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29/09/2016 | FRANCE | N°15-17577

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 septembre 2016, 15-17577


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc. 7 mars 2012, n° 10-21231), que M. X... a été engagé par la société Peugeot Citroën automobiles le 7 octobre 1996 en qualité d'ingénieur cadre ; qu'il a été affecté à un poste de responsable satisfaction client et formation, à Marseille, de fin 2005 au 30 juin 2007 ; qu'au terme de cette période, il a été affecté à un poste de chef de projet offre de fidélisation à Paris ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir

la résiliation judiciaire de son contrat et la condamnation de son employeur ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (Soc. 7 mars 2012, n° 10-21231), que M. X... a été engagé par la société Peugeot Citroën automobiles le 7 octobre 1996 en qualité d'ingénieur cadre ; qu'il a été affecté à un poste de responsable satisfaction client et formation, à Marseille, de fin 2005 au 30 juin 2007 ; qu'au terme de cette période, il a été affecté à un poste de chef de projet offre de fidélisation à Paris ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat et la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de paiement des primes de mobilité alors, selon le moyen, qu'il faisait valoir que la mission de six mois à Marseille qui lui avait été confiée en décembre 2005 avait été transformée en août 2006 en mutation, le poste lui ayant été définitivement attribué par suite du départ de la salariée qu'il remplaçait initialement, et qu'il n'avait pas quitté ce poste par suite de l'expiration de cette mission provisoire mais après dix-huit mois, en raison de réorganisation de l'entreprise de sorte que la prime de mobilité lui était due à la fois au titre de sa mutation de Paris à Marseille en 2006 et au titre de sa mutation de Marseille à Paris en 2007 ; qu'en se bornant à relever qu'il résultait de la lettre d'affectation de décembre 2005 que M. X... n'avait pas à l'époque fait l'objet d'une mutation administrative, sans rechercher si l'affectation temporaire pour une mission de six mois ne s'était transformée en une affectation définitive, de sorte que M. X... avait finalement été muté de Paris à Marseille, puis, en 2007, de Marseille à Paris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code du travail et L. 2261-13 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la lettre d'affectation du salarié à Marseille et les modalités selon lesquelles il y a accompli sa tâche, a estimé que celui-ci n'y avait pas fait l'objet d'une mutation, mais seulement d'une mission de longue durée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1154-1, L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4 du code du travail ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral, la cour d'appel retient que parmi les faits dénoncés par celui-ci, ne sont avérés que la modification de son contrat de travail, la perte des attributs attachés à ses responsabilités antérieures, la dégradation matérielle de ses conditions de travail et de santé ; que si ces éléments font présumer un harcèlement moral, ils sont étrangers à tout harcèlement dès lors qu'ils sont la conséquence des nouvelles fonctions confiées au salarié à la suite de la suppression de son poste ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cour d'appel a, parallèlement, constaté d'une part que le nouveau poste auquel le salarié avait été affecté sans son accord constituait une modification du contenu de son contrat de travail ayant fait perdre au salarié certaines des responsabilités attachées à la direction d'une équipe et à la relation avec la clientèle, ainsi que des facilités matérielles attachées à ces responsabilités, ce qui justifiait la demande de résiliation de son contrat de travail et d'autre part que, nonobstant les préconisations du médecin du travail, l'employeur n'avait pas remédié à l'inadaptation des nouvelles conditions de travail du salarié, manquant ainsi à son obligation de sécurité, ce dont il résultait que les éléments qu'elle avait écartés comme non établis pour contribuer à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral étaient avérés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande indemnitaire au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt rendu le 4 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Peugeot Citroën automobiles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Patrick X... de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral qu'il a subi,

AUX MOTIFS QUE l'abondante correspondance électronique qui a été échangée entre M. X... et son supérieur hiérarchique ne met en évidence aucune pression sur le travail ou la réalisation d'objectifs dont le caractère irréalisable n'est pas avéré, ni brimades, mépris, traitement particulier, dévalorisation ou mise à l'écart, mais plutôt une attitude négative du salarié en réaction au désintérêt que lui inspirent ses fonctions ; que parmi les faits dénoncés par le salarié et précédemment énumérés, ne sont avérés, à la lecture des pièces produites de part et d'autre et ainsi qu'il vient d'être exposé, que les faits de modification du contrat de travail imposée dans les conditions précédemment décrites, de perte des attributs attachés aux responsabilités antérieures et de dégradation matérielle des conditions de travail, lesquels ont conduit à une dégradation de l'état de santé ainsi qu'il résulte des pièces médicales produites et de la correspondance qui a été échangée entre l'employeur et le médecin du travail, qui a préconisé un aménagement du poste de travail de M. X... ; que si ces faits font présumer un harcèlement moral, la société PCA justifie qu'ils étaient étrangers à tout harcèlement moral, étant la conséquence des nouvelles fonctions confiées au salarié à la suite de la suppression de son poste de responsable satisfaction client ; que c'est en effet en raison de la fermeture de sa direction régionale de Marseille et de la suppression consécutive du poste de M. X... qu'elle a dû lui trouver un nouveau poste comme elle l'a fait pour tous les autres salariés de la direction régionale de Marseille ; que c'est parce que le nouveau poste de M. X..., sédentaire, ne nécessitait plus l'usage d'un véhicule de fonction, d'un téléphone et d'un ordinateur portable et d'une carte de crédit qu'elle a supprimé ces attributs ; que le nouveau lieu de travail qui lui a été offert était attaché à ces nouvelles fonctions et à la configuration différente des locaux parisiens ; que le harcèlement moral n'est donc pas avéré ;

1° ALORS QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'existence du harcèlement moral peut être présumée dès lors que M. X... a été affecté à un poste de « chef de projet offre de fidélisation » impliquant un changement de son lieu de travail de Marseille à Paris, l'attribution d'un poste sédentaire et non plus mobile, la perte des fonctions managériales qu'il exerçait jusqu'alors, la perte de toute fonction en contact avec la clientèle, l'attribution de tâches techniques dont il n'était pas investi auparavant, et la perte de ses avantages matériels antérieurs (véhicule, téléphone, ordinateur), ce qui avait entraîné une dégradation de son état de santé ayant conduit le médecin du travail à requérir un aménagement de poste ; que pour dire que ces faits sont étrangers à tout harcèlement moral, la cour d'appel retient seulement qu'ils sont la conséquence des nouvelles fonctions attribuées au salarié par suite de la suppression de son ancien poste ; qu'en statuant ainsi, sans constater que la société PCA rapportait la preuve que sa décision de proposer à M. X... le poste de « chef de projet offre de fidélisation » à l'exclusion de tout autre et de ne pas lui proposer de poste similaire à ses fonctions antérieures au moment de la suppression de son ancien poste, ni ultérieurement, était justifiée par des éléments objectifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2° ALORS QUE le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié ; que pour exclure tout harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que seule la modification du contrat de travail imposée à M. X... peut faire présumer l'existence du harcèlement moral, mais que celle-ci est justifiée par la suppression de son poste antérieur ; qu'en statuant ainsi, sans prendre en compte les autres faits dénoncés par M. X..., lequel faisait valoir que la société PCA avait, lors de la suppression de son ancien poste, volontairement tardé à lui présenter une offre de reclassement et l'avait incité au départ, qu'il lui avait été proposé un poste à Paris, avec un préavis de seulement dix jours, sans l'informer de son contenu, et sans aucune aide matérielle pour organiser son déménagement, que par la suite il avait été privé de la possibilité de se voir attribuer un autre poste, ses demandes de mutation étant systématiquement rejetées, cependant qu'aucune faute ou insuffisance professionnelle ne pouvait lui être reprochée et que son état de santé requérait un aménagement de son poste, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande de paiement des primes de mobilité,

AUX MOTIFS QU ‘ il résulte de la lettre d'affectation de M. X... sur le poste de Responsable satisfaction client à Marseille que celui-ci n'a pas fait l'objet d'une mutation administrative sur ce poste ; qu'il se trouvait en mission de longue durée ; que son affectation à compter du 1er juillet 2007 sur le poste de chef de projet offre de fidélisation à Paris n'était pas non plus une mutation administrative, étant consécutive à la fin de sa mission de longue durée à Marseille ; que cette lettre d'affectation prévoit que M. X... devait bénéficier d'une prime journalière d'éloignement prévue à la norme RH Missions de longue durée, qu'il a effectivement perçue pendant son séjour à Marseille ; qu'aux termes de la norme DDRH Mobilité dont il se prévaut pour revendiquer le bénéfice et le paiement de primes de mobilité et d'installation ainsi que les frais de déménagement, ces primes et frais de déménagement ne sont dus au salarié qu'en cas de mutation administrative ; que M. X... qui était en mission de longue durée ne peut y prétendre ;

ALORS QUE M. X... faisait valoir que la mission de six mois à Marseille qui lui avait été confiée en décembre 2005 avait été transformée en août 2006 en mutation, le poste lui ayant été définitivement attribué par suite du départ de la salariée qu'il remplaçait initialement, et qu'il n'avait pas quitté ce poste par suite de l'expiration de cette mission provisoire mais après dix-huit mois, en raison de réorganisation de l'entreprise de sorte que la prime de mobilité lui était due à la fois au titre de sa mutation de Paris à Marseille en 2006 et au titre de sa mutation de Marseille à Paris en 2007 ; qu'en se bornant à relever qu'il résultait de la lettre d'affectation de décembre 2005 que M. X... n'avait pas à l'époque fait l'objet d'une mutation administrative, sans rechercher si l'affectation temporaire pour une mission de six mois ne s'était transformée en une affectation définitive, de sorte que Monsieur X... avait finalement été muté de Paris à Marseille, puis, en 2007, de Marseille à Paris, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code du travail et L. 2261-13 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15-17577
Date de la décision : 29/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 sep. 2016, pourvoi n°15-17577


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.17577
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