d'habitation située à Saignon, sous le bénéfice d'une clause de non-garantie des vices cachés ; que, déchus du droit de se prévaloir de cette clause, pour avoir, de mauvaise foi, dissimulé, notamment, l'existence d'un arrêté interministériel du 27 décembre 2000, portant reconnaissance à l'état de catastrophe naturelle de deux épisodes de sécheresse survenus dans cette commune, ils ont été définitivement condamnés à payer à l'acquéreur le montant des travaux de reprise et de confortement de l'immeuble et à indemniser le trouble de jouissance consécutif à ces travaux ; qu'ils ont, ensuite, assigné la société civile professionnelle A...-X... (le notaire), successeur de celle au sein de laquelle M. X... avait exercé, en garantie de ces condamnations, pour manquement à ses devoirs d'efficacité et de conseil ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que le notaire fait grief à l'arrêt d'accueillir partiellement ce recours, alors, selon le moyen :
1°/ que la partie, qui a volontairement dissimulé une information à son cocontractant, ne peut reprocher à un rédacteur d'acte de ne pas l'avoir révélée à la victime de cette dissimulation ; qu'en retenant que le notaire avait omis d'informer les parties de l'existence du rapport Hydrosol et de l'arrêté de catastrophe naturelle adopté à la suite de ce rapport, quand elle relevait elle-même que les vendeurs avaient délibérément occulté l'existence de ces documents et des désordres qu'ils mettaient en exergue, de sorte qu'ayant connaissance de ces informations qu'ils avaient cachées à leurs cocontractants, les vendeurs n'étaient pas fondés à se prévaloir d'un manquement du rédacteur d'acte à son obligation de les communiquer aux acquéreurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que nul ne saurait voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir rappelé le principe de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle ; qu'en reprochant au notaire de ne pas avoir averti les vendeurs de ce que la clause de non-garantie stipulée à leur profit ne couvrait pas les désordres que révélaient les documents qu'ils avaient dissimulés aux acquéreurs, quand le notaire n'était pas tenu d'avertir ses clients des conséquences de leur mensonge, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le notaire est tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu'il existe une publicité légale, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse ; que la faute intentionnelle ne prive pas le vendeur de tout recours contributif contre le notaire qui, ayant prêté son concours à la rédaction d'un acte dolosif, peut être tenu de le garantir partiellement, en considération de la faute professionnelle qu'il a commise ;
Et attendu qu'après avoir exactement énoncé que la faute intentionnelle d'une partie ne dispense pas le notaire des devoirs liés à sa fonction d'officier public, puis souverainement estimé qu'ayant son étude à quelques kilomètres de la commune de Saignon, à laquelle avait été reconnu l'état de catastrophe naturelle, le notaire ne pouvait ignorer la publication de l'arrêté interministériel portant constatation de cet état, relayée de surcroît dans la presse locale, la cour d'appel a retenu que le rédacteur de l'acte de vente ne pouvait, sans manquer à son obligation d'information, s'abstenir de renseigner les parties sur l'existence de cet arrêté, par une mention ou par une annexion, au même titre que l'état parasitaire de l'immeuble ou le diagnostic amiante ; que, de ces motifs, elle a pu, sans excéder les limites du devoir d'investigation du notaire, déduire que ce dernier avait commis une faute ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner le notaire à garantir partiellement les vendeurs des condamnations prononcées contre eux, l'arrêt retient qu'il leur a fait perdre une chance de bénéficier de la pleine efficacité de la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente dans le procès les ayant opposés à l'acquéreur ;
Qu'en relevant d'office ce moyen tiré de la perte de chance, sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la SCP A...-X... a commis une faute, l'arrêt rendu le 7 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Ludovic A... et Clémentine X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement déféré en toutes ses dispositions, dit que la SCP A...-X... avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, et de l'AVOIR condamnée à payer aux époux Y... la somme de 137. 890 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que le notaire est tenu d'un devoir de conseil à l'égard de ses clients lié à sa fonction d'officier public et dont il ne peut être déchargé au seul motif d'une faute volontaire commise par ces derniers ; qu'il doit ainsi, en sa qualité de professionnel du droit, éclairer les parties sur les conséquences juridiques des obligations réciproques qu'elles contractent ; que de même il doit assurer l'efficacité des actes qu'il établit, en l'espèce la vente d'un immeuble bâti, en procédant aux vérifications techniques qui s'y rattachent ; qu'en l'espèce il a été définitivement jugé que les époux Y.../ Valentti avaient volontairement communiqué à leurs acquéreurs un rapport erroné et obsolète sur l'état de l'immeuble datant de 1989 en occultant tout aussi délibérément un rapport postérieur de septembre 1999 de la société Hydrosol mettant en évidence une aggravation des désordres et préconisant la reprise en sous oeuvre des fondations ; que la SCP de notaires, dont le siège est situé à Apt, soit à quelques kilomètres de Saignon, ne pouvait ignorer la publication de l'arrêté interministériel du 27 novembre 2000 [relayé qui plus est par la presse locale], reconnaissant à la commune de Saignon l'état de catastrophe naturelle et qu'il devait en informer les parties par une mention ou une annexion à l'acte de vente comme il a été d'ailleurs procédé en ce qui concerne l'état parasitaire de l'immeuble, le diagnostic amiante et la sécurité de la piscine attenante ; que cette omission est donc fautive et que la SCP A...-X... qui n'y consacre aucune ligne dans le corps de ses écritures n'en disconvient pas ; qu'elle ne conteste pas plus le caractère public du rapport Hydrosol visant expressément l'immeuble vendu par les appelants réalisé à la demande de la commune de Saignon afin de voir constater l'état de catastrophe naturelle ; que la SCP de notaires a ainsi engagé sa responsabilité délictuelle à l'encontre des appelants dont le préjudice consécutif s'analyse en la perte d'une chance sérieuse de faire admettre la pleine efficacité de la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente dans le procès ayant opposé vendeurs et acquéreurs, étant rappelé que le préjudice ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; que compte tenu de ce qui précède, elle est évaluée à 50 % ; qu'en conséquence, l'intimée sera condamnée à indemniser les appelants à concurrence de la moitié des condamnations mises à leur charge et actualisées dans des termes non critiqués soit un montant de 137. 890 € ;
1°) ALORS QUE la partie qui a volontairement dissimulé une information à son cocontractant ne peut reprocher à un rédacteur d'acte de ne pas l'avoir révélée à la victime de cette dissimulation ; qu'en retenant que le notaire avait omis d'informer les parties de l'existence du rapport Hydrosol et de l'arrêté de catastrophe naturelle adopté à la suite de ce rapport, quand elle relevait elle-même que les époux Y... avaient délibérément occulté l'existence de ces documents et des désordres qu'ils mettaient en exergue (arrêt, p. 3, dernier al.), de sorte qu'ayant connaissance de ces informations qu'ils avaient cachées à leurs cocontractants, les époux Y... n'étaient pas fondés à se prévaloir d'un manquement du rédacteur d'acte à son obligation de les communiquer aux acquéreurs, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QUE nul ne saurait voir sa responsabilité engagée pour ne pas avoir rappelé le principe de bonne foi qui s'impose en matière contractuelle ; qu'en reprochant à la SCP A...-X... de ne pas avoir averti les époux Y... de ce que la clause de nongarantie stipulée à leur profit ne couvrait pas les désordres que révélaient les documents qu'ils avaient dissimulés aux acquéreurs, quand le notaire n'était pas tenu d'avertir ses clients des conséquences de leur mensonge, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en fondant sa décision sur le moyen tiré de ce que le préjudice causé aux époux Y... par la faute imputée au notaire s'analysait « en une perte de chance de faire admettre la pleine efficacité de la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente dans le procès ayant opposé vendeurs et acquéreurs » (arrêt, p. 4, in limine), bien qu'aucune des parties ne l'ait soutenu, et sans inviter au préalable celles-ci à présenter leurs observations à cet égard, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, un notaire ne peut être condamné à réparer un dommage que s'il est causé par les manquements qui lui sont reprochés ; qu'en jugeant que le manquement du notaire à son obligation d'information à l'égard des époux Z... avait causé aux époux Y... un préjudice consistant en la « perte d'une chance sérieuse de faire admettre la pleine efficacité de la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente dans le procès ayant opposé vendeurs et acquéreurs » (arrêt, p. 4, al. 1er), dont l'indemnisation devait être calculée sur la seule base de la somme que les vendeurs avaient été condamnés à payer aux acquéreurs en réparation des désordres dont ils leur avaient caché l'origine en leur dissimulant l'information litigieuse, sans préciser les raisons pour lesquelles, informés des vices qui leur avaient été dissimulés par les vendeurs, les acquéreurs auraient accepté de maintenir le prix d'acquisition alors que le coût des travaux engendrés par ces vices était supérieur au prix et, partant, comment les vendeurs auraient pu, en respectant les exigences de la bonne foi, obtenir un avantage tel qu'ils auraient reçu un même prix sans avoir à supporter le coût des travaux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'auteur d'une faute intentionnelle ne peut être intégralement garanti des condamnations qu'elle a justifiées ; qu'en prenant pour assiette de calcul du préjudice de perte de chance qu'elle a condamné le notaire à réparer une somme correspondant au montant de la condamnation des époux Y... à l'égard des acquéreurs, quand il résultait de ses propres constatations que c'est en raison de leur dol, faute intentionnelle, que ces derniers avaient été définitivement condamnés (arrêt, p. 3, dernier al., in limine), de sorte qu'ils ne pouvaient être intégralement garantis de cette condamnation par le notaire auteur d'une simple négligence et que l'assiette à partir de laquelle était calculée l'indemnisation de la chance qu'ils auraient perdue par sa faute ne pouvait, partant, être équivalente à l'intégralité du montant de cette condamnation, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1382 du Code civil.