LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 février 2015), que M. X... a été engagé le 4 avril 1984 en qualité d'ébardeur ébaucheur par la société Forges de Trie-Château ; que, placé en arrêt-maladie du 18 novembre 2010 au 28 août 2011, il a été examiné par le médecin du travail qui, au terme de deux examens médicaux des 29 août et 14 septembre 2011, l'a déclaré inapte à son poste ; qu'il a été licencié le 17 novembre 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, répondu aux conclusions en relevant d'une part, que l'employeur produisait le document unique d'évaluation des risques de l'entreprise réalisé le 9 décembre 2008, le plan d'action du 9 janvier 2009, le document unique et plan d'action du mois de mai 2011, la fiche d'entreprise établie par le médecin du travail le 10 mai 2011 et qu'il justifiait de l'organisation de formations des salariés sur les règles de sécurité entre 2008 et 2010, d'autre part, que l'intéressé avait été déclaré apte à son poste, sans aucune réserve, les années précédant son arrêt de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen, que le refus, par le salarié, d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'impliquant pas, à lui seul, le respect par celui-ci de cette obligation, il appartient audit employeur de procéder à de nouvelles recherches de reclassement, lesquelles doivent être entreprises avant la notification du licenciement ; qu'en l'espèce, il résulte de la décision du Ministre du travail en date du 2 août 2012, annulant celle de l'inspecteur du travail du 8 juin de la même année, qu'au titre de son reclassement, M. X... était apte à effectuer certains travaux de type administratif ; que, pour estimer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que, si le refus du salarié du reclassement proposé ne dispensait pas l'employeur de continuer ses recherches de reclassement, les pièces produites et notamment le livret d'entrée et de sortie du personnel permettent d'établir qu'il n'existait pas d'autres postes disponibles au sein de la société, adaptés aux capacités du salarié et notamment aucun poste administratif ; qu'en se déterminant ainsi par un examen a posteriori des possibilités de reclassement de l'entreprise, sans rechercher si, en l'état du refus par M. X... du poste d'ébaucheur sur le site de Dangu, l'employeur avait, avant la notification du licenciement, entrepris de nouvelles recherches de reclassement, notamment en ce qui concerne des postes administratifs tels que ceux envisagés par le ministre du Travail, y compris par la mise en oeuvre de mesures telles que la transformation de poste de travail ou l'aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le poste proposé par l'employeur et conforme à l'état de santé du salarié avait été refusé par celui-ci et constaté qu'il était établi, notamment par le livre d'entrée et de sortie du personnel, qu'il n'existait aucun autre poste disponible au sein de la société, adapté aux capacités restantes du salarié, notamment aucun poste administratif, la cour d'appel n'était pas tenue d'apporter des précisions que ses constatations relatives au sérieux de la recherche de reclassement rendaient dépourvues de portée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes indemnitaires au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;
Aux motifs propres que, lorsque l'inaptitude physique professionnelle du salarié a pour origine une faute inexcusable de l'employeur au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, cette inaptitude ne peut constituer un motif légitime de rupture et prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; que la même solution prévaut plus largement lorsque l'inaptitude physique trouve son origine dans un comportement fautif de l'employeur ; que Monsieur X... décrit des conditions de travail indécentes et indique que son employeur n'a pas respecté les prescriptions de l'article R 4121-1 du Code du travail lui imposant de transcrire et de mettre à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il doit procéder en application de l'article L 4121-3 ; qu'il résulte de l'article L 4121-1 du même code que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés ; qu'il veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ; que l'article L 4121-3 dispose qu'il évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, compte tenu de la nature des activités de l'établissement ; qu'en l'espèce, l'employeur produit le document unique d'évaluation des risques de l'entreprise pour la santé des salariés réalisé le 9 décembre 2008 et le plan d'action du 9 janvier 2009 ainsi que le document unique comportant une évaluation des risques professionnels et des conditions de travail et le plan d'action consécutif, établis respectivement pour les sites de Trie-Château et de Dangu les 5 mai et 25 août 2011 ; qu'il produit en outre la fiche d'entreprise établie par le médecin du travail le 10 mai 2011 ainsi que des attestations de Messieurs Y..., C... et D... contredisant les éléments apportés par le salarié quant aux conditions de travail et une copie du règlement intérieur comportant de nombreuses dispositions quant à l'hygiène et à la sécurité ; que l'employeur démontre également l'organisation de formations, notamment une formation " ISO 14001 " le 29 février 2008 et une formation " sensibilisation QSE " le 21 octobre 2010 destinées notamment à rappeler aux salariés les règles de sécurité, Monsieur X... ayant participé à celle de mars 2008 après rappel de son employeur en 2007 ; que si le caractère professionnel des maladies du salarié a été reconnu par la CPAM, aucun élément ne permet d'établir qu'elle est en lien avec un manquement aux obligations de l'employeur en tenue de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ; qu'il convient notamment de constater que Monsieur X... a été déclaré apte en octobre 2007 et en janvier 2009 à son poste de travail et ce, sans aucune réserve ; qu'il n'est pas démontré par les pièces du dossier que l'employeur aurait violé son obligation de sécurité-résultat et que ses manquements auraient entraîné une dégradation de l'état de santé du salarié ; Qu'il y a lieu de débouter Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral consécutif au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité-résultat (arrêt, pages 7 et 8) ;
Et aux motifs, adoptés des premiers juges, que la S. A FORGES de TRIE CHATEAU verse aux débats les documents relatifs à l'élaboration du document unique d'inventaire des risques, soit : l'audit décembre 2008, le plan d'action 2009, la mise à jour 05 mai 2011, la mise à jour 25 août 2011 ; que la S. A FORGES de TRI CHATEAU a organisé des formations, notamment en 2010 sur le thème « sensibilisation QSE » qui, en dehors des thèmes de la qualité et de l'environnement, font une large part à la sécurité ; qu'il ressort des différentes conclusions des médecins ayant suivi le dossier médical de Monsieur X... Olivier ; qu'il ressort des conclusions du Docteur Joël Z...que : « Il n'y a aucune explication médicale à l'absence de reprise du travail par Monsieur X... Olivier sur le poste d'ébardeur proposé en octobre 2011, qui tenait manifestement compte de ses pathologies du coude droit et du rachis lombaire, au demeurant peu invalidantes. Les manifestations arthrosiques du rachis cervical ayant justifié une intervention chirurgicale le 30 juillet 2012, ne sont, en aucun cas, d'origine professionnelle » ; qu'en droit, l'article R. 4121-1 du Code du Travail prévoit que : « L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques » ; qu'en l'espèce, Monsieur X... Olivier ne démontre en aucun cas l'absence de manquement à son obligation de sécurité de résultat par la S. A FORGES de TRIE CHATEAU ; qu'en conséquence, le Conseil de Prud'hommes ne peut que conclure à l'absence de manquement à son obligation de sécurité de résultat par Monsieur X... Olivier ; qu'en conséquence, le Conseil de Prud'hommes déboutera Monsieur X... Olivier sur sa demande de manquement de la S. A FORGES de TRIE CHATEAU à son obligation de sécurité-résultat (jugement, pages 16 et 17) ;
Alors qu'en se bornant, par motifs propres et adoptés des premiers juges, à relever que l'employeur produisait des documents démontrant qu'à compter de l'année 2008, des mesures propres à la protection de la sécurité et à la santé des salariés avaient été prises dans l'entreprise, pour en déduire qu'il n'était pas démontré que l'employeur ait violé son obligation de sécurité-résultat, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel du salarié, développées oralement à l'audience, faisant valoir qu'il était précisément reproché à l'employeur d'avoir gravement tardé à mettre en oeuvre des mesures protectrices de la santé et de la sécurité des travailleurs, en ne les instaurant qu'à compter de l'année 2008, quand M. X... était en poste dans la même entreprise depuis le 4 avril 1984, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Aux motifs propres que, sur le reclassement, il résulte de l'article L 1226-10 du Code du travail que lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi adapté à ses capacités ; Que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ; que l'emploi proposé et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ; qu'ainsi définie, l'obligation de reclassement des salariés physiquement inaptes mise à la charge de l'employeur s'analyse en une obligation de moyen renforcée, dont le périmètre s'étend à l'ensemble des sociétés du même secteur d'activité avec lesquelles l'entreprise entretient des liens ou compose un groupe, dont la localisation et l'organisation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer par des éléments objectifs qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié par le biais de l'une des mesures prévues par la loi s'est avéré impossible, soit en raison du refus d'acceptation par le salarié d'un poste de reclassement adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il se serait trouvé confronté ; que Monsieur X... fait grief à son employeur de ne pas avoir recherché un poste de reclassement tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail ; qu'il ajoute que les seules conclusions qui puissent être retenues en l'espèce sont celles énoncées sur recours par le Directeur général du travail le 2 août 2012, énonçant qu'il est seulement apte à certains travaux de type administratif ; que subsidiairement, il indique que l'employeur ne justifie pas des efforts entrepris pour satisfaire à son obligation de reclassement ; qu'en application des articles L 4624-1 et R 4624-34 à R 4624-36 du code du travail, Monsieur X... a formé un recours contre la décision du médecin du travail auprès de l'inspecteur du travail ; que ce recours, qui n'est enfermé dans aucun délai, n'est pas suspensif et n'a pour effet ni de différer le terme de la période de suspension du contrat de travail, ni de suspendre le délai d'un mois imparti à l'employeur par les articles L 1226-4 et L 1226-11 du même code pour reclasser le salarié ou procéder à son licenciement, sauf, à défaut, reprendre le versement des salaires ; que par décision du 8 juin 2012, l'inspecteur du travail a d'une part confirmé les avis d'inaptitude prononcés les 29 août et 14 septembre 2011 au poste d'ébaucheur estampeur sur la presse 1000 T et a d'autre part, déclaré le salarié temporairement inapte au poste de reclassement aménagé sur le site de DANGU au regard des examens médicaux effectués par le médecin inspecteur du travail en 2012 et en attente des résultats des investigations complémentaires ; Que sur recours de l'employeur, le Directeur général du travail a, par décision du 2 août 2012, annulé la décision du 8 juin 2012, considérant que l'inspecteur du travail n'était pas fondé à se prononcer sur l'inaptitude du salarié à son poste de reclassement sur le site de Dangu, et déclaré Monsieur X... inapte à son poste d'ébaucheur estampeur sur la presse 1000 T, ajoutant qu'il serait apte à effectuer certains travaux de type administratif ; qu'il résulte de ces éléments que les avis du médecin du travail relatifs à l'inaptitude du salarié à son poste de travail sont désormais définitifs ; que l'avis de l'autorité administrative sur le poste de reclassement proposé au salarié ne lie pas le juge ; Qu'il résulte des pièces concordantes produites aux débats et notamment de l'étude de poste réalisée sur le site de DANGU et des attestations de Monsieur A...Fabrice et de Monsieur B...Benjamin que le poste de reclassement proposé par l'employeur était conforme aux préconisations du médecin du travail et que c'est de façon injustifiée que Monsieur X... l'a refusé ; qu'au surplus, si le refus par le salarié du reclassement proposé ne dispense pas l'employeur de continuer ses recherches de reclassement et de proposer au salarié un autre poste, les pièces produites, et notamment le livret d'entrée et de sortie du personnel permettent d'établir qu'il n'existait pas d'autres postes disponibles au sein de la société adaptés aux capacités restantes du salarié, et notamment aucun poste administratif ; Qu'il apparaît en conséquence en l'espèce que l'employeur a bien satisfait à son obligation de reclassement (arrêt, pages 4, 5 et 6) ;
Et aux motifs, adoptés des premiers juges, que la S. A FORGES de TRIE CHATEAU a proposé un reclassement sur un emploi compatible avec les aptitudes physiques de Monsieur X... Olivier et en accord avec les délégués du personnel ; que ceci a été confirmé par l'avis du médecin du travail en date du 20 octobre 2011, l'étude de poste effectuée le 19 octobre 2011 sur le poste ébardeur sur la presse LOIRSAFE (après aménagement) ayant conclu : « Ce poste est en rapport avec les capacités restantes de Monsieur X... Olivier et devrait convenir à son reclassement » ; qu'après consultation des délégués du personnel, il a été relevé que la SA FORGES de TRIE CHATEAU n'avait aucun poste administratif à pourvoir ; que ceci est confirmé par le livre des entrées et sorties du personnel versé aux débats sur la période du 30 août 2010 à ce jour ; qu'en conséquence, le Conseil de Prud'hommes déboutera Monsieur X... Olivier sur sa demande sur la nullité du licenciement pour inaptitude (jugement, page 17) ;
Alors que le refus, par le salarié, d'un poste proposé par l'employeur dans le cadre de son obligation de reclassement n'impliquant pas, à lui seul, le respect par celui-ci de cette obligation, il appartient audit employeur de procéder à de nouvelles recherches de reclassement, lesquelles doivent être entreprises avant la notification du licenciement ; Qu'en l'espèce, il résulte de la décision du Ministre du travail en date du 2 août 2012, annulant celle de l'inspecteur du travail du 8 juin de la même année, qu'au titre de son reclassement, M. X... était apte à effectuer certains travaux de type administratif ; Que pour estimer que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que, si le refus du salarié du reclassement proposé ne dispensait pas l'employeur de continuer ses recherches de reclassement, les pièces produites et notamment le livret d'entrée et de sortie du personnel permettent d'établir qu'il n'existait pas d'autres postes disponibles au sein de la société, adaptés aux capacités du salarié et notamment aucun poste administratif ; Qu'en se déterminant ainsi par un examen a posteriori des possibilités de reclassement de l'entreprise, sans rechercher si, en l'état du refus par M. X... du poste d'ébaucheur sur le site de Dangu, l'employeur avait, avant la notification du licenciement, entrepris de nouvelles recherches de reclassement, notamment en ce qui concerne des postes administratifs tels que ceux envisagés par le Ministre du Travail, y compris par la mise en oeuvre de mesures telles que la transformation de poste de travail ou l'aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 1226-2 et L 1226-10 du code du travail.