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30/11/2016 | FRANCE | N°15-20210

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 novembre 2016, 15-20210


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2015), que la chambre départementale des huissiers de justice de Paris, chargée, en tant que chambre régionale, d'organiser l'élection d'un de ses délégués à la Chambre nationale des huissiers de justice (la chambre nationale), a, par une délibération du 6 novembre 2013, autorisé l'usage de procurations de vote pour ce scrutin, dont la date était fixée au 13 novembre ; que le délégué sortant, M. X..., ayant été réélu par quatre-vingt-quinze vo

ix contre cinquante-trois à Mme Y..., celle-ci a exercé le recours prévu par ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 avril 2015), que la chambre départementale des huissiers de justice de Paris, chargée, en tant que chambre régionale, d'organiser l'élection d'un de ses délégués à la Chambre nationale des huissiers de justice (la chambre nationale), a, par une délibération du 6 novembre 2013, autorisé l'usage de procurations de vote pour ce scrutin, dont la date était fixée au 13 novembre ; que le délégué sortant, M. X..., ayant été réélu par quatre-vingt-quinze voix contre cinquante-trois à Mme Y..., celle-ci a exercé le recours prévu par l'article 92 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 ; que, soutenant qu'en application de l'article 7, alinéa 7, de ce décret tel qu'interprété par une circulaire de la chambre nationale du 26 septembre 2011 et une lettre du ministère de la justice au président de cette autorité du 17 octobre 2011, le vote par procuration était interdit pour l'élection des délégués nationaux, elle a demandé, outre l'annulation des votes exprimés selon cette modalité, celle, consécutive, du scrutin dont la sincérité se trouvait, selon elle, affectée ; que la chambre nationale est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'en matière d'élection des délégués à la chambre nationale, chaque électeur n'a qu'une seule voix ; qu'il en résulte que le vote par procuration n'est pas autorisé ; qu'en jugeant, néanmoins, pour refuser de prononcer l‘annulation de l'élection litigieuse, que la mention "chaque électeur n'a qu'une voix" signifie seulement qu'un huissier ne peut pas disposer de plusieurs voix et n'interdit pas le recours à la procuration, la cour d'appel a violé l'article 67 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;

Mais attendu que la règle de la voix unique, découlant du principe général d'égalité des électeurs devant le suffrage, n'exclut pas le droit de voter par procuration qui, s'il permet à un absent d'exprimer sa voix en ayant recours à un autre électeur qui le représentera, n'a pas pour effet d'attribuer à ce dernier un suffrage supplémentaire ;

Et attendu qu'ayant exactement énoncé que l'alinéa 7 de l'article 67 du décret du 29 février 1956, modifié, qui prévoit que "chaque électeur n'a qu'une seule voix", signifie qu'un même huissier ne peut disposer de plusieurs voix, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que cette disposition n'interdisait pas le recours à la procuration de vote ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la chambre départementale des huissiers de justice de Paris, la Chambre nationale des huissiers de justice
et M. X..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Maître Y... de sa demande d'annulation de l'élection du délégué de la Chambre des huissiers de justice de Paris ;

Aux motifs que : « Considérant que la Chambre Nationale des Huissiers de Justice a un intérêt a intervenir la procédure tendant à annulation de l'élection des délègues de la Chambre départementale des huissiers de justice de Paris en qualité de membres de son bureau national ; qu'elle est, au surplus, intéressée au bon fonctionnement des Chambres départementales concernées par la présente instance ; qu'il convient donne de recevoir son intervention volontaire a la procédure ;

Considérant que les développements de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice relatives a l'application du décret Magendie et a sa méconnaissance par Madame Y... sont inopérants des lors qu'aucune demande de ce chef n'est présentée dans le dispositif de ses conclusions ;

Considérant que Maitre Y... conteste la possibilité de voter par procuration aux élections des délègues à la Chambre nationale des huissiers ;

Considérant que l'article 7 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice énonce que" l'ensemble des huissiers de justice relevant de chaque Chambre régionale se réunit pour élire le délègue appelé a faire pante de la Chambre nationale dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat" ; que l'article 9 de ce même texte précise que "par dérogation aux dispositions de l'article 7 de la présente ordonnance, dans le ressort de la Cour d'appel de Paris, la Chambre départementale des huissiers de justice de Paris remplit pour les huissiers relevant de cette Chambre, le rôle de Chambre régionale, indépendamment de la Chambre régionale qui est constituée pour le reste du ressort" ;

Considérant que l'article 67 du décret du 29 février 1956 modifié par celui du 23 septembre 2011 dispose que :

" la Chambre nationale des huissiers de justice est composée des délègues élus par l'ensemble des huissiers de justice relevant de chaque Chambre régionale a raison d'un délègue par Chambre régionale. Toutefois, les huissiers de justice relevant de la Chambre départementale de Paris, agissant comme Chambre régionale, désignent deux délégués...

Chaque électeur n'a qu'une seule voix. La désignation des délègues a lieu à la majorité absolue des voix au scrutin secret..." ;

Considérant qu'en l'espèce, Maitre Astrid Y... , associée de la SCP Jean-Claude et Astrid Y..., huissier de justice à Paris, a adressé au président de la Chambre le 28 octobre 2013, sa candidature en qualité de délégué ; que les élections se sont tenues le 13 novembre 2013 et maître X... a été élu par 95 voix contre 53 à Maitre Y... ; que des procurations ont été admises au nombre de 48 dans le cadre de ce vote ce que conteste Maitre Y... estimant que celles-ci n'étaient pas recevables ;

Considérant qu'aux termes de deux délibérations de la Chambre des huissiers de justice de Paris du 14 novembre 2007 et du 2 novembre 2011, il a été admis le recours a un vote par procuration en cas d'impossibilité de se rendre aux assemblées générales de la compagnie pour des motifs impérieux ; qu'il convient de noter que Maitre Y... qui n'avait pas émis de contestation sur ces décisions de la Chambre, avait profité de cette possibilité a l'occasion d'une des élections intervenues postérieurement a celle de 2007 ;

Considérant que Madame Y... estime ces décisions contraires au décret précité et se fonde sur un courrier du 17 octobre 2011 émanant de la direction des affaires civiles et du sceau indiquant que " la voix étant l'expression d'un vote, les mots "chaque électeur n'a qu' tine seule voix" au septième alinéa du nouvel article 67 du décret du 29 février 1956 signifient effectivement que le vote par procuration est interdit pour ce scrutin" ;

Considérant que la force obligatoire et le caractère normatif d'un tel courrier n'étant pas démontré, il ne saurait engager que son rédacteur et ne peut avoir aucune influence sur la décision de la Cour appelée à statuer sur le litige ;

Considérant que Maitre Y... cite aussi la mention figurant sur le site Internet du ministère de la justice relatif au décret sur l'organisation professionnelle des huissiers ; que là encore une telle énonciation sur un site internet dont l'auteur est ignoré ne peut avoir aucun effet sur la solution à apporter quant à l'application du texte précité ;

Considérant que la requérante produit la note du 26 septembre 2011 émanant de la Chambre nationale des huissiers de justice prohibant les procurations ; que l'avis ainsi donné a été modifié ensuite ce qui lui enlevé toute valeur probante et qu'au surplus, la valeur normative et obligatoire de celle-ci n'est pas démontrée ;

Considérant qu'elle verse aux débats le courrier du président de la Chambre régionale des huissiers du ressort de la Cour d'appel de Paris en date du 6 septembre 2013, M.Fredy Z... qui mentionne que le vote par procuration est proscrit ; que la encore, cette correspondance n'engage que l'auteur de cette lettre ;

Considérant que la requérante ne saurait faire référence aux règles édictées au sein des sociétés commerciales et pour les élections professionnelles dès lors que les huissiers de justice constituent une profession règlementée soumise à des dispositions spécifiques et que chacune de ces professions disposent de règles non obligatoirement similaires ;

Considérant qu'elle ne petit pas plus prétendre que la loi du 28 mars 2011 aurait interdit aux Chambres départementales d'édicter des règlements intérieurs dès lors que l'article 7 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 vise les règlements établis par les Chambres départementales ;

Considérant qu'en tout état de cause, la cour constate que le texte ne prévoit pas que les procurations sont proscrites ; que dès lors ce qui n'est pas interdit, est permis ;

Considérant que la mention "chaque électeur n'a qu'une voix" signifie qu'un huissier ne petit pas disposer de plusieurs voix ; que la détention d'une procuration ne donne pas droit a plusieurs voix, qu'elle autorise seulement a suppléer l'absence d'un autre huissier qui ne peut se rendre a l'élection et qui a donné à celui qui dispose de la procuration, sa consigne de vote ; que la procuration n'est qu'un outil permettant a un absent d'émettre son vote ; que le mandant exprime sa voix par l'intermédiaire de son mandataire qui emmarge au regard du nom de son mandat et non pour lui ; qu'il s'ensuit que chaque huissier dispose d'une seule voix et que celui qui a reçu une procuration exprime la voix d'un autre huissier » ;

Alors, d'une part, qu'en matière d'élection des délégués à la Chambre nationale des huissiers de justice, chaque électeur n'a qu'une seule voix ; qu'il en résulte que le vote par procuration n'est pas autorisé ; qu'en jugeant néanmoins, pour refuser de prononcer l‘annulation de l'élection litigieuse, que la mention "chaque électeur n'a qu'une voix" signifie seulement qu'un huissier ne petit pas disposer de plusieurs fois et n'interdit pas le recours à la procuration, la Cour d'appel a violé l'article 67 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;

Alors, d'autre part et subsidiairement, qu'à défaut de loi ou règlement exprès autorisant et aménageant le recours au vote par procuration à l'occasion de l'élection des délégués à la Chambre nationale des huissiers de justice, le vote par procuration est prohibé ; qu'en jugeant néanmoins, pour dire régulier le recours aux votes par procuration et pour refuser de prononcer l‘annulation de l'élection litigieuse, que ce qui n'est pas interdit est permis, la Cour d'appel a violé l'article 67 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 ;

Alors, enfin et subsidiairement, que l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel (pages 13 et 14), que la loi du 28 mars 2011 a retiré aux Chambres départementales le pouvoir d'édicter un règlement intérieur et de prendre des décisions portant sur les usages de la profession, les anciennes délibérations prises par elle en la matière n'étant plus applicables à cette date, ce dont il résultait que les deux délibérations de la Chambre des huissiers de justice de Paris des 14 novembre 2007 et 2 novembre 2011 ne pouvaient avoir le moindre effet ; qu'en ne répondant pas, même sommairement, à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-20210
Date de la décision : 30/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Chambre nationale des huissiers de justice - Election des délégués - Vote par procuration - Règle de la voie unique et principe d'égalité des électeurs devant le suffrage - Compatibilité

La règle de la voix unique, découlant du principe général d'égalité des électeurs devant le suffrage, n'exclut pas le droit de voter par procuration qui, s'il permet à un absent d'exprimer sa voix en ayant recours à un autre électeur qui le représentera, n'a pas pour effet d'attribuer à ce dernier un suffrage supplémentaire. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel, après avoir exactement énoncé que l'alinéa 7 de l'article 67 du décret n° 56-222 du 29 février 1956, modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, qui prévoit que "chaque électeur n'a qu'une seule voix", signifie qu'un même huissier ne peut disposer de plusieurs voix, en déduit que cette disposition n'interdit pas le recours à la procuration de vote


Références :

article 67, alinéa 7, du décret n° 56-222 du 29 février 1956

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 avril 2015

Dans le même sens que :CE, 9 novembre 2015, n° 380399, inédit au Recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 nov. 2016, pourvoi n°15-20210, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Drouet
Rapporteur ?: Mme Verdun
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20210
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