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13/10/2016 | FRANCE | N°15-14006

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 octobre 2016, 15-14006


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2015) que M. X..., a été engagé le 28 septembre 1995 en qualité de conducteur par la société Trans Fensch ; qu'après avoir été convoqué le 25 octobre 2010 à un entretien préalable, il a été licencié pour faute grave par lettre du 16 novembre 2010 pour des violences commises sur une passagère le 6 novembre 2008 et pour lesquelles il a été pénalement condamné ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le l

icenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié dive...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2015) que M. X..., a été engagé le 28 septembre 1995 en qualité de conducteur par la société Trans Fensch ; qu'après avoir été convoqué le 25 octobre 2010 à un entretien préalable, il a été licencié pour faute grave par lettre du 16 novembre 2010 pour des violences commises sur une passagère le 6 novembre 2008 et pour lesquelles il a été pénalement condamné ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié diverses indemnités de rupture alors selon le moyen :
1°/ qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la notion de poursuites pénales inclut nécessairement l'enquête préliminaire déclenchée en raison des faits fautifs imputables au salarié ; qu'en estimant que la prescription de l'action disciplinaire avait couru à l'encontre de la société Trans Fensch à compter du 16 janvier 2009, tout en constatant que cette date correspondait au jour de l'audition par les services de police d'un représentant de l'employeur, dans le cadre d'une enquête préliminaire déclenchée à raison des faits fautifs imputables à M. X..., la cour d'appel, qui n'a pourtant pas retenu l'existence de poursuites pénales en cours à la date du 16 janvier 2009 ayant pour effet d'interrompre la prescription de l'action disciplinaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article L. 1332-4 du code du travail ;
2°/ qu'en estimant que c'était à la société Trans Fensch qu'il revenait d'établir que la mise en oeuvre des poursuites pénales était intervenue dans les deux mois ayant suivi l'audition du représentant de l'employeur par les services de police, et en affirmant que cette preuve n'était pas rapportée, dans la mesure où « la date de la convocation de M. X... devant le tribunal correctionnel de Thionville ne peut être déterminée avec les pièces versées aux débats, le jugement ne portant pas l'indication de cette date », cependant qu'il incombait nécessairement à M. X..., qui était le destinataire de cette convocation et qui invoquait la prescription de l'action disciplinaire, d'établir que le déclenchement des poursuites disciplinaire était intervenu tardivement au regard de la date de sa convocation devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que l'ouverture d'une enquête préliminaire, qui n'a pas pour effet de mettre en mouvement l'action publique, n'est pas un acte interruptif du délai prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail ;
Et attendu qu'ayant relevé, par une appréciation souveraine des éléments qui lui étaient soumis et sans inverser la charge de la preuve, que l'employeur avait eu, lors de son audition le 16 janvier 2009 devant les services de police, une parfaite connaissance des faits reprochés au salarié, et qu'il n'était pas établi que l'exercice des poursuites pénales, par la convocation du salarié devant le tribunal correctionnel, était intervenu dans les deux mois de cette audition pour interrompre le délai de prescription, la cour d'appel en a déduit à bon droit que les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement et pour lesquels la procédure disciplinaire n'avait été engagée que le 25 octobre 2010, étaient prescrits ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Trans Fensch aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Trans Fensch à payer à la SCP Marlange et de La Burgade la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Trans Fensch.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Trans Fensch à lui verser, outre diverses sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 4.517,96 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 451,80 € brut au titre des congés payés afférents 7.529,93 € à titre d'indemnité légale de licenciement et 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié ;
AUX MOTIFS QUE dans la lettre de licenciement du 16 novembre 2010, la société Trans Fensch reproche à M. X... des actes de violence sur une passagère de l'autobus qu'il conduisait, ces faits ayant été commis le 6 novembre 2008 ; que l'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'ainsi qu'il ressort d'un procès-verbal des services de police de Florange, M. Jean Y..., qui exerce la fonction d'inspecteur principal au sein de la société Trans Fensch, a été entendu le 16 janvier 2009 par ces mêmes services sur les faits qui motivent le licenciement ; que comme l'affirme à juste titre M. X..., il doit en conséquence être constaté que la société Trans Fensch a eu connaissance de la faute imputée à M. X... le 16 janvier 2009 ; que l'engagement de la procédure disciplinaire à l'encontre de M. X..., par l'envoi d'une lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement datée du 25 octobre 2010, est ainsi intervenu après l'expiration du délai fixé par le texte précité ; que la société Trans Fensch invoque l'interruption du délai de prescription par l'exercice de poursuites pénales de la part de la victime des faits, laquelle a déposé plainte le jour même des incidents, soit le 6 novembre 2008 ; que cependant la dénonciation d'une infraction par la victime n'est pas constitutive de l'engagement de poursuites pénales au sens de l'article L.1332-4 du code du travail ; que par ailleurs, la date de la convocation de M. X... devant le tribunal correctionnel de Thionville ne peut être déterminée avec les pièces versées aux débats, le jugement ne portant pas l'indication de cette date ; que compte tenu du délai qui s'est écoulé entre la date de la révélation des faits poursuivis et celle de la première audience du tribunal correctionnel, fixée au 3 juin 2009, aucune conclusion ne peut être tirée du nécessaire respect du délai de convocation, soit quinze jours avant la date de l'audience ; qu'ainsi, la société Trans Fensch n'établissant pas que l'exercice des poursuites pénales est intervenu dans les deux mois qui ont suivi l'audition de M. Y..., la faute reprochée à M. X... par l'employeur était prescrite à la date de l'engagement des poursuites disciplinaires ; que la faute unique retenue au soutien du licenciement ne pouvant être invoquée pour justifier la décision de l'employeur, il convient de considérer que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QU' aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; que la notion de poursuites pénales inclut nécessairement l'enquête préliminaire déclenchée en raison des faits fautifs imputables au salarié ; qu'en estimant que la prescription de l'action disciplinaire avait couru à l'encontre de la société Trans Fensch à compter du 16 janvier 2009, tout en constatant que cette date correspondait au jour de l'audition par les services de police d'un représentant de l'employeur, dans le cadre d'une enquête préliminaire déclenchée à raison des faits fautifs imputables à M. X..., la cour d'appel, qui n'a pourtant pas retenu l'existence de poursuites pénales en cours à la date du 16 janvier 2009 ayant pour effet d'interrompre la prescription de l'action disciplinaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article L.1332-4 du code du travail ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QU' en estimant que c'était à la société Trans Fensch qu'il revenait d'établir que la mise en oeuvre des poursuites pénales était intervenue dans les deux mois ayant suivi l'audition du représentant de l'employeur par les services de police (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 4), et en affirmant que cette preuve n'était pas rapportée, dans la mesure où « la date de la convocation de M. X... devant le tribunal correctionnel de Thionville ne peut être déterminée avec les pièces versées aux débats, le jugement ne portant pas l'indication de cette date » (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 3), cependant qu'il incombait nécessairement à M. X..., qui était le destinataire de cette convocation et qui invoquait la prescription de l'action disciplinaire, d'établir que le déclenchement des poursuites disciplinaire était intervenu tardivement au regard de la date de sa convocation devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-14006
Date de la décision : 13/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Faute du salarié - Prescription - Délai - Interruption - Défaut - Cas

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Faute du salarié - Prescription - Acte interruptif - Ouverture d'une enquête préliminaire (non) - Portée

L'ouverture d'une enquête préliminaire, qui n'a pas pour effet de mettre en mouvement l'action publique, n'est pas un acte interruptif du délai prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail


Références :

article L. 1332-4 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 21 janvier 2015

Sur la nature de l'acte susceptible d'interrompre la prescription au sens de l'article L. 1332-4 du code du travail, à rapprocher :Soc., 12 janvier 1999, pourvoi n° 98-40020, Bull. 1999, V, n° 8 (cassation)

arrêt cité.Sur l'ouverture d'une enquête préliminaire qui n'est pas l'exercice d'une poursuite pénale au sens de l'article L. 1332-4 du code du travail, cf. :CE, 5 décembre 2011, n° 328380, mentionné aux tables du Recueil Lebon.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 oct. 2016, pourvoi n°15-14006, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Boyer
Rapporteur ?: Mme Depelley
Avocat(s) : Me Balat, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.14006
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