La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2016 | FRANCE | N°15-19050

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 octobre 2016, 15-19050


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société JLL de ce qu'il reprend l'instance ;

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 mars 2015), qu'Ingrid Y..., âgée de quinze ans, a été engagée par l'Eurl JLL, ayant pour gérante Mme Z..., du 20 septembre 2010 au 31 août 2012 en qualité d'apprentie aux fins de préparation d'un CAP vente, puis par Mme Z... elle-même du 1er septembre 2012 au 31 août 2014 dans le cadre d'un second contrat d'appre

ntissage aux fins de préparation d'un baccalauréat professionnel commerce ; que ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à M. X..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société JLL de ce qu'il reprend l'instance ;

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 mars 2015), qu'Ingrid Y..., âgée de quinze ans, a été engagée par l'Eurl JLL, ayant pour gérante Mme Z..., du 20 septembre 2010 au 31 août 2012 en qualité d'apprentie aux fins de préparation d'un CAP vente, puis par Mme Z... elle-même du 1er septembre 2012 au 31 août 2014 dans le cadre d'un second contrat d'apprentissage aux fins de préparation d'un baccalauréat professionnel commerce ; que par lettre du 5 octobre 2012, Mme Z... a mis fin à la relation de travail ; que représentée par sa mère, l'apprentie a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la reconnaissance du co-emploi entre ses deux employeurs successifs, la requalification des contrats d'apprentissage en contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes au titre de la rupture ;
Attendu que l'apprentie fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de requalification des contrats d'apprentissage en contrat de travail à durée indéterminée, de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamnation de l'Eurl JLL et de Mme Z... à lui verser diverses sommes au titre de la rupture abusive du contrat d'apprentissage alors, selon le moyen :
1°/ qu'à défaut de transmettre le contrat d'apprentissage, avant son début d'exécution ou dans les cinq jours ouvrables qui suivent celui-ci, à la chambre consulaire compétente pour l'enregistrer, le contrat est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ; qu'ayant constaté la remise tardive du contrat d'apprentissage de Mme Y... à la chambre de commerce et d'industrie, tout en refusant de le requalifier en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles L. 6224-1 et R. 6224-1 du code du travail ;
2°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en déclarant à la fois, d'un côté, que Mme Y... avait travaillé indistinctement durant tout son apprentissage dans les deux magasins gérés par Mme Z... et, de l'autre, que les moments où elle était restée seule étaient limités dans leur fréquence et leur durée, la cour d'appel s'est contredite et a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la formation de l'apprenti par son maître d'apprentissage doit être continue et permanente ; que l'employeur qui de manière répétée laisse un apprenti tenir seul un magasin méconnaît son obligation de formation ; qu'en relevant que l'Eurl JLL et Mme Z... avaient laissé à plusieurs reprises seule Mme Y... dans les deux magasins où elle était affectée, tout en refusant de constater que ses employeurs avaient violé leur obligation de formation, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé les articles L. 6223-1 et L. 6223-7 du code du travail ;
4°/ qu'aux termes de l'article L. 6222-18, alinéa 1, du code du travail, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage ; qu'un employeur auprès duquel l'apprenti poursuit sa formation, après rupture d'un précédent contrat le liant au même employeur, ne peut se prévaloir de la période prévue à l'article susvisé pour résilier le second contrat ; qu'en retenant que Mme Z... avait pu rompre unilatéralement et sans motif en application de cette disposition le 5 octobre 2012 le contrat d'apprentissage qui avait débuté le 1er septembre 2012 et avait été précédé d'un autre conclu avec les mêmes parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que, pour chacun des contrats d'apprentissage, le maître de stage avait transmis les documents, visés par le directeur du centre de formation des apprentis, pour enregistrement auprès de la chambre consulaire qui avait procédé à l'enregistrement demandé, c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté l'application des sanctions prévues en cas de refus d'enregistrement ;
Attendu, ensuite, que c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve invoqués par les parties au soutien de leur argumentation que la cour d'appel a estimé, sans se contredire et sans être tenue de se livrer à une recherche qui ne lui était pas demandée, que l'employeur n'avait pas méconnu son obligation de formation ;
Attendu enfin que la cour d'appel a décidé à bon droit que la rupture du second contrat d'apprentissage, notifiée durant les deux premiers mois de l'apprentissage commencé le 1er septembre 2012, et portant sur une formation distincte de celle faisant l'objet du premier contrat d'apprentissage arrivé à son terme et entièrement exécuté auprès du même employeur, pouvait intervenir de façon unilatérale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mlle Y... de ses demandes tendant à la requalification des contrats d'apprentissage en contrat de travail à durée indéterminée et de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et à ce que l'Eurl JLL et Mme Z... soient condamnées à lui verser des rappels de salaire, des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, et une indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS propres QUE la reconnaissance du coemploi suppose que soit établie une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre les deux entités, se manifestant par l'immixtion de l'une dans la gestion économique et financière de l'autre ; qu'en l'espèce, au-delà de l'identité de dirigeant entre les deux structures ayant successivement régularisé les contrats d'apprentissage, Ingrid Y... a été amenée à effectuer son apprentissage durant toute la période sans qu'il soit opérée de distinction véritable entre les deux magasins gérés par l'Eurl JLL d'une part et Mme Z... en nom propre d'autre part, circonstances dont il résulte une confusion de fait constitutive d'un coemploi ; que les articles R. 6224-1 et suivants du code du travail, dans leur rédaction alors en vigueur, prévoient que la transmission par l'employeur des exemplaires du contrat d'apprentissage visés par le directeur du centre de formation est faite par l'employeur avant le début de l'exécution du contrat ou, au plus tard, dans les cinq jours ouvrables qui suivent celui-ci, à la chambre de commerce et d'industrie territoriale qui dispose alors d'un délai de quinze jours à compter de la réception pour l'enregistrer, le silence gardé par elle dans ce délai valant acceptation d'enregistrement ; qu'en l'espèce, la remise pour visa par le CFA de Dieppe (établissement de formation) le 3 décembre 2010 et sa réception par la CCI de Dieppe le 10 décembre 2010 du contrat d'apprentissage régularisé avec l'Eurl JLL pour débuter le 20 septembre 2010, pour tardives qu'elles soient, ne peuvent avoir pour conséquence la requalification en contrat de travail à durée indéterminée de ce contrat d'apprentissage comme le soutient Ingrid Y... ; que le non-respect par l'employeur de l'article L. 6223-1 du code du travail qui prévoit que l'employeur peut engager un apprenti s'il déclare à l'autorité administrative prendre les mesures nécessaires à l'organisation de l'apprentissage et s'il garantit que l'équipement de l'entreprise, les techniques utilisées, les conditions de travail, de santé et de sécurité, les compétences professionnelles et pédagogiques ainsi que la moralité des personnes qui sont responsables de la formation sont de nature à permettre une formation satisfaisante, est sanctionné par la nullité des contrats d'apprentissage conclus par lui sans obtention de l'agrément susvisé en suite de sa déclaration et non par la requalification en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée ; qu'il n'est ni justifié, ni au demeurant soutenu que les deux employeurs successifs n'ont pas obtenu cet agrément ; qu'au surplus aucune critique n'est élevée par Ingrid Y... sur les conditions dans lesquelles sa formation a été dispensée par Mme Virginie A..., désignée comme étant son maître d'apprentissage au terme du premier contrat ; que le fait pour l'apprentie de demeurer seule dans un magasin, non contesté par l'employeur, ne peut être considéré en soi ou dans les circonstances particulières de la présente espèce comme de nature à remettre en cause la validité de la formation dispensée dans le cadre de son apprentissage ; que les nombreuses attestations produites aux débats par l'employeur, émanant de commerçant et salarié travaillant à proximité du magasin (M, L..., Mme B...), de clientes (Mmes C..., D...et E...), de la tutrice Mme A..., de salariées actuelles ou anciennes Mmes F..., G..., Z..., H...et I...) concordantes, circonstanciées, établissent en effet que les moments durant lesquels Ingrid Y... s'est retrouvée seule ont été limités dans leurs fréquence et durée, les quelques attestations émanant de ses amies, ex-petit ami ou membres de sa famille qui généralisent à partir de l'absence d'un autre salarié lors de leurs passages ponctuels et les attestations d'une stagiaire (Delphine I...) et d'une apprentie (Aïda J...) n'étant pas suffisamment précises dans leur contenu ou se référant à une période non datée pour contredire les témoignages susvisés ; que M. Jean-Luc K..., responsable au sein du centre de formation témoigne quant à lui de ce que les stagiaires confiés au magasin Pass'age reçoivent une formation parfaite avec un tutorat de qualité ; qu'enfin, Ingrid Y..., qui a de surcroît obtenu son CAP vente, n'établit aucunement s'être plainte durant l'exécution du premier contrat des conditions dans lesquelles s'exécutait sa formation et affirme même dans son courrier de contestation de la rupture ne s'être jamais plainte ; que concernant le second contrat régularisé pour la période du 1er septembre 2012 au septembre 2013 dont Ingrid Y... revendique la requalification en contrat de travail à durée indéterminée pour les mêmes raisons que celles développées pour le premier contrat, les conditions dans lesquelles il a été visé par le centre de formation le 4 octobre 2012 pour être enregistré par la CCI de Dieppe le 9 octobre suivant et dans lesquelles il a été exécuté, ne permettent pas davantage de faire droit pour les motifs ci-dessus indiqués à une requalification ; que la rupture du second contrat survenu par l'effet de la résiliation à l'initiative de Mme Z..., doit être examinée au regard des règles particulières applicables au contrat d'apprentissage et non des règles du licenciement ; que l'article L. 6222-18 du code du travail autorise l'une ou l'autre des parties à rompre le contrat durant les deux premiers mois de l'apprentissage ; qu'en l'espèce, Mme Z..., qui n'a pas obtenu d'Ingrid Y... la signature d'une rupture d'un commun accord, a pu cependant rompre seule le 5 octobre 2012 le contrat ayant débuté le 1er septembre 2012, soit avant l'expiration du délai de deux mois considéré comme une période d'essai durant laquelle chaque partie au contrat est libre de le rompre sans donner de motif ;
AUX MOTIFS adoptés QUE l'employeur a fait travailler Madame Ingrid Y... dans deux points de vente dont il a la gestion afin d'améliorer et d'enrichir sa formation et lui permettre ainsi, de connaitre deux environnements de travail et deux clientèles distinctes ; que les travaux confiés à Mademoiselle Ingrid Y... étaient conformes au diplôme préparé ; que les dispositions de l'article L 6222-1 du code du travail ont été parfaitement respectées puisque Mademoiselle Ingrid Y... née le 28/ 09/ 1995 a eu ans au cours de l'année civile de la signature de son contrat ; que l'employeur justifie d'un effectif de salariés suffisant pour assurer à Mademoiselle Ingrid Y... un encadrement satisfaisant et quasi permanent ; que Madame Jessica Z... a satisfait aux obligations de formation à l'égard de son apprentie ; qu'il a été clairement démontré que l'enregistrement tardif du second contrat d'apprentissage de Mademoiselle Ingrid Y... auprès de la CCDI de Dieppe, ne résulte pas d'une carence fautive de Madame Jessica Z... ; qu'aucun élément versé au débat ne justifie d'une requalification du contrat d'apprentissage de Mademoiselle Ingrid Y... en contrat de droit commun ; que Madame Jessica Z... a respecté la rémunération versée aux apprentis de moins de 18 ans, soit 25 % du SMIC la 1ère année et 37 % du SMIC la 2ième année ; que Madame Jessica Z... a versé à Mademoiselle Ingrid Y... le pourcentage du SMIC inscrit au contrat d'apprentissage selon les dispositions légales de rémunération des apprenties ; que le contrat d'apprentissage de Mademoiselle Ingrid Y... a été résilié au cours des deux premiers mois d'apprentissage au motif de « rupture de fin de période d'essai » ; que cette période des deux premiers mois est considérée comme période d'essai et que selon les dispositions de l'article L6222-18, « le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage » ; que Mademoiselle Ingrid Y... n'a pas fait l'objet d'un licenciement mais que son contrat d'apprentissage a fait l'objet d'une résiliation à l'initiative de son employeur et conforme aux dispositions de l'article L6222-18 du Code du travail durant la période des deux premiers mois, le contrat d'apprentissage peut être résilié légalement sans préavis ; que Mademoiselle Ingrid Y... n'a pas fait l'objet d'un licenciement mais que son contrat d'apprentissage a fait l'objet d'une résiliation à l'initiative de son employeur et conforme aux dispositions de l'article L. 6222-18 du code du travail ;
1/ ALORS QUE à défaut de transmettre le contrat d'apprentissage, avant son début d'exécution ou dans les cinq jours ouvrables qui suivent celui-ci, à la chambre consulaire compétente pour l'enregistrer, le contrat est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ; qu'ayant constaté la remise tardive du contrat d'apprentissage de Mlle Y... à la chambre de commerce et d'industrie, tout en refusant de le requalifier en contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles L. 6224-1 et R. 6224-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en déclarant à la fois, d'un côté, que Mlle Y... avait travaillé indistinctement durant tout son apprentissage dans les deux magasins gérés par Mme Z... et, de l'autre, que les moments où elle était restée seule étaient limités dans leur fréquence et leur durée, la cour d'appel s'est contredite et a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.
3/ ALORS QUE, en tout état de cause, la formation de l'apprenti par son maître d'apprentissage doit être continue et permanente ; que l'employeur qui de manière répétée laisse un apprenti tenir seul un magasin méconnaît son obligation de formation ; qu'en relevant que l'eurl JLL et Mme Z... avaient laissé à plusieurs reprises seule Mlle Y... dans les deux magasins où elle était affectée, tout en refusant de constater que ses employeurs avaient violé leur obligation de formation, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et partant a violé les articles L. 6223-1 et L. 6223-7 du code du travail.
4/ ALORS QUE aux termes de l'article L. 6222-18 alinéa 1 du code du travail, le contrat d'apprentissage peut être rompu par l'une ou l'autre des parties durant les deux premiers mois de l'apprentissage ; qu'un employeur auprès duquel l'apprenti poursuit sa formation, après rupture d'un précédent contrat le liant au même employeur, ne peut se prévaloir de la période prévue à l'article susvisé pour résilier le second contrat ; qu'en retenant que Mme Z... avait pu rompre unilatéralement et sans motif en application de cette disposition le 5 octobre 2012 le contrat d'apprentissage qui avait débuté le 1er septembre 2012 et avait été précédé d'un autre conclu avec les mêmes parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-19050
Date de la décision : 26/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 31 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 oct. 2016, pourvoi n°15-19050


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19050
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award