La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2016 | FRANCE | N°14-24646

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 octobre 2016, 14-24646


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 12 avril 1990 par la société Parizon, devenue la société Patrick Y... Jura, et occupant en dernier lieu le poste de responsable service après vente, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 12 juillet 2011 ; qu'invoquant un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester notamment son licenciement ; <

br>Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciemen...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 12 avril 1990 par la société Parizon, devenue la société Patrick Y... Jura, et occupant en dernier lieu le poste de responsable service après vente, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 12 juillet 2011 ; qu'invoquant un harcèlement moral, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester notamment son licenciement ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciement pour harcèlement moral, l'arrêt retient que la seule existence des avertissements des 27 novembre 2008 et 2 février 2011, dont il n'est aucunement établi qu'ils n'auraient pas été fondés et dont l'annulation n'a pas été sollicitée en justice, ne saurait permettre de présumer l'existence d'un harcèlement, que la lettre adressée au salarié le 17 mars 2011, pointant le caractère indigne de son comportement lors de l'entretien préalable ne peut davantage être considérée comme un signe de harcèlement, que les attestations des clients ne font état d'aucun fait précis dont ils auraient été témoins, mais uniquement de confidences faites par le salarié, que les parents, amis et proches de l'intéressé n'expriment dans leurs attestations que leur ressenti en réaction aux confidences faites par ce dernier, mais ne témoignent d'aucun fait précis qu'ils auraient personnellement constaté, que l'attestation de Mme Z..., affirmant que M. Y... « avait parfois un comportement irrespectueux envers M. X... » est trop vague et imprécise pour caractériser des faits précis permettant de présumer un harcèlement, que les attestations de MM. Pierre A... et Gino-Roger B..., anciens salariés de la société décrivant un comportement généralement « odieux et irrespectueux » de la hiérarchie à l'égard de l'ensemble des salariés et plus particulièrement de M. Y..., sont insuffisamment circonstanciées pour corroborer l'existence de faits précis de harcèlement, que le certificat médical établi le 9 février 2011 ayant mis le salarié en arrêt de maladie jusqu'au 20 février 2011, se contente de viser une « dépression réactionnelle », sans qu'il soit possible d'imputer cette dépression à son travail, que le docteur C... a constaté que le salarié rencontrait des problèmes psychologiques mais n'a fait que relater les doléances de celui-ci relativement au lien susceptible d'exister entre ces difficultés et le travail, que le seul fait que le docteur D... expose dans son certificat du 30 août 2011, postérieur au licenciement, que le salarié lui aurait confié dès le mois de novembre 2008 qu'il rencontrait des difficultés avec ses nouveaux patrons, ne caractérise pas en soi un comportement susceptible de constituer un harcèlement moral, que s'il paraît établi au vu des documents produits que le salarié a présenté une détresse psychologique en mai 2011 ayant nécessité des traitements médicamenteux et justifié des arrêts de travail, ces éléments ne permettent pas d'établir que son état de santé aurait été provoqué par le comportement fautif de son employeur ;
Qu'en statuant ainsi, en procédant à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande tendant à l'annulation de son licenciement pour inaptitude, l'arrêt rendu le 15 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;
Condamne la société Patrick Y... Jura aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Patrick Y... Jura et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Pascal X... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral ;
AUX MOTIFS QUE " Monsieur X... soutient que son inaptitude, à l'origine de son licenciement, est imputable à la Société Parizon en raison du harcèlement moral dont il a été victime ; qu'en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle ; qu'il appartient au salarié d'établir dans un premier temps la matérialité de faits précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
QU'en l'espèce Monsieur X... apporte les éléments suivants qui démontreraient selon lui l'existence de faits de harcèlement moral résultant d'un comportement irrespectueux de Monsieur Y..., nouveau PDG de l'entreprise depuis 2008 :
- un avertissement lui a été adressé le 27 novembre 2008, lui reprochant notamment un manquement à ses obligations de sécurisation du site suite à des vols de containers, à un accident survenu avec le véhicule de service dont les freins n'avaient pas été serrés correctement, un défaut de contrôle suffisant des heures effectuées par les employés de l'atelier ainsi que des problèmes de suivi des facturations clients ;- un second avertissement lui a été adressé en date du 2 février 2011 lui reprochant de ne pas avoir informé l'employeur dans un délai de 48 heures suite à son absence du janvier 2011, étant précisé que par lettre du 4 février 2011, Monsieur X..., tout en expliquant avoir verbalement informé la secrétaire de la concession de son absence, reconnaît que le formulaire d'arrêt de travail destiné à l'employeur a été déposé par erreur par son fils dans la boite aux lettres de la caisse primaire d'assurance maladie ;

- il se serait fait insulter par Monsieur Y... dans le bureau du service commercial du site de Dole le 9 février 2011 ; il a été convoqué le même jour à un entretien préalable à un licenciement fixé le 18 février 2011 et a été mis à pied à titre conservatoire ; le compte-rendu de l'entretien effectué par Monsieur H... conseiller syndical l'ayant assisté, reconnaîtrait que Monsieur Y... aurait utilisé des propos insultants normaux pour lui ; son employeur, par lettre du 17 mars 2011 lui a fait part de son intention de ne pas poursuivre la procédure de licenciement suite à l'entretien du 9 février 2011 en l'invitant à reprendre son poste de travail et à modifier son comportement ;- Monsieur Y... aurait eu, selon ses déclarations, un comportement agressif, menaçant et insultant tant à son égard qu'à l'égard d'autres salariés de la société ;- il a été en arrêt de maladie à compter du 9 février 2011 pour une durée illimitée alors qu'il se trouvait en état de stress intense dans le cadre d'une dépression réactionnelle ;- le médecin du travail lors de la visite de reprise du 15 juin 2011 a noté une inaptitude médicale à tout poste de l'entreprise ;- plusieurs proches, clients et anciens collègues de travail témoignent de l'existence d'un climat tendu au sein de l'entreprise et de leur impact sur sa santé physique et mentale ; cette ambiance et cet « acharnement » de Monsieur Y... à l'égard de certains employés auraient été à l'origine de multiples défections de salariés victimes d'agissements ciblés ;- Monsieur E... aurait été témoin de propos odieux et insultants de Monsieur Y... à son égard, tenus au téléphone, amplifiés par haut parleur ;- Le Docteur D..., médecin du travail, écrit le 30 août 2011 que Monsieur X... lui a confié dès le 18 novembre 2008 qu'il ne s'entendait pas avec ses nouveaux patrons, « que c'était difficile, qu'il était stressé, qu'on lui mettait la pression », et qu'il était lors de la visite de mai 2011 « en grande détresse psychologique que le salarié me dit être en rapport avec ses conditions de travail, un stress professionnel, des paroles blessantes et humiliantes délétères pour sa santé » ;- le Docteur Jean-Noël C..., dans un certificat daté du 2 septembre 2011, note que les problèmes psychologiques rencontrés par Monsieur X... sont « en rapport avec des considérations professionnelles » ;- une lettre a été adressée le 24 mai 2011 à la DIRECCTE par laquelle Monsieur X... se plaignait du mauvais comportement habituel de Monsieur Y... et de Monsieur F... " (arrêt p. 7 in fine, p. 8, p. 9 alinéas 1 à 3) ;

QUE la seule existence des avertissements des 27 novembre 2008 et 2 février 2011, dont il n'est aucunement établi qu'ils n'auraient pas été fondés et dont l'annulation n'a pas été sollicitée en justice, ne saurait permettre de présumer existence d'un harcèlement ;
QUE la lettre adressée à Monsieur X... le 17 mars 2011, pointant le caractère indigne de son comportement lors de l'entretien préalable, lui fait part de la décision de ne pas poursuivre la procédure de licenciement tout en l'invitant de façon neutre, courtoise et mesurée à reprendre son travail et à modifier son comportement ; que ce courrier ne peut davantage être considéré comme un signe de harcèlement ;
QUE Monsieur X... produit plusieurs attestations de clients de la société, témoignant du fait qu'il se serait plaint auprès d'eux du climat de travail dégradé dans l'entreprise depuis l'arrivée de Monsieur Y... à la tête de la société ; que ces clients ne font état d'aucun fait précis dont ils auraient été témoins, mais uniquement de confidences faites par Monsieur X... ;
QUE le compte-rendu de l'entretien préalable du 18 février 2011, rédigé par Monsieur Jean H... et signé par lui-même, Monsieur X... et Monsieur Y..., se contente de noter que Monsieur Y... reproche principalement au salarié ses « problèmes de comportement » l'ayant amené à prendre à son égard une mesure de mise à pied conservatoire, que « Monsieur X... a justifié son comportement par les propos que Monsieur Y... a tenu à son encontre lors de l'entretien » et que la discussion a dérivé sur des problèmes internes évoqués par le salarié « et non reconnus par Monsieur Y... » ; que ce document seul, établi de façon contradictoire fait foi de la teneur des propos échangés à ce moment ; que le compte-rendu unilatéralement établi par Monsieur H... le 18 février 2011 affirmant que Monsieur Y... aurait reconnu en sa présence lors de cet entretien avoir tenu des propos agressifs à l'égard du salarié, n'est aucunement conforme au compte-rendu contradictoire précité ; que cette attestation établie dans ces conditions est dépourvue de toute valeur probante ;
QUE Monsieur E..., affirmant être un ami très proche de Monsieur X..., affirme que ce dernier lui faisait part de son désarroi concernant l'ambiance de travail ; qu'il affirme que son camarade « a mis le haut parleur de son téléphone en fonction » afin de lui permettre de constater les « propos odieux et insultants » tenus par Monsieur Y..., à un moment non déterminé de l'année 2008 ; que Monsieur Y... lui aurait dit : « vous êtes un incapable, un mauvais, vous allez dégager... » ; que ce témoignage, outre le fait qu'il puisse être taxé de partialité, compte-tenu des liens existants entre les deux hommes, relève des propos qui auraient été tenus dans le cadre d'une conversation téléphonique privée alors que le haut parleur avait été branché par Monsieur X... à l'insu de Monsieur Y... ; qu'un tel procédé, permettant toutes sortes de manipulations, est déloyal, de sorte que la preuve ainsi obtenue est irrecevable au regard de l'article 9 du Code de procédure civile et de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen, ainsi que l'ont admis les premiers juges ; qu'il convient en outre de constater que ce témoignage ne révèle qu'un fait isolé survenu à une date non précisée ;
QUE le certificat médical établi le 9 février 2011 ayant mis Monsieur X... en arrêt de maladie jusqu'au 20 février 2011, se contente de viser une " dépression réactionnelle ", sans qu'il soit possible d'imputer cette dépression à son travail ; que le Docteur C... a constaté que Monsieur X... rencontrait des problèmes psychologiques mais n'a fait que relater les doléances de celui-ci relativement au lien susceptible d'exister entre ces difficultés et le travail ; que le seul fait que le Docteur D... expose dans son certificat du 30 août 2011, postérieur au licenciement, que Monsieur X... lui aurait confié dès le mois de novembre 2008 qu'il rencontrait des difficultés avec ses nouveaux patrons, ne caractérise pas en soi un comportement susceptible de constituer un harcèlement moral ; que si ce médecin avait considéré dès 2008 que le salarié était dans une situation de détresse psychologique pouvant être en lien avec son travail, elle n'aurait pas manqué de contacter son employeur, ce qu'elle n'a jamais fait ; que s'il paraît établi au vu des documents produits que Monsieur X... a présenté une détresse psychologique en mai 2011 ayant nécessité des traitements médicamenteux et justifié des arrêts de travail, ces éléments ne permettent pas d'établir que son état de santé aurait été provoqué par le comportement fautif de son employeur, d'autant qu'il rencontrait concomitamment des difficultés personnelles, liées à son divorce avec son épouse qui travaillait également dans la même concession ;
QUE les parents, amis et proches de Monsieur X... n'expriment dans leurs attestations que leur ressenti en réaction aux confidences faites par ce dernier, mais ne témoignent d'aucun fait précis qu'ils auraient personnellement constaté ;
QUE les attestations de Messieurs Pierre A... et Gino-Roger B..., anciens salariés de la société décrivant un comportement généralement « odieux et irrespectueux » de la hiérarchie à l'égard de l'ensemble des salariés et plus particulièrement de Monsieur Y..., sont insuffisamment circonstanciées pour corroborer l'existence de faits précis de harcèlement ; que tous deux étaient en outre susceptibles d'avoir un fort ressentiment à l'égard de leur employeur, Monsieur A... pour avoir été condamné à payer son préavis après sa démission et Monsieur B... pour avoir été licencié pour faute ;
QUE l'attestation de Monsieur Quentin G... ayant démissionné, déclarant que depuis 2008 « beaucoup de démissions au sein du groupe l'inquiétaient, les remarques permanentes de notre directeur sur la situation financière de celui-ci qui contredisent Monsieur Y... et les manques de motivations diverses … m'ont encouragé à prendre la décision de quitter cette entreprise qui ne semblait plus m'offrir d'avenir très prometteur » ne décrit aucun comportement particulier permettant de présumer l'existence d'une situation de harcèlement subie par Monsieur X... ;
QUE l'attestation de Madame Marie-Françoise Z..., affirmant que Monsieur Y... « avait parfois un comportement irrespectueux envers Monsieur X... » est trop vague et imprécise pour caractériser des faits précis permettant de présumer un harcèlement ;
QU'il n'est produit aucune pièce établissant la réalité de propos insultants ou dégradants prêtés par Monsieur X... à Monsieur Y... et qui auraient été tenus à son encontre le 9 février 2011 ;
QUE la lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 24 mai 2011 à la DIRECCTE et demeurée sans suite, signalant une dégradation des conditions de travail depuis le changement de direction en 2008, l'absence de reconnaissance de la direction pour les tâches réalisées et résultats obtenus, ainsi que l'existence de propos inadmissibles tenus à son encontre, qualifiés de dégradants, d'insultants « assimilables à du harcèlement moral » ne fait référence à aucun fait précis ;
QUE dans ces conditions, il apparaît que Monsieur X... ne produit aucun élément suffisamment circonstancié pour établir la matérialité d'éléments de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un quelconque harcèlement moral ;
QU'en outre, la Société Parizon établit par la production de nombreuses attestations d'anciens et actuels salariés de ses sociétés que Monsieur Y... entretenait des relations normales, tolérantes, courtoises et habituellement respectueuses avec ses salariés, n'hésitant pas à les aider personnellement et financièrement en cas de difficultés ; que les comportements ainsi décrits sont peu compatibles avec les reproches formés par Monsieur X... à son égard ;
QU'il est également démontré par la production d'attestations de salariés qui travaillaient sur le site de Dole en même temps que Monsieur X..., que Monsieur Y... dont le bureau se situait à Besançon-Valentin, ne venait que rarement à la concession de Dole, 2 à 3 fois par an, de sorte qu'il n'était pas en contact régulier avec lui ; qu'aucun contact n'a pu avoir lieu avec Monsieur Y... à la suite de l'arrêt de maladie ininterrompu de Monsieur X... du 9 février 2011, de sorte qu'il n'y a pu y avoir d'agissements répétés de la part de son PDG après cette date ;
QUE les éléments ainsi réunis, pris dans leur globalité, ne permettent pas dans ces conditions de considérer que Monsieur X... a fait l'objet de faits de harcèlement moral caractérisé pouvant être à l'origine de son état dépressif ; que sa demande tendant à l'annulation de son licenciement pour inaptitude du fait d'un prétendu harcèlement moral a dans ces conditions été à juste titre rejetée par les premiers juges ; que le jugement sera confirmé à cet égard (…) " (arrêt p. 9 à 11).
1°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel que Monsieur X..., embauché en 1990 et qui n'avait jamais fait l'objet de la moindre observation a, à compter de l'arrivée de Monsieur Y... à la tête de l'entreprise, fait l'objet de deux avertissements, le dernier en date du 2 février 2011, dont elle n'a pas apprécié le bien fondé ni le caractère proportionné, puis, le 9 février 2011, à la suite d'un entretien avec Monsieur Y..., d'une mise à pied conservatoire et d'une procédure de licenciement disciplinaire avec mise à pied conservatoire, abandonnée après entretien préalable au profit d'une troisième sanction notifiée par lettre du 17 mars 2011 par laquelle l'employeur " pointait son comportement indigne lors de l'entretien préalable " sans que le compte rendu de cet entretien, dont elle a retenu qu'il " faisait foi de la teneur des propos échangés à ce moment ", objective un tel comportement ; que la mise à pied conservatoire ne lui a pas été rémunérée ; que plusieurs salariés ont attesté du " comportement généralement odieux et irrespectueux " de la hiérarchie et plus particulièrement de Monsieur Y... à l'égard des salariés en général (Messieurs A..., B...) et de Monsieur X... en particulier (Madame Z...) ; que les clients de la société, les proches de Monsieur X..., et ses collègues, ont constaté la dégradation de son état psychologique, et rapporté ses confidences imputant sa souffrance au travail au climat professionnel délétère dont il était victime depuis l'arrivée de Monsieur Y... ; qu'à la suite de l'entretien tenu le 9 février 2011, Monsieur X... a bénéficié d'un arrêt de travail pour " dépression réactionnelle " et présenté un " état de détresse psychologique " lié par son médecin traitant à ses difficultés professionnelles ; que le médecin du travail, qui a également attesté de la détresse psychologique imputée par le salarié à la nouvelle direction dès novembre 2008 a en outre, à l'issue de cet arrêt de travail, établi une fiche d'inaptitude " à tout poste dans cette entreprise là " ; qu'en retenant, pour le débouter de sa demande, " que Monsieur X... ne produit aucun élément suffisamment circonstancié pour établir la matérialité de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un quelconque harcèlement moral " la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu, pour débouter Monsieur X... de sa demande, que " la seule existence des avertissements des 27 novembre 2008 et 2 février 2011, dont il n'est aucunement établi qu'ils n'auraient pas été fondés et dont l'annulation n'a pas été sollicitée en justice, ne saurait permettre de présumer existence d'un harcèlement … que la lettre adressée à Monsieur X... le 17 mars 2011, pointant le caractère indigne de son comportement lors de l'entretien préalable … ne peut davantage être considérée comme un signe de harcèlement … que [les attestations] des clients ne font état d'aucun fait précis dont ils auraient été témoins, mais uniquement de confidences faites par Monsieur X... … que les parents, amis et proches de Monsieur X... n'expriment dans leurs attestations que leur ressenti en réaction aux confidences faites par ce dernier, mais ne témoignent d'aucun fait précis qu'ils auraient personnellement constaté … que l'attestation de Madame Marie-Françoise Z..., affirmant que Monsieur Y... « avait parfois un comportement irrespectueux envers Monsieur X... » est trop vague et imprécise pour caractériser des faits précis permettant de présumer un harcèlement … que les attestations de Messieurs Pierre A... et Gino-Roger B..., anciens salariés de la société décrivant un comportement généralement « odieux et irrespectueux » de la hiérarchie à l'égard de l'ensemble des salariés et plus particulièrement de Monsieur Y..., sont insuffisamment circonstanciées pour corroborer l'existence de faits précis de harcèlement … que le certificat médical établi le 9 février 2011 ayant mis Monsieur X... en arrêt de maladie jusqu'au 20 février 2011, se contente de viser une " dépression réactionnelle ", sans qu'il soit possible d'imputer cette dépression à son travail … que le Docteur C... a constaté que Monsieur X... rencontrait des problèmes psychologiques mais n'a fait que relater les doléances de celui-ci relativement au lien susceptible d'exister entre ces difficultés et le travail … que le seul fait que le Docteur D... expose dans son certificat du 30 août 2011, postérieur au licenciement, que Monsieur X... lui aurait confié dès le mois de novembre 2008 qu'il rencontrait des difficultés avec ses nouveaux patrons, ne caractérise pas en soi un comportement susceptible de constituer un harcèlement moral … que s'il paraît établi au vu des documents produits que Monsieur X... a présenté une détresse psychologique en mai 2011 ayant nécessité des traitements médicamenteux et justifié des arrêts de travail, ces éléments ne permettent pas d'établir que son état de santé aurait été provoqué par le comportement fautif de son employeur … " ; qu'en procédant ainsi à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, alors qu'il lui appartenait de dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis, dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, et dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
3°) ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants permettant de présumer un harcèlement moral, il appartient à l'employeur de démontrer que son comportement était justifié par des éléments objectifs ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Monsieur X..., embauché en 1990 et qui n'avait jamais fait l'objet de la moindre observation a, à compter de l'arrivée de Monsieur Y... à la tête de l'entreprise, fait l'objet de deux avertissements, le dernier en date du 2 février 2011, puis, le 9 février 2011, à la suite d'un entretien avec Monsieur Y..., d'une mise à pied conservatoire et d'une procédure de licenciement disciplinaire, finalement abandonnée au profit d'une troisième sanction notifiée par lettre du 17 mars 2011 par laquelle l'employeur " pointait son comportement indigne lors de l'entretien préalable " sans que le compte rendu de cet entretien, signé par les parties, qui " faisait foi de la teneur des propos échangés à ce moment ", objective un tel comportement ; qu'il avait, à la suite de ces différents entretiens et sanctions, souffert d'une dépression réactionnelle ayant conduit à son inaptitude totale à tout poste dans " cette entreprise là ", dégradation de son état de santé imputée tant par son médecin traitant que par le médecin du travail à son environnement professionnel ; qu'en l'état de ces constatations conduisant à présumer un harcèlement moral, il incombait à l'employeur de démontrer que son comportement était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en déboutant Monsieur X... de sa demande aux termes de motifs inopérants pris de ce que " la Société Parizon établit par la production de nombreuses attestations d'anciens et actuels salariés de ses sociétés que Monsieur Y... entretenait des relations normales, tolérantes, courtoises et habituellement respectueuses avec ses salariés (…) ; que les comportements ainsi décrits sont peu compatibles avec les reproches formés par Monsieur X... à son égard ", dont il ne résulte pas que les différentes sanctions disciplinaires et les accusations de " comportement indigne " portées par l'employeur à l'encontre de Monsieur X... étaient objectivement justifiées et étrangères à tout harcèlement, la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'" en vertu des dispositions de l'article L. 1226-2 du Code du Travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;
QUE l'employeur est tenu de respecter son obligation de rechercher un reclassement alors même que le salarié serait déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur d'établir qu'il a sérieusement satisfait à son obligation de reclassement ;
QU'en l'espèce, l'inaptitude de Monsieur X... a été confirmée par le médecin du travail lors de la seconde visite en date du 15 juin 2011, dans les termes suivants : « inaptitude médicale à tout poste de cette entreprise là. Pas de solution de reclassement » ;
QUE le reclassement d'un salarié inapte doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise, l'employeur n'ayant pas l'obligation d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail afin de libérer un poste de reclassement ; que le périmètre de la recherche est celui du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la mutation de tout ou partie du personnel ;
QUE la Société Parizon justifie du périmètre de reclassement par la production d'une copie d'écran de son site internet indiquant les différentes concessions du groupe Y... et d'un organigramme des différentes sociétés ; que la Société Parizon justifie avoir adressé aux directeurs de l'ensemble de ces concessions du groupe Y... un courriel en date du 27 juin 2011 leur faisant part de la recherche d'un éventuel poste de chef d'atelier et/ ou réceptionnaire susceptible de se libérer « afin de permettre le reclassement d'un collaborateur du groupe qui n'est plus apte pour des raisons médicales à occuper ce poste » ; que ce message précisait que : « la compétence de cet homme de très grande expérience est très importante et lui permettrait d'occuper tout emploi de chef d'atelier/ réceptionnaire ou tout autre poste similaire. Merci de bien vouloir me faire un retour rapide d'un éventuel poste disponible qui pourrait se libérer ou qui est actuellement vacant. Je me tiens bien entendu à votre disposition pour tout complément d'information qui vous serait nécessaire et vous remercie par avance de votre réponse » ;
QUE cette recherche parmi les différentes sites du groupe est intervenue de façon loyale ; que chacun des directeurs a répondu négativement n'ayant aucun poste à pourvoir actuellement et n'ayant pas de projet à court ou moyen terme de modification d'effectifs ; qu'il ne peut être légitimement reproché à la Société Parizon de ne pas avoir reproduit les conclusions du médecin du travail dans le courrier envoyé aux différents établissements du groupe, dès lors que cette exigence ne résulte pas expressément du texte même de l'article L. 1226-2 du Code du Travail qui fait uniquement à (sic) la prise en compte des conclusions et des indications du médecin du travail relatives à l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que la Société Parizon justifie avoir pris en compte et appréhendé la teneur des conclusions du médecin du travail lorsqu'elle a recherché auprès des différentes sociétés du groupe l'existence d'un poste disponible ;
QU'au regard des diligences ainsi accomplies par l'employeur, Monsieur X... ne peut sérieusement prétendre que ce dernier n'aurait effectué aucune recherche sérieuse de reclassement ; qu'il ne peut en outre reprocher à ces sociétés d'avoir trop rapidement répondu à la demande de la Société Parizon, dès lors que leurs directeurs étaient évidemment en capacité de savoir s'ils avaient ou pas des perspectives de reclassement et qu'en tout état de cause l'avis du médecin du travail évoquait une inaptitude médicale à tout poste de l'entreprise, sans reclassement envisageable ;
QU'il apparaît dans ces conditions que la Société Parizon a satisfait de façon sérieuse et loyale à son obligation de recherche de reclassement en mettant en oeuvre les moyens à sa disposition au sein du groupe dont elle fait partie ; que le jugement du Conseil de prud'hommes de Dole sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect de l'obligation de reclassement (…) " (arrêt p. 11 dernier alinéa, p. 12, p. 13 alinéas 1 à 4) ;
ALORS QUE les recherches de reclassement à l'intérieur du groupe doivent être loyales et sérieuses, et prendre en compte les indications du médecin du travail ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué d'une part, que l'avis d'inaptitude du 15 juin 2011 mentionnait « inaptitude médicale à tout poste de cette entreprise là. Pas de solution de reclassement », d'autre part, que les recherches de la Société Parizon auprès des sociétés du groupe Y... ont été effectuées par courriel " leur faisant part de la recherche d'un éventuel poste de chef d'atelier et/ ou réceptionnaire susceptible de se libérer « afin de permettre le reclassement d'un collaborateur du groupe qui n'est plus apte pour des raisons médicales à occuper ce poste » ; que ce courriel ne précisait pas que l'inaptitude du salarié était limitée par le médecin du travail à la seule Société Parizon et concernait tous les postes de cette entreprise ; qu'il ne les invitait à rechercher aucun autre poste compatible avec les aptitudes et les compétences du salarié ; qu'ainsi formulée, la requête de la Société Parizon aux sociétés du groupe était la recherche d'un poste de chef d'atelier ou similaire que le salarié était médicalement inapte à occuper et ne pouvait obtenir qu'une réponse négative ; qu'en jugeant cependant que la Société Parizon " … justifi[ait] avoir pris en compte et appréhendé la teneur des conclusions du médecin du travail lorsqu'elle a recherché auprès des différentes sociétés du groupe l'existence d'un poste disponible [de sorte] qu'au regard des diligences ainsi accomplies par l'employeur, Monsieur X... ne [pouvait] sérieusement prétendre que ce dernier n'aurait effectué aucune recherche sérieuse de reclassement " la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-24646
Date de la décision : 12/10/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 15 juillet 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 oct. 2016, pourvoi n°14-24646


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.24646
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award