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06/10/2016 | FRANCE | N°15-15465

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2016, 15-15465


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 28 janvier 2015), que M. X... a été engagé en qualité de vendeur conseil à compter du 15 septembre 2010 par la société Phone clim auto (la société) ; qu'ayant fait l'objet d'une mise à pied conservatoire selon courrier du 12 janvier 2013 en raison de l'existence de faits graves au préjudice de la société, le salarié a pris acte de la rupture le 7 mars 2013, au motif qu'il ne percevait plus aucun salaire depuis le 12 janvier 2013 et a sa

isi la juridiction prud'homale le 26 avril 2013 d'une demande en requalifi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 28 janvier 2015), que M. X... a été engagé en qualité de vendeur conseil à compter du 15 septembre 2010 par la société Phone clim auto (la société) ; qu'ayant fait l'objet d'une mise à pied conservatoire selon courrier du 12 janvier 2013 en raison de l'existence de faits graves au préjudice de la société, le salarié a pris acte de la rupture le 7 mars 2013, au motif qu'il ne percevait plus aucun salaire depuis le 12 janvier 2013 et a saisi la juridiction prud'homale le 26 avril 2013 d'une demande en requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement des salaires et indemnités de rupture afférentes ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'elle est excessive, la mise à pied conservatoire constitue en réalité une sanction ; qu'en estimant, en l'espèce, que la mise à pied conservatoire de sept semaines infligée à M. X... n'était pas excessive au regard de la complexité des faits en cause, cependant qu'elle constatait que c'était le salarié lui-même qui, non rémunéré au bout de sept semaines, avait mis fin à cette période en prenant acte de la rupture de son contrat de travail et qu'elle ne relevait pas l'existence d'une quelconque procédure de licenciement mise en oeuvre à l'encontre de M. X..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la nécessité dans laquelle se serait trouvé l'employeur de prolonger la mesure litigieuse sur une période aussi longue, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1332-3 et L. 1231-1 du code du travail ;
2°/ que le salarié reste tenu du devoir de loyauté envers son employeur, même pendant la durée de suspension de son contrat de travail ; que cette obligation de loyauté interdit au salarié de se consacrer à un autre emploi durant la période de suspension ; qu'en estimant que la privation de rémunération du salarié durant la période de mise à pied conservatoire, soit sept semaines, n'était pas abusive de la part de l'employeur, au motif que le salarié aurait pu rechercher un autre emploi pendant cette période de suspension du contrat de travail, la cour d'appel a méconnu la portée de l'obligation de loyauté qui pesait sur M. X... et, en se déterminant par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1332-3 et L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l'exercice de poursuites pénales, l'employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient ;
Et attendu, ensuite, qu'ayant retenu que la mise à pied conservatoire était nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'employeur au vu des faits découverts et relevé qu'elle avait été suivie sept semaines après son prononcé de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié, la cour d'appel a pu retenir que cette durée effective de sept semaines n'apparaissait pas excessive au regard de la complexité des investigations diligentées dans le cadre d'une enquête pénale ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en l'espèce, M. X... reproche à la société Phone Clim Auto l'absence de versement du salaire depuis sa mise à pied conservatoire notifiée par lettre du 12 janvier 2013, encore en cours le 7 mars 2013, où il prend acte de la rupture du contrat de travail ; qu'une mise à pied conservatoire, qui a pour effet de suspendre l'obligation de paiement du salaire, contrepartie du travail fourni, ne peut intervenir que dans l'hypothèse où le maintien du salarié à son poste de travail est susceptible de nuire à l'entreprise et de troubler son bon ordre, la situation devant être appréciée au regard des faits à l'origine de cette mesure ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier qu'au début du mois de janvier 2013, à la suite de la réclamation d'un client, d'une part, et d'une alerte du comptable de la société, d'autre part, il est apparu des manipulations de contrats et de factures, susceptibles d'impliquer directement M. X..., qui avait à chaque fois eu affaire avec le client concerné ; que les recherches opérées par la société Phone Clim Auto avant le dépôt de plainte du 23 janvier 2013 lui ont permis de présenter aux services de police des éléments précis (date de facture, circonstances, coordonnées de clients, facturettes de cartes de paiement...) à partir desquels une enquête préliminaire a été diligentée ; que par ailleurs, l'employeur a décrit dans le détail différents modes opératoires, dont il résulte une suspicion sérieuse de manoeuvres frauduleuses préjudiciables, s'agissant de détournements de paiements en espèce, de disparition de téléphones portables pourtant déclarés remis ou repris au client sur les factures ou les contrats de réengagement, de manipulations croisées de paiement par carte bancaire, dont l'un concerne directement une amie proche de M. X..., ou encore de souscriptions irrégulières d'abonnement de téléphonie mobile au nom de personnes fichées comme interdites d'une telle démarche en raison d'antécédents de défauts de paiement ; qu'il a aussi constaté que M. X... était intervenu à tel ou tel stade de chacune des opérations suspectes ; qu'interrogé, celui-ci s'est borné à nier en bloc toute implication, au motif que le logiciel utilisé par la société permet à quiconque de modifier une facture déjà émise ; qu'à ce stade, l'employeur, qui ne pouvait pas avoir la preuve irréfutable de fautes commises par le salarié, tout en justifiant de soupçons sérieusement étayés, d'autant que les manipulations mises à jour ne concernaient pas uniquement des modifications de factures, devait attendre le retour des premières investigations policières engagées depuis le dépôt de plainte sur des faits pouvant recevoir une qualification pénale ; qu'il résulte des pièces versées au dossier de la société, notamment la liste informatique des opérations suspectes, avec leur date, leur origine, les coordonnées des clients, ainsi que les caractéristiques des irrégularités constatées, que ces investigations supplémentaires, qui s'imposaient, devaient prendre quelque temps, s'agissant par exemple d'entendre des clients, rechercher des personnes ayant pu souscrire auprès de M. X... un abonnement qui leur était pourtant interdit, ou encore étant mêlées à un échange de ticket de carte bancaire permettant de bénéficier à peu de frais d'un appareil coûteux, certaines de ces personnes apparaissant faire partie de l'entourage personnel du salarié ; qu'il suit de là, d'abord, que la mise à pied conservatoire du salarié était nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, au vu des faits découverts par l'employeur, dès lors que M. X... ne pouvait pas exercer son activité sans avoir accès au logiciel de facturation et à l'encaissement et, ensuite, que la durée effective de sept semaines (et donc moins de deux mois, et non pas plus de deux mois, comme l'ont retenu à tort les premiers juges) écoulée entre le prononcé de la mise à pied et la fin du contrat de travail rompu par prise d'acte du salarié n'apparaît pas excessive au regard de la complexité des investigations diligentées dans le cadre d'une enquête pénale ; qu'il importe en effet de rappeler que, contrairement à ce qui est argumenté en défense, les manquements de l'employeur s'apprécient au jour de la prise d'acte, qui arrête la connaissance qu'en a le salarié pour prendre sa décision de rompre le contrat, et non au regard du cours ultérieur des événements ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que la mise à pied conservatoire, qui a certes privé M. X... de sa rémunération par la société Phone Clim Auto, mais non de la possibilité d'exercer tout emploi, contrairement à ce qu'il déclare, vu l'absence de clause contractuelle d'exclusivité ou de non concurrence, ne présente pas un caractère abusif de nature à imputer la rupture du contrat de travail à l'employeur ; que la prise d'acte produit ici les effets d'une démission ;
ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'elle est excessive, la mise à pied conservatoire constitue en réalité une sanction ; qu'en estimant en l'espèce que la mise à pied conservatoire de sept semaines infligée à M. X... n'était pas excessive au regard de la complexité des faits en cause (arrêt attaqué, p. 5, alinéa 6), cependant qu'elle constatait que c'était le salarié lui-même qui, non rémunéré au bout de sept semaines, avait mis fin à cette période en prenant acte de la rupture de son contrat de travail et qu'elle ne relevait pas l'existence d'une quelconque procédure de licenciement mise en oeuvre à l'encontre de M. X..., la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la nécessité dans laquelle se serait trouvé l'employeur de prolonger la mesure litigieuse sur une période aussi longue, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.1332-3 et L.1231-1 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le salarié reste tenu du devoir de loyauté envers son employeur, même pendant la durée de suspension de son contrat de travail ; que cette obligation de loyauté interdit au salarié de se consacrer à un autre emploi durant la période de suspension ; qu'en estimant que la privation de rémunération du salarié durant la période de mise à pied conservatoire, soit sept semaines, n'était pas abusive de la part de l'employeur, au motif que le salarié aurait pu rechercher un autre emploi pendant cette période de suspension du contrat de travail (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 1er), la cour d'appel a méconnu la portée de l'obligation de loyauté qui pesait sur M. X... et, en se déterminant par une motivation inopérante, a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1332-3 et L.1231-1 du code du travail.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 28 janvier 2015


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 06 oct. 2016, pourvoi n°15-15465

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Composition du Tribunal
Président : M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Ortscheidt

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 06/10/2016
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15-15465
Numéro NOR : JURITEXT000033212335 ?
Numéro d'affaire : 15-15465
Numéro de décision : 51601720
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2016-10-06;15.15465 ?
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