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05/10/2016 | FRANCE | N°16-84484

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 octobre 2016, 16-84484


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jacques X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE en date du 23 juin 2016, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de Haute-Garonne sous l'accusation de viols et agressions sexuelles aggravés ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rap

porteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guicha...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jacques X...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de TOULOUSE en date du 23 juin 2016, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de Haute-Garonne sous l'accusation de viols et agressions sexuelles aggravés ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Drai, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DRAI, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-23, 222-24, 222-27, 222-28, 222-29-1 du code pénal, 214, 215, 591 et 593 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, défaut de base légale ;
"il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant renvoyé l'accusé devant la cour d'assises de Haute-Garonne et, la complétant, d'avoir qualifié les faits d'incestueux et fait courir la période de commission des agressions sexuelles à compter de décembre 2013 ;
"aux motifs qu'il est constant et reconnu que M. X... a pratiqué sur sa fille de nombreux attouchements et actes de pénétration, ces derniers essentiellement sous forme anale ; que même si M. X... a, à plusieurs reprises, semblé admettre que les faits qu'il a commis correspondaient, pour ceux comportant des actes de pénétration, à des viols (« J'ai conscience d'avoir commis une faute, un crime » cote D 145, ou encore « je sais qu'en droit on appelle ça un viol mais ce n'était pas du tout ça dans mon esprit » cote D 316), il reste qu'il a soutenu, y compris devant le juge d'instruction, qu'il s'agissait d'une sorte d'initiation sexuelle, que Valentina X... lui disait que cela lui faisait du bien et qu'il était content de donner du plaisir à sa fille ; qu'il décrit en fait des scènes purement sexuelles auxquelles sa fille Valentina, qui avait encore 12 ans lors des premiers faits, aurait participé en les appréciant ; que de fait, il existe donc un débat sur le fait que les actes pratiqués aient été commis par violence, contrainte, menace ou surprise ; que de plus, à supposé (sic) admis que Valentina X... n'ait pas été consentante, il est soutenu que M. X... s'est mépris sur la situation et n'a pas perçu l'absence de consentement ; que, sur les conditions de violence ou de menace, aucun des éléments du dossier ne fait apparaître que des violences aient été pratiqués (sic) ou que des menaces aient été exercées par M. X... pour obtenir des faveurs sexuelles de sa fille ; que, sur la condition de surprise, la relation faite par M. X... des conditions dans lesquelles les faits ont débuté entre lui, adulte de 45 ans, et Valentina, sa fille âgée de 12 ans et demi, illustre parfaitement l'analyse exposée par le docteur Y..., expert psychiatre, qui indique dans son rapport que, « à aucun moment il ne peut s'identifier au vécu de l'enfant, justifiant constamment son comportement attribué à l'enfant, projetant sur lui ses propres désirs et ses propres motivations en les lui attribuant, enfermé dans un narcissisme protecteur… » ; que pour une adolescente de 12 ans, fragilisée par la séparation de ses parents, en période, de manière tout à fait normale, d'interrogations par rapport à la sexualité, que son propre père exerce sur elle des actes clairement sexuels, assumés comme tels, dans un premier temps sous forme d'attouchements, correspond à une situation de surprise pour l'enfant, ce dont avait pleinement conscience son père, lequel a toujours admis que ses actes sur Valentina n'étaient absolument pas ceux que peut avoir un père sur sa fille ; que les premiers attouchements sexuels pratiqués par M. X... sur sa fille Valentina paraissent dès lors avoir été pratiqués par surprise ; que, sur la condition de contrainte, la loi du 8 février 2010, en insérant dans le code pénal un article 222-22-1, n'a pas modifié fondamentalement le droit applicable concernant la notion de contrainte, le (sic) jurisprudence ayant, depuis longtemps admis qu'une contrainte morale pouvait être retenue pour caractériser l'agression sexuelle ou le viol ; que cette loi a souligné que, dans le cadre de l'appréciation « in concreto » qui devait toujours être faite par le juge, la différence d'âge entre une victime et un auteur ou encore la situation d'autorité exercée par l'auteur sur la victime, pouvaient être utilisées, quand bien même, une circonstance aggravante pouvait découler de l'une ou de l'autre de ces situations ; qu'il convient effectivement de rapporter au cas d'espèce les éléments objectifs qui transparaissent au travers du dossier, à savoir un auteur de 45 ans, père de la possible victime âgée de 12 ans et demi, pour apprécier si, dans le cadre des relations spécifiques qui existaient entre M. X... et sa fille Valentina, ces notions de différence d'âge et d'autorité, complétées le cas échéant par tout autre élément qui serait considéré comme ressortant du dossier, pouvaient caractériser une contrainte morale ; que M. X... invoque, de manière assez floue, une sorte de transfert qu'il aurait opéré sur sa fille, de la relation qu'il avait jusque-là avec sa femme, dont il se trouvait privé depuis la séparation ; que cependant, c'est de manière pleinement consciente qu'il a positionné sa fille, adolescente de 12 ans, en substitut de sa mère, y compris pour satisfaire ses besoins sexuels personnels qu'il ne pouvait plus satisfaire avec sa femme ; qu'il exprime d'ailleurs, illustrant l'égocentrisme pointé par les experts, l'apport gratifiant qu'il tirait de cette situation : « C'est la nouvelle femme de ma nouvelle vie. Je lui ait (sic) dit cela en 2013, j'adore être avec elle. Je suis fier d'être avec elle » (cote D 69) ; qu'en positionnant sciemment comme la remplaçante de sa mère sa fille Valentina, M. X... a installé une relation d'emprise sur cette dernière, relation dans le cadre de laquelle il a délibérément, sous couvert d'un alibi d'éducation sexuelle qu'il savait pertinemment être inadmissible et insoutenable, instauré une relation incestueuse comportant des actes sexuels complets, avec pénétration, actes commis en conséquence sous la contrainte morale mise en place dans le cadre de cette relation d'emprise ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'ordonnance dont appel doit être confirmée, sauf à rajouter la qualification d'incestueux aux viols et agressions sexuelles objets de la mise en accusation, découlant du nouvel article 222-31-1 du code pénal résultant de l'article 44, d'application immédiate, de la loi du 14 mars 2016, et sauf à élargir la période des agressions sexuelles à partir de décembre 2013 ;
"1°) alors que, si la chambre de l'instruction apprécie souverainement, au vu des faits, l'existence des charges, elle ne peut prononcer une mise en accusation devant la cour d'assises que si les faits dont elle est saisie réunissent, conformément aux exigences des articles 214 et 215 du code de procédure pénale, tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'aux termes de l'article 222-22 du code pénal, toute agression sexuelle doit, pour être constituée, être caractérisée par l'absence totale de consentement de la victime résultant d'une violence, contrainte, menace ou surprise ; que la surprise consiste à surprendre le consentement de la victime, qui n'a pas conscience de ses propres actes ou de ceux qu'elle subit ; qu'exception faite des très jeunes enfants, la surprise ne peut se déduire du seul âge de la victime ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a considéré que les « premiers attouchements sexuels pratiqués par M. X... sur sa fille Valentina paraissent avoir été pratiqués par surprise », car lesdits attouchements ont eu lieu alors qu'elle était « une adolescente de 12 ans fragilisée par la séparation de ses parents » et « en période d'interrogations par rapport à sa sexualité » ; qu'en se prononçant ainsi, en omettant de relever d'autres éléments de fait susceptibles de caractériser la surprise, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a statué par des motifs insuffisants et a privé sa décision de base légale ;
"2°) alors que, si la chambre de l'instruction apprécie souverainement l'existence des charges, elle ne peut prononcer une mise en accusation devant la cour d'assises que si les faits dont elle est saisie réunissent, conformément aux exigences des articles 214 et 215 du code de procédure pénale, tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'aux termes de l'article 222-22 du code pénal, toute agression sexuelle doit, pour être constituée, être caractérisée par l'absence totale de consentement de la victime résultant d'une violence, contrainte, menace ou surprise ; que la contrainte morale consiste, soit en une menace, soit en une pression à l'aide de promesses ou dons ; qu'en considérant que les faits d'agressions sexuelles commis par M. X... sur sa fille l'ont été sous la contrainte morale mise en place dans le cadre d'une emprise résultant du positionnement de sa fille en tant que remplaçante de sa mère, sans préciser en quoi le transfert opéré par le père sur sa fille de la relation perdue avec son ex-épouse constituait une pression ou une menace, et alors même que, sans contrainte morale, les faits reprochés à M. X... devaient être qualifiés d'atteintes sexuelles ne justifiant pas le renvoi devant la cour d'assises, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs insuffisants et a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, pour renvoyer M. X... devant la cour d'assises sous l'accusation de viols et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans par ascendant légitime, l'arrêt retient que M. X... s'est livré sur sa fille Valentina X..., âgée de 12 ans lors des premiers faits et jusqu'à l'âge de 14 ans, à des abus sexuels ; que les juges ajoutent que, si la violence n'est pas établie, la surprise puis la contrainte morale, découlant de la différence d'âge entre les intéressés, sont également caractérisées par le fait que la mineure était fragilisée par la séparation de ses parents et en période, de manière tout à fait normale, d'interrogations par rapport à la sexualité ; que la cour retient enfin que M. X... a établi une emprise sur Valentina X... en la plaçant sciemment comme la remplaçante de sa mère sous couvert d'un alibi d'éducation sexuelle ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a caractérisé les circonstances dans lesquelles M. X... aurait commis des viols et agressions sexuelles aggravés ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq octobre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-84484
Date de la décision : 05/10/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, 23 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 oct. 2016, pourvoi n°16-84484


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.84484
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