Statuant sur les pourvois formés par :
- La société Barre Grolleau Nivault, - La société Socotec,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 26 février 2015, qui, pour homicide involontaire les a condamnées, la première à 10 000 euros d'amende, la seconde à 30 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. leconseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle OHL et VEXLIARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la ville de Niort a décidé la construction d'un pôle sportif avec chaufferie à bois, ce qui a nécessité la conception et la réalisation d'un silo en béton armé destiné à recevoir des copeaux de bois ; que la société Socotec a reçu une mission de contrôle technique et de coordination en matière de sécurité, tandis que la société Legrand a procédé à la construction du silo, et que la société Barre Grolleau Nivault (BGN), spécialisée dans la construction métallique, a été chargée de la conception du capot du silo avec charpente en poutrelle d'acier, puis de sa mise en service ; que la société BGN a recouru, en qualité de sous-traitant, à M. Christian X..., artisan spécialisé dans les systèmes hydrauliques et pneumatiques et lui a confié la mission de préparer, monter, fournir et mettre en place les vérins hydrauliques permettant l'ouverture du capot du silo ;
Attendu que M. X... est décédé après avoir été coincé entre le capot d'un silo et les garde-corps de la structure en béton ; qu'il est apparu que la veille de l'accident, il avait demandé à la société BGN de lever la trappe à l'aide d'un chariot élévateur et de la maintenir ouverte en la faisant reposer sur des étais constitués de tubes en acier, et que le jour de l'accident, l'installation électrique ayant été effectuée, la victime avait mis en fonctionnement le circuit hydraulique permettant l'ouverture de la trappe puis avait décidé de retirer les étais ; que c'est alors que les fixations de la trappe dans le béton du silo se sont arrachées en raison de l'incompatibilité entre les chevilles utilisées et la nature du béton employé ; que les forces exercées sur les fixations ont encore été accrues par suite du déplacement de l'axe des vérins hydrauliques à la demande de la victime elle-même ;
Attendu que les trois sociétés susmentionnées ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'homicide involontaire, la société Legrand, pour avoir modifié à la baisse la nature et la qualité du béton utilisé, induisant une potentialité d'arrachage des fixations prises dans celui-ci plus importante, la société BGN, pour avoir omis d'aviser le contrôleur technique et le maître d'ouvrage de l'intervention de sous-traitants sur le chantier, omis de mettre en place un protocole d'installation du capot et de mise en route des vérins en toute sécurité, et enfin omis malgré les modifications apportées à l'angle d'inclination des vérins, de procéder à de nouveaux calculs de force, la société Socotec, pour avoir omis de procéder au contrôle des installations du silo à bois et s'être abstenue de vérifier la transmission des informations entre les entreprises Legrand et BGN ; que les premiers juges ont prononcé la relaxe des prévenues ; que le ministère public et les ayants-droits de la victime ont interjeté appel de cette décision ;
En cet état :
I-Sur le pourvoi de la société Barre Grolleau Nivault :
Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Cécile, Blancpain Soltner et Texidor, pris de la violation des articles 7 de la convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-2, 121-3, 121-4, 121-7, 221-6 et 221-7 du code pénal, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a, sur l'action publique, déclaré la société Barre Grolleau Nivault coupable d'homicide involontaire sur la personne de Christian X... et l'a condamnée à une amende de 10 000 euros et, sur l'action civile, a condamné la société Barre Grolleau, in solidum avec les sociétés Legrand et Socotec, et dans les rapports entre elles chacune pour un tiers, à payer diverses sommes aux ayants droit de Christian X... et au RSI Poitou-Charentes ;
" aux motifs que concernant la société BGN, cette société a obtenu le 17 juillet 2007 un marché d'une valeur de 45 170 euros pour la réalisation du lot partiel n° 7 B (métallerie, serrurerie) dont la réalisation du couvercle du silo à bois ; qu'elle a fait appel à deux sous traitants :- Christian X... pour la partie hydraulique,- la Sarl Chauvet pour la partie électrique ; qu'il est reproché à la société BGN d'avoir " par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort de Christian X... en ayant omis d'aviser le contrôleur technique (la société Socotec) et le maître d'ouvrage (la mairie de Niort) de l'intervention de sous-traitants sur le chantier et en ne mettant pas en place une procédure d'installation du capot et de la mise en route des vérins en toute sécurité, notamment, en ne réalisant pas des tests grandeur nature et en omettant de procéder à de nouveaux calculs de force malgré les modifications apportées à l'angle d'inclinaison des vérins " ; que la société BGN a admis qu'elle n'avait pas procédé à des demandes d'agrément pour les sous-traitants auprès du maître de l'ouvrage, ni sollicité une visite d'inspection avec les coordonnateurs sécurité Socotec en raison de la courte durée de leur interventions respectives ; qu'elle a précisé avoir travaillé conjointement avec ses sous-traitants, avoir réalisé une note de calcul sur le couvercle et avoir effectué des essais au sein de ses locaux sans toutefois tester les vérins conçus par Christian X... ; qu'elle a souligné qu'elle avait interdit à ses salariés et sous-traitants de circuler sous la trappe pendant le montage, interdictions rappelées dans le plan de prévention (ppsps) ; que la société BGN a affirmé avoir transmis à l'architecte et au coordonnateur du chantier les documents utiles à la réalisation par ceux-ci des synthèses nécessaires, avoir respecté le cahier des charges et ne pas avoir été informée par l'entreprise Legrand chargée du lot maçonnerie du changement de la qualité du béton posé ; que cette société a soutenu, durant toute l'instruction, devant le tribunal correctionnel et devant la cour que :- le point de fixation des charnières n'avait pas changé depuis le plan initial de l'architecte de 2007 et que le choix de positionner les charnières sur le béton et non sur la partie métallique de la structure n'était pas de son fait mais était une demande de l'architecte ;- la seule modification concernant l'inclinaison des vérins a été réalisée à la demande de Christian X... qui avait constaté que leur emplacement initial empêchait l'ouverture complète de la trappe, précisant que cette modification était sans réelle incidence sur leur maintien ; qu'il n'est pas contesté que la société BGN n'a pas informé le contrôleur technique et le maître de l'ouvrage de la présence de sous-traitants sur le chantier, toutefois ces manquements n'ont pas de lien direct de causalité avec le décès de Christian X... ; que s'il ressort des pièces communiquées et notamment du second rapport d'expertise que sur les plans d'architecte de 2007, les charnières de fixation de la trappe étaient prévues côté trappe mais pas côté silo en béton, rien pourtant ne permet d'établir que la société BGN a modifié le point de fixation des charnières de sa propre initiative ; qu'elle a posé la trappe sur la fosse en janvier 2009 et les chevilles, agrées par le bureau d'étude SODIS ont été fixées à cette occasion ; que le couvercle de la fosse a été réalisé conformément aux prescriptions du bureau d'étude BETMI, lequel n'a émis aucune réserve et n'a pas soutenu que le plan initial n'avait pas été respecté ; que si la société BGN soutient que la modification de l'emplacement des vérins a été faîte à la demande de Christian X... et que cela est sans rapport avec l'accident mortel, puisque les chevilles de fixation Fischer utilisées étaient en capacité de compenser les efforts d'arrachement induits par le fonctionnement de la trappe, il résulte toutefois clairement de l'expertise de M. Yves Y...que les vérins ont été fixés beaucoup plus près que prévu de l'axe des charnières, ce qui a eu pour conséquence l'exercice sur celles-ci d'une force beaucoup plus grande ; que l'expert a conclu que le fait de déplacer l'axe des vérins vers les charnières de 438 mm environ du centre de gravité était bien une cause concomitante à celle de la mauvaise qualité du béton ayant engendré la chute de la trappe ; que l'expert a, d'ailleurs, souligné, à cette occasion, l'absence de réalisation d'essais suffisants, notamment d'essais dans des conditions de manipulation identique lesquels auraient permis de constater la fragilité des fixations des charnières ; que les essais qui ont été réalisés en atelier sont antérieurs à la modification de l'inclinaison des vérins et ces essais n'ont pas porté sur les vérins eux-mêmes, selon M. Bernard Z..., responsable de la société BGN ; que la société BGN, sans communiquer de nouveaux plans, ni demander un avis à quiconque a décidé de remplacer les vérins prévus à l'origine, par des vérins plus courts et dont le point de fixation a été fixé beaucoup plus près des charnières ; que selon les analyses faites par le BETMI, la modification de l'emplacement des vérins aurait multiplié par trois l'effort d'arrachement des chevilles. Selon les calculs réalisés par ce bureau d'étude, l'effort à l'arrachement de la cheville la plus sollicitée a été estimé à 6, 350 tonnes ; que la modification de l'inclinaison des vérins, a donc eu pour conséquence d'exercer une force beaucoup plus grande sur les charnières, lesquelles se sont arrachées en quelques secondes ; qu'en acceptant, fût-ce à la demande d'un sous-traitant, de modifier la position des vérins, sans prévoir de tests complémentaires réalisés en atelier, la société BGN a commis une imprudence, laquelle est, au moins pour partie, à l'origine de la mort de Christian X... ; qu'il est permis en outre de penser que si les charnières avaient résisté quelques secondes de plus, Christian X... aurait eu le temps de sortir du silo, ou aurait seulement été blessé ; que cette imprudence a contribué à la réalisation du dommage, le jugement sera donc infirmé sur la culpabilité ; (…) ; que les imprudences et négligences commises par les sociétés Legrand, BGN, et Socotec, résident dans la réalisation de travaux en lien direct avec leur activité commerciale, ces sociétés n'ayant pas accompli des diligences normales compte tenu de la nature de leurs missions, de leurs fonctions, de leurs compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens dont elles disposaient ; que Christian X... a lui aussi commis une faute en procédant sans précaution au retrait des étais à l'intérieur de la structure, mais cette faute n'est pas la cause exclusive de l'accident et ne peut donc être exonératoire ; qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a relaxé le bureau d'étude BET SODIS, mais infirmé sur la culpabilité en ce qu'il a relaxé les sociétés Legrand, Socotec et BGN, lesquelles seront déclarées coupable des faits visés à la prévention, chacune pour ce qui la concerne ; que la société Barre Grolleau Nivault (BGN) n'a jamais été condamnée à ce jour ; que la société Legrand n'avait jamais été condamnée avant les faits du 4 juin 2009, mais figure à son casier, une condamnation du 20 mai 2010 à une amende de 2 000 euros pour des faits de réalisation de travaux de bâtiment sans remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs commis le 25 mars 2009 ; que la société Socotec a été condamnée le 13 février 2008, par le tribunal correctionnel de Montluçon pour des faits d'homicide et blessures involontaires commis le 26 mai 2004, à une amende de 15 000 euros, puis le 26 janvier 2010, par le tribunal correctionnel de Chaumont, pour des blessures involontaires suivies d'une incapacité de plus de trois mois commises le 5 septembre 2004 à une amende de 30 000 euros ; que compte tenu des avertissements déjà reçus par la société Socotec, celle-ci sera condamnée à une amende de 30 000 euros ; que la société Legrand sera condamnée à une amende de 15 000 euros ; que la société BGN sera condamnée à une amende de 10. 000 euros ; (…) ; que chacune des trois sociétés, Legrand, BGN et Socotec a contribué, également par son imprudence et sa négligence à la réalisation de l'accident ; qu'en conséquence, les sociétés Legrand, BGN et Socotec, seront condamnées in solidum au paiement de ces sommes, et dans leurs rapports entre elles, chacune à hauteur d'un tiers, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
" alors que les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'il résulte de ce texte que le juge ne peut déclarer une personne morale coupable d'une infraction sans rechercher si les manquements reprochés sont imputables à l'un de ses organes ou représentants et s'ils ont été commis pour son compte ; qu'au cas présent, les juges du fond se sont bornés à reprocher à la société Barre Grolleau Nivault d'avoir commis une imprudence en modifiant la position des vérins sans prévoir de tests complémentaires réalisés en atelier ; qu'en statuant de la sorte, sans mieux rechercher si les faits reprochés avaient été commis pour le compte de la personne morale poursuivie, par l'un de ses organes ou représentants, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer les faits établis à l'encontre de la société BGN, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors qu'il résulte de ses constatations et énonciations que M. Bernard Z..., agissant en qualité de représentant de la société BGN, pour le compte de celle-ci, a personnellement pris part à la décision de modifier l'inclinaison des vérins sans que soient réalisés des essais correspondants, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 121-2 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II-Sur le pourvoi de la société Socotec :
Sur le moyen unique de cassation, proposé par Me Bouthors, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2, 131-38, 131-39, 221-6, 221-7 du code pénal, R. 4311-5 du code du travail, 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné la Socotec du chef d'homicide involontaire tant sur l'action publique que sur l'action civile ;
" aux motifs que s'il ressort des pièces communiquées et notamment du second rapport d'expertise que sur les plans d'architecte de 2007, les charnières de fixation de la trappe étaient prévues côté trappe mais pas côté silo en béton, rien pourtant ne permet d'établir que la société BGN a modifié le point de fixation des charnières de sa propre initiative ; qu'elle a posé la trappe sur la fosse en janvier 2009 et les chevilles, agrées par le bureau d'étude Sodis ont été fixées à cette occasion ; que le couvercle de la fosse a été réalisé conformément aux prescriptions du bureau d'étude BETMI, lequel n'a émis aucune réserve et n'a pas soutenu que le plan initial n'avait pas été respecté ; que si la société BGN soutient que la modification de l'emplacement des vérins a été faite à la demande de Christian X... et que cela est sans rapport avec l'accident mortel, puisque les chevilles de fixation Fischer utilisées étaient en capacité de compenser les efforts d'arrachement induits par le fonctionnement de la trappe, il résulte toutefois clairement de l'expertise de M. Yves Burgues que les vérins ont été fixés beaucoup plus près que prévu de l'axe des charnières, ce qui a eu pour conséquence l'exercice sur celles-ci d'une force beaucoup plus grande ; que l'expert a conclu que le fait de déplacer l'axe des vérins vers les charnières de 438 mm environ du centre de gravité était bien une cause concomitante à celle de la mauvaise qualité du béton ayant engendré la chute de la trappe ; que l'expert a d'ailleurs souligné, à cette occasion, l'absence de réalisation d'essais suffisants, notamment d'essais dans des conditions de manipulation identique lesquels auraient permis de constater la fragilité des fixations des charnières ; que les essais qui ont été réalisés en atelier sont antérieurs à la modification de l'inclinaison des vérins et ces essais n'ont pas porté sur les vérins eux-mêmes, selon M. Bernard Moulene, responsable de la société BGN ; que la société BGN, sans communiquer de nouveaux plans, ni demander un avis à quiconque a décidé de remplacer les vérins prévus à l'origine, par des vérins plus courts et dont le point de fixation a été fixé beaucoup plus près des charnières ; que selon les analyses faites par le BETMI, la modification de l'emplacement des vérins aurait multiplié par trois l'effort d'arrachement des chevilles ; que selon les calculs réalisés par ce bureau d'étude, l'effort à l'arrachement de la cheville la plus sollicitée a été estimé à 6, 350 tonnes ; que la modification de l'inclinaison des vérins a donc eu pour conséquence d'exercer une force beaucoup plus grande sur les charnières, lesquelles se sont arrachées en quelques secondes ; qu'en acceptant, fût-ce à la demande d'un sous-traitant, de modifier la position des vérins, sans prévoir de tests complémentaires réalisés en atelier, la société BGN a commis une imprudence, laquelle est, au moins pour partie, à l'origine de la mort de Christian X... ; qu'il est permis en outre de penser que si les charnières avaient résisté quelques secondes de plus, Christian X... aurait eu le temps de sortir du silo, ou aurait seulement été blessé ; que cette imprudence ayant contribué à la réalisation du dommage, le jugement sera donc infirmé sur la culpabilité ; que concernant la société Socotec cette société est intervenue sur le chantier de la halle de sport en qualité de contrôleur technique (CT) et de contrôleur sécurité prévention santé sur le chantier (CSPS), selon contrat signé avec la ville de Niort en avril et mai 2006, pour des prestations respectives de 71 640 euros et de 18 837 euros portant sur l'ensemble des lots, dont les lots 1 et 7 ; que par un avenant daté du 16 janvier 2007, qu'elle a signé le 29 janvier 2007, la Socotec a accepté que les missions de contrôle technique et de coordination soient étendues à la chaufferie bois pour une prestation complémentaire de 2 250 euros HT ; qu'il est mentionné de manière expresse, dans cet avenant, qu'elle se charge pour la chaufferie d'une mission " L ", c'est à dire relative à la solidité des ouvrages et de ses éléments indissociables ; que la société Socotec a précisé, qu'en qualité de contrôleur technique, elle avait seulement pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages, qu'elle intervenait à la demande du maître d'ouvrage pour l'ensemble des problèmes relatifs à la solidité de l'ouvrage et à la sécurité des personnes, rappelant que sa mission était définie par la loi du 4 janvier 1978, par l'ordonnance du 8 juin 2005 et également par la norme NFP 03-100 ; qu'elle a indiqué, qu'en conséquence, il ne lui appartenait pas de veiller à la bonne coordination des intervenants, cet élément incombant au maître d'oeuvre et qu'il lui était impossible de détecter l'incompatibilité des deux parties de l'ouvrage dans la mesure où elle n'avait pas été avisée du changement de la qualité du béton employé ; qu'elle a soutenu qu'elle n'exerçait pas une mission de contrôle technique de la trappe du silo, celle-ci étant considérée comme une machine au sens du code du travail et comme telle, échappant à son contrôle ; qu'au terme de l'ordonnance de renvoi, il lui est reproché d'avoir par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, involontairement causé la mort de Christian X... « en ne procédant pas au contrôle des installations du silo à bois et en s'abstenant de vérifier la transmission des informations entre les entreprises Legrand et BGN » ; qu'il résulte des pièces communiquées, et particulièrement des dispositions de l'article 11 du cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique (décret n° 99-443 du 28 mai 1999), que la mission d'un contrôleur technique est décomposée en cinq phases dont notamment : l'examen des documents de conception se concrétisant par l'établissement du rapport initial de contrôle technique, l'examen des documents d'exécution et la formulation d'avis correspondant, l'examen sur chantier des ouvrages et éléments d'équipement soumis au contrôle et formulation des avis correspondants, sur le contrôle de la trappe du silo ; que la société Socotec a soutenu tout au long de l'instruction, puis devant le tribunal correctionnel et la cour qu'elle n'était pas chargée du contrôle de la trappe du silo, s'agissant d'un capot asservi électriquement et muni de vérins qui répond à la définition d'une machine, au sens du code du travail ; la DIRRECTE (inspection du travail) a effectivement considéré la trappe comme une machine, par application des dispositions du code du travail, (article R. 4311-5) estimant que le couvercle du silo correspondait à un ensemble de pièces ou d'organes liés entre eux dont au moins un était mobile et qui étaient réunis de façon solidaire en vue d'une application définie, celle d'ouvrir ou de fermer le silo ; que toutefois cet avis ne lie pas la cour ; que les deux experts désignés ont l'un et l'autre dit que le capot du silo devait être considéré comme un ouvrage de génie civil, pour lequel le contrôleur technique avait bien une mission de contrôle, et non comme une machine pour laquelle il n'avait effectivement pas à intervenir ; que selon le premier expert, le capot du silo, même mécaniquement, ne peut être considéré comme une machine, dans la mesure où il était ancré sur celui-ci dans sa partie béton ; que le deuxième expert a également indiqué que le système du capot ne pouvait s'analyser comme étant une " machine ", l'attache de la trappe faisant indubitablement corps avec tout le reste de l'ouvrage comme le garde-corps de la trappe pour lequel la société Socotec n'avait pas contesté sa compétence ; que M. Yves Burgues a précisé que si la Socotec considérait le capot du silo comme une machine, il lui appartenait alors de le faire savoir aux autres intervenants ; que des pièces communiquées, (notamment côtes D. 270, 278, 279), il résulte que la Socotec à bien émis un avis, en sa qualité de contrôleur technique en ce qui concerne les gardes corps et caillebotis du silo ; dans ces documents, elle fait référence aux plans examinés pour émettre son avis, et elle a visé « le plan BON C sur la chaufferie bois » mais aussi « le plan BGN trappe Silo », ce qui démontre qu'elle avait parfaitement connaissance des plans fournis et qu'elle les a étudiés ; que, par ailleurs, dans le cadre de sa mission de contrôleur technique, elle s'est engagée à réaliser seize visites de chantier, et elle avait connaissance dès avril 2008 du plan BETMI portant sur la fosse, le coffrage et les armatures ; que la norme NFP 03-100, que la société Socotec vise dans ses écritures et qui exclut les machines de la compétence des contrôleurs techniques, n'est applicable que si les parties ont entendu s'y référer expressément, et cette preuve n'est pas rapportée au vu des pièces communiquées, la convention versée au dossier passée entre le maître de l'ouvrage et la Socotec ne visant pas cette norme ; que la norme stipule également que son application peut être écartée par la convention des parties (l'article 4-2-7 de la Norme NFP 03-100 : le contrôleur technique n'examine pas, sauf dispositions contraires du contrat, les dispositions relatives aux espaces verts et aux aménagements extérieurs, ni celles concernant les aménagements spécifiques des activités professionnelles) ; qu'en prévoyant que la mission de contrôleur technique portait sur les ouvrages et « ses éléments indissociables », il apparaît bien que les parties n'entendaient pas exclure la trappe du contrôle, laquelle dès les plans d'origine devait être fixée sur la fosse en béton et devenait de ce fait, ouvrage par destination, ne pouvant fonctionner de manière autonome ; la Socotec se réfère également à un document établi à son nom et intitulé « conditions générales de contrôle technique », dans lequel la mission de contrôle est exclue pour les machines dont la destination est propre à l'activité exercée dans la construction » ; que ce document n'a pas été approuvé par le maître d'ouvrage, ni par aucun des intervenants à ce chantier ; que le défaut de réaction des intervenants au chantier devant l'absence d'avis de la Socotec sur la trappe dans son rapport de contrôle technique du 10 janvier 2008 ne permet pas de conclure que ces intervenants en avaient déduit que Socotec considérait le dispositif comme une machine ; que toutes les sociétés entendues (BGN, Legrand, BET SODIS, BETMI) ont aussi considéré que la trappe mobile, du fait de son ancrage dans le béton, était un ouvrage de génie civil et non une machine autonome ; que M. Christophe Prevost, ingénieur chargé de la coordination entre les architectes, le contrôleur technique et le contrôleur sécurité prévention et représentant le maître de l'ouvrage, a considéré que le couvercle du silo, faisant partie d'un ensemble bâti ne pouvait préciser en outre que la Socotec n'avait jamais signalé que la trappe ne rentrait pas dans sa mission de contrôle, alors qu'elle avait pu le faire pour solliciter une extension de mission pour d'autres ouvrages ; que M. Hervé Charletty, architecte du cabinet CRR, entendu le 31 janvier 2012, a indiqué qu'il avait reçu de la Socotec un avis partiellement favorable concernant le silo le 10 janvier 2008 et un avis suspendu et défavorable pour le garde-corps et aucune remarque sur la trappe qui était bien sur les plans ; que fin janvier, il avait reçu un avis favorable de Socotec sur l'ensemble du silo ; qu'il a considéré, lui aussi que le silo était un ouvrage de génie civil ; que M. Patrick Salgues, employé de Socotec a reconnu avoir eu pour mission de contrôler la fosse, avoir bien reçu les plans de coffrage et ferraillage, avoir reçu aussi le plan de BGN concernant la trappe ; qu'au vu de ces documents, il ne pouvait ignorer que la fosse devait être percée et qu'elle devait donc recevoir des fixations ; que s'il a précisé que les plans communiqués étaient bons, il a admis qu'aucun sondage n'avait été réalisé sur le terrain, malgré les visites de chantier ; qu'au vu de ces éléments, la société Socotec ne peut valablement soutenir qu'en acceptant par avenant, le contrôle de la chaudière à bois, elle entendait exclure de ses missions la trappe équipée de deux vérins commandés par un système hydraulique et électrique, sans qu'elle n'en avise le maître d'ouvrage ; qu'en toute hypothèse, elle a reconnu exercer cette mission de contrôleur technique en ce qui concerne la fosse en béton, les gardes corps et les caillebotis et ce sont bien les blocs de béton banché situés en haut de la fosse qui sont à l'origine de l'accident et qui n'ont pas été contrôlés ; qu'à ce titre, elle a bien failli à sa mission de contrôle ; que sur la transmission des informations entre les entreprises Legrand et BGN ; que s'il appartient au maître d'ouvrage de transmettre au contrôleur technique tout plan, renseignement, justificatif, PV d'essais et documents techniques utiles à l'accomplissement de sa mission ainsi que toutes pièces modificatives, et si le contrôleur technique n'est pas tenu de vérifier la transmission des informations entre les intervenants, il n'est pas pour autant dispensé de demander lui-même ces documents au maître de l'ouvrage où même aux entreprises concernées lorsque cela est nécessaire à l'exécution de sa mission ; que la Socotec était tenue à un examen sur chantier des ouvrages et éléments d'équipement soumis à son contrôle et elle était chargée de formuler des avis ; que possédant les plans d'exécution de la trappe, et étant chargée du contrôle de la solidité de la fosse, elle a omis de contrôler les notes de calcul et les paramètres pris en compte pour définir l'ouverture de cet ouvrage et d'émettre un avis dans le cadre de sa mission de contrôle de la solidité des ouvrages et de ses éléments indissociables, et a ainsi manqué à sa mission de coordination entre les entreprises ; que peu importe qu'elle n'ait pas été avisée de la présence de sous-traitants sur le chantier puisque le risque de chute de la trappe concernait l'ensemble des ouvriers travaillant sur la chaudière à bois, puisqu'une échelle a été montée à l'intérieur du silo par la société BGN à la demande du maître d'oeuvre et que des salariés pouvaient donc y accéder ; que si le contrôleur technique ne peut se substituer aux différents constructeurs qui procèdent chacun, pour ce qui le concerne, à l'élaboration des documents et des calculs, à la direction, la coordination, la surveillance., l'exécution et la réception des travaux qui lui sont confiés, son avis donné en sa qualité de coordinateur est cependant déterminant pour la prévention des accidents, puisqu'il permet de s'assurer non seulement que chacune des entreprises respecte son propre cahier des charges mais aussi que ceux-ci sont compatibles entre eux ; que M. Olivier A..., le premier expert, a indiqué en clôture de son rapport que s'ils ne devaient répondre qu'à leur propres contraintes, les deux ouvrages (fosse en béton et trappe métallique) avaient chacun été correctement réalisés, mais que l'origine de l'accident résultait d'une absence de communication entre des corps d'état différents ; que dans ce type de chantier, du fait de son importance, le rôle des réunions de chantier et de coordination technique est de permettre aux intervenants différents d'échanger des informations techniques ou de faire part des exigences dont les autres devront tenir compte ; que la mission du contrôleur technique est donc précisément de vérifier que les plans d'exécution et les notes de calcul de chacune des entreprises ont bien pris en compte les paramètres communiqués par les autres et que des parties d'ouvrage confiées à des corps d'état différents sont bien compatibles entre elles, et ce, même si la maîtrise d'oeuvre avait elle aussi une mission de synthèse technique entre les différents lots et devait aussi veiller aux échanges d'informations entre les entreprises ; que tenue à un examen sur le chantier (et pas seulement sur plans) des ouvrages et éléments d'équipement soumis à son contrôlé (y compris les éléments indissociables) et en négligeant de vérifier la structure du béton du second mur installé par l'entreprise Legrand alors qu'elle disposait des plans de la trappe transmis par la société Bon, la société Socotec a contribué à la réalisation du dommage ; que les imprudences et négligences commises par les sociétés Legrand, BGN, et Socotec, résident dans la réalisation de travaux en lien direct avec leur activité commerciale, ces sociétés n'ayant pas accompli des diligences normales compte tenu de la nature de leurs missions, de leurs fonctions, de leurs compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens dont elles disposaient ; que Christian X... a lui aussi commis une faute en procédant sans précaution au retrait des étais à l'intérieur de la structure, mais cette faute n'est pas la cause exclusive de l'accident et ne peut donc être exonératoire ; qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a relaxé le bureau d'étude BET SODIS, mais infirmé sur la culpabilité en ce qu'il a relaxé les sociétés Legrand, Socotec et BGN, lesquelles seront déclarées coupables des faits visés à la prévention, chacune pour ce qui la concerne ; que la société Barre Grolleau Nivault (BGN) n'a jamais été condamnée à ce jour ; que la société Legrand n'avait jamais été condamnée avant les faits du 4 juin 2009, mais figure à son casier, une condamnation du 20 mai 2010 à une amende de 2 000 euros pour des faits de réalisation de travaux de bâtiment sans remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs commis le 25 mars 2009 ; que la société Socotec a été condamnée le 13 février 2008, par le tribunal correctionnel de Montluçon pour des faits d'homicide et blessures involontaires commis le 26 mai 2004 à une amende de 15 000 euros, puis le 26 janvier 2010, par le tribunal correctionnel de Chaumont, pour des blessures involontaires suivies d'une incapacité de plus de trois mois commises le 5 septembre 2004 à une amende de 30 000 euros ;
" 1°) alors que les personnes morales à l'exception de l'Etat sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en se bornant, pour déclarer le bureau d'études coupable d'homicides involontaires sur la personne d'un artisan, lui-même imprudent, écrasé par une machine dont le contrôle n'incombait pas au bureau d'études, sans préciser si et en quoi les prétendus manquements relevés par la cour résultaient d'une abstention d'un organe ou d'un représentant de cette personne morale et s'ils avaient été commis pour le compte de celle-ci, la cour a privé sa décision de toute base légale au regard des exigences de l'article 121-2 du code pénal ;
" 2°) alors que toute « imprudence » reprochée au contrôleur technique a lieu d'être située dans le cadre strict de sa mission contractuelle ; qu'en l'état d'une mission limitée de contrôle technique excluant les machines et les dispositifs dynamiques en vertu d'une norme réglementaire (NFP 03-100. art. 4-2-7) directement applicable sauf exclusion contractuelle expresse, c'est à la faveur d'une dénaturation de la mission dévolue à Socotec qu'en l'absence d'extension contractuelle constatée, la cour a étendu la mission de contrôle au-delà de son strict objet ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la trappe constituant en outre une machine au sens de l'article R. 4311-4 du code du travail, la cour a méconnu les textes et principes visés au moyen ;
" 3°) alors qu'en l'état du défaut de transmission d'informations de deux intervenants tant au maître d'ouvrage qu'au contrôleur de sécurité et de prévention, la faute prétendue de coordination reprochée à Socotec, dont la cour affirme qu'elle aurait dû se renseigner auprès du maître d'ouvrage, est déduite d'un motif inopérant, de sorte que sur ce point encore, l'arrêt est privé de toute base légale au regard des textes visés au moyen " ;
Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, d'une part, les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;
Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable des faits qui lui sont reprochés, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se bornant à préciser qu'il se déduisait des déclarations de M. Patrick B..., employé de la société Socotec, dont elle ne relevait ni ne justifiait que ce salarié avait la qualité de représentant de cette société, que celle-ci avait failli à son obligation de contrôle, sans mieux rechercher si les faits reprochés avaient été commis, pour le compte de la personne morale poursuivie, par l'un de ses organes ou représentants au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
I. Sur le pourvoi de la société Barre Grolleau Nivault :
Le REJETTE,
II. Sur le pourvoi de la société Socotec :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la société Socotec ainsi qu'aux intérêts civils à l'égard de toutes les parties, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Poitiers, en date du 26 février 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que la société Barre Grolleau Nivault devra payer à Mmes Beatrice C..., épouse X..., Amélie X... et M. Baptiste X... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.