LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 3 juin 2014), que, le 11 septembre 2006, le Collège Guynemer a engagé Mme X... en qualité "d'emploi vie scolaire" dans le cadre d'un emploi d'avenir du 11 septembre 2006 au 30 juin 2007 ; que le contrat a été renouvelé le 2 juillet 2007, pour la période du 1er juillet 2007 au 29 février 2008, le 29 février 2008, pour la période du 1er mars au 31 octobre 2008, le 22 octobre 2008, pour la période du 1er novembre 2008 au 30 juin 2009, et le 1er juillet 2009, pour la période du 1er juillet au 10 septembre 2009 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes liées à l'exécution du contrat de travail ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la salariée, ci-après annexé :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation des congés payés non indiqués dans les bulletins de paie et non pris ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et d'insuffisance de la motivation, le moyen ne tend qu'à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond, qui, après avoir examiné les éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis, ont estimé que la salariée avait été remplie de ses droits au titre de la rémunération des périodes de congés payés ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;
Sur les premier et second moyens du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour Mme X..., demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Mme X... à titre d'indemnisation des congés payés non indiqués dans les bulletins de paie et non pris ;
Aux motifs qu' « au seul motif que ses bulletins de salaire ne mentionnent pas les droits acquis et pris au titre des congés payés, Mme X... demande que lui soit alloué un montant de 3.455,53 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ; qu'il convient de rappeler que l'employeur est un établissement scolaire par hypothèse fermé durant une période excédant la durée légale des congés annuels et que Mme X... elle-même mentionne dans son décompte détaillé d'heures complémentaires qu'elle a travaillé 33 semaines pour le contrat du 11 septembre au 30 juin 2007, 24 semaines pour le contrat du 1er juillet au 29 février 2008, 26 semaines pour le contrat du 1er mars au 31 octobre 2008, 27 semaines pour le contrat du 1er novembre 2008 au 30 juin 2009 et 5 semaines pour le contrat du 1er juillet au 10 septembre 2009, les semaines apparaissant comme non travaillées sur ce décompte correspondant toujours à des périodes de vacances scolaires ; que c'est donc à tort que Mme X... qui a été rémunérée chaque mois sur la base de 112h42 (correspondant à 26 heures hebdomadaires) sollicite une indemnité compensatrice de congés payés et la demande à ce titre sera rejetée » ; (arrêt p. 6, 4e à 6e al.)
Alors, d'une part, que lorsque le maintien en activité de l'établissement exploité par l'employeur n'est pas assuré pendant un nombre de jours dépassant la durée fixée pour la durée des congés payés annuels, l'employeur est tenu de régler au salarié, pendant les périodes d'inactivité, son salaire mensuel et une indemnité de congés payés calculés en fonction du nombre de semaines d'activité, outre, s'il ne maintient pas le salaire mensuel, l'indemnité spécifique prévue à l'article L. 3141-29 du code du travail pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant la durée des congés payés annuels ; que dès lors en constatant que les bulletins de salaires de Mme X..., dont la rémunération avait été maintenue pendant les périodes d'inactivité du collège Guynemer, ne mentionnaient pas les droits à congés payés de la salarié ni les congés pris et en la déboutant néanmoins de sa demande à titre d'indemnité de congés, la cour d'appel a violé l'article L. 3141-3 du code du travail ;
Alors, d'autre part, qu'en se référant aux décomptes d'heures supplémentaires établies par la salariée pour dire que Mme X... avait été remplie de ses droits sans préciser le compte exact, pour chaque année, des congés acquis et des congés pris que l'employeur ne détaillait pas, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, enfin, en toute hypothèse, que l'employeur qui ne remet pas au salarié de bulletins de paie ou lui délivre des bulletins de paie irréguliers cause nécessairement à l'intéressé un préjudice justifiant l'attribution des dommages-intérêts ; que dès lors en constatant que le collège Guynemer avait délivré à Mme X... des bulletins de paie sur lesquels ne figuraient pas ses droits à congés et en rejetant néanmoins sa demande d'indemnité, la cour d'appel a violé l'article R. 3243-1 du code du travail.Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour le Collège Guynemer, demandeur au pourvoi incident
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié le contrat de travail ayant lié Mme X... au collège Guynemer du 11 septembre 2006 au 10 septembre 2009 en contrat à durée indéterminée; d'avoir condamné le collège Guynemer à payer à Mme X... la somme de 147,19 € à titre d'indemnité légale de licenciement; 981,33 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 98,13 € de congés payés afférents; 1.000 € d'indemnité de requalification; et 6.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; et d'avoir condamné le collège Guynemer à remettre une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt;
AUX MOTIFS QUE, Sur la nature du contrat passé entre les parties, aux termes du contrat initial et de ses avenants de renouvellement successifs, la relation de travail entre les parties qui a duré du 11 septembre 2006 au 10 septembre 2009 se présente comme un contrat d'avenir; qu'il est rappelé que le contrat d'avenir, abrogé à compter du 1er janvier 2010 était régi par les articles L 322-4-10 et suivants du code du travail, devenus L 5134-35 et suivants du code du travail; que ledit contrat, qui avait pour objet de favoriser l'insertion sociale de bénéficiaires de certaines prestations sociales en leur procurant des emplois « visant à satisfaire des besoins collectifs non satisfaits » (article L 5134-35) s'adressait au secteur non marchand et notamment aux personnes morales de droit public; qu'il devait s'inscrire dans le cadre d'une convention entre l'État et le titulaire du contrat d'avenir définissant le projet professionnel proposé et « fixant notamment les conditions d'accompagnement dans l'emploi du titulaire et les actions de formation ou de validation des acquis de l'expérience mises en oeuvre à son profit dans les conditions prévues au livre IV de la quatrième partie » (article L 5134-40); que l'article L 5134-47 du code du travail disposait enfin que le contrat d'avenir « prévoit des actions de formation et d'accompagnement au profit de son titulaire, qui peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci » et qu'il « ouvre droit à une attestation de compétence et est pris en compte au titre de l'expérience requise pour la validation des acquis de l'expérience »; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les engagements pris par l'employeur en matière de formation et d'accompagnement du bénéficiaire relèvent de l'objet même du contrat d'avenir et qu'ils en sont une condition d'existence; qu'or en l'espèce, il convient de constater que le contrat initial du 11 septembre 2006 et les trois avenants de renouvellement qui ont suivi se bornent à indiquer que le salarié en signant un contrat d'avenir « s'engage à suivre les actions d'accompagnement et de formation y compris en dehors du temps de travail, dans la limite de la durée légale du travail » sans donner aucune information sur ces actions de formation ou d'accompagnement; qu'alors que la circulaire DGEFP n° 2005/24 du 30 juin 2005 citée par l'intimé indique que « dans de nombreux cas, le contenu des formations ou des actions ne pourra être précisé que dans les premières semaines de travail », ce n'est qu'après deux ans et neuf mois de relation contractuelle continue que l'avenant du 1er juillet 2009 précise que la durée du travail global sera de 224 heures, réparties sur 5 semaines de 35 heures dont 28 heures seront exercées dans l'école, et que « le complément pourra être consacré aux entretiens et prestations proposées par l'agence Pôle emploi »; mais que cette mention qui ne donne aucune précision quant au contenu des actions de formation et qui se borne en réalité à laisser à Mme X... un crédit d'heures pour une formation qui n'est pas définie et qui est en quelque sorte facultative, ne répond pas aux exigences de l'article L 5134-47 du code du travail; que l'absence de formation prévue par le contrat est confirmée par les conventions de contrat d'avenir souscrites pour chaque contrat (contrat initial et avenants) dans lesquels, ainsi que le fait observer Mme X..., la case « non » est systématiquement cochée aux rubriques – formation programmée, - accompagnement vers l'emploi confié à un tuteur désigné par l'employeur, - accompagnement vers l'emploi confié à un organisme extérieur, - accompagnement social confié à un organisme extérieur, - validation de l'expérience; qu'aucun document contractuel, même annexe, ne formalise dès lors les engagements pris par l'employeur en matière de formation d'accompagnement par l'employeur et force est de constater que celui-ci n'est pas en mesure d'indiquer de quelle formation externe auprès de Pôle emploi Mme X... aurait bénéficié pendant son crédit d'heures, ce dont il ne s'est visiblement pas préoccupé; qu'il apparaît dans ces conditions que l'employeur a manqué à son obligation en matière d'action de formation et d'accompagnement et que le contrat d'avenir, privé de l'une de ses conditions d'existence, doit être requalifié en contrat à durée indéterminée; AUX MOTIFS QUE, Sur la demande en dommages-intérêts pour défaut de formation, le fait que l'employeur n'ait pas satisfait à son obligation en matière de formation et d'accompagnement, alors qu'il s'agissait de l'objet essentiel du contrat a nécessairement causé à Mme X... un préjudice spécifique distinct de celui occasionné par la rupture du contrat de travail; que ce préjudice doit toutefois être relativisé, Mme X... ayant en tout état de cause acquis durant les trois ans de son contrat une expérience professionnelle dont témoigne une attestation de compétence conforme dans sa présentation aux exigences de l'article L 5134-47 telles que précisées par la circulaire du 30 juin 2005 (annexe); que Mme X... ne donne par ailleurs aucun élément sur sa situation professionnelle après la rupture du contrat ; qu'il convient au surplus de relever que durant la période du 1er juillet au 10 septembre 2009, Mme X... a été rémunérée pour un contingent d'heures sans contrepartie de travail à titre de complément qui « pourra être consacré aux entretiens de prestations proposés par l'agence du Pôle emploi »; qu'étant donné ces éléments, il y a lieu d'allouer à Mme X... la somme de 100 € en réparation du préjudice tenant au défaut de formation, le jugement étant également infirmé sur ce point; ET AUX MOTIFS QUE, Sur l'indemnité de requalification et la rupture du contrat de travail, en application de l'article L 1245-2 du code du travail, Mme X... est en droit de solliciter l'allocation d'une indemnité de requalification, et ce sans préjudice de l'application des règles relatives à la rupture du contrat à durée indéterminée; que ladite indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire et la demande prenant pour base le montant de 981,33 € figurant sur les derniers bulletins de salaire de Mme X..., il y a lieu de condamner le collège Guynemer à payer à ce titre la somme de 1.000 €; que par ailleurs, force est de constater que la relation de travail qui constituait un contrat à durée indéterminée a été rompue sans qu'ait été respectée la procédure de licenciement, sans qu'ait été énoncé une cause réelle et sérieuse et sans respect du préavis; que Mme X... est donc fondée à solliciter la condamnation du collège Guynemer à lui payer, dans les limites de la demande : – au titre de l'indemnité de préavis la somme de 981,33 €, outre celle de 98,13 € au titre des congés payés associés; – au titre de l'indemnité légale de licenciement, la somme de 147,19 €; que Mme X... était âgée de 29 ans et avait trois ans d'ancienneté au moment du licenciement; que dans ces conditions, il y a lieu de condamner le collège Guynemer à lui payer la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article L 1235-3 du code [du travail]; que le collège Guynemer devra remettre enfin à Mme X... une attestation Pôle emploi rectifiée;
1°) ALORS QUE, par un mémoire distinct, il est demandé à la Cour de cassation qu'elle transmette au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité suivante : « En ce que, combiné aux dispositions de l'article L 1245-1 du code du travail, il autorise la requalification par le juge judiciaire d'un contrat d'avenir en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de l'employeur personne publique à des indemnités de licenciement, l'article L 5134-47 du même code, applicable aux litiges en cours, est-il contraire au principe d'accès des citoyens aux postes de la fonction publique en considération de leur capacité, de leurs vertus et de leurs talents, garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789 ? », conduisant à la perte du fondement juridique de l'arrêt attaqué;
2°) ALORS AU DEMEURANT QUE le contrat d'avenir prévoit des actions de formation et d'accompagnement au profit de son titulaire qui peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci et qu'il ouvre droit à une attestation de compétences pour la validation des acquis de l'expérience; qu'ayant constaté que la salariée avait disposé du temps nécessaire pour suivre les formations externes décidées et menées par Pôle emploi, et qu'il lui avait été remis une attestation de compétences, en requalifiant les contrats d'avenir en un contrat de travail à durée indéterminée pour défaut de respect par l'employeur de son obligation de formation, la cour d'appel a violé l'article L 5134-47 du code du travail alors applicable, et l'article L 1245-1 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le collège Guynemer à payer à Mme X... la somme de 3.046,26 € à titre de rappel de salaire et la somme de 304,62 € de congés payés afférents;
AUX MOTIFS QUE, conformément aux dispositions des articles L 5134-45 et R 5134-60 du code du travail qui permettaient pour le contrat d'avenir une modulation du temps de travail dans la limite du tiers de sa durée pour tout ou partie de l'année sans dépasser la duré légale hebdomadaire, le contrat souscrit par Mme X... et ses avenants successifs prévoyaient des horaires hebdomadaires supérieurs pour les semaines travaillées par Mme X...; mais qu'ainsi qu'il a été observé à l'audience par la cour qui a attiré l'attention des parties sur les conséquences ultimes de la requalification sollicitée par Mme X..., la requalification en contrat à durée indéterminée interdit au collège Guynemer de se prévaloir des dispositions dérogatoires attachées au contrat d'avenir, notamment en matière de durée de travail; qu'il s'ensuit que ce sont les dispositions de droit commun qui sont applicables, lesquelles ne permettent pas, en dehors d'une convention ou d'un accord collectif étendu ou d'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement, la faculté pour les parties de convenir d'une modulation du temps de travail sur tout ou partie de l'année; que c'est donc à juste titre que Mme X... sollicite le paiement d'heures complémentaires impayées correspondant aux heures effectuées au-delà de 26 heures, durée fixée par le contrat; qu'en revanche, c'est sans aucune explication et sans fondement qu'elle distingue dans son décompte entre les heures complémentaires et des heures supplémentaires, majorées de 25 %, de sorte que les heures complémentaires seront rémunérées au taux normal; qu'au vu des contrats, du bulletin de salaire et du décompte détaillé produit par Mme X... retraçant sans être contredite sur ce point les semaines où elle a travaillé, Mme X... est fondée à solliciter la condamnation du collège Guynemer à lui payer, pour rappel de salaire au titre d'heures complémentaires, la somme de 3.046,26 €, outre celle de 304,46 € au titre des congés payés afférents;
ALORS QUE la cassation du chef du dispositif de l'arrêt requalifiant le contrat d'avenir, prévoyant une modulation du temps de travail, en contrat de travail à durée indéterminée, entraînera l'annulation de la condamnation à un rappel d'heures complémentaires en application de l'article 624 du code de procédure civile.