LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a conclu avec la société Le Delos un contrat d'apprentissage prenant effet le 1er juillet 2010 et ayant pour terme le 31 août 2012 ; qu'après avoir informé l'employeur, par lettre recommandée du 28 avril 2011, qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat en raison de manquements de la société à ses obligations, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat ;
Sur le premier moyen :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour faire droit aux demandes de la salariée, mineure lors de la signature de son contrat d'apprentissage, l'arrêt retient que celui-ci prévoyait 35 heures de travail par semaine, que l'article L. 6222-25 du code du travail dispose qu'à titre exceptionnel des dérogations peuvent être accordées par l'inspecteur du travail après avis conforme du médecin du travail, et qu'est versé aux débats un exemplaire de demande de dérogation comportant à deux endroits la signature du gérant de la société ainsi que le tampon et la signature du médecin du travail en date du 5 juillet 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le document de demande de dérogation versé aux débats ne comporte ni la signature datée ni le nom d'un médecin du travail, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen emporte la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif critiqué par le second moyen et relatif aux dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice de la salariée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Le Delos.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la rupture du contrat d'apprentissage liant Melle X... à la société Le DELOS aux torts de l'employeur et d'AVOIR condamné la société Le DELOS à verser à son ancienne salariée les sommes de 177, 43 € bruts au titre des heures de travail supplémentaires non payées, de 10.059, 64 € bruts au titre des salaires dus jusqu'au terme du contrat d'apprentissage, 500 € nets à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, enfin d'AVOIR ordonné la remise par la société Le DELOS des bulletins de paie depuis le mois de mars 2011 inclus et des documents de fin du contrat ;
AUX MOTIFS QUE, sur le fond, l'article L. 6222-18 du Code du travail dispose que le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage ; que, passé ce délai, la rupture du contrat ne peut intervenir que sur accord écrit signé des deux parties ; qu'à défaut, la rupture ne peut être prononcée que par le Conseil de prud'hommes en cas de faute grave ou de manquements répétés de l'une des parties à ses obligations ou en raison de l'inaptitude de l'apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer ; que Melle X... invoque les griefs suivants : 1° Non-paiement par son employeur des 38 heures de travail par semaine : que lors de la signature de son contrat, Melle X..., née le 8 mars 1993, était âgée de 17 ans ; que son contrat d'apprentissage en date du 24 juin 2010 à effet au 1er juillet 2010 prévoit un nombre d'heures de travail de 35 heures par semaine ; que l'article L. 6222-25 du Code du travail dispose que l'apprenti de moins de 18 ans ne peut être employé à un travail effectif excédant ni huit heures par jour ni la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10 mais que toutefois, à titre exceptionnel, des dérogations peuvent être accordées, dans la limite de 5 heures par semaine, par l'inspecteur du travail, après avis conforme du médecin du travail ; que l'article L. 3121-10 dispose que la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine civile ; que Melle X... soutient que « suivant demande de dérogation la SNC indiquait » que les horaires de travail étaient les suivants : - les lundis, mardis, mercredis, vendredis de 7h à 12h et de 17h à 20h, - les samedis de 9h à 12h et de 17h à 20h, soit au total 38 heures par semaine, horaire qu'elle affirme avoir réalisé, l'employeur ne rémunérant pourtant que 35 heures de travail par semaine ; qu'un exemplaire de demande de dérogation est versé aux débats, comportant à deux endroits la signature du gérant de la SNC ainsi que le tampon et la signature du médecin du travail en date du 5 juillet 2010 ; que la SNC conteste la réalité d'une telle demande de dérogation et fait valoir que Melle X... n'étaye pas sa demande en paiement d'heures supplémentaires, conformément aux exigences posées par l'article L. 3171-4 du Code du travail ; que ce moyen doit être écarté, les dispositions de l'article L. 3171-4 du Code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le travailleur n'étant pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus tant par le droit interne que par le droit de l'union européenne et cette preuve incombant à l'employeur ; qu'il en résulte que les dispositions de droit interne et celles prises pour l'application de l'article 4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23/11/1993 recodifiée par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail tels les périodes minimales de repos journalier et hebdomadaire, la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail échappent, en ce qu'elles fixent des plafonds ou des seuils, au mécanisme probatoire instauré par l'article L. 3171-4 du Code du travail ; qu'il appartient dès lors à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il s'est conformé au seuil de 35 heures de travail par semaine imposé par la loi pour les apprentis de moins de 18 ans ; que cette preuve n'étant pas rapportée, il sera fait droit à la demande en paiement des heures supplémentaires détaillées dans le décompte hebdomadaire figurant dans le courrier recommandé de Melle X... en date du 11 février 2011, soit 64 heures supplémentaires majorées de 25 % pendant la période du 12 juillet 2010 au 15 janvier 2011, ce qui correspond, sur la base du salaire de 25 % du SMIC, soit 335,95 euros brut, puis 341,25 euros brut à compter du mois de janvier 2011, à la somme de 177,43 euros brut ; qu'il en résulte que le grief relatif au non-paiement de la totalité des heures accomplies par Melle X... est établi à l'encontre de l'employeur ; que la demande en paiement de trois heures supplémentaires qui auraient été réalisées le 14 juillet sera en revanche rejetée en l'absence d'élément venant étayer cette demande les règles de preuve afférentes aux heures supplémentaires retrouvant dans ce cas s'appliquer ;
ALORS 1°) QUE, dans ses écritures délaissées (cf. conclusions récapitulatives d'appel, p.16), la société LE DELOS contestait expressément que la signature figurant sur le document « demande de dérogation concernant les apprentis de moins de 18 ans » communiqué par Melle X... (pièce n°2), sur lequel l'apprentie se fondait pour établir un prétendu manquement de son employeur au respect de la durée légale de travail, soit celle de son gérant ; qu'en ne répondant pas à ce moyen qui était de nature à écarter ce document, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 2°) QUE, lorsqu'une partie à qui on oppose un acte sous seing privé en dénie la signature, il appartient au juge de vérifier l'écrit contesté ; que la société LE DELOS contestait que la signature apposée sur le document « demande de dérogation concernant les apprentis de moins de 18 ans » soit celle de son gérant (conclusions récapitulatives, p.16) ; qu'en ne procédant pas à la vérification de la sincérité de cette signature, la cour d'appel a violé les articles 287 et 288 du code de procédure civile ;
ALORS 3°) QUE, sous couvert d'interprétation, les juges du fond ne peuvent dénaturer les éléments de la cause ; qu'en relevant, pour retenir que Melle X... a effectué 38 heures de travail hebdomadaire et caractériser le manquement de la société LE DELOS aux règles de la durée légale du travail, que le document « demande de dérogation concernant les apprentis de moins de 18 ans » communiqué par Melle X... comporte le tampon et la signature du médecin du travail, cependant que ces mentions n'y figurent pas, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
ALORS 4°) que les règles de preuve issues de l'article L.3171-4 du code du travail prévoyant qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, s'appliquent au salarié ayant conclu un contrat d'apprentissage ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la rupture du contrat d'apprentissage liant Melle X... à la société Le DELOS aux torts de l'employeur et d'AVOIR condamné la société Le DELOS à verser à son ancienne salariée 500 € nets à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice ;
Aux motifs que, par ailleurs, lorsque la résiliation du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur, ce dernier est tenu de verser une indemnité réparant le préjudice subi par le salarié du fait de la rupture anticipée du contrat ; qu'en l'espèce, Melle X..., qui justifie d'excellentes notes et appréciations du CFA dans un bilan pédagogique du 9 février 2011, a nécessairement subi un préjudice du fait de la rupture du contrat d'apprentissage et il lui sera alloué de ce fait la somme de 500 € nets à ce titre ;
Alors 1°) que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entrainera la censure du chef visé par le deuxième moyen de cassation dès lors que c'est en considération de ce que la rupture du contrat d'apprentissage liant Melle X... à la société Le DELOS serait intervenue aux torts de l'employeur que ce dernier a été condamné à versement de dommages-intérêts;
Alors 2°) qu'un même préjudice ne peut être réparé deux fois ; qu'en condamnant la société Le DELOS, par suite de la résiliation judiciaire à ses torts du contrat d'apprentissage de Melle X..., à paiement des salaires dus jusqu'au terme du contrat ainsi qu'à 500 € de dommages-intérêts, la cour d'appel, qui a réparé deux fois le même préjudice résultant de la rupture du contrat, a violé l'article 1147 du code civil.