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11/01/2017 | FRANCE | N°15-21519

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-21519


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 mai 2015), rendu en matière de référé, qu'invoquant des manoeuvres frauduleuses et une campagne de dénigrement à son préjudice, la société World Botanical Products SPRL (la société WBP), société belge spécialisée dans la production et l'importation de plantes médicinales provenant d'Afrique et destinées à l'industrie agroalimentaire et pharmaceutique, a obtenu, par ordonnance du président d'un tribunal de commerce, statuant s

ur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constat et d'inve...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 mai 2015), rendu en matière de référé, qu'invoquant des manoeuvres frauduleuses et une campagne de dénigrement à son préjudice, la société World Botanical Products SPRL (la société WBP), société belge spécialisée dans la production et l'importation de plantes médicinales provenant d'Afrique et destinées à l'industrie agroalimentaire et pharmaceutique, a obtenu, par ordonnance du président d'un tribunal de commerce, statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constat et d'investigations dans les locaux de la société Synkem ;

Attendu que la société WBP fait grief à l'arrêt de prononcer la rétractation de l'ordonnance alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'absence prétendue de procès en germe entre les parties sans inviter ces dernières à en discuter contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge des référés saisi d'une demande de mesure d'instruction in futurum n'a pas à préjuger du fond et ne peut exiger la preuve de faits susceptibles de fonder une action ultérieure ; qu'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que les décisions d'annulation des permis d'exporter étaient injustifiées, ni que la société Synkem est en situation de conflit d'intérêts pour l'obtention du marché des écorces ou que la société WBP est victime d'une campagne de dénigrement, la cour d'appel a exigé que soit rapportée la preuve de faits que, justement, les mesures d'instruction ordonnées avaient pour but de démontrer, violant par là l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que les décisions d'annulation des permis d'exporter sont injustifiées et que la société WBP n'aurait produit aucun indice sérieux de manoeuvres frauduleuses, quand la demanderesse produisait régulièrement au débat deux courriers électroniques adressés par madame Anne X..., attachée de la Convention CITES à la Direction générale de l'environnement de Belgique, attestant clairement et sans équivoque de la délivrance régulière à la société WBP de permis d'importation d'écorces de prunus en Belgique et de la régularité des permis d'exportation délivrés à la société WBP par l'autorité de gestion de la Convention CITES en Ouganda, ce qui laissait nécessairement penser que la suspension de ces permis par le ministre du tourisme de l'Ouganda était, elle, injustifiée, la cour d'appel a dénaturé par omission les courriers électroniques adressés par madame Anne X..., en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

4°/ qu'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que la société Synkem est en situation de conflit d'intérêts pour l'obtention du marché des écorces et que la société WBP n'aurait produit aucun indice sérieux de manoeuvres frauduleuses, quand elle produisait régulièrement au débat un courrier adressé par le président de la société Cordenpharma au ministre du tourisme de l'Ouganda, informant ce dernier de réunions avec des autorités de la Convention CITES relatives aux quotas et permis d'exportation et importation d'écorces de prunus et lui indiquant que ses frais de voyage et de séjour seraient entièrement pris en charge par la société Cordenpharma, la cour d'appel a dénaturé ce courrier par omission, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

5°/ qu'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que cette dernière est victime d'une campagne de dénigrement et que la société WBP n'aurait produit aucun indice sérieux de manoeuvres frauduleuses, quand elle produisait régulièrement au débat un courrier de madame Anne X..., attachée de la Convnetion CITES à la Direction générale de l'environnement de Belgique faisant clairement état des accusations dont la société WBP était l'objet depuis la visite du ministre du tourisme de l'Ouganda organisée et financée par la société Cordenpharma à Genève, en Belgique et en France, la cour d'appel a dénaturé par omission ce courrier, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

Mais attendu, en premier lieu, que, sous le couvert de griefs infondés de dénaturation, le moyen, en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP, qui sont dans leur grande majorité rédigées en langue anglaise, sans être traduites, ne permettaient pas de vérifier que les décisions d'annulation des permis d'exporter étaient injustifiées, ni que la société Synkem était en situation de conflit d'intérêt pour l'obtention du marché des écorces, et que la société WBP se trouvait victime d'une campagne de dénigrement, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation du motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'inviter les parties à présenter leurs observations dès lors qu'elle se bornait à vérifier la réunion des conditions d'applications de la règle de droit invoquée, a retenu qu'elle n'était pas en mesure de s'assurer qu'un procès était en germe entre les parties, dont la solution dépendait de la saisie des documents informatiques de la société Synkem ayant trait au commerce d'écorces de Pygeum ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société World Botanical Products SPRL aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Synkem la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société World Botanical Products SPRL.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 15 juillet 2014 par le président du tribunal de commerce de Dijon ;

AUX MOTIFS QUE : « si l'article 145 du code de procédure civile permet que soient ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé, les mesures d'instruction légalement admissibles, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP SPRL, qui sont dans leur grande majorité rédigées en langue anglaise, sans être traduites, ne permettent pas de vérifier que les décisions d'annulation des permis d'exporter sont injustifiées, ni que la société Synkem est en situation de conflit d'intérêt pour l'obtention du marché des écorces, ou même que la requérante se trouve victime d'une campagne de dénigrement, et il n'est donc pas permis de s'assurer qu'un procès est effectivement en germe entre les parties, dont la solution dépend de la saisie des documents informatiques de la société Synkem ayant trait au commerce d'écorces de Pygeum en Ouganda entre septembre 2013 et juillet 2014 ; la société WBP SPRL, à laquelle il incombe de démontrer l'utilité et la pertinence de la mesure qu'elle sollicite en application de l'article 145 ne produit donc aucun indice sérieux des manoeuvres frauduleuses qu'elle reproche à la société Synkem, et les conditions requises par la loi pour voir ordonner une mesure d'instruction in futurum, par laquelle elle entend avoir accès à des informations confidentielles de son concurrent commercial, pour démontrer une faute de ce dernier, ne sont dès lors pas réunies » ;

ALORS 1°) QUE le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'absence prétendue de procès en germe entre les parties sans inviter ces dernières à en discuter contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

ALORS 2°) QUE le juge des référés saisi d'une demande de mesure d'instruction in futurum n'a pas à préjuger du fond et ne peut exiger la preuve de faits susceptibles de fonder une action ultérieure ; qu'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que les décisions d'annulation des permis d'exporter étaient injustifiées, ni que la société Synkem est en situation de conflit d'intérêts pour l'obtention du marché des écorces ou que la société WBP est victime d'une campagne de dénigrement, la cour d'appel a exigé que soit rapportée la preuve de faits que, justement, les mesures d'instruction ordonnées avaient pour but de démontrer, violant par là l'article 145 du code de procédure civile ;

ALORS 3°) QU'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que les décisions d'annulation des permis d'exporter sont injustifiées et que la société WBP n'aurait produit aucun indice sérieux de manoeuvres frauduleuses, quand l'exposante produisait régulièrement au débat deux courriers électroniques adressés par madame Anne X..., attachée de la Convention CITES à la Direction générale de l'environnement de Belgique, attestant clairement et sans équivoque de la délivrance régulière à la société WBP de permis d'importation d'écorces de prunus en Belgique et de la régularité des permis d'exportation délivrés à la société WBP par l'autorité de gestion de la Convention CITES en Ouganda, ce qui laissait nécessairement penser que la suspension de ces permis par le ministre du tourisme de l'Ouganda était, elle, injustifiée, la cour d'appel a dénaturé par omission les courriers électroniques adressés par madame Anne X..., en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

ALORS 4°) QU'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que la société Synkem est en situation de conflit d'intérêts pour l'obtention du marché des écorces et que la société WBP n'aurait produit aucun indice sérieux de manoeuvres frauduleuses, quand l'exposante produisait régulièrement au débat un courrier adressé par le président de la société Cordenpharma au ministre du tourisme de l'Ouganda, informant ce dernier de réunions avec des autorités de la Convention CITES relatives aux quotas et permis d'exportation et importation d'écorces de prunus et lui indiquant que ses frais de voyage et de séjour seraient entièrement pris en charge par la société Cordenpharma, la cour d'appel a dénaturé ce courrier par omission, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

ALORS 5°) QU'en considérant que les pièces produites au soutien de sa requête par la société WBP ne permettraient pas de vérifier que cette dernière est victime d'une campagne de dénigrement et que la société WBP n'aurait produit aucun indice sérieux de manoeuvres frauduleuses, quand l'exposante produisait régulièrement au débat un courrier de madame Anne X..., attachée de la Convnetion CITES à la Direction générale de l'environnement de Belgique faisant clairement état des accusations dont la société WBP était l'objet depuis la visite du ministre du tourisme de l'Ouganda organisée et financée par la société Cordenpharma à Genève, en Belgique et en France, la cour d'appel a dénaturé par omission ce courrier, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-21519
Date de la décision : 11/01/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 12 mai 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jan. 2017, pourvoi n°15-21519


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.21519
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