LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 mars 2015) que M. X... a été mis à disposition de la société Schoeller Arca Systems (la société) en qualité de salarié intérimaire par la société Vedior Bis, aujourd'hui Randstad, puis par la société Manpower, pendant une période s'étendant du 20 août 2005 au 17 octobre 2010 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes formulées tant à l'égard de la société utilisatrice que des sociétés de travail temporaire ; que l'union départementale CGT de l'Ain est intervenue aux débats ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que doivent être requalifiés en un contrat à durée indéterminée, les multiples contrats de mission d'intérim successifs qui répondent à un besoin structurel de main d'oeuvre de l'entreprise utilisatrice, peu important le motif de recours et l'existence de périodes d'interruption ; qu'ayant constaté que durant cinq ans et deux mois, du 20 août 2005 au 17 octobre 2010, M. X... avait occupé le même emploi de « mouleur plastique » ou d'« opérateur presse plastique » dans le cadre de soixante-dix neuf contrats de mission au sein de la société Schoeller Arca Systems, ce dont il résulte que l'emploi occupé était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise et en le déboutant cependant de sa demande de requalification de ces contrats en un contrat à durée indéterminée aux motifs inopérants que les contrats de mission avaient comporté des périodes d'interruption ou encore que les motifs de recours de surcroît d'activité ou de remplacement du personnel absent étaient exacts, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;
2°/ que de plus que le salarié étant en droit de demander la condamnation in solidum de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice, lorsque celles-ci ont agi de concert pour contourner l'interdiction faite à cette dernière de recourir au travail temporaire afin de répondre à un besoin structurel de main d'oeuvre, une cassation à intervenir sur la première branche du moyen dont il résultera que les sociétés d'intérim Vedior Bis et Manpower ont participé à la situation illicite subie par M. X... en le mettant à l'usage exclusif et régulier de la société Schoeller Arca Systems pour occuper le même poste dans le cadre de multiples missions, emportera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt qui a mis hors de cause ces mêmes sociétés ;
3°/ qu'en outre qu'une cassation à intervenir sur la première branche du moyen dont il résultera que le recours aux contrats de mission de M. X... est intervenu en violation de l'article L. 1251-5 du code du travail et que les sociétés précitées ont commis une faute de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession, emportera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt qui a débouté l'Union départementale de la CGT de l'Ain de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a constaté que la société justifiait le recours à l'intérim pour accroissement temporaire d'activité pour chacune des périodes où le salarié a bénéficié pour ce motif de contrats de missions par des commandes supplémentaires intervenues ponctuellement et qui n'avaient pas été prévues initialement au planning, de commandes devant être satisfaites à bref délai, de commandes exceptionnelles, de retards par rapport aux dates de livraisons impératives nécessitant des personnels supplémentaires et temporaires pour pouvoir les combler, du démarrage d'une nouvelle production de moules nécessitant pareillement du personnel temporaire pour une activité non permanente ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé que le salarié n'avait pas toujours été affecté au même poste de travail et qu'il n'était pas, dans les faits, resté en permanence à la disposition de la société utilisatrice, ses périodes de délégation ayant alterné avec des périodes d'interruption parfois longues pendant lesquelles il avait pu être affecté dans d'autres entreprises, a pu décider, par des motifs, qui ne sont pas inopérants, que les contrats de mission dont bénéficiait le salarié pour accroissement temporaire de l'activité de la société étaient destinés à satisfaire un besoin de l'entreprise ne relevant pas de son activité normale mais de variations importantes de production liées à des circonstances imprévisibles excluant toute planification ;
Attendu enfin, que le rejet de la première branche rend sans portée les deuxième et troisième branches, qui invoquent une cassation par voie de conséquence ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'Union départementale de la CGT de l'Ain.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes de requalification de la relation de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée et en paiement d'une indemnité de requalification, de voir juger la rupture de son contrat de travail en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner in solidum les sociétés Schoeller Arca Systems, Randstad et Manpower au paiement de sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire sur prime d'ancienneté et de congés payés afférents, de rappel de salaire sur 13ème mois et de congés payés afférents, de rappel de salaire sur prime de vacances et de congés payés afférents, de rappel de salaire sur prime fixe et de congés payés afférents, de rappel de prime de naissance et de congés payés afférents, de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier du dispositif de participation applicable à l'entreprise, de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des avantages offerts aux salariés permanents par le comité d'entreprise ainsi que de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier de la mutuelle de l'entreprise ainsi que d'AVOIR débouté l'Union départementale de la CGT de l'Ain de sa demande de condamnation in solidum des sociétés précitées au paiement de dommages et intérêts pour violation des intérêts collectifs ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a été embauché par la société Vedior Bis, devenue société Randstad, puis par la société Manpower afin d'être mis à disposition de la société Schoeller Arca Systems dans le cadre de 79 contrats de mission successivement établis par les deux sociétés de travail temporaire pendant une période de 5 ans et 2 mois du 20 août 2005 au 17 octobre 2010 ; que le salarié précise lui-même que les motifs de recours étaient variables en fonction des circonstances, 64 contrats visant un surcroît temporaire d'activité et 15 autres le remplacement d'un salarié absent ; qu'il est reconnu par la société Schoeller Arca Systems qu'il était essentiellement, mais non exclusivement, affecté sur des postes de « Mouleur Plastique » ou « Opérateur Presse Plastique » ; que l'appelant, qui prétend illégitimes les motifs invoqués pour justifier la succession des contrats de travail temporaire dont il a fait l'objet, soutient que la société Schoeller Arca Systems aurait en réalité eu recours à ses services dans le cadre de son activité permanente et habituelle en violation des dispositions de l'article L. 1251-5 du code du travail ; mais, en application de l'article L. 1251-40 précité du code du travail, son action tendant à la requalification de ses contrats de missions successifs en un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 20 août 2005, date du premier contrat de mission, devait être dirigée à l'encontre de la seule entreprise utilisatrice, soit la société Schoeller Arca Systems et non des entreprises de travail temporaire, sauf à démontrer l'existence d'une entente entre la société utilisatrice et les sociétés de travail temporaire qui auraient contraint le salarié à rester de façon permanente à la disposition de l'entreprise utilisatrice ; que M. X... ne verse à cet égard aux débats aucun élément de preuve de nature à établir que la société Schoeller Arca Systems et les sociétés Manpower et Randstad auraient agi de concert pour le contraindre à rester à la disposition permanente de l'entreprise utilisatrice ; que le salarié disposait de la capacité juridique à pouvoir décider lui-même à tout moment de poursuivre ses missions au sein de la société Schoeller Arca Systems si celle-ci en exprimait le besoin, ou au contraire d'arrêter d'adhérer aux missions qui lui étaient proposées par les sociétés de travail temporaire, voire de solliciter de leur part son placement dans d'autres entreprises si des missions étaient alors disponibles, ou même de s'adresser à d'autres sociétés de travail temporaire ; qu'à aucun moment M. X... ne s'est plaint de ses multiples délégations auprès de la société Schoeller Arca Systems ni d'une prétendue entente entre cette dernière société et les sociétés de travail temporaire pour l'empêcher de vaquer à d'autres aspirations professionnelles ; qu'il est dès lors mal fondé à invoquer l'existence d'une entente entre les sociétés de travail temporaire Manpower et Randstad, au demeurant concurrentes, et la société Schoeller Arca Systems qui l'auraient contraint à rester en permanence à la disposition de la société utilisatrice ; qu'en outre, dans les faits, M. X... n'est pas resté en permanence à la disposition de la société Schoeller Arca Systems, ses périodes de délégation ayant alterné avec des périodes d'interruption parfois longues pendant lesquelles il a pu être affecté dans d'autres entreprises :- ainsi, du 20 août 2005 au 18 décembre 2005, soit pendant près de 4 mois, il n'a travaillé pour la société Schoeller Arca Systems que 2 mois et demi,- en 2006, il n'a effectué aucune mission de travail temporaire pour elle,- en 2007, il n'a pas bénéficié de contrats de mission pendant 177 jours,- du 1er janvier au 30 novembre 2008, il n'a bénéficié d'aucun contrat de mission de travail temporaire pendant 158 jours,- en 2009, il n'a pas exercé de mission du 2 février au 21 août 2009, puis du 31 août au 18 décembre 2009,- en 2010, il n'a pas exercé de mission pendant plus de 7 mois ; qu'enfin qu'aucune obligation de conseil, de contrôle ou de surveillance ne pèse sur les entreprises de travail temporaire à l'égard des entreprises utilisatrices dans la mesure où les premières ne font qu'exécuter les demandes qui leur sont présentées par les entreprises utilisatrices ; qu'aucun manquement à leurs propres obligations ne leur étant reproché par le salarié, les demandes dirigées à leur encontre sont irrecevables ; que les sociétés Manpower et Randstad doivent en conséquence être mises hors de cause ;
Et aux motifs que la société Schoeller Arca Systems intervient, outre la France, dans 28 pays et sur l'ensemble des continents à l'exception de l'Océanie ; que son activité se répartit en neuf pôles d'activité très différents, l'amenant à devoir honorer des commandes tant pour le secteur automobile, que pour l'industrie alimentaire ou l'agriculture ; que cette diversification requiert de sa part une forte capacité d'adaptation et de réaction dans des délais brefs ; qu'elle rapporte la preuve de pics de production et d'une activité agricole cyclique, notamment au cours des mois de juin et juillet, entraînant une irrégularité de son chiffre d'affaires tenant au cycle des saisons agricoles et aux variations climatiques d'une année sur l'autre ; que cette irrégularité est encore accentuée par son carnet de commandes imprévisible et l'écart constaté entre les commandes enregistrées en début de mois et le chiffre d'affaires finalement réalisé en fin de mois ; que M. X... soutient qu'il n'existerait aucune corrélation entre les surcroîts ponctuels d'activité invoqués et le recours aux salariés intérimaires, dont le volume demeure constant ; que cependant la société Schoeller Arca Systems verse aux débats les justificatifs du recours à l'intérim pour accroissement temporaire d'activité pour chacune des périodes où M. X... a bénéficié pour ce motif de contrats de missions ; qu'il s'agit de commandes supplémentaires intervenues ponctuellement et qui n'avaient pas été prévues initialement au planning, de commandes devant être satisfaites à bref délai, de commandes exceptionnelles, de retards par rapport aux dates de livraisons impératives nécessitant des personnels supplémentaires et temporaires pour pouvoir les combler, du démarrage d'une nouvelle production de moules nécessitant pareillement du personnel temporaire pour une activité non permanente ; que l'ensemble de ces éléments démontre l'imprévisibilité de l'activité de la société Schoeller Arca Systems qui ne dispose d'aucun carnet de commandes déterminé à l'avance et qui doit en permanence ajuster ses besoins en effectifs à la hausse comme à la baisse pour faire face à des surcroîts temporaires et non durables d'activité ; qu'en conséquence, les contrats de mission dont bénéficiait M. X... pour accroissement temporaire de l'activité de la société Schoeller Arca Systems étaient justifiés au regard de l'article L. 1251-6 du code du travail pour être destinés à satisfaire un besoin de l'entreprise ne relevant pas de son activité normale mais de variations importantes de production liées à des circonstances imprévisibles excluant toute planification ; qu'en outre, les pics d'activité imprévisibles et cycliques de la société Schoeller Arca Systems étaient encore accentués par les absences imprévisibles de salariés permanents de l'entreprise qui ont nécessairement une forte incidence sur la régularité de l'activité de la société ; que si le pourcentage d'absence est resté stable depuis 2008 pour correspondre à environ 4 % de l'effectif, les dates et durées de ces absences sont par nature imprévisibles et justifient, à certaines périodes, l'embauche de plusieurs salariés intérimaires avec pour mission de résorber les retards puis d'assumer les tâches du salarié remplacé ; que l'activité d'une ligne de production nécessitant la présence indispensable de personnel à chaque poste pour assurer la continuité de la production, toute absence imprévue doit être immédiatement remplacée à défaut de quoi l'ensemble de la ligne de production est arrêtée ; qu'ainsi, la charge de travail d'un salarié absent ne peut être repoussée jusqu'à son retour ou prise en charge par un de ses collègues ; que la société Schoeller Arca Systems se trouvait dans ces conditions dans l'obligation de recourir de façon importante à du personnel intérimaire pour assurer le remplacement de ses salariés permanents absents et permettre la poursuite des fabrications ; que tous les remplacements effectués par M. X... l'ont été dans le respect des dispositions légales précitées, la société Schoeller Arca Systems ayant communiqué les bulletins de salaire des salariés remplacés faisant apparaître les jours d'absence de ces salariés ainsi que le motif de chaque absence ; que l'appelant est dès lors encore mal fondé à prétendre avoir été employé de façon illégale par la société Schoeller Arca Systems alors même que tous les motifs de recours étaient parfaitement justifiés ;
Et aux motifs que le recours aux contrats de mission de M. X... étant intervenu dans des conditions parfaitement justifiées, les sociétés Schoeller Arca Systems, Randstad et Manpower n'ont commis aucune faute de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession ;
1°- ALORS QUE doivent être requalifiés en un contrat à durée indéterminée, les multiples contrats de mission d'intérim successifs qui répondent à un besoin structurel de main d'oeuvre de l'entreprise utilisatrice, peu important le motif de recours et l'existence de périodes d'interruption ; qu'ayant constaté que durant cinq ans et deux mois, du 20 août 2005 au 17 octobre 2010, M. X... avait occupé le même emploi de « mouleur plastique » ou d'« opérateur presse plastique » dans le cadre de 79 contrats de mission au sein de la société Schoeller Arca Systems, ce dont il résulte que l'emploi occupé était lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise et en le déboutant cependant de sa demande de requalification de ces contrats en un contrat à durée indéterminée aux motifs inopérants que les contrats de mission avaient comporté des périodes d'interruption ou encore que les motifs de recours de surcroît d'activité ou de remplacement du personnel absent étaient exacts, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1, L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;
2°- ALORS de plus que le salarié étant en droit de demander la condamnation in solidum de l'entreprise de travail temporaire et de l'entreprise utilisatrice, lorsque celles-ci ont agi de concert pour contourner l'interdiction faite à cette dernière de recourir au travail temporaire afin de répondre à un besoin structurel de main d'oeuvre, une cassation à intervenir sur la première branche du moyen dont il résultera que les sociétés d'intérim Vedior Bis et Manpower ont participé à la situation illicite subie par M. X... en le mettant à l'usage exclusif et régulier de la société Schoeller Arca Systems pour occuper le même poste dans le cadre de multiples missions, emportera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt qui a mis hors de cause ces mêmes sociétés ;
3°- ALORS en outre qu'une cassation à intervenir sur la première branche du moyen dont il résultera que le recours aux contrats de mission de M. X... est intervenu en violation de l'article L. 1251-5 du code du travail et que les sociétés précitées ont commis une faute de nature à porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession, emportera par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt qui a débouté l'Union départementale de la CGT de l'Ain de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.