LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Entreprise Métallique Guégan, - La société Aviva assurances, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 12e chambre, en date du 13 février 2015, qui, dans la procédure suivie contre la première du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 27 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Farrenq-Nési, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller FARRENQ-NÉSI, les observations de la société civile professionnelle OHL et VEXLIARD, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBERGE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été victime, le 12 juillet 2007, d'un accident du travail, ayant chuté d'un toit où il effectuait des travaux de couverture sous-traités par la société Entreprise Métallique Guegan (EMG) à M. Y..., son employeur ; que la société EMG et M. Y..., reconnus coupables de blessures involontaires, ont été déclarés responsables du dommage subi par la victime, chacun pour moitié ; que le tribunal a statué sur les préjudices de la victime et sur la demande en remboursement de sa créance formée par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine (la CPAM) à l'encontre de la société EMG ; qu'appel a été interjeté par les prévenus, la partie civile et la société MAAF assurances, partie intervenante, assureur de M. Y... ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 593 du code de procédure pénale, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, 1382 du code civil, méconnaissance des termes du litige ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Entreprise métallique Guegan (EMG) à payer à M. X... la somme de 249 855,58 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs (déduction faite du recours de l'organisme social à hauteur de 507 052,42 euros) et recalculant le tout, une somme de 5 910 639,20 euros, sauf à déduire les provisions versées, et à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine une somme de 528 253,33 euros ;
"aux motifs que la SAS Entreprise métallique Guegan (…) sollicite la confirmation de la décision qui l'a condamnée à verser une somme de 236 725,81 euros à l'organisme social au titre des pertes de gains professionnels futurs ; que l'indemnisation de ce préjudice de droit commun a été fixée, ci-dessus, à la somme de 754 908 euros ; que la moitié est à la charge de l'employeur, soit 377 454 euros ; qu'or, le recours de l'organisme social s'élève à 502 052,42 euros ; que, dans ses conclusions (page n° 27), la SAS Entreprise métallique Guegan a écrit : si la cour considérait que le préjudice global de M. X... au titre de ce poste de préjudice dépassait l'indemnisation versée par la caisse primaire d'assurance maladie, il conviendra de déterminer les limites du recours correspondant aux prestations servies excédant la part qui aurait été mises à la charge de l'employeur selon le droit commun ; que, dans le dispositif de ses conclusions, elle a écrit : dire et juger que la caisse primaire d'assurance maladie ne pourra exercer de recours à l'encontre de la société EMG que dans les limites suivantes :- dépenses de santé actuelles : 267 328,52 euros ;- perte de gains professionnels actuelle : 24 200 euros ;- assistance tierce personne définitive : 0 euros ;- perte de gains professionnels futurs : 236 725,81 euros ;- soit au total : 528 253,33 euros ;que la cour étant saisie dans les limites des demandes des parties, le poste de préjudice "perte de gains professionnels futurs", imputable à l'employeur, ne dépassant pas l'indemnisation versée par la caisse primaire d'assurance maladie, l'appelante sollicitant néanmoins la confirmation du jugement l'ayant condamnée à rembourser à l'organisme social une somme de 236 725,81 euros, la décision du premier juge sera confirmée sur ce point ; qu'en conséquence, dans les limites de sa saisine et des conclusions des parties, la cour chiffre le recours de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine à la somme de 528 253,33 euros ;
"alors que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis qu'ils ne peuvent dénaturer ; qu'en statuant comme elle a fait, cependant que la société EMG ne sollicitait pas la confirmation du jugement en ce qu'il l'avait condamnée à verser une somme de 236 725,81 euros à l'organisme social au titre des pertes de gains professionnels futurs mais se limitait à demander à la cour d'appel, sous condition que la somme devant revenir à M. X... au titre de la perte de gains professionnels futurs fût fixée à 0 euro, de dire que la caisse primaire d'assurance maladie ne pourrait exercer de recours à son encontre que dans la limite de 236 725,81 euros, la cour d'appel a méconnu les articles L. 454-1 du code de la sécurité sociale et 593 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus rappelé" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour condamner la société EMG, tiers responsable, à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine la somme de 528 253,33 euros incluant un montant de 236 725,81 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt attaqué, après avoir fixé à 754 908 euros l'évaluation de ce chef de préjudice, dont la moitié, soit 377 454 euros à la charge de l'employeur, et relevé que la créance de la caisse y afférent était de 505 052,42 euros, retient que la société EMG sollicite la confirmation du jugement l'ayant condamnée à rembourser à l'organisme social, à ce titre, la somme de 236 725, 81 euros et que la cour doit statuer dans les limites de sa saisine et des conclusions des parties ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions d'appel de la société EMG que la prévenue avait demandé, conformément à l'article L.454-1 du code de la sécurité sociale, dans l'hypothèse où le préjudice global de la victime dépasserait l'indemnisation versée par la caisse primaire d'assurance maladie, que soient déterminées les limites du recours de l'organisme social correspondant aux prestations servies excédant la part qui aurait été mise à la charge de l'employeur selon le droit commun et que la somme de 236 725, 81 euros n'était mentionnée que comme limite à l'exercice du recours contre le tiers responsable, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 591, 593 du code de procédure pénale, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, 1382 du code civil, défaut et contradiction de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société Entreprise métallique Guegan (EMG) à payer à M. X... la somme de 63 536 euros au titre de la tierce personne temporaire et recalculant le tout, une somme de 5 910 639,20 euros, sauf à déduire les provisions versées ;
"aux motifs sur l'indemnisation de M. X..., (…) que du 12 avril 2008 au 13 juillet 2009, selon le décompte de l'organisme social et les bulletins de situation (pièce n° 66 de la partie civile), M. X... a été hospitalisé pendant 283 jours et était au domicile de ses parents pendant 209 jours ; que les frais de tierce personne seront calculés à la somme de 304 euros x 209 jours = 63 536 euros ; que la décision du premier juge sera infirmée sur ce point ;
"alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant, pour déterminer le temps pendant lequel M. X... pouvait prétendre à l'indemnisation d'une tierce personne, que du 12 avril 2008 au 13 juillet 2009, celui-ci avait été hospitalisé 283 jours et s'était trouvé au domicile de ses parents pendant 209 jours, représentant au total 492 jours pour une période n'en comprenant que 457, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires et a violé les textes et le principe susvisés" ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour allouer à la partie civile une indemnité de 63 536 euros au titre de l'aide temporaire par une tierce personne, l'arrêt retient que du 12 avril 2008 au 13 juillet 2009, selon le décompte de l'organisme social et les bulletins de situation, M. X... a été hospitalisé pendant 283 jours et était au domicile de ses parents pendant 209 jours ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, en retenant un total de 492 jours alors que la période considérée ne comptait que 457 jours, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 13 février 2015, mais en ses seules dispositions condamnant la société Entreprise métallique Guégan à payer à M. X... une somme de 63 536 euros au titre de la tierce personne temporaire, et la somme de 5 910 639,20 euros après recalcul de la totalité des indemnités allouées, et la condamnant à payer à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine la somme de 528 253,33 euros, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.