LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les moyens uniques des pourvois principal et incident, pris en leurs premières branches :
Vu l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner solidairement l'Office national d'Indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), M. X..., neurochirurgien (le praticien), la société Le Sou médical, son assureur ainsi que la caisse générale de sécurité sociale de Martinique à verser une provision à Mme Y... à l'issue de l'ablation le 18 avril 2007 d'une hernie discale lombaire, l'arrêt attaqué, rendu en référé, relève qu'un ensemble d'avis médicaux et l'expertise déjà réalisée, dans le cadre de la procédure de règlement amiable du litige, démontrent sans réelle contestation possible que les séquelles graves présentées par la patiente sont au moins pour partie directement rattachables à l'acte médical subi, qu'il n'y a pas d'obstacle à allouer une provision, eu égard à la gravité des conséquences dommageables, et que cette condamnation provisoire ne préjudicie pas au fond de l'affaire et au droit des parties de discuter de l'obligation à la dette et de la proportion de celle-ci entre elles en fonction de la part de faute et d'aléa thérapeutique ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ordonnait une expertise en vue de rechercher les éléments permettant d'établir les responsabilités éventuelles ou l'existence d'un aléa thérapeutique, ce dont il résultait que l'obligation mise à la charge du praticien, de son assureur et de l'ONIAM était sérieusement contestable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne solidairement l'ONIAM, M. X..., la société Le Sou médical et la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique à payer à Mme Y... une provision de 50 000 euros, l'arrêt rendu le 16 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, demandeur du pourvoi principal.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'ONIAM solidairement avec le docteur X..., la société d'assurance mutuelle Le Sou Médical et la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique à payer à madame Y... une provision de 50.000 euros ;
Aux motifs propres que l'expertise réalisée, mais avant cela un ensemble d'avis médicaux recueillis, démontrent sans réelle contestation possible que les séquelles graves présentées par la patiente sont au moins pour partie directement rattachables à l'acte médical subi ; qu'il n'y avait pas d'obstacle en l'espèce à accorder à madame Y... sans risque de répétition pour elle une provision évaluée à un montant modéré de 50.000 euros, eu égard à la gravité des conséquences dommageables, et in solidum entre l'ONIAM, et le praticien et l'assureur de ce dernier ; que cette condamnation provisoire ne préjudicie par au fond de l'affaire et au droit des parties de discuter de l'obligation à la dette et de la proportion de celle-ci entre elles en fonction de la part de faute et d'aléas [sic] thérapeutique ;
Et aux motifs, présumés adoptés, des premiers juges, que, dès lors qu'il n'existe aucune expertise au contradictoire de l'ensemble des parties ordonnée par une juridiction et que chacun s'accorde sur l'existence d'un accident médical, la demande principale est fondée et il y sera fait droit ; que, faute d'expert en neurochirurgie inscrit sur la liste de la cour d'appel de Fort-de-France, il convient, s'agissant au surplus d'une demande tendant l'établissement éventuel de la responsabilité d'un médecin, de désigner un expert inscrit sur la liste national auprès la Cour de cassation ;
Alors, de première part, que les accidents médicaux n'ouvrent droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale que lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé n'est pas engagée, que ces préjudices sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixé par décret ; qu'en ordonnant la réalisation d'une expertise destinée notamment à rechercher si un manquement aux règles de l'art pouvait être reproché et, dans cette éventualité, à déterminer les préjudices strictement imputables à ce manquement en les distinguant des conséquences normalement prévisibles de la pathologie initiale, à l'exclusion de tout état antérieur et de toute cause étrangère, à dire les circonstance de survenance du dommage, en cas d'infection, et, le cas échéant, quel acte médical ou para-médical avait été rapporté comme étant à l'origine de cette infection et par qui il avait été pratiqué, quel type de germe avait été identifié, à rechercher quel était l'origine de l'infection présentée, si cette infection était de nature endogène ou exogène, si elle avait pour origine une cause extérieure ou étrangère, quelles étaient les autres origines possibles de cette infection et s'il s'agissait de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé, à dire si les soins, investigations et actes annexes avaient été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque où ils avaient été pratiqués, à déterminer la cause du dommage et l'évaluer, et à donner tous les éléments techniques pour déterminer les éventuelles responsabilités encourues en prenant distinguant ceux qui devaient être imputés aux différents intervenants, la cour d'appel a fait ressortir l'existence d'une contestation sérieuse quant à l'existence d'un accident médical non fautif imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins et quant à l'anormalité des conséquences de cet accident ainsi qu'à son caractère de gravité requis pour que son indemnisation puisse relever de la solidarité nationale, et n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, en méconnaissance des articles 809 alinéa 2 du code de procédure civile et L. 1142-1, II, du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur ;
Alors, subsidiairement, de seconde part, que les accidents médicaux n'ouvrent droit à la réparation des préjudices du patient, au titre de la solidarité nationale donc par l'ONIAM, que lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé n'est pas engagée, que ces préjudices sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixé par décret ; qu'en constatant, par motifs propres, que l'expertise réalisée et un ensemble d'avis médicaux recueillis démontraient sans réelle contestation possible que les séquelles graves présentées par madame Y... étaient au moins en partie directement rattachables à l'acte médical subi et qu'elles étaient graves, et, par motifs présumés adoptés des premiers juges, que chacun s'accorde sur l'existence d'un accident médical, alors qu'il existait une contestation sérieuse de l'ONIAM sur le caractère non fautif de l'accident et sur l'anormalité du dommage (conclusions d'appel de l'ONIAM, p. 10 à 13), la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en méconnaissance de l'article 4 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. X... et de la société Le Sou médical, demandeurs au pourvoi incident.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'attaqué, statuant en matière de référé, d'avoir condamné solidairement le Docteur Patrick X... et la Société LE SOU MÉDICAL, ainsi que l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) et la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique, à payer à Madame Hélène Y... la somme de 50.000 euros à titre de provision, à valoir sur l'indemnisation de son préjudice ;
AUX MOTIFS PROPRES que l'expertise réalisée, mais avant cela un ensemble d'avis médicaux recueillis, démontrent sans réelle contestation possible que les séquelles graves présentées par la patiente sont au moins pour partie directement rattachables à l'acte médical subi ; qu'il n'y avait pas d'obstacle en l'espèce à accorder à madame Y... sans risque de répétition pour elle une provision évaluée à un montant modéré de 50.000 euros, eu égard à la gravité des conséquences dommageables, et in solidum entre l'ONIAM, et le praticien et l'assureur de ce dernier ; que cette condamnation provisoire ne préjudicie par au fond de l'affaire et au droit des parties de discuter de l'obligation à la dette et de la proportion de celle-ci entre elles en fonction de la part de faute et d'aléas thérapeutique ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES que dès lors qu'il n'existe aucune expertise au contradictoire de l'ensemble des parties ordonnée par une juridiction et que chacun s'accorde sur l'existence d'un accident médical, la demande principale est fondée et il y sera fait droit ; que, faute d'expert en neurochirurgie inscrit sur la liste de la cour d'appel de Fort-de-France, il convient, s'agissant au surplus d'une demande tendant l'établissement éventuel de la responsabilité d'un médecin, de désigner un expert inscrit sur la liste national auprès la Cour de cassation ;
1°) ALORS QUE le médecin n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; que le juge des référés ne peut accorder une provision à celui qui se prétend créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en condamnant néanmoins le Docteur X... et le SOU MÉDICAL à verser à Madame Y... une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, résultant des suites de l'intervention chirurgicale pratiquée par le Docteur X..., après avoir constaté qu'il était nécessaire, pour se prononcer sur la responsabilité de ce dernier, d'ordonner une mesure d'expertise destinée notamment à rechercher si un manquement aux règles de l'art pouvait être reproché et, dans cette éventualité, à déterminer les préjudices strictement imputables à ce manquement en les distinguant des conséquences normalement prévisibles de la pathologie initiale, à l'exclusion de tout état antérieur et de toute cause étrangère, à dire les circonstances de survenance du dommage, en cas d'infection, et, le cas échéant, quel acte médical ou para-médical avait été rapporté comme étant à l'origine de cette infection et par qui il avait été pratiqué, quel type de germe avait été identifié, à rechercher quelle était l'origine de l'infection présentée, si cette infection était de nature endogène ou exogène, si elle avait pour origine une cause extérieure ou étrangère, quelles étaient les autres origines possibles de cette infection et s'il s'agissait de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé, à dire si les soins, investigations et actes annexes avaient été conduits conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque où ils avaient été pratiqués, à déterminer la cause du dommage et l'évaluer, et à donner tous les éléments techniques pour déterminer les éventuelles responsabilités encourues en prenant distinguant ceux qui devaient être imputés aux différents intervenants, ce dont il résultait qu'il n'était nullement établi que le préjudice invoqué par Madame Y... était imputable à une faute commise par le Docteur X..., de sorte que l'obligation était sérieusement contestable, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 809, alinéa 2, du Code de procédure civile et L 1142-1, I, alinéa 1, du Code de la santé publique ;
2°) ALORS QUE le médecin n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; que le juge des référés ne peut accorder une provision à celui qui se prétend créancier que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; qu'en affirmant, par motifs adoptés, que chacun s'accorde sur l'existence d'un accident médical et qu'il convient en conséquence de condamner le Docteur X... et son assureur à payer une provision à Madame Y..., bien que le Docteur X... et le SOU MÉDICAL aient fermement contesté toute faute du médecin à l'origine du préjudice invoqué par Madame Y..., la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel du Docteur X... et du SOU MÉDICAL, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.