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11/01/2017 | FRANCE | N°15-16282

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 janvier 2017, 15-16282


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été exposée in utero au diéthylstilbestrol (DES), à la suite de la prise de distilbène par sa mère au cours de la grossesse, Mme Valérie X... a assigné la société UCB Pharma (la société) en responsabilité et indemnisation de ses préjudices ; que M. X..., son époux, et M. et Mme Y..., ses parents, ont aussi formé des demandes indemnitaires contre la société ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu

1240 du code civil ;

Attendu que, pour exclure tout lien de causalité entre l'expositi...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ayant été exposée in utero au diéthylstilbestrol (DES), à la suite de la prise de distilbène par sa mère au cours de la grossesse, Mme Valérie X... a assigné la société UCB Pharma (la société) en responsabilité et indemnisation de ses préjudices ; que M. X..., son époux, et M. et Mme Y..., ses parents, ont aussi formé des demandes indemnitaires contre la société ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour exclure tout lien de causalité entre l'exposition de Mme X... au DES et son infertilité transitoire, et écarter les demandes d'indemnisation à ce titre, l'arrêt retient, en se fondant sur les conclusions du rapport d'expertise, que, si les anomalies morphologiques qu'elle présente sont bien en rapport avec cette exposition, et ont eu pour conséquences des difficultés au cours de sa grossesse, l'infertilité transitoire qu'elle a connue avant cette grossesse ne peut être imputée avec une certitude suffisante à l'exposition au DES, en raison d'une autre cause possible ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs ne permettant pas d'exclure que l'exposition au DES aurait contribué à cette infertilité et alors que le rapport d'expertise retenait, au titre des conséquences certaines de cette exposition, une infertilité de l'intéressée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes liées à la renonciation de Mme X... à d'autres grossesses, l'arrêt retient qu'il n'existe pas de stérilité secondaire à la naissance de l'enfant et que les experts se sont bornés à pointer des difficultés d'ordre psychologique au regard des difficultés liées à la première grossesse ;

Qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que les difficultés liées à la première grossesse ayant conduit Mme X... à renoncer à d'autres grossesses avaient été provoquées par son exposition au DES, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le quatrième moyen, qui est recevable :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour écarter toute indemnisation du préjudice d'anxiété invoqué par Mme X..., l'arrêt relève que ce poste serait lié à la nécessité d'un suivi spécifique lié au risque accru de cancer, qu'il n'est pas justifié d'un tel suivi, et que ce poste de préjudice a, en outre, été déjà indemnisé au titre des souffrances endurées ;

Qu'en statuant ainsi par des motifs contradictoires, ne permettant pas de déterminer si elle a considéré ce préjudice comme établi et si elle l'a indemnisé à l'issue de la consolidation, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

Et sur le cinquième moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Attendu que le préjudice d'affection répare la douleur subie par les proches de la victime directe à la vue de la souffrance éprouvée par cette dernière ;

Attendu que, pour rejeter les demandes d'indemnisation de M. X... et de M. et Mme Y..., au titre de leurs préjudices d'affection, l'arrêt se borne à relever qu'ils ne sont pas caractérisés ;

Qu'en se déterminant ainsi, tout en constatant les conséquences préjudiciables causées par l'exposition de Mme X... au DES et en réparant les souffrances endurées par celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives aux préjudices extra-patrimoniaux de Mme X..., de M. X... et de M. et Mme Y..., l'arrêt rendu le 6 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société UCB Pharma aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer aux consorts X... et Y...la somme globale de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour les consorts X... et Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir écarté les demandes de M. X... et des époux Y...et d'avoir écarté les demandes de Mme X... au titre des préjudices d'établissement et sexuel et d'avoir limité l'indemnisation au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ;

AUX MOTIFS QUE l'infertilité transitoire que Mme X... a connue ne peut être imputée avec une certitude suffisante à l'exposition au DES en raison d'une autre cause possible (arrêt attaqué, p. 7) ; que, au titre du déficit fonctionnel permanent, il n'existe pas de stérilité secondaire à la naissance de l'enfant, les experts se bornant à indiquer des difficultés d'ordre psychologique au regard des difficultés liées à la première grossesse ; qu'aucun élément n'établit le préjudice d'établissement et la réalité du préjudice sexuel n'est pas démontrée ; qu'en ce qui concerne Eliad X..., sa demande au titre d'un préjudice de procréation reste purement formelle et la réalité de ce préjudice n'est pas établie au regard de l'absence de stérilité démontrée de son épouse ; que les préjudices d'affection et d'accompagnement revendiqués ne sont pas caractérisées (arrêt attaqué, p. 8) ;

1°) ALORS QUE l'existence d'une cause étrangère au défendeur n'est de nature à exclure sa responsabilité qu'à la condition que cet événement soit la cause exclusive du dommage ; qu'en se bornant à affirmer que la stérilité pouvait être attribuée à une autre cause possible, sans en préciser la consistance et son effet avéré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les consorts X...
Y...soutenaient que l'exposition de Mme X... au DES avait été la cause de ses difficultés à avoir un premier enfant, aucune grossesse n'étant intervenue avant sept ans ; qu'ils rappelaient que le rapport d'expertise concluait que « l'infertilité du couple est en lien direct et certain avec l'exposition in utero au DES comme l'ont montré de nombreuses études : la fréquence des stérilités est augmentée chez les filles exposées in utero au DES » ; qu'en se prononçant par de tels motifs, impropres à exclure un lien de causalité direct et certain entre l'exposition de Mme X... au DES et son infertilité transitoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir écarté les demandes d'indemnisation de M. X... et des époux Y...et d'avoir écarté les demandes de Mme X... au titre des préjudices sexuel et d'établissement et d'avoir limité son indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent ;

AUX MOTIFS QUE au titre du déficit fonctionnel permanent, il n'existe pas de stérilité secondaire à la naissance de l'enfant, les experts se bornant à indiquer des difficultés d'ordre psychologique au regard des difficultés liées à la première grossesse ; qu'aucun élément n'établit le préjudice d'établissement et la réalité du préjudice sexuel n'est pas démontrée ; qu'en ce qui concerne Eliad X..., sa demande au titre d'un préjudice de procréation reste purement formelle et la réalité de ce préjudice n'est pas établie au regard de l'absence de stérilité démontrée de son épouse ; que les préjudices d'affection et d'accompagnement revendiqués ne sont pas caractérisées (arrêt attaqué, p. 8) ;

ALORS QUE l'auteur d'un dommage doit en réparer l'ensemble des conséquences réparables ; que l'arrêt retient que la stérilité secondaire consécutive à la naissance du premier enfant des époux X... était causée par des difficultés d'ordre psychologiques de la mère liées à la première grossesse ; que l'arrêt attaqué constate par ailleurs que ces mêmes difficultés avaient été provoquées par l'exposition de Mme X... au DES dont elle avait déclaré le laboratoire responsable ; qu'il s'ensuit que cette exposition était la cause directe et certaine de ce renoncement à d'autre grossesse et qu'en refusant d'indemniser les préjudices en résultant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations en violation de l'article 1382 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'indemnisation du préjudice sexuel de Mme X... ;

AUX MOTIFS QUE ce poste n'est pas retenu pas les experts et sa réalité n'est pas démontrée (arrêt attaqué, p. 8) ;

1°) ALORS QUE le rapport d'expertise mentionne : « pas de souffrances sexuelles » ; qu'en affirmant que les experts ont écarté tout préjudice sexuel, qui comporte outre les difficultés liées à l'acte sexuel, l'atteinte aux fonctions de reproduction et l'atteinte morphologique, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis en violation de l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE le préjudice sexuel comprend notamment le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi ; qu'en affirmant que la réalité de ce préjudice n'est pas démontrée, cependant qu'elle avait relevé que les anomalies morphologiques (malformation de la cavité utérine et du col utérin) présentées par Valérie Y...sont bien en rapport avec l'exposition au DES, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'indemnisation du préjudice d'anxiété et d'avoir limité l'indemnisation des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ;

AUX MOTIFS QU'il n'est pas justifié d'un suivi spécifique lié au risque accru de cancer et ce poste de préjudice a en outre été déjà indemnisé (arrêt attaqué, p. 8) ;

ALORS QUE en se prononçant par de tels motifs contradictoires qui ne permettent pas de savoir si elle a reconnu la réalité du préjudice d'angoisse et si elle l'a indemnisé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'indemnisation du préjudice d'affection sollicité par M. X... et les époux Y...;

AUX MOTIFS QUE les préjudices d'affection et d'accompagnement revendiqués ne sont pas caractérisés (arrêt attaqué, p. 8) ;

ALORS QUE le préjudice d'affection répare la douleur subie par les proches de la victime directe à la vue de la souffrance subie par cette dernière ; qu'en écartant tout préjudice d'établissement de l'époux de Mme X... et de ses parents, bien qu'ayant constaté les conséquences préjudiciables causées par l'exposition de Mme X... au DES et réparé les souffrances endurées par elle avant et après consolidation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-16282
Date de la décision : 11/01/2017
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 06 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 jan. 2017, pourvoi n°15-16282


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:15.16282
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