LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 4121-1 du code du travail, ensemble l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er janvier 2001, en qualité de tuyauteur monteur, par la société Chaudronnerie Lescaut ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale, invoquant un préjudice d'anxiété pour avoir été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante, dans le cadre de chantiers effectués par cette société en qualité de sous-traitant des sociétés SNPE et Manuco ;
Attendu que pour condamner l'employeur à lui payer une somme au titre de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que le salarié a pu être exposé, accidentellement, à l'inhalation de poussières d'amiante, lors d'une intervention du 1er juillet au 4 juillet 2008, sur le site de la société Manuco, alors qu'il procédait avec trois autres ouvriers de la société Chaudronnerie Lescaut, en qualité de chef de chantier, au remplacement des plaques d'une toiture, qu'il n'est pas démontré qu'un des personnels de l'entreprise Lescaut ait participé à l'inspection commune préalable des locaux, qu'il appartenait à la société Chaudronnerie Lescaut, en se rendant sur place, de s'informer auprès de la SNPE des conditions de travail et des risques auxquels étaient exposés ses salariés afin de mettre en oeuvre, éventuellement en coopération avec la SNPE, des mesures propres à prévenir ce risque et à préserver la santé de son salarié, qu'il s'ensuit qu'elle a failli à son obligation contractuelle de sécurité et de résultat visée à l'article L. 4121-1 du code du travail et que le salarié est bien fondé à demander réparation de son préjudice ;
Attendu, cependant, que le salarié exposé à l'amiante ne peut obtenir réparation du préjudice spécifique d'anxiété par une demande dirigée contre une société qui n'entrait pas dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans préciser si la société Chaudronnerie Lescaut entrait dans les prévisions de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Chaudronnerie Lescaut.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Chaudronnerie Lescaut à verser à Monsieur X... les sommes de 500 euros au titre de son préjudice d'anxiété et 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs que Monsieur X... a été engagé par la société Lescaut, à compter du 1er janvier 2001, en qualité de tuyauteur monteur ; que le 23 juin 2011 Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bergerac, afin d'obtenir des dommages et intérêts invoquant un préjudice d'anxiété, des troubles dans ses conditions d'existence etc.. pour avoir été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante, dans le cadre de chantiers effectués, en sous-traitance par la SAS Lescaut, dans les sociétés Manuco et la SNPE de Bergerac ; […] ; qu'au vu des pièces produites par les parties, il n'est pas contesté que Monsieur X... a pu être exposé, accidentellement, à l'inhalation de poussières d'amiante, lors d'une intervention du 1er juillet au 4 juillet 2008, sur le site de la société Manuco, alors qu'il procédait avec trois autres ouvriers de la société Lescaut, en qualité de chef de chantier, au remplacement des plaques d'une toiture ; que, lors de la dépose des plaques de toiture existantes, les salariés de la société Lescaut ont cassé ces plaques qui contenaient de l'amiante pour les faire rentrer dans des sacs, avant de les jeter sans prendre de précautions particulières, ce qui a rendu leur exposition à l'inhalation de poussières d'amiante possible ; qu'il ressort des pièces produites et des débats que lorsque le plan de prévention des risques n° 204/08 a été établi et signé par Monsieur X... pour la société Lescaut et Monsieur Y... pour la société Manuco aucune présence d'amiante n'a été déclarée par l'entreprise Manuco au moment de l'intervention ni lors de l'inspection des locaux où apparemment seul Monsieur Z... pour Manuco était présent le 30 juin 2006 (pièce 2 de la société Lescaut) ; que l'inspection du travail avertie a rédigé un rapport ; que, seuls par la suite, la société Manuco et son directeur ont été poursuivis et condamnés pénalement ; que les salariés parties civiles ont été indemnisés uniquement sur ce fondement délictuel ; que, sur le plan de la responsabilité contractuelle de l'entreprise Lescaut, dans le courrier adressé le 16 juillet 2008 à l'inspectrice du travail, les dirigeants de l'entreprise Lescaut indiquaient que du fait de la présence de poussières de cotons et de vapeurs les opérateurs de l'entreprise portaient leurs EPI, lors de l'intervention, notamment des gants de protection et un demimasque filtrant équipé de cartouche EP3 (pièce 11) ; que, toutefois, ni à la lecture du plan de prévention précité ni dans pièces produites par l'employeur, il n'est démontré qu'un des personnels de l'entreprise Lescaut ait participé à l'inspection commune préalable des locaux, en effet seul le nom de Monsieur Z... a été cité ; qu'or, il appartenait à la société Lescaut, en se rendant sur place, de s'informer auprès de la SNPE des conditions de travail et des risques auxquels étaient exposés ses salariés afin de mettre en oeuvre, éventuellement en coopération avec la SNPE, des mesures propres à prévenir ce risque et à préserver la santé de son salarié, Monsieur X..., comme elle en avait l'obligation ; qu'il s'ensuit qu'elle a failli à son obligation contractuelle de sécurité et de résultat visée à l'article L.4121-1 du Code du travail et que le salarié est bien fondé à demander réparation de son préjudice ; qu'en revanche, en dehors de ce fait isolé, il n'est nullement démontré que Monsieur X... ait été autrement exposé à l'inhalation de fibres d'amiante […] ; que Monsieur X... n'a été exposé à la poussière d'amiante du fait de son employeur qu'à une seule reprise, et alors qu'il portait ses EPI, en juillet 2008 ; qu'il s'ensuit que son préjudice est évalué à la somme de 500 euros de dommages et intérêts ;
Alors, de première part, que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, donc des « salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante » figurant sur une liste établie par arrêté interministériel en application de ce texte, qui y ont travaillé pendant la période où était fabriquée ou traité l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'après avoir constaté que Monsieur X... avait été engagé par la société Lescaut et qu'il a été exposé à l'amiante sur le site de la société Manuco, sur lequel il avait été affecté par son employeur, la Cour d'appel ne pouvait condamner la société Chaudronnerie Lescaut à indemniser le préjudice d'anxiété qu'aurait subi Monsieur X... du fait de son exposition à l'amiante, sans constater que la société Chaudronnerie Lescaut aurait – contrairement à ses allégations – figuré sur une des listes établies par arrêté interministériel en application de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, et a, à défaut, privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition ;
Alors, subsidiairement, de deuxième part, qu'en ne recherchant pas si la société Manuco, chez qui Monsieur X... avait travaillé à la demande de son employeur et où il aurait été exposé à l'amiante, figurait elle-même sur l'une des listes prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, la Cour d'appel a, de plus fort, privé son arrêt de base légale au regard de cette disposition ;
Alors, très subsidiairement, de troisième part, que, dans ses écritures d'appel, la société Chaudronnerie Lescaut soutenait, à propos de Monsieur X..., qu'« il n'a pu être exposé à des poussières d'amiante dans le cadre de ses fonctions sur des chantiers pour le compte de la société Lescaut, ce matériau ayant été retiré » (p. 4 § 2) et que « le salarié n'a pu être mis en contact avec de l'amiante à l'occasion de son travail au service de la société Lescaut » (p. 8 § 2) ; qu'après avoir expressément visé ces conclusions d'appel, auxquelles elle a renvoyé (arrêt, p. 3 § 4) et pour fonder sa décision d'indemniser le préjudice d'anxiété qu'aurait subi Monsieur X..., la Cour d'appel a affirmé qu' : « il n'est pas contesté que Monsieur X... a pu être exposé, accidentellement, à l'inhalation de poussières d'amiante » (arrêt, p. 3 pénultième §) et a donc dénaturé les écritures de la société Chaudronnerie Lescaut et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;