LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 913, 920, 922 et 924 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Hervé X... est décédé le 27 octobre 2011, laissant pour héritiers Mme Y..., son épouse, et leurs trois enfants, Nicolas, Elodie et Mathieu ; que ceux-ci, invoquant un don manuel d'un certain montant d'Hervé X... à M. Z..., ont sollicité la réduction de la part excédant la quotité disponible ;
Attendu que, pour rejeter leur demande, l'arrêt retient que le rapport d'une donation ne s'impose pas pour un tiers à la succession ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette libéralité, même consentie à un tiers, qui portait atteinte à la réserve, était réductible à la quotité disponible, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la SCP Boré et Salve de Bruneton la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. Mathieu X... et Mme Y....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré et débouté les consorts X... de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE les consorts X... invoquent l'article 931 du code civil qui dispose que tout acte portant donation entre vifs doit être établi devant notaire à peine de nullité ; qu'ils exposent que la remise d'une somme aussi importante, sans écrit préalable, en l'absence de tout lien familial et 2 jours avant la mort du donateur est suspecte ; que le don manuel constitue cependant une exception admise au formalisme de la donation, caractérisée par la tradition réelle que fait le donateur de la chose donnée dès lors qu'elle assure la dépossession de celui-ci et assure l'irrévocabilité de la donation ; que tel est le cas de la remise d'un chèque lorsque que celui-ci est provisionné ; que le possesseur d'une chose qui prétend avoir reçu celle-ci en don manuel bénéficie d'une présomption qu'il appartient à ceux qui revendiquent la chose donnée, de combattre ; que l'importance de la somme, l'absence d'écrit et de lien familial n'assurent en rien la démonstration qui incombe aux consorts X... ; que pas davantage que la circonstance de la mort de M. X... deux jours après la remise du chèque, dès lors qu'il n'est pas allégué, et à tout le moins pas établi en l'absence de toute indication sur les causes et circonstances du décès, que M. X... ait été diminué par la maladie au point de voir son discernement altéré ; que les appelants demandent encore le rapport à la succession de la part excédant la quotité disponible, en application de l'article 919-2 du code civil ; que toutefois l'article 843 du même code impose le rapport des libéralités à tout héritier venant à une succession ; qu'il ne l'impose pas à un tiers à la succession qui a bénéficié d'une donation entre vifs ; que la quotité disponible qui limite le droit du défunt de disposer librement de son patrimoine n'est en effet fixée qu'au jour du décès et l'article 919, auquel se rattache l'article 919-2 dispose que « la quotité disponible ne pourra être donnée en tout ou en partie (...) aux enfants ou aux autres successibles du donateur sans être sujette au rapport (...) » ; que le fait dommageable qui soutiendrait la demande en réparation du préjudice moral n'étant pas établi, ce chef de demande n'est pas davantage fondé ; qu'il convient en conséquence débouter les consorts X... de leurs demandes ;
1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en relevant que « les appelants [en réalité, les intimés] demand[aient] le rapport à la succession de la part excédant la quotité disponible » (arrêt, p. 3, antépén. al.), quand les consorts X..., qui soulignaient que la donation faite par le de cujus à M. Z... était « réductible en cas de dépassement de la quotité disponible » (conclusions des consorts X..., p. 4, al. 3), demandaient sa réduction et, partant, la condamnation du donataire à leur verser la somme de 19.327,63 euros correspondant à la fraction de cette donation excédant la quotité disponible, par confirmation du jugement (ibid., p. 5, al. 3 et 6), la Cour d'appel a dénaturé les conclusions des consorts X... en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d'un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l'ouverture de la succession ; qu'en relevant, pour écarter la demande formée par les consorts X... à l'encontre de M. Z... au titre de la réduction de la donation qu'il avait reçue du de cujus excédant la quotité disponible, que le rapport ne s'impose qu'aux successibles et qu'il ne s'impose pas à un tiers à la succession qui a bénéficié d'une donation entre vifs (arrêt, p. 3, antépén. al.), la Cour d'appel a violé les articles 913, 920, 922 et 924 du Code civil par refus d'application ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en fondant sa décision sur le moyen tiré de ce que le rapport ne s'impose qu'aux successibles et qu'il ne s'impose pas à un tiers à la succession qui a bénéficié d'une donation entre vifs (arrêt, p. 3, antépén. al.), bien qu'aucune des parties ne l'ait soutenu, et sans inviter au préalable celles-ci à présenter leurs observations à cet égard, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.