LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... épouse Y... a été engagée le 23 février 2000 en qualité de distributrice à temps partiel par la société Le Messager, absorbée par la société Adrexo au mois de septembre 2000 ; qu'investie d'un mandat de déléguée syndicale depuis le mois d'octobre 2003 et de déléguée du personnel depuis le mois d'août 2005, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la requalification de son contrat en contrat de travail à temps complet et au paiement de rappels de salaire et d'une indemnité pour travail dissimulé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur les premier et troisième moyens :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que le contrat de travail ne mentionne pas la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail, que cette omission emporte présomption d'un contrat de travail à temps plein au profit de la salariée, qu'il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve contraire, que le contrat de travail précise que la salariée s'est déclarée disponible les lundis et mardis, que les bulletins de paie font apparaître que jusqu'au mois de février 2004 la salariée a toujours été rémunérée sur la base d'un temps partiel, très majoritairement autour de 50 heures par mois, sans qu'il apparaisse que la réception de ces fiches de paie ait fait l'objet d'une quelconque contestation, que parallèlement la salariée travaillait au service de La Poste, que même s'il apparaît que les jours de travail ont pu varier, il n'en demeure pas moins que le travail exécuté au service de la société Adrexo ne l'a pas empêchée de remplir ses tâches au service de La Poste, que l'employeur démontre par des attestations et un constat d'huissier que le temps passé aux tournées quotidiennes et à la préparation des documents à distribuer ne pouvait matériellement pas avoisiner l'équivalent d'un temps plein sur deux jours, que les salariés étaient libres de refuser des vacations en dehors du cadre défini pas leur contrat de travail, qu'il s'en déduit que l'employeur rapporte la preuve que jusqu'au mois de février 2004 la salariée n'a pas travaillé dans le cadre d'un temps plein et qu'elle n'était pas à sa disposition ;
Attendu cependant, que l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet, et que l'employeur qui conteste cette présomption peut rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'employeur justifiait de la durée exacte du travail convenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu que, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen du chef de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt attaqué rejetant la demande d'indemnité pour travail dissimulé critiqué par le troisième moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la période du mois de février 2004 au mois de juillet 2005 la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, condamne l'employeur au paiement d'une somme de 8 770,43 euros à titre de rappel de salaire sur cette période et déboute la salariée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 24 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Adrexo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adrexo et condamne celle-ci à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt très largement infirmatif attaqué d'avoir requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme Lucie Y... en contrat à temps complet seulement pour la période de février 2004 à juillet 2005 et d'avoir en conséquence limité le rappel de salaires dû à Mme Y... pour la période antérieure à août 2005 à la somme de 8 770,43 euros ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de rappel de salaire sur la période d'août 2000 à juillet 2005, Mme Lucie Y... a été recrutée suivant contrat de travail du 23 février 2000 en qualité de distributeur ; qu'il est soutenu par l'employeur que l'emploi de la salariée se situait dans le cadre d'un temps partiel ; que cependant il n'est pas contesté que ce contrat ne porte pas mention des dispositions de l'article L. 3123-14 du Code du travail aux termes duquel le contrat à temps partiel doit prévoir la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et des semaines du mois ; que cette omission emporte présomption d'un contrat de travail à temps plein au profit de la salariée ; qu'il appartient donc à la société Adrexo d'en rapporter la preuve contraire ; qu'en l'espèce, le contrat de travail de Mme Lucie Y... précise expressément qu'elle se déclarait être disponible pour effectuer des distributions les lundis et mardis, l'employeur s'engageant à lui fournir une quantité minimale de boîte aux lettres à servir de 405, le salaire ne pouvant être inférieur au montant du SMIC horaire ; que l'examen des bulletins de salaire de la salariée fait apparaître que jusque février 2004, Mme Lucie Y... a toujours été rémunérée sur la base d'un temps partiel, très majoritairement aux alentours de 50 heures par mois, sans qu'il apparaisse que la réception de ces fiches de paie ait fait l'objet d'une quelconque contestation de sa part ; que l'employeur fait valoir en outre, sans être contesté, que parallèlement aux missions qu'elle effectuait pour son compte, Mme Lucie Y... a été engagée par la Poste ; qu'il n'est pas plus contesté qu'elle travaillait à ce titre à raison de : - 1065 heures en 2001 soit 88,45 heures mensuelles en moyenne, soit 50 % d'un temps plein, -1065 heures en 2002 ; 1456 heures en 2003, et 2004 soit 121,20 heures mensuelles en moyenne, ou 80 % d'un temps plein, - 1465 heures en 2005 ; que la société Adrexo justifie que même si la salariée était tenue d'être présente le matin pendant une plage horaire maximum de 2 heures pour réceptionner les imprimés et que la distribution devait s'achever le mercredi à 12 heures, il n'en demeure pas moins qu'elle avait toute latitude pour s'organiser afin de procéder à l'encartage des documents et à leur distribution dans le cadre défini par l'employeur ; que le contrat de travail de Mme Lucie Y... précise expressément qu'elle n'était disponible pour effectuer des distributions que le lundi et le mardi ; que même s'il apparaît que les jours de travail ont pu varier, il n'en demeure pas moins que, comme le fait observer la société Adrexo, son travail n'a jamais interféré sur les missions qu'elle a pu assurer auprès de la Poste ; que l'employeur démontre par des attestations et un constat d'huissier que le temps passé aux tournées quotidiennes et à la préparation des documents confiés à ses salariés ne pouvait matériellement avoisiner l'équivalent d'un temps plein sur deux jours ; que ceux-ci étaient libres de refuser des vacations en dehors du cadre défini dans leur contrat de travail ; qu'il s'en déduit que l'appelante rapporte la preuve que jusque février 2004 Mme Lucie Y... n'a pas travaillé dans le cadre d'un temps plein et qu'elle n'était pas à sa disposition ; qu'en revanche, la cour constate, à l'examen de son bulletin de salaire de février 2004 qu'elle a travaillé à hauteur d'un temps plein (151,67 heures), en contravention avec les dispositions de l'article 3123-17 du Code du travail aux termes duquel les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accompli au niveau de la durée légale du travail ; qu'à compter de cette date, Mme Lucie Y... est fondée à réclamer le paiement d'un rappel de salaire sur la base d'un temps plein ; qu'il lui est donc dû 8 770,43 euros ; qu'à titre subsidiaire, en cas de refus de requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, Mme Lucie Y... forme une demande de rappel de salaire formée sur la base du SMIC ; qu'elle fait valoir, suivant ses propres termes, qu'il y a lieu de « rapporter sa rémunération au temps de travail réellement accompli » ; que cependant Mme Lucie Y... ne produit aux débats aucun décompte, des horaires effectués, même évaluatif ; qu'il n'est donc pas possible de vérifier si, au regard des sommes portées sur ses bulletins de paie, assises sur une base horaire et sur le SMIC, l'employeur l'a rémunérée en dessous du salaire minimum ; que la demande subsidiaire sur la période antérieure à février 2004 doit donc être rejetée ;
ALORS QUE le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; qu'il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en l'espèce, pour écarter la demande de requalification du contrat de travail de Mme Y... en contrat de travail à temps complet à compter du 23 février 2000 et limiter les rappels de salaires qui lui sont dus, la cour retient que nonobstant l'absence de mention de la durée du travail dans le contrat, celui-ci précise que la salariée se déclare disponible pour effectuer des distributions les lundis et mardis, que l'examen de ses bulletins de salaire fait apparaître que jusque février 2004, elle a toujours été rémunérée sur la base d'un temps partiel, « très majoritairement aux alentours de 50 heures par mois », sans qu'il apparaisse que la réception de ces fiches de paie ait fait l'objet d'une quelconque contestation de sa part, que parallèlement, la salariée a été engagée par la Poste pour laquelle elle a travaillé de 2001 à 2005 un nombre d'heures équivalent à 50 % voire 80 % d'un temps plein, que la salariée avait toute latitude pour s'organiser afin de procéder à l'encartage des documents et à leur distribution dans le cadre défini par l'employeur, que son travail pour la société Adrexo n'a jamais interféré sur les missions qu'elle a pu assurer auprès de la Poste et que le temps passé aux tournées quotidiennes et à la préparation des documents confiés à ses salariés ne pouvait matériellement avoisiner l'équivalent d'un temps plein sur deux jours et que ceux-ci étaient libres de refuser des vacations en dehors du cadre défini dans leur contrat de travail de sorte que la société Adrexo rapporte la preuve que jusque février 2004, la salariée n'a pas travaillé dans le cadre d'un temps plein; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants et sans constater qu'en fait l'employeur démontrait la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue, la cour prive son arrêt de base légale et partant viole l'article L. 212-14-3, alinéa 3 du Code du travail, devenu L. 3123-14 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant du rappel de salaires dû à Mme Lucie Y... pour la période de juillet 2005 à juillet 2010 à la somme de 2 891,58 € outre les congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande de rappel de salaire formée à hauteur de 13 809,24 €, la cour constate que pour cette période, la salariée ne forme pas de demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein ; qu'elle n'articule sa demande que sur le fondement d'un salaire annuel garanti par l'employeur ; que Mme Lucie Y... réclame le paiement d'un rappel de salaire en faisant valoir en substance que ses heures de délégation ont été entièrement imputées sur le temps de travail alors même qu'elle prend ses heures de délégation en dehors de ses heures de travail ; qu'elle se prévaut à ce titre d'attestations aux termes desquelles elle intervenait dans le cadre de ses mandats en dehors de son temps de travail ; que cependant les témoignages produits sont formés en des termes généraux ; que même s'ils établissent la réalité de l'activité syndicale de Mme Lucie Y... en dehors de ses heures de travail, ils ne permettent pas pour autant d'en apprécier le quantum exact, tout particulièrement au regard des heures de délégations effectuées dans le cadre de son temps de travail ; que ces demandes n'ont fait l'objet d'aucune réclamation chiffrée à l'employeur, en dehors de l'instance prud'homale ; que pour sa part, l'employeur établit un décompte des sommes dues en considération des heures de délégation dues suivant le maximum imputable sur le temps de travail conformément à l'article L. 3223-29 du Code du travail ; qu'il s'ensuit que la demande sera accueillie à hauteur de 2 341,70 €, outre les congés payés y afférents ; qu'à cette somme sera ajoutée celle reconnue dans le cadre du donner acte de l'employeur ;
ALORS QUE les parties s'opposaient sur les modalités de calcul des rappels de salaires dus à la salariée conformément à l'interdiction posée par l'article L. 3123-29 du Code du travail de réduire le temps de travail d'un salarié à temps partiel de plus d'un tiers par l'utilisation du crédit d'heures ; qu'en limitant la condamnation de la société Adrexo à la somme proposée par cette dernière, sans préciser ni s'expliquer sur les modalités de calcul qu'elle retenait, la Cour méconnaît les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile, violé.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame Lucie Y... de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas établi que l'employeur a eu l'intention de se soustraire aux dispositions de l'article L. 3232-1 du Code du travail ; que la demande sera donc rejetée ;
ALORS QUE, D'UNE PART, constitue un travail dissimulé par dissimulation d'emploi le salarié le fait pour tout employeur de mentionner, de manière intentionnelle, sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, la cour retient que l'employeur n'a pas eu l'intention de se soustraire aux dispositions légales relatives à la rémunération mensuelle minimale ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher si la société Adrexo n'avait pas volontairement tenté de dissimuler une partie des heures dues à la salariée, la cour prive sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du Code du travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, que la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée au visa du premier ou/et du deuxième moyen entrainera, par voie de conséquence, la censure du chef de l'arrêt ayant débouté Madame Y... de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et ce, en application de l'article 624 du Code de procédure civile.