Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Michel X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 9 juin 2016, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Pas-de-Calais sous l'accusation d'assassinat ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-72, 221-1, 221-3, 221-8 et 221-9 du code pénal, préliminaire, 79, 175, 176, 177, 181, 182, 183, 186, 211, 212, 214, 215, 218, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a dit que de l'information il résultait charges suffisantes contre M. X... d'avoir, à Busnes, le 2 novembre 2001, et en tout cas dans le département du Pas-de-Calais avant prescription de l'action publique, volontairement donné la mort à Eric Y..., avec cette circonstance que le meurtre aurait été commis avec préméditation et d'avoir prononcé sa mise en accusation et son renvoi devant la cour d'assises du Pas-de-Calais pour y être jugé de ce chef ;
" aux motifs que, contrairement à ce que soutient un de ses avocats, il n'appartient pas à la chambre de l'instruction de rechercher s'il existe des indices de culpabilité (mémoire de Me Delarue, page 19), mais uniquement s'il existe des charges ; […] que M. X... a toujours nié toute responsabilité dans le décès d'Eric Y... ; que, toutefois, l'alibi de M. X... n'apparaît pas déterminant, compte tenu de la topographie des lieux au moment des faits (pont) ; que la présence de membres de la famille et d'un ami du fils de la personne mise en examen n'exclut pas une absence pour commettre les faits ; que l'absence de mobile déterminé et/ ou prémédité est indifférent ; que, indépendamment de l'attitude détachée le soir de la mort de son beau-frère, voire dans les jours suivants, et de son apparente froideur à l'égard de ce décès, il a menti, lors de ses auditions, sur la présence d'armes à son domicile ; qu'il a fait pression sur sa famille pour que celle-ci se tût sur ladite présence ; que lesdites armes étaient en bon état de marche, contrairement à ses allégations ; qu'il en avait gardé certaines ou certains des éléments, notamment dans son véhicule, alors qu'il prétendait ne plus en avoir l'utilisation ; que, certes une partie des armes, dont il avait tu la présence à son domicile, et dont il avait modifié manifestement l'emplacement à plusieurs reprises, n'étaient pas susceptibles de l'incriminer, ce que devaient confirmer les expertises ; que, cependant, l'expertise du contenu du sac poubelle, renfermant des morceaux d'armes, concluait qu'il contenait entre autres des éléments d'arme à feu dont certains avaient été sciés ou cassés ; que, si tant était que ces éléments provenaient d'une seule et même arme, il s'agissait vraisemblablement d'une carabine à verrou de marque Gaucher, de calibre 22 LR, modèle « Star G », les caractéristiques générales des empreintes de tir de la carabine Gaucher modèle Star G étant compatibles avec celles de la balle extraite du corps de la victime ; que, dès lors, si l'on peut considérer qu'il était irrationnel, comme le relève ses avocats, de conserver des armes à son domicile, après en avoir nié la possession, force est de constater que si celles qui étaient en état de marche et à son domicile le mettaient hors de cause, l'expertise du contenu du sac poubelle ne l'excluait pas ; qu'en effet, concernant ce dernier, les éléments de ou des armes sciées ou cassées ne permettaient ni de l'incriminer ni de le mettre hors de cause ; que, toutefois, le seul élément de l'arme déterminant, qui aurait permis à un expert de se prononcer, avait disparu ; […] qu'il résulte en conséquence charges suffisantes contre M. X... d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ; […] qu'en conséquence l'ordonnance frappée d'appel sera infirmée ;
" 1°) alors qu'en fondant sa décision de mise en accusation sur la simple possibilité que M. X... ait pu s'absenter le soir du crime pour commettre celui-ci et sur la simple possibilité que les éléments d'armes retrouvés dans le sac poubelle pourraient correspondre à l'arme du crime, la chambre de l'instruction a statué par voie de motivation hypothétique ;
" 2°) alors qu'en fondant son prétendu constat de charges suffisantes contre M. X... sur des éléments à l'aune desquels elle concluait qu'il n'était possible ni de l'incriminer ni de le mettre, assurément, hors de cause, la chambre de l'instruction a méconnu les règles de preuve en matière pénale et a insuffisamment motivé sa décision de mise en accusation ;
" 3°) alors qu'en renvoyant M. X... devant la cour d'assises du chef de meurtre avec préméditation tout en constatant expressément l'absence de mobile déterminé ou prémédité, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient de ses propres constatations " ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance qu'il infirme et des pièces de la procédure que M. Jean-Michel X... a été mis en examen dans l'information suivie du chef d'assassinat à la suite du meurtre commis sur la personne d'Eric Y... le 2 novembre 2001 ; que, par ordonnance du 13 août 2013, le juge d'instruction a dit n'y avoir lieu à suivre contre le mis en examen de ce chef ; que les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour ordonner le renvoi de M. X... devant la cour d'assises sous l'accusation d'assassinat, l'arrêt énonce que la présence de plusieurs personnes au domicile du mis en examen où ce dernier a déclaré s'être trouvé au moment des faits n'exclut pas son absence de cette habitation pour commettre le crime ; que les juges retiennent que l'absence, de la part de M. X..., de mobile déterminé et/ ou prémédité est indifférente ; que la chambre de l'instruction relève que le mis en examen a menti au sujet de la présence d'armes à son domicile et a fait pression sur des membres de sa famille afin de taire la présence desdites armes, tout en mentionnant que les expertises réalisées ont exclu que ces armes aient été utilisées pour la commission de ces faits ; qu'elle ajoute que le mis en examen a détenu une arme, dont des débris ont été retrouvés à son domicile et dont le modèle est compatible avec celui de l'arme utilisée pour le meurtre d'Eric Y... ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas la circonstance de préméditation exigée par le crime d'assassinat, alors qu'elle a ordonné le renvoi de M. X... devant la cour d'assises de ce chef, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 9 juin 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.