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07/12/2016 | FRANCE | N°14-28391

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 décembre 2016, 14-28391


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 octobre 2014), statuant en référé, que M. X..., engagé le 12 juin 1980 en qualité d'outilleur par la société Compagnie industrielle de l'Aisne, devenue la société Eberspacher systèmes d'échappement, a occupé des fonctions syndicales à compter de 1983 ; qu'estimant avoir été victime d'une discrimination syndicale, il a saisi en référé la juridiction prud'homale pour obtenir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile la communication de piè

ces concernant tant le service maintenance que le service méthodes détenues ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 7 octobre 2014), statuant en référé, que M. X..., engagé le 12 juin 1980 en qualité d'outilleur par la société Compagnie industrielle de l'Aisne, devenue la société Eberspacher systèmes d'échappement, a occupé des fonctions syndicales à compter de 1983 ; qu'estimant avoir été victime d'une discrimination syndicale, il a saisi en référé la juridiction prud'homale pour obtenir sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile la communication de pièces concernant tant le service maintenance que le service méthodes détenues par l'employeur en vue d'établir la réalité et l'étendue de la discrimination alléguée ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de communication de pièces concernant les salariés du service méthodes, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge doit ordonner la communication de documents détenus par l'employeur lorsque le salarié demandeur justifie d'un intérêt légitime à obtenir les éléments nécessaires à la protection de ses droits, de nature à établir la discrimination syndicale dont il s'estime victime ; que la disparité de traitement s'apprécie au regard de salariés placés dans une situation comparable, ce qui n'implique pas l'identité de tâches accomplies par les salariés mis en comparaison ; qu'en refusant d'ordonner la communication de documents relatifs aux salariés du service « méthodes », faute d'identité de fonctions avec le salarié, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1132-1 du code du travail ;
2°/ que, subsidiairement, en se bornant à affirmer « qu'il n'était pas justifié, à défaut notamment d'identité de situation, de la nécessité d'opérer une comparaison avec les salariés ayant intégré le service « méthodes » », sans expliquer en quoi les salariés du service « méthodes » ne se trouvaient pas dans une situation comparable à celle de l'intéressé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que, subsidiairement, le salarié faisait valoir qu'avant la création du services « méthodes », les activités d'outillage et la méthode étaient confondues et que les salariés embauchés et affectés à ce nouveau service effectuaient les mêmes tâches que lui ; qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions d'où il résultait que l'intéressé était dans une situation comparable à celle des ouvriers du service « méthodes », la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que , subsidiairement, le salarié soutenait qu'à la création du service « méthodes » il avait demandé à l'employeur de l'intégrer mais que cette promotion lui avait été expressément été refusée en raison de son engagement syndical ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant pour l'issue du litige, la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, motivant sa décision par motifs propres et adoptés, après avoir relevé que le salarié justifiait d'un motif légitime pour obtenir la communication d'un ensemble de documents en rapport avec le panel de salariés à prendre en considération compte tenu de l'identité de situation des intéressés notamment du point de vue fonctionnel, a estimé que le salarié, qui ne se trouvait pas dans une identité de situation avec les salariés ayant intégré le service méthodes, ne justifiait pas d'un motif légitime à obtenir la communication de pièces concernant les salariés de ce service ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner sous astreinte à communiquer au salarié l'ensemble des documents visés dans l'ordonnance confirmée, alors, selon le moyen :
1°/ que si le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge doit néanmoins assortir sa décision des garanties nécessaires pour préserver la vie privée des salariés concernés par la diffusion de leur rémunération et prévenir tout usage abusif des éléments dont la communication est ordonnée ; qu'en condamnant la société à communiquer au salarié des éléments relatifs à la rémunération d'autres salariés de l'entreprise, sans assortir cette condamnation d'une obligation de discrétion et d'une interdiction de diffuser ces éléments à des tiers, comme cela lui était expressément demandé à titre subsidiaire, la cour d'appel a violé les articles 145 du code de procédure civile, 9 du code civil et 8 §2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le juge ne peut ordonner l'exécution d'une obligation impossible à exécuter et ne peut a fortiori assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'il ne peut davantage exiger la preuve impossible d'un fait négatif ; qu'en relevant pour condamner la société à une telle communication sous astreinte que l'employeur « n'établit pas l'impossibilité dans laquelle il se serait trouver d'assurer cette communication intégrale », ce qui conduisait à faire peser sur la société la charge d'une preuve impossible d'un fait négatif, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées ;
Et attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la société détenait des documents nécessaires à la protection des droits du salarié, qu'elle refusait de communiquer, a retenu que l'intéressé justifiait d'un motif légitime à obtenir la communication desdits documents sous astreinte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal,
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de communication de la liste de l'ensemble des salariés ayant intégré le service « méthodes » et, pour chacun d'entre-eux, des diplômes à l'embauche, des contrats de travail et de l'ensemble des bulletins de paie de la date d'embauche à décembre 2012 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE les juges ont à bon droit considéré qu'en sa qualité de délégué syndical et en considération de son déroulement de carrière, notamment du point de vue fonctionnel et en termes de rémunération, monsieur X... justifiait d'un motif légitime pour obtenir la communication par son employeur des éléments détenus par celui-ci, nécessaires à la protection de ses droits, de nature à établir la réalité et l'étendue de la discrimination dont il s'estime victime à raison de son engagement syndical ; que dans ce cadre et sans être utilement critiqués, ils ont ordonné la communication d'un ensemble de documents en rapport avec le panel d'homologues à prendre en considération compte tenu de l'identité de situation des intéressés notamment du point de vue fonctionnel ; qu'ils ont en revanche considéré, là encore sans être critiqués de façon utile en cause d'appel, qu'il n'était pas justifié, à défaut notamment d'identité de situation, de la nécessité d'opérer une comparaison avec les salariés ayant intégré le service méthodes ; que l'ordonnance déférée doit par conséquent être confirmée s'agissant des documents détenus par l'employeur dont la communication a été ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code procédure civile ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur la communication de la liste de l'ensemble des salariés ayant intégré le service méthodes, et pour chacun des salariés, des diplômes à l'embauche, des contrats de travail, de l'ensemble des bulletins de paie de la date d'embauche à décembre 2012 : ils ne sont pas nécessaires pour apprécier l'étendue de l'éventuel préjudice et son chiffrage, il y a lieu de débouter monsieur Didier X... de cette demande et laisser cette appréciation au juge du fond ;
1°) ALORS QUE le juge doit ordonner la communication de documents détenus par l'employeur lorsque le salarié demandeur justifie d'un intérêt légitime à obtenir les éléments nécessaires à la protection de ses droits, de nature à établir la discrimination syndicale dont il s'estime victime ; que la disparité de traitement s'apprécie au regard de salariés placés dans une situation comparable, ce qui n'implique pas l'identité de tâches accomplies par les salariés mis en comparaison ; qu'en refusant d'ordonner la communication de documents relatifs aux salariés du service « méthodes », faute d'identité de fonctions avec monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1132-1 du code du travail ;
2°) ALORS, subsidiairement, QU' en se bornant à affirmer « qu'il n'était pas justifié, à défaut notamment d'identité de situation, de la nécessité d'opérer une comparaison avec les salariés ayant intégré le service « méthodes » », sans expliquer en quoi les salariés du service « méthodes » ne se trouvaient pas dans une situation comparable à celle de monsieur X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, subsidiairement, QUE monsieur X... faisait valoir (cf. conclusions d'appel pages 15 et 16) qu'avant la création du services « méthodes », les activités d'outillage et la méthode étaient confondues et que les salariés embauchés et affectés à ce nouveau service effectuaient les mêmes tâches que lui ; qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions d'où il résultait que monsieur X... était dans une situation comparable à celle des ouvriers du service « méthodes », la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ET ALORS, subsidiairement, QUE monsieur X... soutenait qu'à la création du service « méthodes » il avait demandé à l'employeur de l'intégrer mais que cette promotion lui avait été expressément été refusée en raison de son engagement syndical (cf. conclusions d'appel page 16) ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant pour l'issue du litige, la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Eberspacher systèmes d'échappement, demanderesse au pourvoi incident,
XII.- Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société EBERSPACHER SYSTEMES D'ECHAPPEMENT à communiquer à Monsieur X... l'ensemble des documents visés dans l'ordonnance confirmée, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et de l'AVOIR condamnée à lui payer la somme de 1.500 € à titre d'indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « l'ordonnance déférée doit par conséquent être confirmée s'agissant des documents détenus par l'employeur dont la communication a été ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que l'employeur ne justifie pas avoir effectivement communiqué au salarié l'intégralité des documents visés dans l'ordonnance et n'établit pas l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé d'assurer cette communication intégrale ; qu'il convient dans ces conditions d'ajouter à l'ordonnance entreprise et d'assortir les condamnations prononcées d'une astreinte dans les conditions qui seront précisées au dispositif de l'arrêt, la cour n'estimant pas nécessaire de se réserver la liquidation de cette astreinte ; qu'il y a lieu par ailleurs de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur du salarié et d'allouer à celui-ci, pour la procédure d'appel, une indemnité complémentaire à hauteur de la somme qui sera précisée au dispositif ci-après » ;
1°/ ALORS QUE si le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge doit néanmoins assortir sa décision des garanties nécessaires pour préserver la vie privée des salariés concernés par la diffusion de leur rémunération et prévenir tout usage abusif des éléments dont la communication est ordonnée ; qu'en condamnant la société EBERSPACHER SYSTEMES D'ECHAPPEMENT à communiquer à Monsieur X... des éléments relatifs à la rémunération d'autres salariés de l'entreprise, sans assortir cette condamnation d'une obligation de discrétion et d'une interdiction de diffuser ces éléments à des tiers, comme cela lui était expressément demandé à titre subsidiaire, la cour d'appel a violé les articles 145 du Code de procédure civile, 9 du Code civil et 8 §2 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;
2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut ordonner l'exécution d'une obligation impossible à exécuter et ne peut a fortiori assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'il ne peut davantage exiger la preuve impossible d'un fait négatif ; qu'en relevant pour condamner la société EBERSPACHER SYSTEMES D'ECHAPPEMENT à une telle communication sous astreinte que l'employeur « n'établit pas l'impossibilité dans laquelle il se serait trouver d'assurer cette communication intégrale », ce qui conduisait à faire peser sur la société la charge d'une preuve impossible d'un fait négatif, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-28391
Date de la décision : 07/12/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 07 octobre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 déc. 2016, pourvoi n°14-28391


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28391
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