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26/10/2016 | FRANCE | N°15-81445

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 octobre 2016, 15-81445


Statuant sur le pourvoi formé par :

- La Mutuelle Intergroupes Poliet et ciments français, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 6 février 2015, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M.

Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de l...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La Mutuelle Intergroupes Poliet et ciments français, partie civile,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 6 février 2015, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Zerbib, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller ZERBIB, les observations de Me LE PRADO, la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE ET BUK-LAMENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Mme Y... a été administratrice de la Mutuelle familiale des Hauts-de-Seine, devenue Vitamine, fonction gratuite aux termes de l'article L. 125-5 du code de la mutualité de 1989, devenu L. 114-26 du code de la mutualité de 2001, mais qu'elle a néanmoins perçu un salaire de l'ordre de 25 000 francs (3 817 euros) par mois, du 24 avril 1992 au 1er avril 1998 ;
Attendu que ces revenus lui ont été versés par une association, qu'elle a contribué à créer, dont elle a été l'unique salariée, et qui a bénéficié de subventions de la mutuelle ayant servi au règlement de ses salaires ;
Attendu que Mme Y... a accédé, selon contrat de travail du 1er avril 1998, au poste de directrice de la mutuelle Vitamine rémunérée par un salaire mensuel de 25 000 francs (3 817 euros), qui a augmenté au fil des ans, et qu'elle a obtenu de la Mutuelle Intergroupes Poliet et Ciments Français, qui a repris la Mutuelle Vitamine, selon traité de fusion du 27 avril 2006, à l'occasion de son départ, l'indemnité de 317 500 euros prévue par ledit contrat de travail ;
Attendu que la Mutuelle intergroupes Poliet et ciments français, après avoir pris connaissance, le 18 avril 2007, des pièces comptables de la Mutelle Vitamine, a déposé plainte le 27 juin 2007 devant le doyen des juges d'instruction et s'est constituée partie civile, exposant que ces documents recelaient des délits qu'elle a qualifiés d'abus de confiance ; que par ordonnance du 7 mars 2014, le magistrat instructeur a dit n'y avoir lieu à suivre ; qu'appel a été interjeté par la partie civile ;
En cet état,
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention des droits de l'homme, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, préliminaire, 314-1 du code pénal, 8, 10, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre à l'encontre de Mme Y..., pour les faits commis antérieurement au 28 juin 2004 en raison de l'extinction de l'action publique ;
" aux motifs propres que la partie civile, qui a déposé plainte et s'est constituée le 28 juin 2007, dénonce des faits qui auraient été commis durant les années 1992 à 1998, par la mutuelle vitamine pour le versement de subventions à l'association « le réseau pour la prévention de l'économie de santé » qui auraient bénéficié à Mme Y... sous forme de salaires, et pour l'obtention de primes, en septembre 2000 notamment, et autres avantages dont aurait bénéficié Mme Y... ou ses proches, les administrateurs (frais d'avocat et cadeaux) ; que, contrairement à ce qui a été allégué par la partie civile, ou le procureur général, aucun des faits susvisés n'a été réalisé de manière occulte comme l'a montré l'information ; que, en effet, les subventions versées par la Mutuelle à l'association " le réseau pour la prévention de l'économie de santé " (RESP) étaient dûment soumises au vote du Conseil d'Administration dès le 9 avril 1992 (où étaient présents M. Robert Z..., Mmes Martine A..., Florence B..., M. Alain C..., Mmes Dalila D..., Elisabeth E..., MM. Robert F..., Jean-Pierre G..., Michel H..., René I...et Mme Michèle J..., soit onze personnes, 0423-0425), et figuraient dans tous les bilans jusqu'en 1998, quels que soient " la catégorie " et " le poste " visés, et étaient approuvées par les onze administrateurs, le nombre de ces personnes paraissant exclure l'opération occulte alléguée ; qu'il n'y a donc eu aucune dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction ; qu'il en a été de même pour les primes de vacances de 1998 à 2000 ; que, par conséquent, le point de départ de la prescription de l'action publique des abus de confiance allégués, si tant est que les infractions soient constituées, doit être fixé à compter de l'approbation des comptes, correspondant au jour où le délit serait apparu et aurait pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique par les personnes concernées par une éventuelle fraude, spécialement les administrateurs, le commissaire au compte, surcroît, l'éventuelle complicité des administrateurs et du commissaire au compte invoquée par la partie civile ne relève que de l'allégation, n'est établie par aucun élément matériel et ne saurait donc repousser le calcul du départ du délai de prescription acquis pour les faits ci-dessus reprochés entre 2001 et 2003 ; que, par conséquent, il résulte des éléments susvisés que la prescription était acquise pour ces faits avant le 28 juin 2004 ;
" et aux motifs adoptés que, la partie civile dénonce des faits qui auraient été commis avant cette date, étant rappelé qu'elle a déposée plainte le 28 juin 2007 : le versement de subventions, durant les années 1992 à 1998, par la mutuelle Vitamine à l'association " le réseau pour la prévention de l'économie de santé " qui auraient bénéficié à Mme Y... sous forme de salaires, l'obtention de primes, en septembre 2000 notamment, et autres avantages dont aurait bénéficié Mme Y... ou ses proches, les administrateurs (frais d'avocat et cadeaux) ; que contrairement aux prétentions de la partie civile, aucun des faits susvisés n'a été réalisé de manière occulte ; que, par conséquent, il résulte des éléments susvisés que la prescription est acquise avant le 28 juin 2004 ; qu'en effet, les subventions versées par la Mutuelle à l'association " le réseau pour la prévention de l'économie de santé " étaient dûment soumises au vote du Conseil d'Administration et figuraient dans tous les bilans, quelle que soit la catégorie et le poste visés, et étaient approuvées par les administrateurs ; que, par conséquent, le point de départ de la prescription de l'action publique ne peut être fixé qu'à compter de l'approbation des comptes, correspondant au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que, de surcroît, la complicité des Administrateurs et du commissaire au compte invoquée par la partie civile n'est établie par aucun élément matériel et ne saurait donc repousser le calcul du départ du délai de prescription ;
" 1°) alors que l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée ; qu'en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; qu'en matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action ; que, pour constater l'extinction de l'action publique relative à l'abus de confiance, l'arrêt a énoncé que « le point de départ de la prescription de l'action publique des abus de confiance allégués, si tant est que les infractions soient constituées, doit être fixé à compter de l'approbation des comptes, correspondant au jour où le délit serait apparu et aurait pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique par les personnes concernées par une éventuelle fraude, spécialement les administrateurs, le commissaire au compte, ou les membres participants aux assemblées générales » ; qu'en se déterminant ainsi, quand la simple approbation des comptes ne signifiait pas que la MIPCF, face à une dissimulation dans les écritures comptables, était en mesure d'apprécier la réalité de la situation et donc d'exercer un contrôle et d'avoir, à cette date, connaissance du délit dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors que, en ne recherchant pas si le quitus du conseil d'administration et a fortiori celui de l'assemblée générale, seule habilitée à approuver les comptes, pouvait être considéré comme valable, ce que la MIPCF contestait au regard de la composition irrégulière de ces organes et de la violation des règles de quorum et de majorité posées par le code de la mutualité, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 3°) alors que, en ne recherchant pas si la fusion entre Vitamine et la MIPCF n'impliquait pas de facto un report du point de départ de la prescription à la date effective d'accès aux locaux et de prise de connaissance par cette dernière de l'ensemble des pièces comptables, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction qui a retenu l'extinction de l'action publique par écoulement de la prescription en ce qui concerne la perception de salaires, de 1992 à 1998, par Mme Y..., l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour de l'approbation des comptes par les assemblées délibérantes de la mutuelle correspondant à la date où le délit, à le supposer avéré, serait apparu et aurait pu être constaté ;
Que les juges ajoutent que les subventions versées par la mutuelle à l'association étaient dûment soumises, dès le 9 avril 1992, au vote du conseil d'administration, où étaient présents onze administrateurs, qu'elles figuraient dans tous les bilans jusqu'en 1998, quels que soient la " catégorie " et le " poste " visés, et ont été approuvées par lesdits administrateurs, le nombre de ces personnes paraissant exclure l'opération occulte alléguée ; que les juges en déduisent qu'il n'y a eu aucune dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l'infraction ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que la prescription de l'action publique était acquise pour les faits antérieurs au 28 juin 2004, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention des droits de l'homme 441-1 du code pénal, préliminaire II, 80, 81, 175, 176, 177, 184, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué à dit n'y avoir lieu à suivre ;
" aux motifs que le mémoire de l'appelant fait état d'un certain nombre d'infractions pour lesquelles il est sollicité le renvoi de Mme Danièle K...épouse Y... devant le tribunal correctionnel alors, que le juge d'instruction n'en a pas été saisi, notamment, faux et usage de faux, paiement de frais d'avocat de 1992, défaut d'organisation des services de santé au travail ;
" et aux motifs que l'information n'a aucunement permis de qualifier les faits dénoncés par la partie civile d'escroquerie, de faux et d'usage de faux, d'abus de biens et du crédit d'une société à forme coopérative, d'infractions pénales au code de la Mutualité et au code du travail ;
" 1°) alors que le juge d'instruction est saisi des faits dénoncés par le réquisitoire introductif, le réquisitoire supplétif ou la plainte, indépendamment de la qualification provisoirement donnée à ces faits par le ministère public ou la partie civile ; qu'un juge d'instruction, ou la chambre de l'instruction, ne saurait prononcer un non-lieu au motif que la qualification visée par la poursuite ne serait pas applicable, sans avoir recherché si une autre qualification pouvait être envisagée ; que, pour dire n'y avoir lieu à suivre du chef de faux et d'usage de faux, la chambre de l'instruction a énoncé que le juge d'instruction n'était pas saisi de cette qualification ; qu'en se déterminant ainsi, quand les faits de faux et d'usages de faux, seraient-ils non qualifiés de tels dans les plaintes de la partie civile, figuraient parmi les faits dont le juge d'instruction était saisi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
" 2°) alors qu'en se bornant à énoncer que « l'information n'a aucunement permis de qualifier les faits dénoncés par la partie civile d'escroquerie, de faux et d'usage de faux, d'abus de biens et du crédit d'une société à forme coopérative, d'infractions pénales au code de la mutualité et au code du travail », la chambre de l'instruction a statué par voie d'affirmation générale ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, s'agissant de chacune de ces qualifications prises isolément, il résultait de l'information des charges suffisantes à l'encontre de Mme Y..., d'avoir commis l'une ou la totalité de ces infractions, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu de statuer des chefs de faux d'usage de faux, sur les faits liés au paiement des frais d'avocat de 1992, ainsi que sur le défaut d'organisation des services de santé au travail, l'arrêt relève que le juge d'instruction n'a pas été saisi de telles infractions mais des seuls délits d'abus de confiance ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu s'agissant des salaires, primes et augmentations de salaires qui auraient été octroyés à Mme Y..., du 1er avril 1998 à 2006, l'arrêt relève qu'ils ont fait l'objet d'approbations successives du conseil d'administration dont les décisions prises sur ces points étaient annexées aux procès-verbaux rédigés par la secrétaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi et dès lors que la Cour est en mesure de s'assurer que ni la plainte, ni les réquisitoires introductif et supplétifs ne visaient les faits visés à la première branche du moyen, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81445
Date de la décision : 26/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 06 février 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 oct. 2016, pourvoi n°15-81445


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Potier de La Varde et Buk Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.81445
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