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03/11/2016 | FRANCE | N°15-14883

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 03 novembre 2016, 15-14883


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nimes, 20 janvier 2015), que M. X..., engagé le 1er juillet 1998 par la société Midi étiquettes en qualité de responsable technique, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 avril 2009 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a été victime de harcèlement moral à l'origine de son inaptitude définitive, que le licenciement prononcé pour ce motif est nul, et de le condamner au paiem

ent de diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que l'action du salarié en répa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nimes, 20 janvier 2015), que M. X..., engagé le 1er juillet 1998 par la société Midi étiquettes en qualité de responsable technique, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 30 avril 2009 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a été victime de harcèlement moral à l'origine de son inaptitude définitive, que le licenciement prononcé pour ce motif est nul, et de le condamner au paiement de diverses sommes alors, selon le moyen :
1°/ que l'action du salarié en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral est soumise à la prescription quinquennale de droit commun instituée par l'article 2224 du code civil, ce dont il résulte que les faits antérieurs à ce délai ne sauraient être retenus pour caractériser des agissements de harcèlement moral ; que viole dès lors ce texte, ensemble l'article L. 1471-1 du code du travail, la cour d'appel qui énonce que « les faits antérieurs au 26 juillet 2004 ne peuvent être retenus » mais qui se fonde néanmoins sur ces faits pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral ;
2°/ qu'en se référant principalement à l'attestation de M. Y... pour retenir l'existence de faits de nature à laisser présumer un harcèlement, sans indiquer la date des faits relatés sans indication de date par M. Y... dans son attestation, la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation s'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits dénoncé – à les supposer établi –, n'étaient pas prescrits, privant sa décision de base légale au regard des articles 2224 du code civil, L. 1471-1 du code du travail ;
3°/ que nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, le juge ne peut retenir comme étant de nature à laisser présumer un harcèlement, des courriers que le salarié prétendument victime a dressé à son employeur ; qu'en l'espèce, en s'appuyant sur les propres correspondances de M. X... adressée à la société les 30 janvier 2004 et 25 mai 2006 pour juger que ce dernier établissait des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 1154-1 du code du travail ;
4°/ qu'en vertu de son pouvoir de direction l'employeur est habilité à adresser à un salarié qui n'exécute pas correctement sa prestation de travail, des reproches, fût-ce en des termes vifs, sans que cette initiative ne dégénère en harcèlement moral dès lors que lesdits reproches sont justifiés ; qu'en l'espèce, en retenant comme laissant présumer une situation de harcèlement les lettres des 12 mai 2006 et 2 septembre 2008 qui rappelaient vivement M. X... à l'ordre après plusieurs autres rappels infructueux, sans aucunement s'interroger comme elle y était pourtant invitée sur la pertinence de ces reproches au regard de la prestation de travail fournie par ce cadre, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
5°/ qu'il n'existe aucune obligation pour l'employeur de faire évoluer la rémunération des salariés en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise, de sorte qu'en retenant que M. X... invoque la faible augmentation de son salaire, « sans commune mesure avec la progression du chiffre d'affaires de la société », comme un élément constitutif du harcèlement, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'existence de faits précis et non prescrits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, que l'absence de justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Midi étiquettes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Midi étiquettes et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Le Bret et Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Midi étiquettes

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a dit que Monsieur X... a été victime de harcèlement moral, que ce harcèlement est à l'origine de son inaptitude définitive et que le licenciement prononcé pour ce motif le 30 avril 2009 est nul, et a condamné la société MIDI ETIQUETTES à payer à Monsieur X..., 36. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 10. 916, 73 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1. 091, 67 € à titre de congés payés afférents ;

- AUX MOTIFS QUE « selon les dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlements moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de comportement son avenir professionnel ; qu'il résulte de l'article L 1154-1 du même code qu'en cas de litige, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant, selon lui, un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, soutenant à bon droit que seuls les faits antérieurs au 27 juillet 2004 sont prescrits, l'appelant déclare que Monsieur Z..., gérant de la société, n'a cessé de l'humilier et de l'injurier quotidiennement, ce qui l'a conduit à un épuisement total à l'origine de son inaptitude ; qu'en outre un avertissement délivré par lettre du 1er février 2005, pour ne pas avoir empêcher deux salariés de son service d'abandonner leur poste, le 31 janvier 2005, suite à une « rupture de gaz donc de chauffage », l'appelant produit les deux correspondances qui lui ont été adressées ultérieurement par le gérant de la société, datées du 12 mai 2006 et du 2 septembre 2008 ; que dans celle du 12 mai 2006, après avoir de nouveau attiré l'attention de M. X... sur le manque de productivité des équipes de nuit et leur non-respect des horaires de travail, M Z... conclut en ces termes : Qu'envisagez-vous, faire l'ouverture et faire la fermeture, il est certain qu'en tant que cadre vous n'avez pas d'heure mais cela vous fera des journées très chargées, continuer à mettre la tête dans le sable pour ne rien voir comme les autruches, prendre enfin des décisions pour lesquelles vous êtes payées, autres, j'attends un compte rendu écrit de votre part sur tous ces points ainsi que sur la réunion que vous devez faire ou que vous avez fait avec les 3 6 personnes mentionnées dans le début du courrier, sans quoi je serais obligé de vous sanctionner, que la lettre du 2 septembre 2008 est ainsi libellée : vous avez la responsabilité, entre autres, de la gestion des plannings et l'organisation du temps de travail de vos équipes, hors à mon retour nous avons fait le point avec votre homologue de l'autre service, M A..., et vous m'avez répondu : RAR, comme d'habitude période creuse, je m'aperçois encore une fois que vous n'êtes pas capable de gérer vos hommes, Christine, responsable de la comptabilité, me signale et vous le confirmez qu'ils ne veulent pas signer un document administratif de production, encore une fois, vous ne prouvez que vous ne tenez pas les hommes sous votre responsabilité, pourquoi je vous paie ? Je suis toujours emmerdé » par votre service (4 personnes), alors que nous avons 33 personnes en tout et c'est toujours les mêmes, dans le cas où vous continuer dans ce principe, je serais obligé de revoir ma position, je compte sur votre intelligence pour modifier votre comportement ; qu'il verse par ailleurs l'attestation établie le 09/ 09/ 09, par M. Alain Y..., ancien cadre de l'entreprise, dont le contrat de travail a pris fin par la signature d'une convention de rupture, le 10 mars 2011, déclarant : faisant partie des cadres de l'entreprise Midi-Etiquette, j'ai participé à la grande majorité des réunions qui mettaient en présence le plus souvent A. Z..., B. X... et moi-même, j'atteste que le PDG A. Z... proférait très fréquemment des insultes et des grossièretés indirectes à l'égard des salariés dont nous étions responsables, les mots « connard, cons, couilles, gros boeuf », étaient monnaie courante, des insultes directes à l'égard de M. X... qui à plusieurs reprises a préféré quitter les réunions, des menaces concernant la rémunération de M. X... : je vais vous supprimer des primes, je vous paye trop, des paroles pour humilier et discréditer le travail de M. X..., a quoi servez-vous, pourquoi je vous paye, vous êtes un incapable, j'atteste également du professionnalisme et des compétences de M X... qui s'est particulièrement impliqué dans l'entreprise malgré des conditions de travail au-delà du supportable. ; que si les faits antérieurs au 26 juillet 2004 ne peuvent être retenue, l'appelant est cependant admis à produire des éléments de preuve plus anciens ; qu'il en est ainsi du fax de M. Z..., adressé le 12 février 2003, sur papier à en-tête de la société « Etiquetas Adhesivas Z... S. L » à Girona (Espagne) ci-après reproduit, quel est le conard qui envoi des dossiers en Espagne avec des trames qui n'ont rien à voir avec l'original (…) à l'heure qu'il est 5 f de temps perdu. J'attends par tél le responsable et Christine à déduire des congés de ce conard (1d°) 1 journée ; que le témoignage de M. Y... est également accrédité par diverses correspondances adressées par le gérant à M. X... : le 18 septembre 2003, lui reprochant d'avoir quitté la réunion tenue la veille, alors qu'il était « suffisamment rémunéré en tant que responsable des étiquettes adhésives (..), d'autant que ce (n'était) pas la première fois, le 23 septembre 2003, lui indiquant : les autres points essentiels à régler impérativement que je vous remets en mémoire, n'ayant pas été encore abordés sont suppression des primes du responsable de Midi Etiquettes, le 24 décembre 2003, lui faisant part de son mécontentement et le mettant en garde en ces termes : je n'admettrais à partir du mois de janvier 2004 aucune alternative à quoi que ce soit, remettez-vous en question durant ces vacances et faites votre travail de dirigeant qui oeuvre pour la rentabilité et l'organisation pour l'entreprise qui l'emploie ; que l'appelant produit également ses propres correspondances adressées au gérant de la société : le 30 janvier 2004 : (…) depuis 2 ans au menu du jour nous avons, je vous paye trop, mises en garde quotidiennes, lettres recommandées, vous êtes responsable de la déchéance de Midi-Etiquette etc … (…) arrivé à aujourd'hui je pense que vous m'avez usé, je suis en train d'y laisser ma santé et travailler dans ces conditions m'est devenu trop difficile, je ne vais pas faire l'apologie de mon comportement et mon travail mais depuis bientôt 6 ans, j'ai tout le temps oeuvré pour la réussite de vos sociétés, je ne pense pas que beaucoup de vos salariés partagent cet état d'esprit, le 25 mai 2006 (…) c'est là qu'il y a le plus de choses à améliorer et où le manque à gagner est le plus grand, la question est de savoir si vous et les personnes que vous avez nommé responsables le souhaitent vraiment ou si vous préférez entretenir cette animosité entre services avec l'ambiance exécrable qui en découle ; qu'en produisant l'ensemble de ses bulletins de paie, le salarié invoque par ailleurs la très faible augmentation de son salaire, sans commune mesure selon lui avec la progression du chiffre d'affaires de la société (19 000 Frs ; soit 2 896 € au 1re janvier 2000 et 3 050 € au 31 septembre 2008, soit une augmentation de 154 € en 9ans), ainsi que la suppression de sa prime mensuelle annoncée dans la correspondance précitée du 23 septembre 2003 ; qu'en outre les témoignages de plusieurs proches attestant de la dégradation de son état de santé ; qu'il communique enfin : ses avis d'arrêts de travail motivés par un « syndrome anxio-dépressif réactionnel majeur », les correspondances de son médecin traitant (Dr B...), datées du 5 décembre 2008 et du 2 février 2009, mentionnant une « charge anxieuse secondaire à un épisode d'épuisement professionnel … lié à un processus de harcèlement et d'humiliations répétées de la part de ses employeurs », à l'origine d'un sentiment de dévalorisation, ayant nécessité son placement sous anti-dépresseur, ainsi qu'une « grande douleur à l'évocation des faits, avec recrudescence anxieuse pendant les consultations, prise de conscience de l'ancienneté et du coté insidieux de cette maltraitance professionnelle, un certificat du médecin du travail (Dr C...), daté du 8 juillet 2009, attestant : avoir déclaré le 16 mars 2009 M. X... Bernard en inaptitude définitive à son poste de travail dans l'établissement Midi-Etiquettes, cette inaptitude résulte d'une dégradation de l'état de santé de M. X... liée au contexte et aux conditions de travail existant dans l'établissement, ainsi établis, ces faits, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que pour faire la preuve, qui lui incombe, que ces agissement sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'intimée invoque la partialité du témoignage de M. Y..., en faisant valoir que celui-ci ne peut témoigner de faits postérieurs au 11 février 2008, date de son arrêt de travail continuellement reconduit jusqu'à la fin de son contrat, le 19 avril 2011, dans le cadre d'une rupture conventionnelle, supportait difficilement en tant qu'ancien chef d'entreprise, de se soumettre à des ordres, a co-signé certains documents produits par M. X..., en particulier la lettre du 18 septembre 2003 ; que rappelant qu'à l'issue de la visite médicale annuelle, le 16 janvier 2008, M. X... a été déclaré apte sans réserve par le médecin du travail (Dr C...), et que ses troubles seraient apparus en septembre 2008, elle observe que M. X... n'a été destinataire, durant cette période, que d'un seul courrier, celui du 2 septembre 2008, « absolument exclusif d'un harcèlement » ; qu'elle fait valoir que les courriers et avertissements, peu nombreux sur une période de plus de 11 ans de présence « étaient tous justifiés par les nombreux manquements de ce salarié compte tenu de son incapacité à gérer l'équipe qu'il était censé diriger » et soutient que le gérant de la société n'a jamais été insultant à l'égard des employés, ce dont elle veut pour preuve les témoignages suivants : Serge D... ; j'ai travaillé à Midi Etiquettes comme conducteur et j'ai été aussi délégué du personnel durant plusieurs années. J'ai travaillé avec M. X..., il avait sous ses ordres les conducteurs typo et moi-même. Il n'avait aucune autorité sur eux, il donnait des ordres et les conducteurs faisaient ce qu'ils voulaient, horaires, les congés, les absences, jusqu'au point où M X... a fermé sa porte pour ne pas les voir et certains se permettaient de l'engueuler. M Y... lui-même avait même fait des réflexions lorsque ces ouvriers abandonnaient les postes ou partaient en avance. De plus, avec ses problèmes personnels, il arrivait le matin en soufflant. Il était fatigué avant de commencer, quant à M Z..., qui est le PDG, très proche des salariés, essayait de leur expliquer (sic), mais rien n'y faisait. M X... n'aimait pas qu'on lui fasse des remontrances et parfois il partait et revenait plus tard, M. Z... n'a jamais insulté M X..., malgré son inorganisation, c'est pas le style de ce Monsieur que j'ai côtoyé pendant 15 ans, Benoit E... : je n'ai pas connaissance du fait que M Z... passe son temps à insulter ses collaborateurs, dont je fais partie. Si le fait de hausser la voix dans une réunion parce que les avis sont partagés constitue une insulte pour Messieurs X... et Y..., ils feraient mieux de vivre dans un couvent. Par contre, agir comme M X... qui quittait systématiquement les réunions dès qu'il se sentait contrarié est insultant et méprisant pour l'assemblée (…) occupant un poste similaire au sien à la SAS Z..., je me suis souvent plaint des dossiers « surprises » à réaliser en catastrophe (…) ce manque de communication assorti de l'incapacité de M X... à gérer son personnel a eu également des répercussions importantes sur l'ensemble des salariés de Midi Etiquettes, Jean-Luc F... : je me suis retrouvé seul de nuit à travailler car M X... avait fait travailler le conducteur typo en quatre nuits en 35h comme d'habitude et il ne l'avait pas signalé à M E.... Quant à M Z..., il n'a jamais levé le ton ni insulté qui que ce soit, bien au contraire, quand on lui demande des choses, il les fait pour rendre service, Hervé G... : depuis que je travaille dans le groupe Z..., j'ai côtoyé Messieurs X..., Z... et Y.... Monsieur Z... n'a jamais été méprisant ni insultant vis-à-vis d'eux bien au contraire, lorsqu'on lui demande des choses il est prêt à rendre service, Jean-Louis H...: travaillant de longue date dans le groupe Z..., j'ai côtoyé Messieurs X..., Z... et Y..., ce dernier n'a jamais eu de mot dépassé envers qui que ce soit bien au contraire quand (on) lui demande des choses il est prêt à nous rendre service, c'est pas le cas pour M Y..., Sylvain I...en tant qu'ancien responsable du service création de Midi-Etiquette et ayant assisté à plusieurs réunions des chefs de service, je n'ai jamais entendu d'insultes de Monsieur Z... à l'encontre des responsables bien au contraire ces réunions étaient constructives, Pascal J...: j'ai pris mes fonctions comme assistant de fabrication au sein de l'entreprise Midi Etiquettes en mai 2001, depuis 9 ans tout a été mis en oeuvre par la direction pour mon intégration dans l'équipe. En cas de difficultés personnelles, Monsieur Z... a toujours sa porte ouverte pour trouver une solution (…) j'ai régulièrement participé aux réunions de travail avec l'encadrement et cela depuis mon arrivée, jamais je n'ai entendu d'insultes. Si vous faites votre travail, vous serez soutenu par la direction ; que s'agissant de la télécopie précitée, portant date, douteuse selon elle, du 12 février 2003, elle fait valoir que rien ne permet d'établir que ce message ait été destiné à M X..., qu'il exprime « seulement l'emportement d'une personne devant la perte de temps engendrée par cette erreur » et que les congés pris par M X... le 26 mars 2003 (1/ 2 journée) et le 28 mars 2003 (une journée) ne lui ont absolument pas été imposés ; qu'elle ajoute que les certificats médicaux produits par l'appelant sont tendancieux, que le Dr B... n'est jamais venu au sein de la société pour constater les prétendus faits de harcèlement et les humiliations répétées dont il a fait état, qu'elle a d'ailleurs déposé plainte contre ce médecin auprès du conseil de l'ordre des médecins et du procureur de la République du chef de dénonciation calomnieuse, que le classement sans suite de cette plainte ne retire en rien à la gravité de ces agissements ; que le gérant de la société a été particulièrement choqué par les termes de « maltraitance professionnel », que le médecin du travail (Dr C...) fait preuve d'une animosité particulière depuis des années à son égard et qu'il n'a pas hésité à effectuer une visite au sein de la société le jour même des funérailles de sa mère ; qu'elle réplique enfin que M. X... a bénéficié du statut de cadre à compter de janvier 2002, que sa rémunération a toujours été bien supérieure au minimum conventionnel et qu'il a toujours perçu des primes ; que toutefois ces éléments ne permettent aucunement de douter de la sincérité du témoignage de Monsieur Y... dont le contrat a pris fin par une rupture conventionnelle et ne mentionne aucun fait postérieur à son arrêt de travail pour maladie, que les témoignages produits par l'intimée confirment d'ailleurs que Monsieur X... a quitté les réunions de travail à plusieurs reprises, comme le témoin l'a déclaré, sans qu'aucune explication précise ne soit fournie sur la cause de ces brusques départs, M E... ayant simplement déclaré à ce sujet dans son témoignage précité que le responsable de production « quittait systématiquement les réunions dès qu'il se sentait contrarié » ; que si elle réfute tout propos insultant de la part du gérant de la société à l'égard du salarié pendant ces réunions, il n'en demeure pas moins que dans sa lettre du 18 septembre 2003, après avoir constaté qu'une fois de plus M X... avait quitté la réunion tenue la veille, le gérant de la société s'est borné à souhaiter que la prochaine réunion soit « plus constructive », qu'au surplus, l'intimée ne justifie pas les propos vexatoires du gérant dans ses lettres du 12 mai 2006 et du 2 septembre 2008, dont le caractère habituel résulte non seulement du témoignage de M Y... mais aussi du fax daté du 12 février 2003, contredisant manifestement les témoignages dont elle se prévaut, qu'alors qu'elle met l'accent sur les prétendues carences managériales du salarié, elle n'établit pas ni même ne prétend avoir jamais envisagé une mesure de licenciement ; qu'elle ne justifie pas davantage la question du gérant de la société posée dans la lettre du 12 mai 2006 « Pourquoi je vous paie ? » ni le rappel au paiement de la rémunération fait dans celle du 2 septembre 2008, dont le caractère récurrent et menaçant est attesté par M Y... et confirmé par les courriers des 18 et 23 septembre 2003 ; que l'attestation établie le 10 octobre 2011 par Madame K...déclarant que Monsieur Z... « vient deux par semaine dans les locaux situés à Villabareix (Gérone) » n'exclut pas tout acte de harcèlement commis dans les locaux de Clermont l'Hérault ; que ni la plainte déposée contre le Dr B... auprès du procureur de la République de Montpellier le 5 octobre 2001, classée sans suite, ni la prétendue « animosité » du médecin du travail à l'égard du gérant de la société dont la preuve n'est pas rapportée, ne sauraient combattre utilement les certificats médicaux versés aux débats ; qu'enfin le harcèlement pouvant être constitué indépendamment de l'intention de son auteur, l'étonnement manifesté par le gérant de la société sur le terme de « maltraitance professionnelle » est inopérant ; que l'employeur ne justifiant pas ses agissements par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le harcèlement moral est ainsi établi ; qu'il résulte en outre des éléments de la cause que ce harcèlement moral est à l'origine de l'inaptitude définitive constatée par le médecin du travail ; qu'en effet, M X... a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 26 septembre 2008, soit peur après la lettre qui lui a été adressée par l'employeur le 2 septembre 2008, et cet arrêt, motivé par un syndrome anxio-dépressif réactionnel majeur consécutif à un « épuisement professionnel » a été continuellement reconduit jusqu'à la constations de son inaptitude définitive, lors des visites de reprise des 2 et 16 mars 2009 ; que le 8 juillet 2009, le médecin du travail a lui-même certifié : « cette inaptitude résulte d'une dégradation de l'état de santé de Monsieur X... liée au contexte et aux conditions de travail existant dans l'établissement » ; qu'il s'évince de ces constatations que le licenciement de Monsieur X... est nul ; qu'alors âgé de 47 ans, titulaire d'une ancienneté de 10 ans dans l'entreprise, M X... percevait un salaire mensuel brut de base de 3. 050 € auquel s'ajoutaient des primes périodiques ; qu'il justifie qu'il a été admis au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique à compter du 13 septembre 2011, pour un montant net journalier de 15, 37 € mais ne produit aucun élément sur sa situation immédiatement postérieure au licenciement, tandis que l'intimée communique les statuts de deux sociétés civiles de portefeuille constituées le 18 mai 2011 et le 13 août 2012, dont il est l'un des associés ; que compte tenu de l'ensemble des éléments de la cause, le préjudice résultant pour M X... du caractère illicite de son licenciement sera réparé par une somme de 36. 000 € à titre de dommages et intérêts ; que le jugement déféré sera infirmé en ce sens » ;

- ALORS D'UNE PART QUE l'action du salarié en réparation du préjudice résultant d'un harcèlement moral est soumise à la prescription quinquennale de droit commun instituée par l'article 2224 du Code Civil, ce dont il résulte que les faits antérieurs à ce délai ne sauraient être retenus pour caractériser des agissements de harcèlement moral ; que viole dès lors ce texte, ensemble l'article L. 1471-1 du code du travail, la Cour d'appel qui énonce que « les faits antérieurs au 26 juillet 2004 ne peuvent être retenus » mais qui se fonde néanmoins sur ces faits pour caractériser l'existence d'un harcèlement moral ;
- ALORS D'AUTRE PART QU'en se référant principalement à l'attestation de Monsieur Y... pour retenir l'existence de faits de nature à laisser présumer un harcèlement, sans indiquer la date des faits relatés sans indication de date par Monsieur Y... dans son attestation, la Cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation s'exercer son contrôle sur le point de savoir si les faits dénoncé – à les supposer établi –, n'étaient pas prescrits, privant sa décision de base légale au regard des articles 2224 du Code Civil, L. 1471-1 du code du travail ;
- ALORS DE TROISIEME PART QUE nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, le juge ne peut retenir comme étant de nature à laisser présumer un harcèlement, des courriers que le salarié prétendument victime a dressé à son employeur ; qu'en l'espèce, en s'appuyant sur les propres correspondances de Monsieur X... adressée à la société les 30 janvier 2004 et 25 mai 2006 pour juger que ce dernier établissait des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code Civil et L. 1154-1 du code du travail ;
- ALORS DE QUATRIEME PART QU'en vertu de son pouvoir de direction l'employeur est habilité à adresser à un salarié qui n'exécute pas correctement sa prestation de travail, des reproches, fût-ce en des termes vifs, sans que cette initiative ne dégénère en harcèlement moral dès lors que lesdits reproches sont justifiés ; qu'en l'espèce, en retenant comme laissant présumer une situation de harcèlement les lettres des 12 mai 2006 et 2 septembre 2008 qui rappelaient vivement Monsieur X... à l'ordre après plusieurs autres rappels infructueux (arrêt, p. 4 et 5), sans aucunement s'interroger comme elle y était pourtant invitée (conclusions de la société, p. 8, al. 2 et s.) sur la pertinence de ces reproches au regard de la prestation de travail fournie par ce cadre, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1152-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
- ALORS ENFIN QU'il n'existe aucune obligation pour l'employeur de faire évoluer la rémunération des salariés en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise, de sorte qu'en retenant que Monsieur X... invoque la faible augmentation de son salaire, « sans commune mesure avec la progression du chiffre d'affaires de la société », comme un élément constitutif du harcèlement (arrêt, p. 5, al. 6), la Cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-14883
Date de la décision : 03/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 20 janvier 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 03 nov. 2016, pourvoi n°15-14883


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delaporte et Briard, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14883
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