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23/11/2016 | FRANCE | N°15-16704

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 novembre 2016, 15-16704


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Juliette et Robert X... sont décédés respectivement les 13 mars 1987 et 20 février 2002, laissant pour leur succéder leurs enfants, Michel et Marie-Christine ; qu'ils avaient, par acte du 16 avril 1981, fait donation à leur fille d'un ensemble immobilier situé à Bining ; qu'un notaire a été commis pour procéder aux opérations de liquidation et de partage des successions ; que M. X... a assigné sa soeur devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, sol

licitant notamment la réduction de la donation ;

Sur le second moyen...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Juliette et Robert X... sont décédés respectivement les 13 mars 1987 et 20 février 2002, laissant pour leur succéder leurs enfants, Michel et Marie-Christine ; qu'ils avaient, par acte du 16 avril 1981, fait donation à leur fille d'un ensemble immobilier situé à Bining ; qu'un notaire a été commis pour procéder aux opérations de liquidation et de partage des successions ; que M. X... a assigné sa soeur devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, sollicitant notamment la réduction de la donation ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 843 et 864 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006 ;

Attendu que l'arrêt décide que Mme X... devra rapporter à la succession de ses père et mère la valeur des biens immobiliers donnés à l'époque de leur aliénation, fixée à la somme de 150 000 euros, dans la mesure où cette somme excède la quotité disponible ;

Qu'en statuant ainsi, sans constater qu'elle était saisie d'une action en réduction, ni fixer l'indemnité correspondante, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que Mme X... devra rapporter à la succession de ses père et mère la valeur vénale des biens immobiliers donnés, à l'époque de leur aliénation, fixée à la somme de 150 000 euros, dans la mesure où cette somme excède la quotité disponible, l'arrêt rendu le 3 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré que l'action introduite par un héritier réservataire (M. X...) tendait au rapport à la succession de ses père et mère pour la part excédent la quotité disponible des biens données à sa soeur (Mme X... épouse Y..., l'exposante) selon acte du 16 avril 1981, évaluant en conséquence l'actif successoral à la somme de 78 992,01 euros et la quotité disponible à un montant de 26 330,67 euros et condamnant le donataire à rapporter à la succession la valeur du bien donné dans la mesure où la somme représentative de cette valeur excédait la quotité disponible ;

AUX MOTIFS QUE l'action de M. X... tendant à se voir payer directement le montant excédant la quotité disponible des biens donnés à sa soeur par leurs parents selon acte de donation du 16 avril 1981 devait en réalité s'analyser en une action visant au rapport à la succession de ce montant ; qu'en page 5 de l'acte de donation, il était précisé par les donateurs que cette donation était consentie en avancement d'hoirie et qu'elle était rapportable en moins prenant comme il était prévue à l'article 860, alinéas 1 et 2, du code civil ; que, pour déterminer si les biens donnés, quelle qu'en fût la valeur au jour de leur aliénation par Mme X... et leur état au jour de la donation, excédaient ou non la quotité disponible, il était nécessaire de déterminer la consistance du patrimoine compris dans les successions de Juliette X... décédée le 13 mars 1987 et de Robert X... décédé le 20 février 2002 ; que les parties n'avaient pas versé aux débats, comme cela leur avait été demandé, les déclarations de succession effectuées successivement en 1987 et 2002 ; que, cependant, M. X... avait fourni la déclaration adressée par le notaire au service des impôts concernant l'actif de la succession, soit une somme de 650,53 euros représentant le solde du compte courant au Crédit mutuel, la valeur de différents équipements et matériels de type industriel pour un montant de 20 000 euros (qui devaient servir à l'exploitation de l'activité d'équarrissage de Robert X...) et un véhicule Toyota Carina évalué à 13 000 euros, ce qui avait permis à M. X..., en ajoutant à ces montants celui des biens donnés le 16 avril 1981 et évalués dans cet acte à la somme totale de 297 460 francs, soit 43 347,48 euros, d'avancer que l'actif de la succession s'élèverait à la somme de 78 992,01 euros ; que Mme X... n'avait pas contesté cette évaluation dans ses écritures, pourtant postérieures à celle de M. X... et n'avait pas en particulier prétendu que les successions de ses père et mère comprenaient d'autres biens mobiliers ou immobiliers ; qu'en présence de deux héritiers la quotité disponible était d'un tiers ; que cette quotité disponible s'élevait à la somme de 26 330,67 euros, les deux autres tiers revenant à égalité à M. Michel X... et à Mme Marie Christine X..., soit pour chacun un tiers ; qu'en application de l'article 860, alinéa 1, du code civil le rapport était dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation, l'alinéa 2 précisant que si le bien avait été aliéné avant le partage, il devait être tenu compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation ; qu'il y avait lieu de condamner Mme X... à rapporter à la succession la valeur vénale des biens immobiliers à l'époque de l'aliénation, telle que fixée ci-dessus à 150 000 euros, dans la mesure où cette évaluation excédait la quotité disponible (arrêt attaqué, pp. 3 et 4 ; p. 7, attendu unique) ;

ALORS QUE le rapport dû par tout héritier des donations qu'il a reçues du défunt en avancement d'hoirie vise à rétablir l'égalité entre les héritiers, tandis que l'action en réduction des libéralités a pour objet de préserver la réserve héréditaire de toute atteinte de leur chef ; qu'en condamnant la donataire à « rapporter » à la succession la valeur vénale des biens immobiliers dont elle avait été gratifiée du vivant de son auteur « dès lors que cette évaluation excédait la quotité disponible », la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 843 du code civil et par fausse application l'article 864 du même code dans leur rédaction issue de la loi n°71-523 du 3 juillet 1971 ;

ALORS QUE, en tout état de cause, la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur, auxquels doivent être réunis fictivement ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'en intégrant dans la masse de calcul la valeur des biens donnés telle que mentionnée dans l'acte de donation, la cour d'appel a violé l'article 922 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°71-523 du 3 juillet 1971 ;

ALORS QUE, en outre, lorsque la réduction n'est pas exigible en nature, le donataire est débiteur d'une indemnité équivalente à la portion excessive de la libéralité réductible ; qu'en affirmant que la valeur des donations à la date de leur aliénation devait être rapportée à la succession dans la mesure où cette évaluation excédait la quotité disponible, sans avoir au préalable déterminé la proportion dans laquelle les libéralités étaient réductibles, la cour d'appel a violé les articles 868 et 922 du code civil dans leur rédaction issue de la loi n°71-523 du 3 juillet 1971.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir évalué à la somme de 150 000 euros la valeur rapportable des immeubles donnés à un héritier ab intestat (Mme X..., l'exposante) ;

AUX MOTIFS QUE, s'agissant en premier lieu de l'état de l'immeuble au jour de la donation, soit en avril 1981, la cour avait déjà remarqué dans son précédent arrêt que l'acte de donation était muet sur l'état de l'immeuble comprenant une maison d'habitation et un local à usage industriel, ainsi que des immeubles non bâtis ; qu'en ce qui concernait la maison d'habitation, il y avait lieu de considérer qu'elle était en bon état d'habitation puisque les donateurs s'étaient réservés un droit d'usage et d'habitation viager sur les immeubles tant bâtis que non bâtis et sur les objets mobiliers et meubles meublants faisant également partie de la donation ; qu'il ressortait par ailleurs d'un courrier du 27 mai 2007 adressé à M. X... par Me Z..., notaire chargé des opérations de partage des successions et rédacteur du procès-verbal de difficultés du 20 juin 2006, qu'il avait réalisé une estimation de l'immeuble au courant du mois d'août 2005 en tenant compte de la situation du bien et de la surface attenante à la propriété et qu'il avait pu constater, lors de sa visite du 22 mai 2007, l'immeuble ayant été vendu entre temps, que les murs du hangar situé sur la propriété avaient été très abîmés et son contenu avait été vidé et que plusieurs sapins anciens qui ornaient la propriété avaient été abattus, cette constatation impliquant que tel n'était pas l'état des biens en 2005 ; que, par ailleurs, M. A..., dans une attestation du 20 janvier 2006 et un courrier du 24 août 2007, indiquait que, courant 2004, il avait souhaité acquérir cette maison, qu'il n'avait pas accepté le prix proposé, mais qu'à cette occasion il avait pu visiter la propriété et notamment la maison d'habitation et constater que la propriété était dans très bon état à l'intérieur, que le jardinet devant la maison était planté de rosiers et autres plantations, ce qui n'avait plus été le cas par la suite, puisque la sapinière avait été rasée, que les terrains avaient été laissés en friche et que l'usine qui donnait de la valeur à cette propriété s'était trouvée ramenée à l'état de ruine ; que, de surcroît, Me B..., notaire à Hegenheim, rappelait, dans un courrier adressé le 7 février 2014 à Mme X..., qu'il était le rédacteur de l'acte de donation du 16 avril 1981 et expliquait qu'il avait donc été amené à visiter l'ensemble de la propriété, que l'immeuble d'habitation qu'il connaissait très bien pour y avoir été à de multiples reprises était dans un très bon état d'entretien et d'habitabilité, au contraire des bâtiments d'équarrissage qui, du fait de l'abandon de l'exploitation, n'avaient plus été entretenus ; qu'il ne pouvait donc être tenu compte, pour définir l'état des biens immobiliers donnés à Mme X..., des photographies et procès-verbaux dressés à sa demande les 1er septembre 2004 et 6 décembre 2006, ce document faisant apparaître que, si l'intérieur de l'habitation était très dégradé, de même que le bâtiment industriel, l'apparence extérieure de la maison était encore relativement satisfaisant, sauf à considérer que cette apparence ne pouvait qu'être encore meilleure en 1981 ; que cet état actuel de dégradation, au moins en ce qui concernait la maison d'habitation, ne devait pas ainsi être retenu comme un élément d'évaluation de la valeur de l'immeuble au jour de la cession de ce bien par Mme X... à un tiers le 2 février 2007 ; que, selon acte notarié du 2 février 2007, Mme X... avait vendu à M. C... la maison d'habitation, le hangar à usage industriel et les parcelles de terre au prix total de 86 000 euros, comprenant en outre les éléments de mobilier de la cuisine et de la salle de bain évalués à 5 000 euros ; que, concernant la valeur de cette habitation à une époque proche de l'aliénation, la cour considérait pouvoir prendre utilement en compte les documents suivants : - un document signé le 17 mai 2003 par M. A..., intitulé « reconnaissance d'indication et de visite », faisant état de ce qu'il avait visité la maison proposée au prix de 225 070 euros ; - un mandat de vente sans exclusivité consenti par Mme X... le 10 août 2004 à l'agence Century 21 en vue de vendre cet ensemble immobilier au prix de 181 900 euros, prix qu'elle avait ensuite réduit, selon avenant modificatif du 22 mars 2006, à 149 180 euros, puis à 131 715 euros dans un avenant modificatif non daté, et enfin à 112 000 euros dans un autre mandat toujours au profit de Century 21 en date du 25 avril 2006 ; - la copie imprimée d'une annonce faite sur internet pour la vente de la maison d'habitation outre les garages et dépendances et les terrains attenants, d'une surface de 1,3 hectare au prix de 170 000 euros, document daté du 25 septembre 2004 ; - l'attestation de M. A... du 20 janvier 2006 indiquant que, courant 2004, il avait proposé pour la maison individuelle le prix de 155 000 euros, alors que l'immeuble lui avait été offert par l'agence immobilière au prix de 228 000 euros ; - une attestation de M. D... relatant qu'il avait signé avec son amie le 24 août 2005 un compris de vente au prix de 133 700 euros mais que diverses difficultés les avaient conduits à se rétracter pour les motifs suivants : absence de renseignements de la part de l'agence, non réalisation des clauses suspensives, défaut de bornage et non enlèvement des mobiliers de la propriété ; - une attestation de valeur émanant de Me Z... du 24 août 2005 concernant la maison d'habitation, les parcelles en nature de prés et un hangar à rénover, l'immeuble étant estimé par lui à cette date, compte tenu de son état, à une somme comprise entre 140 000 et 150 000 euros ; qu'à partir de ces éléments, le cour jugeait pouvoir arrêter pour cet immeuble une valeur vénale moyenne au jour de la vente de 150 000 euros (arrêt attaqué, pp. 5 à 7) ;

ALORS QUE le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation, compte non tenu des plus ou moins values imputables au donataire ; que si le bien a été aliéné avant le partage, il est tenu compte de la valeur qu'il avait à l'époque de l'aliénation ; qu'en retenant une valeur rapportable de 150 000 euros, quand l'immeuble avait été cédé au prix de 81 000 euros, sans constater que les dégradations dont il était affecté étaient imputables à la donataire, la cour d'appel a violé l'article 860 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-16704
Date de la décision : 23/11/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 03 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 nov. 2016, pourvoi n°15-16704


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16704
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