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19/10/2016 | FRANCE | N°15-20712;15-20713;15-20714;15-20715;15-20718;15-20719;15-20720;15-20721;15-20722;15-20723;15-20724;15-20725;15-20726;15-20727;15-20728;15-20729;15-20730;15-20731;15-20732;15-20733;15-20734;15-20735;15-20736;15-20748;15-20749;15-20750;15-20751;15-20752;15-20753;15-20754;15-20755;15-20756;15-20757;15-20758;15-20759;15-22668;15-22669

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 octobre 2016, 15-20712 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 15-20. 712 à B 15-20. 715, E 15-20. 718 à Z 15-20. 736, N 15-20. 748 à Z 15-20. 759, Z 15-22. 668 et A 15-22. 669 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, ci-après annexés : Attendu qu'ayant relevé que les salariés avaient soit bénéficié du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 soit que leur droit à en bénéficier n'était pas contesté, la cour d

'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi inci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Y 15-20. 712 à B 15-20. 715, E 15-20. 718 à Z 15-20. 736, N 15-20. 748 à Z 15-20. 759, Z 15-22. 668 et A 15-22. 669 ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche, ci-après annexés : Attendu qu'ayant relevé que les salariés avaient soit bénéficié du dispositif prévu par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 soit que leur droit à en bénéficier n'était pas contesté, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu qu'avant constaté que les salariés avaient travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, en sorte qu'ils pouvaient prétendre à l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété réparant l'ensemble des troubles psychologiques induits par l'exposition au risque, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne l'Unedic délégation AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône et la société X...-Y...-Z..., prise en la personne de M. Eric X..., agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire ad hoc de la société Agintis, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour l'Unedic délégation AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône.
Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir octroyé aux salariés des dommages-intérêts au titre du préjudice d'anxiété ;
Aux motifs propres que : « Sur l'irrecevabilité du défaut de justification par le salarié qu'il remplit les conditions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et de l'arrêté ministériel pris pour son application :
Le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve par le fait de l'employeur, sauf à celui-ci à démontrer l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, peu important la nature de l'exposition, fonctionnelle ou environnementale, qu'il a subie, qu'il ait fait l'objet d'une surveillance médicale ou non et qu'il ait ou non adhéré à ce régime légal.
En l'espèce, la société Situb a été inscrite par arrêté du 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA), et ce, depuis sa création sans précision de date d'échéance.
Il n'est pas utilement contesté que la société Aginitis qui a repris l'activité de tuyauterie de la société Situb ainsi que son personnel doit répondre de cette inscription et est donc tenue d'indemniser les salariés qui justifieraient d'un préjudice d'anxiété au titre de leur période d'activité au sein de la société Situb.
[Le salarié] établit qu'il a travaillé dans l'établissement de Vitrolles [.]

Sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété souffert au titre de son emploi pour la société Situb devenue Agintis est donc recevable au regard des textes susvisés.
[…]
Sur la réparation du préjudice d'anxiété :
En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.
Contrairement à l'argumentation soutenue par le liquidateur et l'AGS, cette obligation ne résulte pas de l'ancien article L. 230-2 du code du travail issu de la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991, mais du contrat de travail.
D'ailleurs, l'ancien article 233-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à cette loi, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs.
Au surplus, bien avant le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels avait fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel, et le décret d'application du 11 mars 1894 imposait notamment que « les locaux soient largement aérés … évacués au-dessus de l'atelier au fur et à mesure de leur production avec une ventilation aspirante énergique … et que l'air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers ».
En l'état de ces dispositions, le dommage allégué par le salarié n'était pas imprévisible pour l'employeur lors de la conclusion du contrat de travail.
L'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité. Elle n'est donc pas contraire aux dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel, ni au principe de séparation des pouvoirs.
La société Situb, devenue Agintis, a été inscrite, par arrêté du 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante depuis sa création, soit 1964 et cette inscription couvre la période échue à ce jour.
[Le salarié] a été employé par la société Situb, devenue société Agintis, dans l'établissement de Vitrolles […].
Il a donc été exposé à l'amiante.
Pour s'exonérer de sa responsabilité, la société Agintis se borne à indiquer que le seul fait d'avoir travaillé dans une entreprise inscrite ne saurait caractériser la violation de l'obligation de sécurité de résultat par l'employeur à l'égard du salarié et ne fournit ni explication ni pièces sur le traitement et le conditionnement des déchets d'amiante ni sur l'information et les formations prodiguées aux salariés en prévention des risques ou sur la nature des protections individuelles mises à la disposition des salariés ni si elles étaient en nombre suffisant. Elle ne rapporte pas plus la preuve de ce que chaque salarié a été personnellement sensibilisé au risque de l'amiante et à la nécessité de respecter scrupuleusement toutes les précautions mises en place ou recommandées. Pour sa part, l'AGS soutient, sans plus d'éléments à l'appui, que les règles légales ont été respectées puisqu'il n'apparaît pas que l'inspection du travail ait dressé quelque procès-verbal que ce soit concernant la société.
Ainsi, il n'est pas démontré que l'employeur a pris toutes les mesures nécessaires sur le site de Vitrolles pendant l'ensemble de la période contractuelle, notamment celles prévues par le décret du 17 août 1977 (prélèvements atmosphériques périodiques, port des équipements individuels de protection, vérification des installations et des appareils de protection collective, information individuelle du salarié, absence de contre-indication et surveillance médicale) ; il n'est pas plus justifié de l'existence d'une cause étrangère non imputable à l'employeur, lequel ne s'exonère pas de sa responsabilité.
Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est avéré.
Le salarié est donc fondé à réclamer la réparation de son préjudice d'anxiété » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que : « Sur la faute commise par la Société AGINTIS
Ainsi que le rappelle l'article L 4221-1 du Code du Travail, l'employeur supporte une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés.
Les mesures qui doivent être prises par l'employeur à ce titre, comprennent :
- des mesures de prévention des risques professionnels,
- des actions d'information et de formation,
- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés,
L'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes,
Les pouvoirs publics sont intervenus pour réglementer les poussières d'amiante et à compter du Décret du 17 août 2007, en imposant des mesures particulières d'hygiène dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante :
- prélèvements réguliers dans l'atmosphère,
- conditionnement des déchets de toute nature susceptibles de dégager des fibres d'amiante,
- vérification des installations et des appareils de protection collective,
- information des salariés, de l'inspecteur du travail, du service de prévention de la CRAM sur les risques,
- suivi médical,
Par arrêté du 19 mars 2001, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la société SITUB (devenue AGINTIS) située à VITROLLES, a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA),
[Le salarié] est présumé avoir été exposé à l'amiante.
En effet, la société SITUB, dont l'activité a été reprise par la société AGINTIS, était spécialisée dans la tuyauterie industrielle et intervenait principalement dans les raffineries de pétrole et usines pétrochimiques de l'Etang de Berre,
Les travaux de tuyauterie industrielle nécessitaient d'intervenir sur des tuyaux soumis à de très hautes températures et des pressions importantes, de sorte que pour isoler ces tuyaux, les salariés utilisaient des matériaux à base d'amiante, Les salariés réalisaient également des travaux d'entretien des fours industriels lesquels étaient isolés à l'amiante.
[Le salarié démontre] que :
- les salariés n'ont reçu aucune information, ni formation relativement à l'amiante de la part de leur employeur, et particulièrement n'étaient nullement avertis des dangers liés à une exposition quotidienne à l'amiante,
- les salariés, particulièrement les tuyauteurs et les soudeurs, travaillaient sans aucune protection individuelle (absence de masques respiratoires ou de combinaison) dans des locaux qui n'étaient pas ventilés,
- les salariés intervenaient ainsi quotidiennement sur des matières amiantées et sur des chantiers dont l'atmosphère était saturée de poussières d'amiante,
- il n'existait aucun conditionnement des déchets susceptibles de dégager des fibres d'amiante,
De son côté la société AGINTIS ne soumet au tribunal aucun document pour contredire ces éléments,
En effet, l'employeur ne démontre pas avoir mis en oeuvre des mesures efficaces pour soustraire ses salariés à l'inhalation nocive des poussières d'amiante et, notamment [le salarié], alors qu'il est exclu que la société AGINTIS (anciennement SITUB) ait pu ignorer tant par la nature des matériaux utilisés dans ses usines que leur dangerosité, les risques inhérents à l'exposition à l'amiante,
Il convient de rappeler qu'en France, la reconnaissance des dangers liés à l'exposition pour les salariés est admise depuis de très nombreuses années à travers les études scientifiques qui ont été menées qui ont mis en évidence les différents types de maladie provoqués par l'inhalation de fibres d'amiante, leur caractère mortel et l'absence de traitement thérapeutique efficace pour les combattre,
Les pouvoirs publics sont ainsi intervenus pour imposer à l'employeur des mesures de sécurité, en réglementant dans un premier temps les poussières d'amiante puis à compter du Décret du 17 août 1977, en adoptant des mesures particulières d'hygiène dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante,
La société AGINTIS n'a visiblement pas appliqué l'ensemble de ces mesures, alors qu'en sa qualité de spécialiste dans l'installation et la maintenance de système de chauffage, ventilation conditionnement d'air et intervenant pour la rénovation des tuyauteries, elle avait une connaissance accrue du risque lié à l'amiante au sein de l'entreprise, En conséquence, la société AGINTIS a commis une faute en laissant ses salariés exposés à l'amiante pendant de nombreuses années sans information, sans prévention spécifique et sans protection.
[…] Sur l'indemnisation des préjudices subis par [le salarié]
Il résulte des applications jurisprudentielles de l'article 1147 du Code Civil que lorsqu'une partie exécute son obligation de manière fautive, la victime du dommage a droit à la réparation intégrale de son préjudice.
Ces préjudices ne sont pas nés du choix contraint fait par le demandeur exposé à l'amiante de cesser son activité professionnelle et entrant dans le dispositif de la loi du 23 décembre 1998, mais sont directement la conséquence du non-respect de l'employeur de son obligation de sécurité de résultat,
Ces préjudices sont liés à la contamination à l'amiante, c'est-à-dire au fait d'avoir inhalé des fibres d'amiante et au risque attaché de développer à tout moment une maladie grave voire mortelle,
En effet, toutes les études scientifiques démontrent que l'amiante est cancérogène et que les risques de contracter un cancer du poumon ou de la plèvre sont élevés, quelle que soit la durée de l'exposition et la dose d'amiante,
Les études scientifiques établissent en outre qu'il existe un temps de latence pouvant être très long entre l'exposition aux risques et l'apparition d'une maladie liée à l'amiante (plus de 30 ans), souvent diagnostiquée alors que la personne n'est plus exposée à l'inhalation de poussières d'amiante depuis longtemps, ce qui est le cas [du salarié] qui a été employé par la société SITUB […],
[…] Sur le préjudice d'anxiété
Le préjudice d'anxiété consiste en une crainte permanente et quotidienne de développer ou de voir l'un de ses proches développer une maladie douloureuse, incurable et souvent fatale. Cette crainte perdure dans le temps.
Or, en l'espèce, [le salarié] a été personnellement exposé à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, à l'inhalation de poussières d'amiante,
Il se trouve par le fait de l'employeur, qui a failli à son obligation de sécurité de résultat lui incombant, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers qui n'ont que pour effet d'aggraver l'angoisse initiale,
Il convient, dans ces conditions, d'allouer [au salarié une] somme […] en réparation de son préjudice d'anxiété » ;
Alors que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise pour les salariés exposés à l'amiante qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel ; qu'en l'espèce, en jugeant que les salariés pouvaient utilement prétendre à une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété sans rechercher s'ils remplissaient les conditions fixées par ledit article 41, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition, ensemble les articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du Travail. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société X...
Y...
Z....

Il est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR condamné la société Agintis à verser à ses anciens salariés diverses sommes au titre de leur préjudice d'anxiété pour avoir été exposés à l'amiante.
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'irrecevabilité du défaut de justification par le salarié qu'il remplit les conditions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et de l'arrêté ministériel pris pour son application : Le salarié, qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouve par le fait de l'employeur, sauf à celui-ci à démontrer l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, peu important la nature de l'exposition, fonctionnelle ou environnementale, qu'il a subie, qu'il ait fait l'objet d'une surveillance médicale ou non et qu'il ait ou non adhéré à ce régime légal. En l'espèce, la société Situb a été inscrite par arrêté du 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACAATA), et ce, depuis sa création sans précision de date d'échéance. Il n'est pas utilement contesté que la société Agintis qui a repris l'activité de tuyauterie de la société Situb ainsi que son personnel doit répondre de cette inscription et est donc tenue d'indemniser les salariés qui justifieraient d'un préjudice d'anxiété au titre de leur période d'activité au sein de la société Situb. [Le salarié] établit qu'il a travaillé dans l'établissement de Vitrolles [.] Sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété souffert au titre de son emploi pour la société Situb devenue Agintis est donc recevable au regard des textes susvisés. […] Sur la réparation du préjudice d'anxiété : En application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise. Contrairement à l'argumentation soutenue par le liquidateur et l'AGS, cette obligation ne résulte pas de l'ancien article L. 230-2 du code du travail issu de la loi n° 91-1414 du décembre 1991, mais du contrat de travail. D'ailleurs, l'ancien article 233-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à cette loi, disposait déjà que les établissements et locaux industriels devaient être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs. Au surplus, bien avant le décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, la loi du 12 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs dans les établissements industriels avait fait obligation à ces établissements de présenter les conditions d'hygiène et de salubrité nécessaires à la santé du personnel, et le décret d'application du 11 mars 1894 imposait notamment que « les locaux soient largement aérés … évacués au-dessus de l'atelier au fur et à mesure de leur production avec une ventilation aspirante énergique … et que l'air des ateliers soit renouvelé de façon à rester dans l'état de pureté nécessaire à la santé des ouvriers ». En l'état de ces dispositions, le dommage allégué par le salarié n'était pas imprévisible pour l'employeur lors de la conclusion du contrat de travail. L'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l'employeur n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité. Elle n'est donc pas contraire aux dispositions du droit communautaire, du droit constitutionnel, ni au principe de séparation des pouvoirs. La société Situb, devenue Agintis, a été inscrite, par arrêté du 19 mars 2001, modifiant l'arrêté du 29 mars 1999 pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, sur la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante depuis sa création, soit 1964 et cette inscription couvre la période échue à ce jour. [Le salarié] a été employé par la société Situb, devenue société Agintis, dans l'établissement de Vitrolles […]. Il a donc été exposé à l'amiante. Pour s'exonérer de sa responsabilité, la société Agintis se borne à indiquer que le seul fait d'avoir travaillé dans une entreprise inscrite ne saurait caractériser la violation de l'obligation de sécurité de résultat par l'employeur à l'égard du salarié et ne fournit ni explication ni pièces sur le traitement et le conditionnement des déchets d'amiante ni sur l'information et les formations prodiguées aux salariés en prévention des risques ou sur la nature des protections individuelles mises à la disposition des salariés ni si elles étaient en nombre suffisant. Elle ne rapporte pas plus la preuve de ce que chaque salarié a été personnellement sensibilisé au risque de l'amiante et à la nécessité de respecter scrupuleusement toutes les précautions mises en place ou recommandées. Pour sa part, l'AGS soutient, sans plus d'éléments à l'appui, que les règles légales ont été respectées puisqu'il n'apparaît pas que l'inspection du travail ait dressé quelque procès-verbal que ce soit concernant la société. Ainsi, il n'est pas démontré que l'employeur a pris toutes les mesures nécessaires sur le site de Vitrolles pendant l'ensemble de la période contractuelle, notamment celles prévues par le décret du 17 août 1977 (prélèvements atmosphériques périodiques, port des équipements individuels de protection, vérification des installations et des appareils de protection collective, information individuelle du salarié, absence de contre-indication et surveillance médicale) ; il n'est pas plus justifié de l'existence d'une cause étrangère non imputable à l'employeur, lequel ne s'exonère pas de sa responsabilité. Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est avéré. Le salarié est donc fondé à réclamer la réparation de son préjudice d'anxiété » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la faute commise par la Société AGINTIS Ainsi que le rappelle l'article L 4221-1 du Code du Travail, l'employeur supporte une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés. Les mesures qui doivent être prises par l'employeur à ce titre, comprennent :- des mesures de prévention des risques professionnels,- des actions d'information et de formation,- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, L'employeur doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Les pouvoirs publics sont intervenus pour réglementer les poussières d'amiante et à compter du Décret du 17 août 2007, en imposant des mesures particulières d'hygiène dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante :- prélèvements réguliers dans l'atmosphère,- conditionnement des déchets de toute nature susceptibles de dégager des fibres d'amiante,- vérification des installations et des appareils de protection collective,- information des salariés, de l'inspecteur du travail, du service de prévention de la CRAM sur les risques,- suivi médical, Par arrêté du 19 mars 2001, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, la société SITUB (devenue AGINTIS) située à VITROLLES, a été inscrite sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), [Le salarié] est présumé avoir été exposé à l'amiante. En effet, la société SITUB, dont l'activité a été reprise par la société AGINTIS, était spécialisée dans la tuyauterie industrielle et intervenait principalement dans les raffineries de pétrole et usines pétrochimiques de l'Etang de Berre, Les travaux de tuyauterie industrielle nécessitaient d'intervenir sur des tuyaux soumis à de très hautes températures et des pressions importantes, de sorte que pour isoler ces tuyaux, les salariés utilisaient des matériaux à base d'amiante, Les salariés réalisaient également des travaux d'entretien des fours industriels lesquels étaient isolés à l'amiante. [Le salarié démontre] que :- les salariés n'ont reçu aucune information, ni formation relativement à l'amiante de la part de leur employeur, et particulièrement n'étaient nullement avertis des dangers liés à une exposition quotidienne à l'amiante,- les salariés, particulièrement les tuyauteurs et les soudeurs, travaillaient sans aucune protection individuelle (absence de masques respiratoires ou de combinaison) dans des locaux qui n'étaient pas ventilés,- les salariés intervenaient ainsi quotidiennement sur des matières amiantées et sur des chantiers dont l'atmosphère était saturée de poussières d'amiante,- il n'existait aucun conditionnement des déchets susceptibles de dégager des fibres d'amiante, De son côté la société AGINTIS ne soumet au tribunal aucun document pour contredire ces éléments, En effet, l'employeur ne démontre pas avoir mis en oeuvre des mesures efficaces pour soustraire ses salariés à l'inhalation nocive des poussières d'amiante et, notamment [le salarié], alors qu'il est exclu que la société AGINTIS (anciennement SITUB) ait pu ignorer tant par la nature des matériaux utilisés dans ses usines que leur dangerosité, les risques inhérents à l'exposition à l'amiante, Il convient de rappeler qu'en France, la reconnaissance des dangers liés à l'exposition pour les salariés est admise depuis de très nombreuses années à travers les études scientifiques qui ont été menées qui ont mis en évidence les différents types de maladie provoqués par l'inhalation de fibres d'amiante, leur caractère mortel et l'absence de traitement thérapeutique efficace pour les combattre, Les pouvoirs publics sont ainsi intervenus pour imposer à l'employeur des mesures de sécurité, en réglementant dans un premier temps les poussières d'amiante puis à compter du Décret du 17 août 1977, en adoptant des mesures particulières d'hygiène dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, La société AGINTIS n'a visiblement pas appliqué l'ensemble de ces mesures, alors qu'en sa qualité de spécialiste dans l'installation et la maintenance de système de chauffage, ventilation conditionnement d'air et intervenant pour la rénovation des tuyauteries, elle avait une connaissance accrue du risque lié à l'amiante au sein de l'entreprise, En conséquence, la société AGINTIS a commis une faute en laissant ses salariés exposés à l'amiante pendant de nombreuses années sans information, sans prévention spécifique et sans protection. […] Sur l'indemnisation des préjudices subis par [le salarié] Il résulte des applications jurisprudentielles de l'article 1147 du Code Civil que lorsqu'une partie exécute son obligation de manière fautive, la victime du dommage a droit à la réparation intégrale de son préjudice. Ces préjudices ne sont pas nés du choix contraint fait par le demandeur exposé à l'amiante de cesser son activité professionnelle et entrant dans le dispositif de la loi du 23 décembre 1998, mais sont directement la conséquence du non-respect de l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, Ces préjudices sont liés à la contamination à l'amiante, c'est-à-dire au fait d'avoir inhalé des fibres d'amiante et au risque attaché de développer à tout moment une maladie grave voire mortelle. En effet, toutes les études scientifiques démontrent que l'amiante est cancérogène et que les risques de contracter un cancer du poumon ou de la plèvre sont élevés, quelle que soit la durée de l'exposition et la dose d'amiante, Les études scientifiques établissent en outre qu'il existe un temps de latence pouvant être très long entre l'exposition aux risques et l'apparition d'une maladie liée à l'amiante (plus de 30 ans), souvent diagnostiquée alors que la personne n'est plus exposée à l'inhalation de poussières d'amiante depuis longtemps, ce qui est le cas [du salarié] qui a été employé par la société SITUB […], […] Sur le préjudice d'anxiété Le préjudice d'anxiété consiste en une crainte permanente et quotidienne de développer ou de voir l'un de ses proches développer une maladie douloureuse, incurable et souvent fatale. Cette crainte perdure dans le temps. Or, en l'espèce, [le salarié] a été personnellement exposé à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, à l'inhalation de poussières d'amiante, Il se trouve par le fait de l'employeur, qui a failli à son obligation de sécurité de résultat lui incombant, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers qui n'ont que pour effet d'aggraver l'angoisse initiale, Il convient, dans ces conditions, d'allouer [au salarié une] somme […] en réparation de son préjudice d'anxiété » ;

1) ALORS QUE l'obligation de sécurité dont l'employeur est débiteur envers ses salariés est une obligation de moyens renforcée qui impose au salarié de démontrer que sa sécurité n'a pas été assurée, à charge pour l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures qu'il lui était possible de prendre en l'état des données acquises des sciences et de la technique ; qu'en l'espèce il incombait au salarié de démonter qu'il avait été effectivement exposé à l'amiante, et non pas seulement qu'il avait travaillé dans une entreprise manipulant de l'amiante et qu'aucune précaution n'avait été prise pour prévenir les risques liés à l'amiante ; qu'en se bornant à relever que le salarié avait travaillé pour une entreprise inscrite sur la liste ACAATA et que celle-ci n'invoquait aucune cause d'exonération de sa responsabilité pour affirmer qu'elle avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, la cour d'appel qui a méconnu la qualification de simple obligation de moyens renforcée donnée à l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, a violé des articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail.
2) ALORS QUE la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise pour les salariés exposés à l'amiante qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel ; qu'en l'espèce, en jugeant que les salariés pouvaient utilement prétendre à une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété sans rechercher s'ils remplissaient les conditions fixées par ledit article 41, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition, ensemble les articles 1147 du Code civil et L. 4121-1 du Code du Travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-20712;15-20713;15-20714;15-20715;15-20718;15-20719;15-20720;15-20721;15-20722;15-20723;15-20724;15-20725;15-20726;15-20727;15-20728;15-20729;15-20730;15-20731;15-20732;15-20733;15-20734;15-20735;15-20736;15-20748;15-20749;15-20750;15-20751;15-20752;15-20753;15-20754;15-20755;15-20756;15-20757;15-20758;15-20759;15-22668;15-22669
Date de la décision : 19/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 juin 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 oct. 2016, pourvoi n°15-20712;15-20713;15-20714;15-20715;15-20718;15-20719;15-20720;15-20721;15-20722;15-20723;15-20724;15-20725;15-20726;15-20727;15-20728;15-20729;15-20730;15-20731;15-20732;15-20733;15-20734;15-20735;15-20736;15-20748;15-20749;15-20750;15-20751;15-20752;15-20753;15-20754;15-20755;15-20756;15-20757;15-20758;15-20759;15-22668;15-22669


Composition du Tribunal
Président : Mme Vallée (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.20712
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